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Décisions

Cass. soc., 21 février 1979, n° 77-41.646

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Laroque

Rapporteur :

M. Fabre

Avocat général :

M. Gauthier

Avocat :

Me Guinard

Paris, ch. 22 B, du 29 juin 1977

29 juin 1977

Sur le premier moyen, pris de la violation des articles L 141-1 et suivants du Code du travail, 7 alinéa 1er de la loi du 20 avril 1810, 4, 455 et 458 du Code de procédure civile, dénaturation des documents de la cause, défaut, contradiction et insuffisance de motifs, manque de base légale :

Attendu que la dame X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à Sunjevaric, qui fut son employé, un rappel de salaires et de congés payés ainsi que diverses indemnités réparatrices de dommages subis par celui-ci et liés à son licenciement jugé abusif et à la non remise de bulletin de salaire et de certificat d'arrêt de travail, alors, selon le pourvoi, que d'une part la dame X... ne pouvait être déclarée responsable de la rupture du contrat de travail pour non paiement de salaires que si Sunjevaric avait établi, ce qu'il n'a pu faire, avoir fourni un travail effectif, et qu'au contraire il résulte d'une attestation, qui avait été produite, qu'il n'avait pas travaillé pendant la période considérée ; que d'autre part, la Cour d'appel s'est contredite en déclarant que le salarié avait perçu une somme à titre de salaires et en affirmant par ailleurs que l'employeur ne lui avait rien payé ; que, de surcroît l'absence injustifiée d'un employé à son travail peut être une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'enfin, le salarié, qui a quitté volontairement et sans motif légitime son emploi, n'a pas droit à l'attribution de l'allocation chômage dont Sunjevaric prétend avoir perdu le bénéfice par la faute de l'employeur ;

Mais attendu que, statuant sur la vue des résultats d'une expertise qu'elle avait ordonnée par un précédent arrêt, la Cour d'appel relève que la dame X... a délivré des bulletins de paie indiquant une durée de travail fictive et a payé très irrégulièrement le salaire ; qu'à partir du 1er juillet 1974 elle n'a plus établi de bulletins de paie et que, pour la période du 29 janvier 1975 au 1er mars suivant, Sunjevaric n'a perçu qu'un petit acompte sur son salaire ; que de ces constatations les juges d'appel ont déduit, sans se contredire, des manquements contractuels de l'employeur qui fondaient les demandes en paiement de salaires et de congés payés et en réparation des divers préjudices invoqués pour pertes d'indemnité de chômage, non remboursement de frais médicaux et pharmaceutiques et rupture abusive du contrat de travail ; Qu'ainsi, le premier moyen est sans fondement ;

Et, sur le second moyen, pris de la violation des articles 695 et 700 du Code de procédure civile, non application de l'article 1382 du Code civil, violation des articles 7, alinéa 1er de la loi du 20 avril 1810, 455 et 458 du Code de procédure civile, dénaturation des conclusions et demandes des parties, défaut de motifs et manque de base légale ; Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la dame X... au paiement à Sunjevaric d'une indemnité pécuniaire sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile alors, selon le moyen, d'une part, qu'il n'appartient pas aux juges, en l'absence de preuve apportée par le demandeur, de rechercher dans les circonstances de la cause les facteurs d'équité qui pourraient justifier la décision, que l'existence de tels facteurs ne peut se déduire que de la constatation expresse d'une faute, comme en matière de procédure abusive, en sorte qu'en l'espèce, l'arrêt qui ne fait pas cette constatation manque de base légale ; que d'autre part, en matière prud"homale la représentation par un avocat ou un autre conseil n'étant pas obligatoire, la demande dont il s'agit ne pouvait être accueillie pour le motif que Sunjevaric s'était vu contraint d'engager des frais d'avocat, que seuls par conséquent, les dépens devaient être mis à la charge de la partie succombante ;

Mais attendu d'une part, que selon l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, lorsqu'il paraît inéquitable de laisser à la charge d'une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l'autre partie à lui payer le montant qu'il détermine, sans avoir à relever de faute à la charge de celle-ci ; que d'autre part, ces dispositions sont applicables que la représentation par un avocat soit ou non obligatoire ; Qu'ainsi, en relevant que Sunjevaric, travailleur d'origine étrangère aux ressources modestes, injustement licencié par un employeur qui a usé de toutes les voies de recours pour contester ses droits, a été contraint d'engager des frais d'avocat et qu'il serait inéquitable de les laisser à sa charge, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 29 juin 1977 par la Cour d'appel de Paris.