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Décisions

Cass. 3e civ., 12 mai 1975, n° 73-14.051

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Costa

Rapporteur :

M. Deltel

Avocat général :

M. Tunc

Avocat :

Me Choucroy

Paris, ch. 1, du 30 juin 1973

30 juin 1973

SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QU'IL RESSORT DES ENONCIATIONS DES JUGES DU FOND QUE LA SOCIETE AGRUNORD EXPLOITAIT, ... A PARIS, UN COMMERCE DE GROS EN FRUITS ET LEGUMES, DANS DIVERS LOCAUX QUI LUI AVAIENT ETE DONNES EN LOCATION A USAGE COMMERCIAL PAR PILLON SUIVANT BAUX DES 3 JANVIER 1956 ET 6 FEVRIER 1957, RENOUVELES LE 26 AVRIL 1966 A COMPTER DU 1ER JUILLET 1965, ET AUTORISANT CETTE SOCIETE A EXERCER UN COMMERCE DE BOUCHERIE EN CAS DE TRANSFERT DES HALLES, SECTION FRUITS ET LEGUMES ;

QU'A LA SUITE DE LA DESAFFECTATION DU MARCHE DES HALLES DE PARIS ET DE L'OUVERTURE DU MARCHE D'INTERET NATIONAL DE RUNGIS, FIXEE AU 3 MARS 1969 PAR UN DECRET DU 24 FEVRIER 1969, LA SOCIETE AGRUNORD A DU CESSER A PARTIR DU 4 MARS 1969 D'EXPLOITER SON COMMERCE DANS LES LIEUX LOUES ;

QUE L'ARRET ATTAQUE A DECIDE QUE, PORTANT SUR DES LOCAUX COMPRIS DANS UN PERIMETRE DE RENOVATION URBAINE, LE BAIL ETAIT RESILIE DE PLEIN DROIT A CETTE DERNIERE DATE, ET A NOTAMMENT DEBOUTE PILLON DE SES DEMANDES EN PAIEMENT DES LOYERS ECHUS DU 1ER AVRIL 1969 AU 1ER AVRIL 1970, EN CONSTATATION DU JEU DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE INSEREE AU BAIL ET EN PAIEMENT D'UNE INDEMNITE D'OCCUPATION JUSQU'AU 1ER AOUT 1972 ;

ATTENDU QU'IL EST D'ABORD FAIT GRIEF AUDIT ARRET D'AVOIR AINSI STATUE, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE LES DISPOSITIONS LEGALES OU REGLEMENTAIRES QUI PORTENT ATTEINTE AUX CONVENTIONS DES PARTIES SONT D'INTERPRETATION RESTRICTIVE, QU'IL DEVAIT ETRE DISTINGUE, COMME PILLON L'AVAIT FAIT VALOIR EN SES CONCLUSIONS D'APPEL, ENTRE LES ZONES D'AMENAGEMENT DIFFERE OU S'APPLIQUAIT L'ARTICLE 14 DE L'ORDONNANCE DU 22 SEPTEMBRE 1967 ET LES SECTEURS DE RENOVATION PROPREMENT DITE REGIS PAR SON ARTICLE 14, QUE L'ARRETE PREFECTORAL DU 31 JUILLET 1967 AVAIT DECOUPE A L'INTERIEUR D'UNE ZONE D'AMENAGEMENT DIFFERE UN SECTEUR DE RENOVATION PROPREMENT DITE, VISE EN SON ARTICLE 2, ET QU'IL DECOULAIT DE CE TEXTE REGLEMENTAIRE QUE L'IMMEUBLE DU N° 49 DE LA RUE BERGER, OU SE TROUVENT LES LOCAUX LOUES, ETAIT EN BORDURE DE LA ZONE D'AMENAGEMENT DIFFERE ET A L'EXTERIEUR DU SECTEUR DE RENOVATION, EN SORTE QUE LE BAIL DEVAIT ETRE REGI PAR LE SEUL ARTICLE 13 DE CETTE ORDONNANCE ;

QU'IL EST ENSUITE REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR DECIDE QUE LA LOCATION CONSENTIE A LA SOCIETE AGRUNORD ETAIT RESILIEE A COMPTER DU 4 MARS 1969 EN VERTU DE L'ARTICLE 14 DE LA MEME ORDONNANCE, CAS PARTICULIER D'APPLICATION DE LA REGLE EDICTEE PAR L'ARTICLE 1741 DU CODE CIVIL, LAQUELLE SUPPOSE QUE LE FAIT DU PRINCE N'AIT PAS ETE PREVU AU MOMENT DE LA CONCLUSION DU CONTRAT, ALORS QU'IL S'EVINCAIT DU TEXTE MEME DU BAIL QUE LES PARTIES AVAIENT PREVU L'IMPOSSIBILITE D'EXERCER LES COMMERCES PREVUS AUDIT BAIL, AU CAS DE DEMOLITION DES HALLES CENTRALES DE PARIS ET DE LEUR TRANSFERT DANS UN AUTRE QUARTIER ;

MAIS ATTENDU, EN PREMIER LIEU, QU'APRES LA LA CREATION, PAR UN ARRETE DU MINISTRE DE L'EQUIPEMENT DU 12 MAI 1967, PRIS EN APPLICATION DE LA LOI DU 26 JUILLET 1962, D'UNE ZONE D'AMENAGEMENT DIFFERE DITE "ZONE DES HALLES", LA PROCEDURE DE RENOVATION URBAINE ET D'EXPROPRIATION PREVUE PAR LE DECRET DU 31 DECEMBRE 1958 A ETE ENGAGEE PAR UN ARRETE PREFECTORAL DU 31 JUILLET 1967, LEQUEL, EN SON ARTICLE PREMIER, A DECLARE D'UTILITE PUBLIQUE L'ACQUISITION PAR LA VILLE DE PARIS DES IMMEUBLES SITUES A L'INTERIEUR D'UN PERIMETRE DELIMITE, DE 35 HECTARES 40 ARES, QUI ENGLOBE L'IMMEUBLE SIS AU N° 49 DE LA RUE BERGER ;

QU'EN DIVISANT CE PERIMETRE DE RENOVATION EN SECTEURS, L'ARTICLE 2 DE CET ARRETE PREFECTORAL N'A PAS FAIT ECHEC AUX DISPOSITIONS DE L'ARTICLE PREMIER ET N'A DONC PAS REPLACE SOUS LE REGIME ANTERIEUR DE LA ZONE D'AMENAGEMENT DIFFERE LES IMMEUBLES QUI, TEL LE N° 49 DE LA RUE BERGER, N'ETAIENT PAS SITUES DANS LE SECTEUR D'ENVIRON 15 HECTARES VISE AUDIT ARTICLE 2 ET DESTINE A ETRE EXPROPRIE LE PREMIER ;

QU'AINSI, LES LOCAUX LOUES A LA SOCIETE AGRUNORD RESTAIENT INCLUS DANS LE PERIMETRE DELIMITE DE 35 HECTARES 40 ARES DE L'OPERATION DE RENOVATION URBAINE DU QUARTIER DES HALLES, OPERATION QUI A ETE DECLAREE D'UTILITE PUBLIQUE AVANT LE 4 MARS 1969, DATE A LAQUELLE LE DECRET DU 24 FEVRIER 1969 A MIS EN VIGUEUR POUR LA REGION PARISIENNE LES INTERDICTIONS D'EXERCICE DE CERTAINS COMMERCES PREVUES A L'ARTICLE 6 DE L'ORDONNANCE DU 22 SEPTEMBRE 1967 ;

QUE, DES LORS, CES LOCAUX SE TROUVAIENT, PAR L'EFFET TANT DE LA DEROGATION PREVUE AU CINQUIEME ALINEA DE L'ARTICLE 13 DE CETTE ORDONNANCE QUE DE L'ARTICLE 18 DE LA LOI DU 30 JUILLET 1968, SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 14 DE LADITE ORDONNANCE, EN SORTE QUE LES JUGES D'APPEL, SANS SE LIVRER A UNE INTERPRETATION EXTENSIVE DES TEXTES REGISSANT LA MATIERE, ONT, A BON DROIT, REFUSE DE FAIRE APPLICATION EN L'ESPECE DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 13 INVOQUEES PAR PILLON ;

ATTENDU, EN SECOND LIEU, QU'A LA DIFFERENCE DE CET ARTICLE 13, QUI AUTORISE LA CONTINUATION DU BAIL AVEC EXERCICE D'UN COMMERCE DIFFERENT OU LA CESSION DUDIT BAIL A UN AUTRE PRENEUR, L'ARTICLE 14 SOUMET EXCLUSIVEMENT A DES CONVENTIONS D'OCCUPATION PRECAIRE LES LOCAUX AUXQUELS IL S'APPLIQUE ;

QU'EN DECIDANT QUE LA LOCATION CONSENTIE PAR PILLON SE TROUVAIT RESILIEE DE PLEIN DROIT PAR L'EFFET DE CET ARTICLE 14 QUI PRIVE LA SOCIETE AGRUNORD DES DROITS QU'ELLE TENAIT DU BAIL, LA COUR D'APPEL A JUSTEMENT ASSIMILE A LA PERTE DE LA CHOSE LOUEE L'IMPOSSIBILITE POUR LE LOCATAIRE DE L'UTILISER PAR SUITE DE L'APPLICATION D'UNE DISPOSITION LEGALE INTERVENUE EN COURS DE BAIL ;

QU'IL S'ENSUIT QU'EN AUCUNE DE SES BRANCHES LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;

SUR LE SECOND MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR DEBOUTE PILLON DE SA DEMANDE EN PAIEMENT D'UNE INDEMNITE D'OCCUPATION, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE, D'UNE PART, LA CARENCE PROLONGEE DE LA SOCIETE AGRUNORD A REMETTRE AU BAILLEUR LES CLEFS D'UN LOCAL DONT ELLE PRETENDAIT QUE LES BAUX ETAIENT RESILIES DEPUIS MARS 1969 CONSTITUAIT NECESSAIREMENT UNE FAUTE, DEJA SANCTIONNEE PAR LES PREMIERS JUGES, ET QUE, D'AUTRE PART, LA PERTE DES LOYERS ESCOMPTES PENDANT PLUSIEURS ANNEES CONSTITUAIT UN ELEMENT IMPORTANT DU PREJUDICE DU BAILLEUR ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL RETIENT QUE LA SOCIETE AGRUNORD AVAIT, LE 18 AVRIL 1969, SIGNALE AU GERANT DU BAILLEUR LA NECESSITE DE TRANSFERER A RUNGIS SON ACTIVITE COMMERCIALE ET L'AVAIT INFORME DE LA RESILIATION A COMPTER DU 4 MARS 1969 DES BAUX QUI LUI AVAIENT ETE CONSENTIS PAR LES LOCAUX DE L'IMMEUBLE SIS AU N° 49 DE LA RUE BERGER ;

QUE PILLON AVAIT NEANMOINS ATTENDU JUSQU'AU 25 JUILLET 1972 POUR SOMMER LA SOCIETE DE LUI RESTITUER LES CLEFS LE 1ER AOUT 1972, DATE A LAQUELLE IL A REPRIS POSSESSION DES LIEUX BIEN QU'IL N'AIT PAS ETE DEFERE A LA SOMMATION ;

QU'APRES AVOIR ENCORE RELEVE QU'IL N'ETAIT ETABLI NI QUE LA SOCIETE AIT CONTINUE A OCCUPER LES LOCAUX APRES LE 4 MARS 1969, NI QUE LE BAILLEUR AIT FAIT UNE TENTATIVE QUELCONQUE POUR EN REPRENDRE POSSESSION AVANT LE 1ER AOUT 1972, NI MEME QU'IL AIT ETE EMPECHE DE LES REOCCUPER DU FAIT DE LA NON-REMISE DES CLEFS, LES JUGES DU SECOND DEGRE N'ONT FAIT QU'USER DE LEUR POUVOIR SOUVERAIN D'APPRECIATION EN DECIDANT QUE LA PREUVE N'ETAIT PAS RAPPORTEE D'UN PREJUDICE SUBI PAR PILLON DU FAIT DU COMPORTEMENT DE LA SOCIETE AGRUNORD ET EN REFUSANT, EN CONSEQUENCE, D'ACCORDER AU BAILLEUR L'INDEMNITE D'OCCUPATION QU'IL SOLLICITAIT ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS DAVANTAGE FONDE QUE LE PRECEDENT ET QUE L'ARRET, MOTIVE, EST LEGALEMENT JUSTIFIE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 30 JUIN 1973 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.