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Décisions

Cass. 3e civ., 18 février 1998, n° 95-20.594

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Dupertuys

Avocat général :

M. Sodini

Avocats :

SCP Rouvière et Boutet, Me Vuitton

Reims, ch. civ., 1re sect., du 6 sept. 1…

6 septembre 1995

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 6 septembre 1995), qu'à la suite de l'action en bornage introduite par M. X..., ayant fait l'objet d'une décision rendue le 26 janvier 1989, les époux Z... ont assigné les époux X... en revendication d'une parcelle située en limite de leurs propriétés respectives ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "1°/ que la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre aux conclusions de M. X... faisant valoir que l'action en bornage est mixte;

que si elle participe de l'action personnelle entre voisins, elle tient aussi de l'action réelle, puisqu'à travers elle, le voisin réclame ce qui fait partie de son héritage et n'est pas "déconnectée des considérations de propriété puisqu'il s'agit d'une action réelle immobilière pétitoire";

que l'action en bornage a pour objet de faire déterminer les limites de propriété de chacun d'après les titres ou les droits résultant de la prescription et que l'action en bornage par laquelle M. X... a commencé son action, s'est transformée, au cours de huit années de procédure, en action en revendication au regard des contestations de propriété soulevée comme moyens de défense par les intimés, si bien que la cour d'appel a finalement tranché définitivement à travers son arrêt du 26 janvier 1989 la question de l'étendue du droit de propriété sur les parcelles litigieuses, dans des conditions ne pouvant être remises en cause sans violation de la chose jugée (défaut de réponse à conclusions, article 455 du nouveau Code de procédure civile);

2°/ que l'action en bornage est une action réelle immobilière pétitoire et que l'arrêt viole, en toute hypothèse, l'autorité de chose jugée s'attachant à l'arrêt antérieur du 26 janvier 1989 fixant les limites séparatives des fonds, dans la mesure où il modifie à nouveau les limites et les surfaces des parcelles Jolly-Thiébault dans des conditions telles que cela remet en cause le bornage définitif antérieur, entre les mêmes parties, au point que sont ordonnés la remise des lieux en l'état, le déplacement du mur séparatif initial et la réinstallation de l'ensemble des plantes existantes, sous astreinte (violation des articles 1350, 1351 du Code civil)" ;

Mais attendu que l'instance en bornage précédemment introduite par M. X... n'ayant pas tranché la question de la propriété posée dans l'instance actuelle, c'est à bon droit que la cour d'appel, répondant aux conclusions, sans violer les dispositions de l'article 1351 du Code civil, a, par motifs propres et adoptés, retenu que l'arrêt rendu le 26 janvier 1989, passé en force de chose jugée, ne faisait pas obstacle à l'exercice de l'action en revendication dont elle était saisie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "1°/ que l'arrêt dénature les termes du litige en s'appuyant sur les investigations de l'expert Y... "commis, selon lui, en première instance", et "sur les trois expertises judiciaires diligentées en première instance" bien qu'aucune expertise n'ait été ordonnée en première instance, les trois expertises ayant été ordonnées dans le cadre du litige en bornage auquel l'arrêt refuse toute autorité (dénaturation des termes du litige, articles 4, 5 du nouveau Code de procédure civile, 1134 du Code civil);

2°/ que l'arrêt est entaché de manque de base légale caractérisé, dans la mesure où, saisi d'une action en revendication, il prétend la prescription trentenaire acquise au vu des investigations de trois experts commis dans un litige antérieur en bornage tranché par un arrêt distinct du 26 janvier 1989, auquel il dénie toute autorité (manque de base légale, articles 4, 9 du nouveau Code de procédure civile, 1315 du Code civil);

3°/ que l'arrêt ne pouvait retenir une prescription trentenaire -en écartant la nécessité de rechercher l'éventualité d'une prescription abrégée de dix ans- sans préciser, en dernier lieu, la date retenue comme point de départ de cette prescription et les motifs dictant la référence à cette date (manque de base légale :

articles 2217 et suivants, 2262 du Code civil) ;

4°/ que la cour d'appel ne pouvait dénier que l'assignation du 25 novembre 1981, "aux fins d'examen des titres de propriété des parties et du tracé de la limite séparative des deux fonds", fût-elle assortie d'une demande de bornage, et ayant finalement conduit à une analyse des titres de propriété dictant la solution de l'arrêt du 26 janvier 1989, ait eu un effet interruptif de prescription (violation des articles 2219 et suivants, 2244, 2262 du Code civil)" ;

Mais attendu qu'ayant constaté que, sur la portion de terrain revendiquée par les consorts X..., il existait une clôture et un bâtiment léger, lesquels n'étaient pas implantés sur la parcelle que M. A... a cédé à M. X... le 11 février 1952, que ces ouvrages figuraient déjà sur un plan de 1937 et que la limite séparative telle que l'invoquaient les époux Z... procédait d'un bornage réalisé en 1937, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation, abstraction faite d'un motif surabondant, que la prescription trentenaire se trouvait acquise, et a légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.