CA Versailles, 14e ch., 5 avril 2018, n° 17/05992
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Communauté d'Agglomération de Roissy Pays de France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bouvier
Conseillers :
Mme Grison-Pascail, Mme Soulmagnon
EXPOSE DU LITIGE
La commune de Villiers le Bel et la communauté d'agglomération de Roissy Pays de France sont chacune propriétaire de plusieurs parcelles à Villiers le Bel (95).
A la suite de la dénonciation de l'implantation sur leurs parcelles d'occupants sans droit ni titre et de la dangerosité liée à la présence de foyers d'incendie sur les terrains entraînant l'apparition de fumées blanches et toxiques, le préfet du Val d'Oise a pris un arrêté le 30 janvier 2017 ordonnant l'évacuation des lieux afin de réaliser des travaux d'enlèvement des déchets et de dépose des alimentations électriques et en eau potable, qui se sont terminés le 24 février 2017.
La commune et la communauté d'agglomération ont à l'issue de ces travaux procédé à la sécurisation des lieux pour empêcher de nouvelles occupations.
Cependant le 23 mars 2017, elles ont constaté que les parcelles étaient à nouveau occupées.
Par ordonnance sur requête du 6 avril 2017, le président du tribunal de grande instance de Pontoise a désigné un huissier de justice afin de relever l'identité des occupants.
Un procès-verbal de constat a été dressé le 4 mai 2017.
C'est dans ce contexte que la commune et la communauté d'agglomération ont fait assigner en référé, le 24 mai 2017, les occupants des parcelles afin d'obtenir leur expulsion.
Par ordonnance réputée contradictoire du 12 juillet 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise a :
- constaté que M. Pascal D., Mme Maris B., M. Jacques R., Mme Nadia F., Mme Laure D., M. Jessy G., Mme Eugénia B., Mme Louisa B., M. Lionel D., M. Georges D., Mme Océane D., M. Jean-Pierre D. sont occupants sans droit ni titre des parcelles cadastrées sous des numéros dûment listés,
- ordonné l'expulsion de M. Pascal D., Mme Maris B., M. Jacques R., Mme Nadia F., Mme Laure D., M. Jessy G., Mme Eugénia B., Mme Louisa B., M. Lionel D., M. Georges D., Mme Océane D., M. Jean-Pierre D. ainsi que de tous occupants de leur chef des parcelles susvisées qu'ils occupent illicitement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du délai de 10 jours qui courra à compter de la signification de la décision,
- dit que l'huissier instrumentaire pourra se faire assister du concours de la force publique en cas de besoin et d'un serrurier,
- condamné solidairement M. Pascal D., Mme Maris B., M. Jacques R., Mme Nadia F., Mme Laure D., M. Jessy G., Mme Eugénia B., Mme Louisa B., M. Lionel D., M. Georges D., Mme Océane D., M. Jean-Pierre D. à verser à la commune la somme de 1 000 euros et à la communauté d'agglomération la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M. Pascal D., Mme Maris B., M. Jacques R., Mme Nadia F., Mme Laure D., M. Jessy G., Mme Eugénia B., Mme Louisa B., M. Lionel D., M. Georges D., Mme Océane D., M. Jean-Pierre D. aux entiers dépens.
Le 1er août 2017, Mme Maris B., Mme Nadia F., Mme Eugénia B., Mme Louisa B., M. Lionel D. et M. Georges D. ont relevé appel de cette décision (RG 17/5992).
Le 2 août 2017, Mme Océane D. a relevé appel séparément de cette décision (RG 17/6033).
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 31 janvier 2018.
Dans leurs conclusions reçues au greffe le 23 janvier 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, Mme Maris B., Mme Nadia F., Mme Eugénia B., Mme Louisa B., M. Lionel D., M. Georges D. et Mme Océane D., appelants, demandent à la cour de :
Au principal,
- infirmer l'ordonnance du 12 juillet 2017,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expulsion,
Subsidiairement,
- accorder aux appelants un délai d'un an pour quitter les lieux,
En tout état de cause,
- condamner la commune et la communauté d'agglomération à payer aux appelants la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions, les appelants font valoir :
- que le premier juge a exercé un contrôle de proportionnalité insuffisant de la mesure ordonnée au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt Winterstein du 17 octobre 2013, n°27013/07) ;
- qu'en effet, ils occupent les lieux litigieux depuis 1992 ; que la commune a accepté depuis cette date leur présence et que ce sont les services de la préfecture du Val d'Oise qui les ont autorisés à se réinstaller sur le site en mars 2017 après évacuation, faute de solution de relogement ; que parmi les personnes assignées en expulsion, certaines souffrent de problèmes de santé comme M. D. ; qu'issus de la communauté des gens du voyage, ils sont implantés en ce lieu qui constitue leur domicile, avec leurs familles et depuis plus de 25 ans ; qu'en l'absence de solution de relogement, il y aurait une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale ;
- que la commune de Villiers le Bel ne comporte pas d'aire d'accueil des gens du voyage malgré l'obligation légale issue de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 modifiée relative à l'accueil et à l'habitat de ces personnes ;
- que leur appartenance à un groupe socialement défavorisé et leurs besoins particuliers auraient dû être pris en compte afin de satisfaire à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- qu'à titre subsidiaire, si la cour devait procéder elle-même le contrôle de proportionnalité que le premier juge n'a pas effectué, l'ordonnance devrait être également infirmée ; que les appelants forment six ménages composés de 30 personnes, dont 9 adultes et 21 enfants ; que l'expulsion sans délai est disproportionnée eu égard aux dispositions des articles 3 et 8 de la Convention précitée, car ils risquent de se retrouver sans abri ;
- qu'à titre plus subsidiaire, si l'expulsion devait être ordonnée, il convient de leur accorder un délai d'un an pour libérer les lieux en application de l'article L.412-3 du code des procédures civiles d'exécution, leur relogement ne pouvant avoir lieu dans des conditions normales.
Par conclusions reçues le 7 février 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la commune de Villiers Le Bel et la communauté d'agglomération Roissy Pays de France, intimées, demandent à la cour de :
- confirmer l'ordonnance entreprise,
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs prétentions,
- en tout état de cause, condamner in solidum les appelants à leur payer, à chacune, une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les intimées font valoir essentiellement :
- que l'occupation sans droit ni titre constitue un trouble manifestement illicite ; que contrairement à ce qui est soutenu, le premier juge a procédé au contrôle de proportionnalité de la mesure ;
- que l'utilisation que les occupants font de la parcelle porte atteinte à l'environnement et à la salubrité et à la sécurité des personnes ; qu'ils ont effectué des branchements sauvages pour se raccorder à l'eau et à l'électricité ; que plusieurs foyers d'incendie sont apparus avec l'émanation de fumées toxiques ; que les occupants ont également déboisé les parcelles occupées qui constituent le Mont Griffard, un espace boisé naturel que la communauté d'agglomération envisage d'aménager en parc ;
- que la loi du 5 juillet 2000 n'a pas vocation à s'appliquer dès lors que les occupants ne sont pas des gens du voyage mais des personnes sédentarisées.
Par conclusions 'd'incident' reçues les 23 et 24 janvier 2018, la commune de Villiers le Bel et la communauté d'agglomération demandent à la cour, au visa de l'article 905 du code de procédure civile, de constater que les appelants n'ont pas conclu, de prononcer la caducité de l'appel et de condamner les appelants à leur payer la somme de 4 000 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
Les intimées soutiennent que dans la mesure où les appelants n'ont pas conclu 'à ce jour' et ne concluront pas dans un délai leur permettant de répliquer, alors que la clôture doit être prononcée le 25 janvier 2018, la cour doit prononcer la caducité des déclarations d'appel.
Par conclusions en réponse à 'incident' reçues le 24 janvier 2018, Mme Maris B., Mme Nadia F., Mme Eugénia B., Mme Louisa B., M. Lionel D., M. Georges D. et Mme Océane D. demandent à la cour de :
- déclarer irrecevables les conclusions d'incident et demandes de la commune et de la communauté d'agglomération déposées le 23 janvier 2018,
- subsidiairement, rejeter la demande de caducité ainsi que les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- en tout état de cause, condamner la commune et la communauté d'agglomération à leur payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'incident,
- 'statuer comme droit sur le reste'.
Au soutien de leurs demandes, les appelants font valoir que :
- la commune et la communauté d'agglomération ont confié la défense de leurs intérêts à maître Nadia C. mais que leurs conclusions 'd'incident' déposées le 23 janvier 2018 mentionnent le nom de maître My-Kim Y.-P. qui ne saurait conclure en leur nom, ce qui justifie le rejet de ces conclusions,
- la demande de caducité n'est pas justifiée au visa de l'article 905 du code de procédure civile, les appelants ayant conclu en respectant le programme fixé par la cour, soit avant la date prévue pour la clôture.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2018.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les conclusions 'd'incident'
Les conclusions 'd'incident' déposées par les intimées le 23 janvier 2018 ne sont pas irrecevables au motif qu'elles auraient été prises par un avocat non constitué pour les représenter, maître My-Kim Y.-P..
En effet, les intimées ont régularisé leurs conclusions le 24 janvier 2018 en mentionnant, outre le nom de leur avocat plaidant, maître My-Kim Y.-P., celui de l'avocat postulant, maître Nadia C. qui ne figurait pas sur leurs premières conclusions 'd'incident'.
La commune et la communauté d'agglomération soutiennent que l'appel est caduque, faute pour les appelants d'avoir conclu 'à ce jour', la clôture devant être prononcée le 25 janvier 2018.
L'article 905 du code de procédure civile, dans sa version ancienne applicable à la présente instance, engagée avant le 1er septembre 2017, n'impose aucun délai aux parties pour déposer leurs conclusions et ne prévoit aucune sanction de caducité à défaut de conclusions de l'appelant, étant relevé que les appelants ont bien conclu avant la clôture, dont la date a été reportée, en transmettant leurs conclusions le 24 janvier 2018.
La demande doit donc être rejetée.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de cette procédure 'd'incident', jointe au fond.
Sur la demande d'expulsion
Selon l'article 809, alinéa 1 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il est constant que l'occupation sans droit ni titre de la propriété d'autrui constitue en soi un trouble manifestement illicite au sens des dispositions précitées que le juge des référés a le pouvoir de faire cesser en ordonnant l'expulsion immédiate des occupants, quelles ' que soient les raisons et les circonstances de cette occupation, l'état du bien concerné ou la personne du propriétaire (3ème Civ. 21 décembre 2017, °16-25-469).
Au cas d'espèce, la violation du droit de propriété de la commune et de la communauté d'agglomération des parcelles litigieuses et l'occupation sans droit ni titre des consorts B.-F.-D.-D. sont établies, et au demeurant non discutées par les appelants devant la cour, même si ces derniers prétendent qu'ils ont été autorisés par la préfecture du Val d'Oise à se réinstaller dans les lieux, avec l'autorisation du maire de Villiers le Bel, ce qui est formellement contesté par la commune et la communauté d'agglomération, le courrier du 22 mars 2017 de l'association départementale Voyageurs-Gadjé qui fait état de cette autorisation précisant en tout état de cause une durée limitée à quatre mois, largement expirée à ce jour.
Par ailleurs, il ne peut être utilement invoqué par les appelants un quelconque droit au logement, tiré notamment de l'absence d'aire d'accueil des gens du voyage sur la commune de Villiers le Bel, la jurisprudence considérant que l'occupation illégale de lieux ne peut constituer un moyen licite de mettre en oeuvre le droit au logement et que la qualification de trouble manifestement illicite ne peut être écartée pour ce motif.
La mesure ordonnée pour mettre fin au trouble manifestement illicite constaté est cependant contestée par les appelants au regard des exigences posées par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui dispose que 'toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance'et de l'interprétation qui en a été faite par la Cour européenne des droits de l'homme, la perte d'un logement étant considérée par cette cour comme une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile.
Il appartient à la cour statuant en référé, saisie en appel d'une demande de contrôle de proportionnalité, de rechercher si la mesure d'expulsion qui a été ordonnée est proportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des consorts B.-F.-D.-D..
Le procès-verbal de constat dressé le 4 mai 2017 révèle qu'après l'évacuation des parcelles ordonnée par le préfet du Val d'Oise, par arrêté du 30 janvier 2017, des personnes sont revenues s'installer sur le site, et notamment :
- Mme Marie B. (avec son concubin M. Pascal D., qui n'a pas formé appel) et ses sept enfants, âgés de 2 à 16 ans, dans deux caravanes, un chalet et une carcasse de mobil-home démontée,
- Mme Nadia F. dans une caravane,
- Mme Eugénia B. dans un chalet en bois et trois caravanes, avec six enfants âgés de 2 à 16 ans,
- M. Lionel D. et Mme Louisa B. dans deux caravanes et un chalet, avec six enfants âgés de 2 à 14 ans,
- M. George D. dans une caravane,
- Mme Océane D..
Il n'est pas sérieusement contesté que les appelants sont installés sur ce site depuis plusieurs années et qu'ils ont établi des liens continus avec ce lieu où ils disent que leurs enfants sont scolarisés, sans toutefois en justifier et sans que soit démontrée une occupation stable et continue depuis 1992 telle qu'alléguée.
Il ressort encore des éléments versés aux débats par les appelants que Mme Eugénia B. assume la charge de six enfants mineurs, dont l'un, Brandon D., né le 8 décembre 2003, est suivi médicalement depuis sa naissance sur le plan cardiaque et que M. George D., né en 1957, qui perçoit le revenu de solidarité active, connaît également de graves problèmes de santé, nécessitant des soins continus et un raccord à l'électricité et à l'eau courante selon le certificat médical établi par son médecin traitant le 22 mai 2017.
Cependant, il résulte également des pièces produites aux débats :
- que l'évacuation de ces personnes, qui occupaient déjà les parcelles litigieuses avant l'ordre d'évacuation donné par le préfet du Val d'Oise, a été rendue nécessaire à raison de leur proximité (150 mètres) avec des incendies survenues dans des décharges sauvages (carcasses de voitures, gravats) que les sapeurs pompiers ne parvenaient pas à éteindre, dégageant des fumées toxiques, alors qu'au surplus, certains occupants utilisaient des groupes électrogènes pour leur alimentation électrique sans garantie de sécurité et générant un risque élevé de nouveaux foyers d'incendie et que les terrains occupés comportaient de très importantes quantités de déchets et d'immondices sans aucun système de collecte mis en place pouvant conduire également à alimenter les foyers existants,
- que selon les procès-verbaux de constat dressés les 5 et 10 janvier 2017, il existait alors sur le site une zone entière de détritus divers avec en contrebas une décharge véritable d'où se dégageaient des fumeroles ; qu'une parcelle venait d'être manifestement déboisée, des parties d'arbres fraîchement coupées gisant au sol, la partie dégagée étant entourée d'un immense tas d'ordures ; qu'à l'arrière de deux chalets en bois'très récents', se trouvaient deux fourreaux d'évacuation dont l'un déversant en contrebas dans l'herbe des matières fécales, à quelques mètres de la source ; que des branchements sauvages avaient été pratiqués dans la chambre de la Lyonnaise des eaux ; que des fils électriques partaient d'un poteau électrique sur lequel se trouvaient deux coffrets EDF.
Ces éléments démontrent que les conditions d'occupation des parcelles litigieuses à usage d'habitation entraînent des risques importants pour la sécurité des personnes et la salubrité, de par les branchements sauvages qui sont effectués pour se raccorder à l'eau et à l'électricité sur le réseau public, l'absence de système de collecte des détritus et d'évacuation des eaux usées, le déclenchement d'incendies aggravés par la combustion sous terre des déchets brûlés générant des fumées toxiques.
Ces conditions d'utilisation des parcelles s'avèrent d'autant plus dangereuses que de nombreux enfants vivent sur ce site, étant relevé que cette dangerosité a été de nouveau dénoncée au mois d'août 2017 par la société Enedis, soit après la réinstallation des appelants, les raccordements sauvages réalisés par les occupants des parcelles concernées risquant en outre de porter atteinte aux habitants d'une partie de la ville de Villiers le Bel.
En effet, la société Enedis mentionne dans son rapport qu''un câblage aérien triphasé a été raccordé dangereusement sur un départ du tableau électrique du poste de distribution publique SULLPY. Des barrettes neutres sont insérées dans les étriers en lieu et place des fusibles. Ce raccordement frauduleux, dans un lieu comportant des pièces nues sous tension fait courir un risque très élevé aux tiers et aux biens (électrisation, court-circuit, incendie et panne de courant sur un grand secteur de la ville)', que ce câblage du piquage chemine à terre dans un domaine boisé avec tous les risques précédemment énoncés pour alimenter plusieurs caravanes et qu'il a été procédé à une mise en sécurité par la mise hors tension du piquage et sa déconnexion et la fermeture du poste afin d'éviter toute intrusion.
En outre, si les familles appartiennent à une minorité vulnérable ou défavorisée dont il doit être tenu compte dans l'examen de proportionnalité, que l'intérêt supérieur des enfants est mis en avant de même que celui des personnes malades au titre de la protection de leur domicile, les appelants ne justifient d'aucune démarche personnelle en vue d'obtenir leur relogement depuis le mois de janvier 2017, étant souligné qu'ils sont sédentarisés et n'ont pas vocation à revendiquer des places d'accueil pour les gens du voyage de passage au titre de la loi du 5 juillet 2000.
Il ne résulte dès lors pas de l'ensemble de ces constatations et énonciations que l'expulsion des occupants, les privant de leur habitat, aurait des conséquences disproportionnées, dans les circonstances de l'espèce, à l'importance de la violation du droit de propriété alléguée et au regard des impératifs de santé et de sécurité publiques et de protection de l'environnement.
Le trouble manifestement illicite étant en l'espèce caractérisé, la décision en ce qu'elle ordonne l'expulsion des occupants sans droit ni titre doit être confirmée.
Sur la demande de délais
L'article L412-3 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation. Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
L'article L. 412-4 du même code précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
Les appelants sollicitent, sur le fondement de l'article L412-3 sus mentionné, un délai d'un an pour libérer les lieux, en l'absence de solution de relogement, soulignant l'absence de respect dans le département du Val d'Oise de l'obligation de création de places d'accueil des gens du voyage.
Comme la cour l'a précédemment indiqué, les appelants, qui savent depuis le mois de janvier 2017 qu'ils doivent quitter les lieux, ne justifient pas de démarches personnelles en vue d'obtenir une solution de relogement.
Néanmoins, il est certain que le relogement de ces personnes et familles sédentarisées, dont les enfants peuvent être scolarisés, et qui souhaitent pouvoir continuer à vivre sur un terrain comme elles le font actuellement, pose des difficultés, y compris au sein de la communauté d'agglomération Roissy Pays de France.
En conséquence, il convient de faire droit à la demande de délais formée par les appelants pour quitter les lieux et de suspendre jusqu'à la fin de l'année scolaire leur expulsion et celle de tous occupants de leur chef, soit jusqu'au 30 juillet 2018.
Sur les autres demandes
L'ordonnance déférée sera confirmée du chef des condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Les parties doivent être déboutées de leurs prétentions à ce titre.
PAR CES MOTIFS LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la demande de caducité de l'appel,
CONFIRME l'ordonnance rendue le 12 juillet 2017,
Y AJOUTANT,
SUSPEND l'expulsion de Mme Marie B., Mme Nadia F., Mme Eugénia B., Mme Louisa B., M. Lionel D., M. George D. et Mme Océane D. et leur accorde un délai jusqu'au 30 juillet 2018 pour quitter, ainsi que tous occupants de leur chef, les parcelles qu'ils occupent visées dans l'ordonnance du 12 juillet 2017,
DIT que, faute pour Mme Marie B., Mme Nadia F., Mme Eugénia B., Mme Louisa B., M. Lionel D., M. George D. et Mme Océane D. d'avoir libéré les lieux dans ce délai, il sera procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec l'assistance de la force publique et selon les modalités fixées par l'ordonnance confirmée,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
LAISSE à chacune des parties la charge des dépens d'appel par elle exposés qui seront recouvrés, s'agissant des appelants, conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.