Cass. 3e civ., 19 mars 1986, n° 84-11.396
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monégier du Sorbier
Rapporteur :
M. Gautier
Avocat général :
M. de Saint-Blancard
Avocat :
MM. Hennuyer et Ryziger
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 décembre 1983) que la Société Parisienne d'Achats Textiles (S.P.A.T.), locataire de locaux à usage commercial en vertu d'un bail interdisant toute sous-location, a consenti avec l'autorisation spéciale des bailleurs, une sous-location à la société Clery 43, pour une durée de 12 mois non renouvelable, à compter du 1er septembre 1977 ; que cette sous-location a été renouvelée pour une durée de 11 mois à compter du 30 août 1978 par la S.P.A.T. sans que celle-ci sollicite l'autorisation des bailleurs ; que la société Etude Strichard, devenue propriétaire des locaux par acte du 28 avril 1978, a fait délivrer à la S.P.A.T. le 8 février 1979 une mise en demeure, avec rappel de la clause résolutoire inscrite au bail, d'avoir à faire cesser la sous-location non autorisée, puis la sous-location n'ayant pas cessé dans le délai de la mise en demeure, l'a assignée aux fins d'expulsion ; que l'ordonnance de référé du 16 mai 1979, qui avait fait droit à la demande de la société Etude Strichard, a été réformée, après avoir été exécutée, par un arrêt du 24 novembre 1980 ; que la S.C.I. du Sentier, devenue propriétaire des locaux par acte du 2 avril 1979, a assigné la SPAT aux fins de constatation de la résiliation de plein droit du bail à compter du 9 mars 1979, et, subsidiairement, aux fins de prononcé de la résiliation du bail ;
Attendu que la S.C.I. du Sentier fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en résiliation judiciaire du bail, alors, selon le moyen, " que d'une part, l'arrêt attaqué en ne précisant pas à quelle date l'ordonnance de référé du 16 mai 1979 avait reçu éxécution ne met pas la Cour de cassation en mesure de vérifier s'il y avait eu effectivement un manquement par le locataire à l'interdiction de sous-louer et pendant combien de temps si bien qu'il peut se voir reprocher un défaut de motifs et une violation de l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile, et alors, d'autre part, qu'à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du bail, la S.C.I. du Sentier se prévalait non seulement d'une sous-location irrégulière, mais aussi de la cessation d'activité dans les lieux et d'un changement de destination des lieux par le locataire et que l'arrêt attaqué en ne s'expliquant pas sur ces deux derniers manquements expressement invoqués a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 458 du Nouveau Code procédure civile " ;
Mais attendu qu'en relevant que la situation illicite avait cessé peu de temps après l'acquisition de l'immeuble par la S.C.I. du Sentier le 2 avril 1979 par suite de l'exécution de l'ordonnance d'expulsion de la SPAT, la Cour d'appel a souverainement apprécié la gravité des motifs invoqués par la bailleresse à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire du bail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action de la SCI du Sentier, propriétaire de l'immeuble depuis le 2 avril 1979, tendant à faire constater la résiliation de plein droit du bail de la SPAT à compter du 9 mars 1979, date d'expiration du délai imparti par la mise en demeure notifiée le 8 février 1979, l'arrêt attaqué énonce que la SCI du Sentier ne peut en l'absence de subrogation conventionnelle se prévaloir des griefs que son vendeur pouvait avoir à l'égard du locataire ni bénéficier d'une résiliation de plein droit qui suppose pour être effective et exécutoire une vérification judiciaire que la S.C.I., devenue propriétaire après la mise en demeure, n'a pas qualité pour solliciter ; qu'en statuant ainsi, alors que la résiliation d'un bail en vertu d'une clause résolutoire intervenant de plein droit à l'expiration du délai visé à la mise en demeure, la S.P.A.T. était depuis le 9 mars 1979 devenue occupante sans droit ni titre des locaux vendus à la SCI du Sentier et que celle-ci était fondée à poursuivre son expulsion, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a débouté la SCI du Sentier de son action en résiliation de plein droit du bail et l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 20 décembre 1983, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Reims