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Décisions

Cass. 3e civ., 29 novembre 2005, n° 04-16.147

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. WEBER

Fort-de-France, du 22 mars 2004

22 mars 2004

Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le fonds de commerce de coiffure incluant le droit au bail litigieux, précédemment exploité par les époux X..., avait été attribué à la suite de leur divorce à Mme Y... ainsi qu'il résultait de l'état liquidatif de communauté, la cour d'appel, qui a exactement déduit de ces seules constatations que Mme Y..., titulaire du droit au bail, avait qualité pour agir à l'encontre du bailleur, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 145-58 du Code de commerce, ensemble l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que le propriétaire peut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge pour lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet, que ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, chambre détachée de Cayenne, 22 mars 2004), que, par acte du 15 mars 1994, la société civile immobilière Panorama (la SCI), propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à M. Z..., lui a donné congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction pour le 17 septembre 1994 ; qu'un arrêt devenu irrévocable du 16 décembre 1996 a déclaré valable ce congé, sauf à reporter ses effets au 1er janvier 1997 constituant le terme du bail, et, avant dire droit, a désigné un expert pour déterminer le montant de l'indemnité d'éviction ;

qu'après dépôt du rapport de l'expert, la SCI a exercé son droit de repentir et a offert le renouvellement du bail au locataire moyennant un certain loyer ; que, se prétendant attributaire du fonds de commerce et du droit au bail y afférant, Mme Y..., divorcée Z..., a assigné la SCI pour voir fixer le loyer à son montant antérieur et obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice financier que lui a fait subir le bailleur en refusant le renouvellement du bail ;

Attendu que, pour accueillir la demande de dommages-intérêts, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que si l'exercice du droit de repentir ne saurait en lui-même générer un préjudice, il existe une étroite corrélation entre la délivrance du congé à M. Z... et la baisse incessante des résultats du commerce à compter de 1994, que ce congé a jeté l'incertitude sur l'avenir professionnel des époux Z..., ce qui les a conduit à arrêter tout projet de développement jusqu'à l'année 1998 au cours de laquelle la bailleresse a exercé son droit de repentir, qu'en outre, compte tenu d'une situation financière devenue précaire, les époux Z... n'ont pu engager les dépenses d'aménagements qui auraient été nécessaires à une meilleure protection du commerce, victime, pendant la période, de 22 cambriolages, et qu'ainsi, la délivrance du congé, puis l'exercice du droit de repentir par la SCI, se trouvent à l'origine du préjudice financier subi par le commerce des époux Z... Y..., lequel doit donner lieu à l'allocation de dommages-intérêts à la charge du bailleur d'un montant de 80 000 francs ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le bailleur qui a refusé de renouveler un bail commercial en proposant une indemnité d'éviction dispose d'un droit de repentir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour fixer le prix du nouveau bail à une certaine somme, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'en application du décret du 30 septembre 1953, le montant des loyers des baux à renouveler et à réviser doit correspondre à la valeur locative ; qu'à défaut d'accord des parties, cette valeur est déterminée d'après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité, les prix couramment pratiqués dans le voisinage et que l'application de ces règles conduit à fixer le loyer mensuel au vu des éléments contenus dans le rapport de l'expert judiciaire à 4 500 francs à compter du 6 mars 1998, date à laquelle la SCI a fait signifier à la locataire son droit de repentir ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs dont la généralité ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que Mme Y... avait le droit d'agir à l'encontre de la SCI, l'arrêt rendu le 22 mars 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée.