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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. c, 2 novembre 2017, n° 17/06100

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

CLV (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Touvier

Conseillers :

Mme Renou, Mme Leroy-Gissinger

TGI Grasse, du 13 janv. 2016, n° 15/0001…

13 janvier 2016

EXPOSE DU LITIGE

Maître Nathalie T., agissant en sa qualité d'administrateur judiciaire provisoire de la SAS CLV, dont les ex-époux Georges B. et Karine Z. sont associés, a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse pour obtenir la condamnation de Georges B. à rembourser le montant de son compte courant débiteur dans la société CLV. Par ordonnance en date du 13 janvier 2016, le juge des référés a :

- rejeté les exceptions d'incompétence ;

- rejeté les demandes subsidiaires de sursis à statuer et d'expertise comptable ;

- condamné Georges B. à payer à maître T., en sa qualité d'administrateur provisoire de la société CLV, la somme de 144.125 € à titre de provision représentant une partie du solde débiteur de son compte courant d'associé, outre intérêt au taux légal à compter du 17 décembre 2014, et la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclaré l'ordonnance opposable à madame Z. ;

- condamné monsieur B. aux dépens.

Georges B. a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 4 février 2016.

Par arrêt du 23 mars 2017, l'affaire a été retirée du rôle à la demande des parties pour être réinscrite le 28 mars 2017 à la demande de monsieur B..

Par dernières conclusions du 29 septembre 2017, Georges B. demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance déférée ;

- de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure commerciale engagée et de l'issue de la proposition de rectification fiscale dont la société CLV fait actuellement l'objet;

- subsidiairement, de dire n'y avoir lieu à référé en raison de la contestation sérieuse sur le montant de son compte courant d'associé ;

- plus subsidiairement, de commettre un expert comptable avec pour mission de vérifier les écritures enregistrées et de fournir tous éléments d'appréciation du montant des comptes courants des associés de la société CLV ;

- en tout état de cause :

' de condamner la société CLV à inscrire la somme de 132.062,40 € au crédit de son compte courant, à lui payer les sommes de 132.062,40 € et 411.276,50 € et à inscrire la somme de 1.837.767,62 € au débit du compte courant d'associé de madame Z. ;

' de condamner madame Z. à payer la somme de 1.837.62 € à la société CLV ;

' de condamner maître T., prise en sa qualité d'administrateur provisoire de la société CLV, à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de la condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de son conseil ;

' de condamner madame Z. au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 26 septembre 2017, la SAS CLV, représentée par maître Nathalie T., en sa qualité d'administrateur judiciaire provisoire, demande à la cour :

- de condamner monsieur B. à payer à la société CLV une provision de 606.358,02 € ou subsidiairement de 457 6254,35 €, au titre du solde débiteur de son compte courant d'associé, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2014, date de l'assignation;

- subsidiairement, de confirmer l'ordonnance déférée ;

- de se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes de condamnation de la société CLV à passer des écritures comptables ;

- de déclarer irrecevable toute demande de condamnation de la société CLV ;

- de rejeter toutes les demandes de monsieur B. ;

- de condamner monsieur B. au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de son conseil.

Par dernières conclusions du 20 septembre 2017, Karine Z. divorcée B. sollicite :

- le débouté de monsieur B. de ses demandes de sursis à statuer, d'expertise comptable, de réformation de l'ordonnance déférée et de condamnation à l'encontre de la société CLV ;

- la confirmation de l'ordonnance querellée sauf à porter le montant de la condamnation provisionnelle à la somme de 606.358,02 €, outre intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2014 ;

- que soit déclarée irrecevable la demande de monsieur B. de condamnation à son encontre au profit de la société CLV et en tout état de cause le débouté de monsieur B. de cette demande ;

- le débouté de monsieur B. de toutes ses demandes :

- la condamnation de monsieur B. au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de son conseil.

Il est fait référence aux écritures susvisées des parties pour l'exposé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

1- sur le sursis à statuer

Monsieur B. sollicite un sursis à statuer dans l'attente :

- de l'issue de sa plainte avec constitution de particie civile qu'il a déposée devant le doyen des juges d'instruction de Nice à l'encontre de madame Z. et des sociétés R. & ASSOCIES et ABC CONSEILS pour faux et usage de faux, infracions qui selon lui ont permis de faire apparaître un solde débiteur de son compte courant d'associé dans les livres de la société CLV ;

- de l'issue de la procédure de rectification fiscale envisagée à la suite de la vérification de la comptabilité de la société CLV.

La demande de la société CLV porte sur l'allocation d'une provision au titre du solde débiteur du compte courant d'associé de monsieur B.. En application de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, une telle provision ne peut être accordée en référé que si l'obligation n'est pas sérieusement contestable. La caractère sérieux de la contestation s'apprécie au vu des éléments versés aux débats de sorte qu'une mesure de sursis à statuer est inutile. L'ordonnance dont appel sera confirmée sur ce point.

2- sur le compte courant d'associé de monsieur B.

La direction générale des finances publiques a procédé à une vérification de la comptabilité de la société CLV pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ce qui l'a amenée à contrôler le compte courant d'associé de Georges B. dans cette société. Il ressort de sa proprosition de rectification en date du 14 novembre 2016 que le compte courant d'associé de monsieur B. est débiteur de la somme de 606.358,02 € au 31 décembre 2014. Ce chiffre résulte de l'examen de toute la comptabilité de la société CLV et des documents demandés auprès d'autres sociétés du groupe de sorte qu'une expertise comptable pour vérifier la réalité des sommes portées en débit du compte courant de monsieur B. est inutile, étant observé en outre que monsieur B. a pu donner des explications lors de cette procédure de vérification. De même, l'administration fiscale a bien caractérisé des dépenses faites par les sociétés LES MUST et SPIGA dans le seul intérêt de monsieur B.. La société CLV détenant 100% du capital de ces deux sociétés, celles-ci ont transféré comptablement leur créance sur monsieur B. dans les écritures de la société CLV qui est ainsi devenue créancière de monsieur B., ce qui justifie l'inscription de la somme totale de 37.875,22 € au débit de son compte courant d'associé, écriture qui n'est pas sérieusement contestable.

C'est à monsieur B. qu'il appartient de justifier que les dépenses qu'il a faites sur le compte de la société CLV l'ont été dans l'intérêt de la société et non dans son intérêt personnel, ce qu'il se garde bien de faire, tout comme il ne détaille pas les opérations passée en débit de son compte courant d'associé qu'il conteste. Or tous ces éléments peuvent être apportés sans recourir à une expertise comptable, étant précisé que monsieur B. s'est déjà vu refuser une telle mesure par arrêt de la 2ème chambre la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 8 décembre 2016

Monsieur B. soutient en outre que certaines sommes auraient dû être portées au crédit de son compte courant en exécution du protocole d'accord conclu le 15 février 2012 entre madame Z. et lui portant notamment sur un prêt à usage d'actions de la société CLV à son profit, sur la répartition des dividences de la société CLV en fonction de la nouvelle répartition des actions et sur le versement par la société CLV de la somme de 5.000 € par mois se rajoutant aux rémunérations respectives de 3.000 € par mois pour chacun des contractants. Mais comme le fait remarquer à juste titre la société CLV et comme l'a d'ailleurs retenu l'administration fiscale, ce protocole n'est pas opposable à la société CLV qui n'y était pas partie et ne peut dès lors s'appliquer dans les rapports entre cette société et monsieur B.. La validité de ce protocole fait en outre l'objet d'une contestation en justice par madame Z..

Monsieur B. ne conteste pas que la somme de 132.500 € payée le 3 mai 2012 par la société CLV à une étude de notaires a été versée dans son intérêt personnel. Mais il sollicite que cette somme, ou du moins celle de 132.062,40 €, correspondant au solde créditeur du compte courant actionnaire de la société SIM, soit inscrite au crédit de son compte courant dans la société CLVau titre du prêt du même montant remboursable en 5 ans que lui avait accordé la société SIM, associée de CLV, somme qu'il a répercutée à la société CLV. Il existe bien un contrat de prêt de 132.500 € en date du 21 septembre 2012, mais l'administration fiscale a estimé qu'en l'absence d'enregistrement de ce prêt, de justificatif de sa réalité dans les écritures comptables de la société SIM et de la société CLV, et de remboursement par monsieur B., la somme de 132.500 € ne pouvait être inscrite en crédit de son compte courant dans la société CLV. Monsieur B. ne donnant aucun autre élément sur la réalité de ce prêt qui remonte à plus de 5 ans et qu'il aurait dû rembourser intégralement, l'inscription de la somme de 132. 062 € au crédit de son compte courant fait l'objet d'une contestation sérieuse et ne peut être ordonnée en référé.

Aucune des contestations élevées par monsieur B. n'étant sérieuse, le montant du débit du compte courant d'associé de monsieur B. doit être fixé à la somme de 606.358,02 € au 31 décembre 2014.

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 225-43 et L. 227-12 du code de commerce que le président ou les dirigeants d'une société ne peuvent se faire consentir par la société un découvert en compte courant. Il s'ensuit que la société CLV est en droit d'obtenir le remboursement du solde débiteur du compte courant de Monsieur B., qui est son directeur général. Il sera en conséquence fait droit à la demande de provision de la société CLV à hauteur de 606.358,02 €, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2014, date de l'assignation en référé, mais seulement sur la somme réclamée à l'époque soit 434.094,27 €, les intérêt au taux légal courant sur la somme de 606.358,02 € à compter du 20 février 2017, date des premières conclusions notifiées par la société CLV faisant état d'une demande de ce montant.

3- sur les demandes de monsieur B. à l'encontre de la société CLV et de madame Z.

La demande de monsieur B. de condamnation de la société CLV à lui payer la somme de 132.062,40 € au titre du prêt obtenu de la société SIM et qu'il aurait rétrocédé à la société CLV est une demande nouvelle en cause d'appel mais qui tend à faire écarter la réclamation de CLVau titre du solde débiteur de son compte courant d'associé et à opérer compensation avec ce solde. Elle est en conséquence recevable en cause d'appel. Mais ainsi qu'il a été dit précédemment, cette demande se heurte à une contestation sérieuse, la réalité de ce prêt et du transfert de son montant au profit de la société CLV n'étant nullement établie.

En revanche, la demande de l'appelant tendant à la condamnation de la société CLV au paiement de la somme de 411.276,50 € et à inscrire la somme de 1.837.767,62 € au débit du compte courant d'associé de madame Z. ainsi que la demande de condamnation de madame Z. au paiement à la société CLV de la somme de 1.837.767,62 € sont irrecevables comme nouvelles en appel en application de l'article 564 du code de procédure civile. En effet ces demandes relatives à la répartitition des dividendes entre sociétés du groupe CLV n'ont pas de rapport direct avec la demande de remboursement du solde débiteur compte courant d'associé de monsieur B..

4- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Son appel n'étant pas fondé, monsieur B. sera débouté de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge des intimées les frais, non compris dans les dépens, qu'elles ont exposés pour leur défense. Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance dont appel sur l'indemnité allouée à la société CLV au titre des frais irrépétibles et de lui allouer une indemnité complémentaire de 3.000 € en cause d'appel. Monsieur B. sera également condamné sur ce même fondement à payer la somme de 3.000 € à madame Z..

Monsieur B. supportera en outre les entiers dépens lesquels pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance déférée sauf sur le montant de la provision due par monsieur B. au titre du solde débiteur de son compte courant d'associé ;

Réformant de ce chef et statuant à nouveau,

Déboute monsieur B. de sa demande d'inscription de la somme de 132.062,40 € au crédit de son compte courrant d'associé dans la société CLV ;

Condamne Georges B. à payer à la SAS CLV une provision de 606.358,02 € à valoir sur le solde débiteur de son compte courant d'associé au 31 décembre 2014, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2014 sur la somme de 434.094,27 €, et à compter du 20 février 2017 sur la somme de 606.358,02 € ;

Déclare recevable la demande de monsieur B. en paiement de la somme de 132.062,40 € à l'encontre de la société CLV ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur cette demande ;

Déclare irrecevables les demandes de monsieur B. en paiement de la somme de 411.276,50 € à l'encontre de la société CLV, en inscription de la somme de 1.837.767,62 € au débit du compte courant d'associé de madame Z. dans la société CLV et en paiement de cette somme à l'encontre de madame Z. ;

Déboute monsieur B. de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Georges B. à payer à la SAS CLV et à Karine Z. la somme de 3.000 € à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Georges B. aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.