Cass. 2e civ., 28 mai 2003, n° 01-14.296
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
Rapporteur :
M. Séné
Avocat général :
M. Domingo
Avocats :
SCP Lesourd, SCP Defrenois et Levis
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 mai 2001), que sur des poursuites de saisie immobilière exercées par la Banque nationale de Paris, actuellement dénommée BNP Paribas (la banque) à l'encontre de la société Domaine de Ribauté, prise en la personne de son liquidateur amiable, assistée en appel par M. X..., avocat, un arrêt du 5 février 2001 a déclaré l'appel de la société Domaine de Ribauté irrecevable, sursis à statuer sur la demande de dommages-intérêts présentée par la banque pour procédure abusive et invité les parties et leurs conseils à s'expliquer sur l'application aux auxiliaires de justice représentant et assistant l'appelant des sanctions prévues par l'article 698 du nouveau Code de procédure civile ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société Domaine de Ribauté et M. X... font grief à l'arrêt , la société, de l'avoir condamnée à payer une amende civile et M. X..., les dépens d'appel, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des dispositions des articles 697 et 698 du nouveau Code de procédure civile que, s'agissant des instances, actes et procédures d'exécution n'ayant pas été annulés par l'effet de la faute de l'avocat, les dépens afférents ne peuvent être mis directement à la charge de ce dernier, que s'il est constaté qu'il les a accomplis en dehors des limites de son mandat, ou qu'ils revêtent un caractère injustifié et n'ont été accomplis que de sa propre initiative ; qu'en l'espèce, bien que les actes et instances litigieuses n'aient pas donné lieu au prononcé d'une annulation pour faute de la part de l'avocat de la société Domaine de Ribauté, les juges d'appel ont cru devoir le condamner personnellement aux dépens, sans constater qu'il les aurait accomplis en dehors des limites de son mandat ou de sa seule initiative ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 697 et 698 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'aux termes de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, "l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties" ; que l'article 5 du même Code précise que "le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé mais seulement sur ce qui lui est demandé", et, qu'enfin, l'article 698 du nouveau Code de procédure civile concerne uniquement les rapports entre la partie et son mandataire ad litem, et n'autorise qu'un procès ultérieur ; qu'en l'espèce, les juges d'appel n'étaient saisis d'aucune prétention de la part de la société Domaine de Ribauté à l'encontre de son avocat, tendant à reprocher à ce dernier d'avoir engagé des instances ou accompli des actes et procédures d'exécution sans son accord ou, plus généralement, dépassant le cadre de son mandat et revêtant un caractère injustifié ;
qu'en condamnant néanmoins M. X... aux dépens, la cour d'appel a violé ensemble les articles 4, 5 et 698 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que tenu de statuer sur les dépens, le juge, en application des articles 697 et 698 du nouveau Code de procédure civile, a, même en l'absence de toute demande des parties, le pouvoir de les mettre à la charge des auxiliaires de justice concernés ;
Et attendu que l'arrêt relève qu'un auxiliaire de justice, habitué de la procédure de saisie immobilière, ne pouvait se méprendre sur le sens de l'article 2216 du Code civil, dont les premiers juges avaient fait application et que la seule volonté de l'appelante et de son conseil avait été, par l'exercice de l'appel et en toute connaissance de cause, de gagner du temps et de créer des obstacles purement artificiels à la procédure de saisie ; qu'ainsi, la cour d'appel qui a caractérisé le fait personnel de l'avocat de l'appelante, lequel n'avait d'ailleurs pas soutenu devant les juges du fond que sa cliente n'avait pas suivi ses conseils, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Attendu, enfin, qu'aucun des griefs du moyen n'est dirigé contre la condamnation à une amende civile ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif, alors, selon le moyen, qu'en statuant ainsi, tout en relevant expressément le caractère abusif de la procédure et le préjudice causé de ce fait à la banque, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 559 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir caractérisé la faute commise par l'appelante dans l'exercice d'une voie de droit, la cour d'appel a souverainement retenu que la banque n'avait pas démontré l'existence du préjudice qu'elle prétendait avoir subi de ce fait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident.