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Décisions

Cass. 2e civ., 4 juin 2009, n° 08-11.129

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gillet

Rapporteur :

M. Moussa

Avocat général :

M. Mazard

Avocats :

Me Spinosi, SCP Gaschignard, SCP Richard

Paris, du 22 nov. 2007

22 novembre 2007

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 2007), qu'une sentence arbitrale déclarée exécutoire en France, intervenue entre la République du Congo et la société Groupe Antoine Tabet (la société GAT), a, notamment, ordonné à cette société de donner, dans les quinze jours de sa notification, à la société Total E & P Congo (la société TEP Congo) des instructions écrites irrévocables de verser sur le compte séquestre à ouvrir par les parties auprès du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris toute somme excédant le montant de 16.007.146,81 euros que la société TEP Congo pourrait être amenée à devoir payer à la société GAT en exécution d'une décision judiciaire rendue par une juridiction nationale suisse ; que le recours en annulation dirigé contre cette sentence a été rejeté par un arrêt du 11 mai 2006 ; qu'après avoir été déboutée par un jugement du 11 juin 2004, confirmé par un arrêt du 10 mars 2005, puis par un jugement du 3 août 2006, de ses demandes tendant à assortir la sentence d'une astreinte, la République du Congo a saisi un juge de l'exécution d'une demande aux mêmes fins ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société GAT fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'à ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement et non dans ses motifs ; que, statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à une décision définitive, le juge ne doit prendre en considération que ce qui a été décidé dans le dispositif concernant la demande portant sur la même chose, fondée sur la même cause et opposant les mêmes parties prises en la même qualité ; qu'en l'espèce, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre ayant déjà statué, dans son jugement du 3 août 2006, sur la demande de la République du Congo d'assortir la sentence arbitrale du 8 décembre 2003 d'une astreinte de 100 000 euros par jour de retard à l'égard de la société GAT, la cour d'appel de Paris, saisie d'une demande identique opposant les mêmes parties, qui a constaté que la décision précédemment rendue avait débouté dans son dispositif la République du Congo de sa demande, ne pouvait dénier à ce dispositif l'autorité de la chose jugée en s'appuyant sur les motifs qui rappelaient que la République du Congo avait déjà formé la même demande devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris et qu'elle en avait été déboutée ; que la cour d'appel, en se déterminant comme elle l'a fait, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations au regard des articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

2°/ que, si une circonstance nouvelle peut priver une décision rendue de l'autorité de la chose jugée à l'égard de la demande dont une autre juridiction est ultérieurement saisie, encore faut-il que cette circonstance ne soit pas effectivement survenue ni n'ait été connue des parties à l'époque où le juge s'est prononcé, pour la première fois, sur la demande ; que, en l'espèce, la société GAT faisait valoir, dans ses conclusions, que le fait que la cour d'appel de Paris avait rejeté, par un arrêt du 11 mai 2006, son recours en annulation de la sentence arbitrale du 8 décembre 2003 était connu lors de l'instance devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre par la République du Congo qui en avait d'ailleurs fait état dans ses écritures ; qu'en considérant que le rejet du recours suspensif contre la sentence partielle constituait un fait nouveau venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice entre les parties aux termes du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris du 11 juin 2004, confirmé par la cour d'appel de Paris le 10 mars 2005, sans rechercher s'il s'agissait encore d'un fait nouveau lorsque le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre avait été saisi de la même demande et l'avait rejetée par un jugement du 3 août 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

3°/ que tout jugement a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que la demande tendant à assortir d'une astreinte la décision rendue par un autre juge obligeant le juge de l'exécution à prendre une décision sur un élément contentieux, tenant au bien-fondé de la mesure sur laquelle s'opposent les parties, le jugement statuant sur cette demande est revêtu à cet égard de l'autorité de la chose jugée ; qu'en décidant cependant que les décisions qui ne faisaient que rejeter la demande d'astreinte n'avaient pas autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les décisions ayant rejeté les demandes d'astreinte n'avaient pas l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société GAT fait grief à l'arrêt de statuer comme il le fait, alors, selon le moyen :

1°/ que, le juge de l'exécution ne peut assortir d'une astreinte que l'exécution d'une obligation présentant un caractère exécutoire ; que le caractère exécutoire ne peut être reconnu à une décision rendue par le tribunal arbitral qu'à la condition que cette décision ait été approuvée par la CCI et sous réserve de toutes voies de recours susceptibles d'être engagées à son encontre, que de surcroît une ordonnance de procédure rendue par un tribunal arbitral pour déterminer les modalités d'exécution d'une sentence arbitrale n'a pas elle-même valeur exécutoire ; qu'en l'espèce, la sentence arbitrale du 8 décembre 2003, tout en ordonnant une mesure conservatoire provisoire par versement de sommes, à partir d'un certain seuil, sur un compte séquestre à ouvrir, renvoyait, pour sa mise en oeuvre, à une ordonnance de procédure qui a été rendue le 11 décembre suivant ; qu'en assortissant l'injonction faite par la sentence arbitrale d'une astreinte de 100 000 euros par jour de retard, quand cette injonction ne pouvait être mise en oeuvre indépendamment de l'ordonnance de procédure en déterminant les modalités, la cour d'appel qui a implicitement reconnu à l'ordonnance de procédure une valeur exécutoire au même titre qu'une sentence arbitrale, a violé l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991 ;

2°/ que l'astreinte dont le juge de l'exécution peut assortir une décision rendue par un autre juge ne peut avoir que pour objet le respect de la mesure ordonnée par celle-ci ; que, en l'espèce, la sentence arbitrale du 8 décembre 2003 a ordonné à la société GAT de donner des instructions écrites irrévocables de verser sur un compte séquestre à ouvrir auprès du bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris, conformément aux dispositions de l'ordonnance de procédure qui sera prise, toute somme excédant le montant de 16 007 146,81 euros que la société TEP Congo pourrait être amenée à devoir payer à la société GAT en exécution d'une décision judiciaire rendue par une juridiction nationale suisse ; que la mesure ordonnée ne concernant que le paiement, par la société TEP Congo, de sommes que celle-ci serait amenée à devoir à la société GAT, l'instruction devant alors lui être donnée de les verser sur le compte séquestre, elle ne saurait commander à la société GAT de donner ordre au tiers saisi de remettre les sommes au séquestre désigné ; qu'en envisageant pourtant cette hypothèse, non visée par la sentence arbitrale du 8 décembre 2003, pour justifier la nécessité d'assortir cette décision d'une astreinte, la cour d'appel a de plus fort violé l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991 ;

Mais attendu que l'arrêt se borne à assortir d'une astreinte la seule sentence arbitrale exécutoire, dont il n'était pas prétendu qu'elle ne pouvait pas être mise en oeuvre indépendamment de l'ordonnance de procédure ; que dès lors, le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.