Cass. 3e civ., 9 mars 2018, n° 17-70.040
COUR DE CASSATION
Arrêt
Avis
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Vu les articles L. 151-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile ;
Vu la demande d'avis formulée le 4 décembre 2017 par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Dieppe, reçue le 18 décembre suivant, dans une instance opposant M. et Mme X... à Mme Y..., et ainsi libellée :
"Les dispositions de l'article L. 145-34 du code de commerce aux termes desquelles, en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du même code, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente,
- donnent-elles uniquement compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné à la date du renouvellement du bail, les parties s'accordant ensuite librement pour définir les modalités d'application du taux d'augmentation une année sur l'autre, laquelle peut ne pas être de 10 % chaque année (l'article L. 145-34 évoquant un plafond de 10 % mais n'interdisant pas des augmentations comprises entre 0,1 % et 10 %) ?
- donnent-elles uniquement compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné à la date du renouvellement du bail, les augmentations ultérieures s'effectuant automatiquement par paliers de 10 % jusqu'à épuisement du loyer plafonné sans discussion possible entre les parties ?
- donnent-elles compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné non seulement à la date du renouvellement du bail, mais également dans le cadre d'un échéancier pour chacune des neuf années suivant ce renouvellement du bail en faisant application d'un taux annuel de progression de 10 % automatiquement ou de moins de 10 % le cas échéant ?" ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, et les conclusions de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, entendu en ses observations orales ;
MOTIFS :
Le loyer déplafonné est fixé à la valeur locative en application de l'article L. 145-33 du code de commerce.
Le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce n'instaure, dans les cas qu'il détermine, qu'un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative.
Ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d'établir l'échéancier de l'augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir.
L'étalement prévu par le texte s'opère annuellement par l'application d'un taux qui doit être égal à 10 % du loyer de l'année précédente, sauf lorsque la différence entre la valeur locative restant à atteindre et le loyer de cette année est inférieure à ce taux
L'étalement n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer.
En conséquence
LA COUR EST D'AVIS QUE :
L'étalement de l'augmentation du loyer déplafonné prévu par le dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce s'opère chaque année par une majoration non modulable de 10 % du loyer de l'année précédente.
Il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux, mais dans celui des parties, d'arrêter l'échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s'applique l'étalement de la hausse du loyer instauré par ce texte.