Cass. 3e civ., 30 septembre 2009, n° 08-15.203
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
M. Fournier
Avocat général :
M. Gariazzo
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte, Briard et Trichet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 mars 2008), que la SCI Bocquet (la SCI), qui avait donné à bail à M. X... des locaux à usage commercial et d'habitation, se prévalant d'un arrêt de la cour d'appel de Rouen du 8 septembre 2005 ayant constaté la résiliation de ce bail et autorisé l'expulsion du preneur, a fait délivrer à celui-ci un commandement de quitter les lieux ; que M. X... , qui s'était pourvu en cassation contre cet arrêt, également attaqué par une tierce opposition formée par la société CIN qui lui avait consenti un prêt, a saisi le juge de l'exécution en vue d'obtenir l'annulation de ce commandement et, subsidiairement, a sollicité un sursis à statuer ainsi que l'octroi de délais ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que la cour d'appel ne statue que sur les dernières conclusions écrites déposées ;qu'elle n'est pas saisie par les prétentions formulées uniquement à l'oral ; qu'en jugeant qu'il y avait lieu de lui donner acte de ce qu'il aurait renoncé à ses demandes de sursis à statuer, au motif qu'il aurait fait plaider "à l'audience
qu'il ne maintient pas ses demandes de sursis à statuer quand résulte des propres constatations de l'arrêt que les dernières conclusions datent "du 22 mai 2007" et qu'il faisait valoir "subsidiairement" qu'il était "fondé à solliciter le sursis à statuer dans l'attente des décisions à intervenir suite au pourvoi en cassation qu'il a formé contre l'arrêt du 8 septembre 2005 et à la tierce opposition formée par la société CIN contre ce même arrêt", la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le moyen, ainsi formulé, tend, en réalité, à attaquer directement la décision de donner à M. X... l'acte qu'il avait oralement requis ; que ce chef du dispositif attaqué, qui renferme, non une décision consacrant la reconnaissance d'un droit, mais une simple constatation, ne donne pas ouverture à cassation ; d'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de nullité du commandement de quitter les lieux, alors, selon le moyen, qu'en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, expressément sanctionné par la nullité, un acte de procédure doit être déclaré nul même en l'absence de grief ; que lorsque l'expulsion porte sur un local affecté à l'habitation principale de la personne expulsée le commandement d'avoir à libérer les locaux doit contenir, à peine de nullité, en plus des mentions prévues à l'article 194 du décret du 31 juillet 1992, la reproduction de l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991 et celle des articles L. 613-1 à L. 613-5 du code de la construction et de l'habitation ; qu'en jugeant que l'omission d'une telle formalité substantielle n'est sanctionnée par la nullité de l'acte qu'à la condition que le destinataire du commandement rapporte la preuve d'un grief, la cour d'appel a violé l'article 195 du décret du 31 juillet 1992 ensemble l'article 114 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que le commandement de quitter les lieux ne répondait pas aux exigences de forme prescrites par l'article 195 du décret du 31 juillet 1992, et que le prononcé de la nullité qui découlait de ce vice de forme était, en application de l'article 114 du code de procédure civile, subordonné à la preuve de l'existence d'un grief, la cour d'appel, qui a souverainement constaté l'inexistence d'un tel grief, en a déduit à bon droit que la nullité du commandement ne pouvait être prononcée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de délai pour quitter les lieux, alors, selon le moyen, que le juge des référés ou le juge de l'exécution peut accorder des délais renouvelables excédant une année aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, dont l'expulsion aura été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation ; qu'il démontrait à quel point il était difficile et lourd de conséquence pour lui de déménager puisque cela lui ferait perdre son commerce qui constitue sa seule source de revenus, ainsi que sa santé ; qu'en rejetant sa demande de délai au seul motif "qu'il ne justifie néanmoins d'aucune tentative de relogement", sans répondre à ses conclusions dirimantes qui démontraient que son relogement ne pourrait avoir lieu dans des conditions normales, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en retenant que M. X... ne justifiait d'aucune tentative de relogement, se considérant légitime à se maintenir dans les lieux depuis 18 mois, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.