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Décisions

CA Paris, 2e ch. B, 12 septembre 2002, n° 1997/02409

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Kamara

Conseillers :

M. Laurent-Atthalin, Mme Le Gars-Stone

Avoués :

SCP Monin, Me Fanet-Serra-Ghidini

Avocats :

Me Liefard, Me Nguyen Guenee, Me Thirion, Selarl Vital Volkringer

TGI Melun, du 21 nov. 2000, n° 1997/0240…

21 novembre 2000

Mlle X et M. Y ont vécu en concubinage de 1973 à 1996. Une fille est née de leur union en 1975.

M. Y a acquis, le 12 octobre 1982, une maison d’habitation située à Evry-Grégy-sur-Yerre (Seine-et-Marne), moyennant le prix de 450 000 F. Cette acquisition a été financée au moyen d’un apport personnel de M. Y d’un montant de 106 000 F et d’un prêt de 360 000 F contracté auprès de la société Nancéenne de Crédit Varin-Bamier, Mlle X s’étant portée caution solidaire de l’emprunteur.

Cette maison est devenue le siège de l’activité artisanale de couvreur exercée par M. Y.

Mlle X exerçait une activité salariée indépendante de M. Y.

M. Y et Mlle X ont acquis, le 25 août 1989, un terrain situé à Évry-Grégy-sur-Yerre moyennant le prix de 60 000 F reçu par moitié par chacun.

Le 13 juin 1997, Mlle X a fait assigner M. Y afin de voir constater l’existence d’une société de fait entre eux. Elle a, en outre, réclamé à ce dernier 50 000 F à titre de dommages-intérêts en raison des conditions vexatoires dans lesquelles leur rupture était intervenue.

Par jugement du 21 novembre 2000, le tribunal de grande instance de Melun a :

- débouté Mlle X de ses demandes,

- débouté M. Y de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- débouté les parties de leur demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamné Mlle X aux dépens.

Mlle X a relevé appel et conclut à l'infirmation du jugement en faisant valoir que, grâce à son salaire qui était plus élevé que les revenus de M. Y, elle assumait les dépenses courantes de la famille et l’entretien courant de la maison, qu’elle s’est portée caution du prêt contracté par M. Y et qu’ils avaient ouvert un bancaire commun, et qu’il résulte de la réunion de ces éléments qu’une société de fait s’était créée entre eux.

Elle réclame 7 622 a titre de dommages-intérêts au motif que M. Y a engagé à son encontre une procédure d’expulsion de maison qu’ils avaient occupée pendant vingt ans et que M. Y lui dénié tout droit sur un patrimoine qu’ils ont constitué ensemble.

Enfin, elle sollicite 2 287 en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

M. Y requiert la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté Mlle X de ses demandes et demande à la Cour de l'infirmer en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts et il réclame 3 000 à ce titre, outre 1 500 en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

CECI EXPOSE, LA COUR :

Considérant, en droit, que le contrat de société exige des parties, outre la volonté de s’associer et l’apport de biens ou d’industrie, l’intention de collaborer sur un pied d’égalité à la poursuite de I’oeuvre commune et de contribuer aux pertes ;

Considérant que la seule cohabitation prolongée de concubins ne peut suffire à faire apparaitre entre eux une société ;

Que la maison dans laquelle les concubins ont résidé a été acquise par M. Y qui en réglé le prix d’acquisition à hauteur de 106 000 F avec des deniers personnels, Mlle X ne démontrant pas avoir participé au règlement de l’apport réalisé par M. Y, et au moyen d’un prêt de 360 000 F contracté par M. Y seul et qu’il a remboursé avec des fonds provenant de son activité artisanale ;

Que Mme X fait valoir qu’il n’aurait pas été mesure de rembourser cet emprunt avec ses seuls revenus si elle n’avait pas avec son salaire assuré les dépenses de fonctionnement du foyer, ses revenus étant nettement supérieurs à ceux déclarés par M. Y ;

Que, cependant, la comparaison entre le montant des salaires perçus par Mlle X et le montant des revenus déclarés par M. Y montre que, jusqu’en 1993, M. Y a réalisé un bénéfice supérieur aux gains de Mlle X ou voisin de ceux-ci et que ce n’est que pendant les trois dernières années de leur vie commune que les salaires de cette dernière ont été supérieurs aux revenus de M. Y, étant observé, de surcroit, que le montant des revenus de M. Y dont fait état Mlle X correspond aux revenus déclarés par M. Y et qu’il pouvait déduire de ses revenus professionnels une partie des dépenses liées à l’acquisition et 0 l'entretien de la maison dans l’annexe de laquelle il avait installé le siège de son activité de couvreur, de sorte que ses revenus réels étaient supérieurs à ses revenus imposables;

Que, si Mlle X a reçu la plus grande partie des dépenses courantes du foyer, cette circonstance est insuffisante à établir l'existence d’apports, dès lors qu’en contrepartie, elle était logée sans avoir à acquitter un loyer, étant observé, au surplus qu’aucune comptabilité précise n’est versée aux débats par Mlle X qui ne démonte pas, ainsi, qu’elle consacrait la totalité de ses revenus à l'entretien de M. Y ;

Considérant que Mlle X fait encore valoir qu’elle aurait manifesté son intention de participer aux pertes en se portant caution de l’emprunt contracté par M. Y ;

Que, toutefois, le seul fait de se porter caution ne peut à lui seul caractériser une intention de s’associer aux pertes dès lors que la caution dispose d’un recours contre l'emprunteur défaillant ;

Qu’une telle intention aurait nécessité que Mlle X se portât co-emprunteur du prêt souscrit par M. Y ;

Considérant que le fait pour Mlle X et M. Y d’avoir ouvert un compte joint ne peut pas davantage constituer la preuve d’une volonté de s’associer à une entreprise ;

Que M. Y et Mlle X n’ont jamais travaillé ensemble, M. Y étant artisan et Mlle X salarié dans une entreprise distincte ;

Que M. Y se chargeait les dépenses de logement et Mlle X les dépenses courantes du foyer ;

Qu’une telle répartition des dépenses est insuffisante à caractériser une société qui suppose non seulement de vivre ensemble et de partager les dépenses de la vie courante, mais suppose une volonté de s’associer dans la réalisation d’une entreprise ;

Que, pour ces motifs et ceux adoptés des premiers juges, le jugement qui a débouté Mlle X de ses demandes fondées sur l'existence d’une société de fait sera confirmé ;

Considérant que Mlle X sollicite des dommages-intérêts à raison des conditions dans lesquelles s’est produite la rupture de ses relations avec M. Y ;

Mais considérant que le seul fait de rompre une relation, même prolongée, de concubinage n’est pas, en soi, constitutif d’une faute ;

Que M. Y ait assigné Mlle X en expulsion de sa maison, et qu’il a été fait droit à sa demande ;

Que cette demande, qui a été formulée cinq mois après que M. Y s’était séparé de Mlle X ne présentait pas un caractère abusif et qu’au surplus, Mlle X a bénéficié d’un délai d’un an pour lui permettre de se reloger ;

Que le jugement qui l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts sera confirmé ;

Considérant que M. Y ne démontre pas avoir subi un préjudice que lui aurait causé la procédure engagée par Mlle X ;

Considérant que les circonstances de la cause ne commandent pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement,

Rejette toute autre demande,

Condamne Mlle X aux dépens d’appel et dit que ceux-ci pourront Ëtre recouvres conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.