Cass. com., 7 janvier 1997, n° 94-19.057
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Poullain
Avocat général :
M. Mourier
Avocat :
SCP Le Bret et Laugier
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a promis à M. Lamarque de lui céder, ou de céder à toute personne morale qu'il se substituerait, 2 500 parts sociales de la Sarl Cabinet X..., devenue depuis lors la société Cabinet Y... puis la société des contrôles techniques de l'Ouest (la société SCTO), contre un certaine somme et l'engagement de lui assurer, jusqu'au jour de sa retraite, un minimum de 80 missions par mois pour lesquelles il percevrait 45 % des honoraires et frais facturés toutes taxes comprises; que la cession a été conclue au profit de la société Sofigest, représentée par M. Y..., son gérant; que l'engagement de lui confier des missions n'ayant pas été exécuté, M. X... a assigné M. Lamarque et les sociétés Sofigest et STCO pour obtenir leur condamnation à lui payer des dommages-intérêts; que les défendeurs ont demandé à la cour d'appel de surseoir à statuer jusqu'à la décision du juge pénal sur la plainte avec constitution de partie civile formée par M. Lamarque contre M. X... et, subsidiairement, de déclarer inopposables à M. Lamarque des arrêts rendus entre M. X... et les sociétés Sofigest et SCTO, de prononcer la nullité ou la résolution de la cession aux torts de M. X... et à sa condamnation à des dommages-intérêts;
Sur le premier moyen pris en sa première branche ;
Vu l'article 4 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le juge civil doit surseoir à statuer lorsque la décision à intervenir sur l'action publique est susceptible d'exercer une influence sur la solution du litige qui lui est soumis;
Attendu que, pour rejeter la demande de sursis à statuer de M. Lamarque et des sociétés Sofigest et SCTO faisant valoir que M. X... était poursuivi au pénal pour s'être rendu coupable d'escroquerie ou d'abus de biens sociaux en obtenant des société Sofigest et SCTO des avantages dépourvus de contreparties, l'arrêt retient que les faits faisant l'objet de la procédure pénale en cours sont sans rapport direct avec le litige actuellement soumis à la cour d'appel;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans dire pourquoi les faits reprochés à M. X... ne pouvaient pas avoir d'influence sur les demandes en nullité ou en résiliation de la cession à ses torts ou sur la mise en jeu de la responsabilité des sociétés Sofigest, SCTO et de M. Lamarque pour inexécution de cette convention, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé;
Sur le deuxième moyen pris en sa première branche :
Vu les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que, pour condamner M. Lamarque, la société SCTO et la société Sofigest à payer des dommages-intérêts à M. X... et M. Lamarque à garantir le paiement de ces condamnations, l'arrêt retient que par ses arrêts du 8 mars 1989 et du 21 juin 1989, la cour d'appel a jugé que l'acte de cession était opposable dans son intégralité à la société Sofigest ainsi qu'à la société SCTO, laquelle se trouvait solidairement tenue des conséquences de l'obligation qu'elle avait accepté d'assumer, et qu'ainsi il était définitivement jugé que l'inexécution de leur obligation de confier 80 missions par mois à M. X... devait se résoudre en, dommages-intérêts;
Attendu qu'en opposant aux défendeurs à une action en responsabilité pour inexécution d'une obligation contractuelle des arrêts rendus, l'un sur une demande en paiement de prestations, alors que les demandes dont elle était saisie n'avaient pas le même objet, non plus que la même cause, que celles sur lesquelles elle avait précédemment statué, l'autre dans une procédure de référé, alors que les demandes portées devant elle étaient des demandes au principal, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
Sur le deuxième moyen pris en sa seconde branche ;
Vu les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que, pour condamner M. Lamarque, en son nom personnel, à garantir à M. X... le paiement des dommages-intérêts auquel sont condamnées les sociétés SCTO et Sofigest, l'arrêt retient que les arrêts du 8 mars 1989 et du 21 juin 1989 lui sont opposables, M. Lamarque ayant été partie ou représenté au jugement puisqu'il a représenté en tant que gérant et associé la société Sofigest et la société Cabinet Y... devenue société SCTO;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de chose jugée ne peut être opposée qu'à une demande entre les mêmes parties, sur la même cause et sur le même objet, conditions qui toutes manquaient, dès lors que M. Lamarque n'était pas intervenu personnellement aux précédentes instances, la cour d'appel a violé les textes susvisés;
Sur le deuxième moyen pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil, ensemble l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966;
Attendu que, pour condamner M. Lamarque, "à raison de son comportement abusif et injustifié sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle", à garantir à M. X... le paiement des dommages-intérêts auquel il condamne les sociétés SCTO et Sofigest, l'arrêt retient qu'il n'est pas sérieusement contestable qu'en application de l'article 52 de la loi du 24 juillet 1966, M. Lamarque, gérant de ces sociétés, étant intervenu à la convention du 17 mai 1986, il est responsable pour n'avoir pas exécuté loyalement les conditions particulières relatives aux missions qui devaient être confiées à M. X... et qu'intervenu personnellement lors du projet de cession du 28 mars 1986 il était seul au courant de la teneur des statuts de la société Sofigest déposés le 16 mai 1986 et, ainsi, ne pouvait ignorer que les stipulations de la convention du 17 mai 1987 relatives aux missions engageaient nécessairement la société SCTO;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans relever aucune circonstance établissant que M. Lamarque eût commis une faute extérieure à l'établissement ou à l'exécution du contrat conclu entre les sociétés dont il était gérant et M. André X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.