CA Grenoble, 8 janvier 2002, n° 00/00501
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Falletti-Haenel
Conseillers :
Mme Kueny, M. Vignal
Avoués :
Selarl Dauphin & Neyret, SCP Calas
Avocats :
Me Bale Stas, Me Mompoint
Le 1er février 2000, M. X a interjeté appel d’un jugement du Tribunal de grande instance de Grenoble en date du 2 décembre 1999 qui l’a débouté de sa demande dirigée contre Mme Y et l’a condamné à payer à celle-ci la somme de 6.000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
M. X demande à la Cour :
- de reformer le jugement,
- de débouter Mme Y de ses prétentions,
- de dire qu’il s’est forme entre eux une société de fait,
- de procéder à la liquidation et au partage des intérêts pécuniaires, sur le fondement de l’article 1844-9 du Code civil,
- de condamner Mme Y à lui payer la somme de 10.000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il expose qu’il a vécu en concubinage avec Mme Y, de juin 1986 à août 1996 ; qu’il a abandonné son activité d’artisan-maçon en mars 1988 pour venir s’installer à Saint-Marcellin avec Mme Y ; que celle-ci a acquis un débit de boissons en avril 1988 ; qu’il a travaillé dans cet établissement jusqu’en décembre 1994 ; qu’ils ont acquis divers biens immobiliers, et qu’il s’est consacré à la rénovation de ceux-ci ; qu’il a repris une activité de plombier en janvier 1995.
Il soutient qu’il a existé une société de fait entre Mme Y et lui-même.
Il fait valoir :
- que l’intention de s’associer peut résulter de la situation de concubinage ; que le fait qu’il était marie justifie de la raison pour laquelle Mme Y a été amenée à acheter seule le fonds de commerce de bar-restaurant, un appartement et une maison d’habitation ;
- que c’est dans le but de s’associer à l'exploitation du fonds de commerce qu’il a cessé définitivement son activité d’artisan et qu’il s’est installé à Saint-Marcellin avec Mme Y ;
- qu’il a fait des apports en nature et en Industrie ; qu’il a apporté la somme de 70.000 F lors de l’acquisition du fonds de commerce ; qu’il a souscrit avec Mme Y un prêt de 250.000 F, remboursé par le couple par un compte commun ; que le fonds de commerce a été acquis pour la somme de 350.000 F ; que la différence a été réglée par les fonds de M. X ;
- qu’il a contribué à la constitution du patrimoine immobilier au nom de Mme Y ; qu’une somme reçue lors de la succession de sa mère, a été investie dans les biens de Mme Y ; que pour l’acquisition d’un immeuble situé <adresse 1>, un emprunt a été contracté ; qu’il a effectué seul les travaux de sanitaires et de toiture ; que l’immeuble situé <adresse 2> a été financé en grande partie par de l’argent propre provenant de l’héritage de sa mère ;
- qu’ils ont eu la volonté de s’associer aux pertes et aux bénéfices de la société de fait ; qu’ils avaient plusieurs comptes bancaires ou d’épargne communs ; qu’il a participé au fonctionnement du fonds de commerce ; qu’il a cessé son activité pour travailler pour le compte du fonds, sans percevoir de rémunération ; que son travail a permis le développement du fonds, de faire des économies et de constituer un patrimoine immobilier.
Sur la demande reconventionnelle de Mme Y, il demande à la Cour de confirmer le jugement ce qu’il a débouté celle-ci de sa réclamation. Il conteste avoir emporté le mobilier. En outre, elle a reconnu lui avoir cédé à titre gratuit un fourgon dont elle était propriétaire le 7 décembre 1996. Elle ne justifie pas d’un quelconque préjudice.
Mme Y conclut à la confirmation du jugement. Elle forme appel incident et demande la condamnation de M. X à lui payer la somme de 80.000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 12.000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle rappelle :
- que lorsque M. X a cessé son activité d’artisan, elle a procédé au règlement de diverses sommes qu’il restait devoir différents organismes ; qu’elle a entretenu M. X qui se limitait à avoir des activités de loisirs ;
- que le fonds de commerce de bar-restaurant étant déficitaire, M. X a dû reprendre une activité en 1995 ;
- qu’après leur séparation en 1996, elle est partie rejoindre sa fille ; qu’à son retour, elle a constaté que M. X s’était installé dans un appartement dont elle avait fait seule l’acquisition ; que M. X a prétendu à un partage et conserver un appartement ou réclamer de fortes sommes ; qu’il est parti après 18 mois d’occupation, en emportant des meubles et un véhicule.
Elle fait valoir :
- que M. X était marié et que sa femme est décédée en 1992 ; que contrairement à ce qu’il soutient, il n’a pas tout abandonné pour venir vivre avec elle ; qu’il avait des titres de propriété, un appartement à Lyon et une maison ;
- que M. X a choisi d’arrêter sa profession pour ne plus avoir à travailler, de sorte que l’intention de s’associer était inexistante ;
- que la somme de 67.000 F est la seule que M. X a versée pendant 8 ans ; qu’elle était destinée à sa nourriture, son entretien et son hébergement ;
- qu’elle a acquis seule le fonds de commerce, au moyen de la vente d’un premier fonds qu’elle exploitait à Lyon ;
- que les acquisitions immobilières à Saint-Marcellin ont été faites en son seul nom, et les emprunts bancaires ont été souscrits et garantis par elle seule ;
- que M. X prétend faussement avoir perçu après le décès de sa mère une somme de 100.000 qu’il aurait investie dans l’acquisition de l’appartement de-Saint-Marcellin ; que la mère de celui-ci est décédée en 1993 alors que les appartements étaient déjà acquis ;
- que M. X prétend de façon mensongère avoir travaillé pour Mme Y ;
- que les éléments de preuve qu’elle produit démentent les prétendus travaux de rénovation qui auraient été faits par M. X.
MOTIFS DE L’ARRET
Attendu que l’existence d’une société de fait suppose la réunion des éléments constitutifs d’une société énumérés à l’article 1832 du Code civil ; que selon ce texte, "la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter d’une entreprise commune des biens ou leur Industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter"', que l’alinéa 3 précise que “les associés s’engagent à contribuer aux pertes".
Attendu que le 24 février 1988, Mme Y a fait seule l’acquisition d’un fonds de commerce de café-restaurant au prix de 350.000 F, financé à hauteur de 250.000 F au moyen d’un prêt d’un montant de 250.000 F, non versé aux débats, et dont on ne sait qui l’a souscrit et qui l'a remboursé ;
Que M. X, qui soutient avoir participé au remboursement de ce prêt, n’en rapporte pas la preuve ;
Qu’il ne démontre pas davantage avoir apporté la somme de 70.000 F lors de l’acquisition du fonds de commerce par Mme Y ; que celle-ci reconnait seulement un versement de 67.000 F ; que cependant il ne résulte d’aucune pièce que cette somme ait servi à financer pour partie l'achat du fonds ; qu’il ne produit aucun relevé bancaire ou de caisse d’épargne établissant qu’il a effectué des apports en argent ;
Attendu que Mme Y a acquis seule en 1990 une maison d’habitation, puis en 1992, une autre maison d’habitation ;
Que M. X n’établît pas non plus que la somme de 100.000 F qu’il aurait perçue de l’héritage de sa mère aurait été investie dans l'achat des biens, propriété de Mme Y ;
Attendu que tant la participation de M. X à des travaux de restauration d’un bien immobilier appartenant à Mme Y que sa présence dans le café-restaurant, pour assurer le service du comptoir, ou en qualité d’“animateur pour la distraction des clients " au billard, au jeu de boules ou aux jeux de cartes, ne suffisent pas à caractériser l’existence d’un apport en industrie au sens de l’article 1832 du Code civil ;
Attendu que les premiers juges, ont relevé à juste titre que M. X et Mme Y n’ont rien acquis en commun, que M. X ne s’est pas engagé, même comme caution, qu’il n’a pas démontré avoir investi des deniers personnels dans les biens acquis par Mme Y seule, qu’il ne démontré pas avoir participé à la gestion du fonds de commerce ;
Qu’il n’établît ni n’avoir partagé les bénéfices, en profité de l’économie, ni avoir contribué aux pertes ;
Que c’est à bon droit que le Tribunal, qui a relevé l’absence de l’intention de s’associer, a débouté M. X de sa demande ;
Attendu que Mme Y, qui prétend que M. X est parti avec un “camping-car" d’une valeur de 20.000 F, produit un acte par lequel elle a cédé en 1996 le véhicule à titre gratuit à M. X ;
Qu’en ce qui concerne le mobilier que M. X aurait emporté, le Tribunal a justement relevé que son existence n’était pas établie ;
Qu’enfin, c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté la demande d’indemnisation au titre de l’occupation d’un appartement ; que Mme Y ne démontre pas que cette occupation s’est faite contre son gré, afin de faire pression sur elle et obtenir des sommes importantes à titre de partage ;
Que Mme Y sera déboutée de sa demande reconventionnelle ;
Attendu enfin qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme Y des frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
CONDAMNE M. X à payer en cause d’appel à Mme Y la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
CONDAMNE M. X aux dépens d’appel avec application au profit des avoues qui en ont fait la demande des dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.