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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 27 février 2018, n° 17/00222

CHAMBÉRY

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Greiner

Conseillers :

Mme Fouchard, Mme Real Del Sarte

T. com. Chambéry, du 9 janv. 2017, n° 20…

9 janvier 2017

Le 14/09/2009, a été créée à La Plagne (73) la SAS KMN, avec pour objet social le nettoyage courant des bâtiments.

Le 02/10/2009, M. J. en est devenu le président.

Par jugement du 22/12/2015, le tribunal de commerce de Chambéry, statuant sur l'assignation de l'administration fiscale, a prononcé la liquidation judiciaire de la société KMN, Me B. étant désigné en qualité de mandataire liquidateur, la date de la cessation des paiements étant fixée au 22/06/2014.

Par jugement du 09/01/2017, ce tribunal a prononcé à l'encontre de M. J. une sanction d’interdiction de gérer pour une durée de 10 ans, avec exécution provisoire.

Le 24/01/2017, M. J. a relevé appel de cette décision, intimant le procureur général de la Cour d'Appel de Chambéry.

Dans ses conclusions du 15/02/2017, pour conclure à l'infirmation du jugement déféré et subsidiairement, à la limitation à 6 mois de la durée de la sanction, l'appelant expose en substance que :

- la direction de la société a toujours été assurée par M. T., qui lui a fait signer une déclaration de cession des droits sociaux ainsi qu'une procuration sur les comptes bancaires, à son profit ;

- toutefois, il n'a appris qu'au moment de l'ouverture de la liquidation judiciaire que cette cession n'avait jamais été enregistrée ;

- M. T. a toujours géré seul la société KMN, et lui-même a été victime d'une tromperie ;

- il n'a pas sciemment omis d'effectuer une déclaration de cessation des paiements ;

- sa situation économique est précaire, ayant deux enfants à charge, son épouse étant travailleur handicapé, étant à ce jour sans emploi ;

- son activité commerciale qu'il exerce depuis le 16/05/2013 apporte les seuls revenus de la famille, soit 8.183 euros en 2015.

Le procureur général requiert le rejet de la demande.

MOTIFS DE LA DECISION

Les cas d' interdiction de gérer communs à toutes les personnes visées à l'article L. 653-1 du code de commerce sont les suivants :

' exercice d'une activité ou d'une fonction de direction contraire à une interdiction légale ;

' achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure collective ;

' souscription, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, d'engagements trop importants eu égard à la situation de l'entreprise ;

' paiement d'un créancier, après la cessation des paiements et en connaissance de celle-ci, au préjudice des autres créanciers ;

' abstention volontaire de coopération avec les organes de la procédure, faisant obstacle à son déroulement ; irrégularités comptables (absence de comptabilité, comptabilité incomplète ou irrégulière).

Est sanctionné également le défaut de communication de renseignements au mandataire judiciaire et l'omission de demander l'ouverture d'une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements, en vertu de l'article L.653-8 du code de commerce.

Par ailleurs, l' interdiction de gérer frappe aussi bien les dirigeants de droit que de fait d'une personne morale.

Il est de principe que la cessation des fonctions de dirigeant sans respecter les formalités de publicité n'empêche pas le prononcé d'une sanction, la personne en cause conservant la qualité de dirigeant jusqu'à la publication de la cessation de ses fonctions .

Dès lors, l'appelant ne peut être exonéré de sa responsabilité pour le seul motif qu'il n'a pas exercé réellement de responsabilités dans la gestion de la société KMN.

En l'espèce :

- la date de cessation des paiements a été fixée au 22/06/2014, et la procédure de liquidation judiciaire n'a été ouverte que le 22/12/2015, sur assignation d'un créancier ; le grief tenant à l'absence de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours est ainsi établi, la Direction Générale des Finances Publiques ayant déclaré trois créances d'un montant total de 82.961 euros

- certes, M. J. n'était pas conscient de la nécessité de le faire, n'étant pas en réalité de véritable dirigeant de la société, M. T. en étant le dirigeant de fait, en se faisant adresser toutes les correspondances de la société à son domicile et en ayant une procuration sur le compte bancaire de la société ;

- toutefois, le dirigeant de droit ne saurait se soustraire à ses responsabilités légales même en établissant qu'il a été empêché d'exercer ses pouvoirs par un dirigeant de fait, étant par principe au premier chef responsable des fautes commises ;

- en conséquence, par son abstention fautive, il a permis au dirigeant de fait de s'abstraire des obligations légales régissant la déclaration de cessation des paiements, et, en prenant sciemment ce risque, a contribué à la déclaration tardive, dont il doit être déclaré aussi responsable ;

- par ailleurs, M. J. a signé une déclaration le 22/12/2015 aux termes de laquelle il n'a tenu aucune comptabilité, ce qui démontre la réalité du second grief.

Dans ces conditions, c'est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le premier juge a prononcé une sanction d' interdiction de gérer à l'encontre de M. J., l'inaction de celui-ci ayant permis la constitution d'un passif significatif sans qu'aucun actif n'ait pu être recouvré par le mandataire liquidateur.

En revanche, compte tenu du fait que M. J., qui avait été salarié autrefois d'une société dirigée par M. T., n'a pas joué de rôle véritablement actif dans la constitution du passif, qu'il avait donné procuration à M. T., lui faisant confiance, et en raison de sa situation personnelle difficile, la sanction qui sera prononcée sera modérée, et ramenée à une durée d'une année.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. J. une sanction d' interdiction de gérer ,

L'INFIRME quant à la durée de la sanction prononcée,

STATUANT A NOUVEAU et y ajoutant,

PRONONCE à l'encontre de M. J., en sa qualité de dirigeant de droit de la société KMN, l' interdiction de diriger, gérer , administrer, ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne moral, pour la durée d'une année,

DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.