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Décisions

CA Grenoble, ch. soc., 5 novembre 2020, n° 18/01898

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Corin France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fressard

Conseillers :

M. Blanc, M. Molinar-Min

Cons. Prud’h. Grenoble, du 13 avr. 2018

13 avril 2018

EXPOSE DU LITIGE

Madame Isabelle D. G. a été embauchée par la société TORNIER HOLDING, par contrat à durée indéterminée à compter du 05 décembre 2005 en qualité d'assistance administrative à temps complet.

Elle est ensuite passée au service de la société TORNIER COMMERCIAL puis selon contrat du 1er janvier 2007 de la SAS TORNIER HOLDING en qualité d'assistance du service marketing « genou » avec une reprise d'ancienneté au 5 décembre 2005.

La convention collective applicable est celle des mensuels des industries des métaux de l'Isère.

La société TORNIER est spécialisée dans la fabrication de prothèses orthopédiques.

Par opération de fusion/absorption menée en juillet 2016, la société WRIGHT qui avait acquis la société TORNIER le 12 octobre 2014 a procédé à une réorganisation de ses activités et a vendu sa branche prothèse hanche/genou (BU Large Joints) au groupe britannique CORIN.

Les contrats de travail de l'ensemble des salariés de l'activité rachetée, dont celui de Madame D. G., ont été transférés à compter du 24 octobre 2016 à la société CORIN France créée à cette fin.

Le 10 février 2015, Madame D. G. a signalé à la direction générale du groupe, la violation par sa hiérarchie de certaines règles édictées par la charte éthique en application dans le groupe.

Suite à ce signalement, la direction générale du groupe a diligenté une enquête interne qui a abouti à la mise en lumière de faits suffisamment graves pour entraîner le départ rapide de deux cadres du service commercial marketing de l'activité « Large Joints » au sein de la société TORNIER WRIGHT.

Madame D. G. soutient avoir été identifiée publiquement comme étant l'auteur de l' alerte éthique ayant entrainé les conséquences énoncées ci-dessus.

Fin janvier 2016, Madame D.-G. a été placée en arrêt pour maladie.

À compter du 07 mars 2016 et ce jusqu'au 04 avril 2016, elle a repris son activité en mi-temps thérapeutique.

Le 26 mars 2016 a eu lieu son entretien annuel professionnel avec son supérieur hiérarchique, Monsieur L..

Le 1er juin 2016, Madame D.-G. a été de nouveau placée en arrêt de travail.

Le 23 juin 2016, elle a saisi le conseil de prud'hommes de GRENOBLE.

Le 23 février 2017, Madame D.-G. a été reçue auprès de la Médecine du travail pour une visite de reprise.

Le médecin du travail a conclu à un avis d'inaptitude dans les termes suivants : « inapte à travailler dans un collectif de travail dérivé de l'ancienne équipe « prothèse de hanche et genou » de l'équipe WRIGHT-TOURNIER. Peut travailler dans un tout autre collectif. »

Le 17 mars 2017, la société CORIN France a notifié à Madame D.-G. l'impossibilité de la reclasser.

Par courrier du 21 mars 2017, la société CORIN France a convoqué Madame D.-G. à un entretien préalable, auquel elle n'a pas assisté.

Par courrier du 10 avril 2017, Madame D.-G. s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude définitive et impossibilité alléguée de reclassement.

Par jugement du 13 avril 2018, le conseil de prud'hommes de GRENOBLE a :

' jugé que Madame Isabelle D. G. n'a été victime ni de faits de discrimination, ni de faits de harcèlement moral dans l'exécution de la relation de travail depuis 2015 de la part de la SAS CORIN France,

' jugé que la SAS CORIN France n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat et que, par conséquent, l'inaptitude de Madame Isabelle D. G. ne lui est pas imputable,

' jugé que la SAS CORIN France a respecté son obligation en matière de reclassement,

' dit n'y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame Isabelle D. G.,

' débouté en conséquence Madame Isabelle D. G. de l'ensemble de ses demandes,

' débouté, en équité, la SAS CORIN France de sa demande reconventionnelle,

' laissé les dépens à la charge de Madame Isabelle D. G..

Ledit jugement a été notifié aux parties par LRAR du 13 avril 2018, dont les parties ont accusé réception à la date du 17 avril 2018.

Par acte du 25 avril 2018, Madame Isabelle D. G. a formé appel à l'encontre dudit jugement.

Madame Isabelle D. G. s'en est remise à des conclusions transmises le 15 juin 2020 et entend voir :

' déférer le serment supplétoire de Monsieur L.,

' constater les faits de discrimination de la société CORIN France à l'égard de Madame D.-G. suite à son signalement éthique,

' constater les faits de harcèlement moral de la société CORIN France à l'égard de Madame D.-G. dans l'exécution de la relation de travail depuis 2015,

' dire que la rupture du contrat est imputable à la société CORIN France et s'analyse en un licenciement nul et de nul effet,

' infirmer l'entier jugement dont appel.

En conséquence :

' fixer le salaire mensuel moyen de Madame D.-G. à la somme de 2 753,50 € bruts,

' condamner la société CORIN France au paiement de 66 072,00 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

Subsidiairement :

' constater les manquements graves de la société CORIN France à l'égard de Madame D.-G. dans l'exécution de la relation de travail,

' dire que la rupture du contrat est imputable à la société CORIN France et s'analyse en conséquence en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

' condamner la société CORIN France au paiement de 66 072,00 € nets à titre de dommages-intérêts à Madame D.-G. pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause :

' condamner la société CORIN France au paiement de 15 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

' condamner la société CORIN France au paiement de 15 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

' condamner la société CORIN France au paiement de 5 507,50 € bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

' condamner la société CORIN France au paiement de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, soit la somme de 550,75 € bruts,

' ordonner la délivrance de bulletins de paye rectifiés et d'une attestation pôle emploi régularisée,

' condamner la société CORIN France à payer à Madame D.-G. la somme de 2 000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

Elle fait valoir que :

Sur les faits Madame D.-G. fait valoir :

' avoir constaté en 2015 que M. G., responsable du marché genou, dont elle était l'assistante et M. L., supervisant les marchés hanches et genoux (organigramme pièce 6), prenaient des décisions contraires à la charte éthique de la société (paiements injustifiés de séjours et de factures au bénéfice de prescripteurs (chirurgiens orthopédistes),

' le 10 février 2015, elle a procédé au signalement de la situation auprès de la direction générale du groupe WRIGHT aux USA,

' déjà informée de la situation, la vice-présidente de la société WRIGHT a désigné un mandataire en Europe, Madame G. responsable de la compliance ,

' Monsieur G. a présenté sa démission le 03 février 2015,

' Monsieur L. a été licencié pour faute le 24 avril 2015,

' Monsieur L. a succédé à Monsieur L. et a repris l'activité de l'entier secteur d'activité (BU) « Large Joints » (hanches et genoux) avec le titre de vice-président de la société à compter du 1er mai 2015,

' Madame D.-G. s'est vue identifiée publiquement comme l'un des auteurs de l' alerte éthique ayant mené au départ de ses supérieurs,

' elle a été ensuite ostracisée et mise à l'écart par le reste de l'ancienne équipe de travail, victime alors d'une défiance systématique de ses collègues,

' à compter de juin 2015, Monsieur L. et Monsieur V. ont entrepris une action concertée de déstabilisation de sa personne, dans le but explicite de la pousser au départ,

' Elle s'est vue, alors, confier des tâches qui n'étaient pas conformes à sa qualification,

' il lui a été reproché de mauvaises relations avec des médecins (qui étaient bénéficiaires des pratiques abusives de ses anciens supérieurs), ainsi que des manquements professionnels infondés,

' de même, l'évaluation professionnelle rédigée par Monsieur L. était particulièrement négative et à charge, en contradiction avec ses évaluations précédentes,

' la souffrance subie au travail a fini par avoir des conséquences sur son état de santé (intenses douleurs lombaires conduisant à sa paralysie motrice le 6 janvier 2016),

' le 9 février 2016, le médecin du travail constatait qu'elle « faisait l'objet d'injonctions contradictoires la conduisant à un grave état anxio-dépressif », prescrivant un arrêt de travail, et une reprise en mi-temps thérapeutique à partir du 7 mars,

' le 26 mars 2016, était rendue son évaluation professionnelle finale, faisant mention d'une notation « insuffisante » pour 2015, et qui la laissait dans l'incertitude sur son avenir professionnel.

' retirée de son poste initial, livrée à elle-même, non encadrée, elle devait faire face à des demandes de travail éparses, changeant tous les jours,

' ce n'est que le 28 avril qu'elle s'est vue proposer par la RH (Madame C.) un avenant qui visait à alléger son poste de nombreuses fonctions, dont celle du contact avec les médecins, proposition de déclassement explicitement discriminatoire,

' aucun autre poste de reclassement ne lui été proposé,

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat et de nullité de la rupture prononcée :

' suite à son alerte , ses collègues l'ont identifiée comme source des dénonciations ayant conduit à la mise en cause de ses supérieurs hiérarchiques, et l'ont ostracisée,

' Monsieur L. n'a entrepris aucune mesure pour la réhabiliter auprès des membres de l'équipe,

le témoignage de Monsieur L., dans lequel il a déclaré avoir ignoré sa situation de lanceuse d' alerte , est contesté, (il délivre l'attestation non pour témoigner de faits objectivement constatés mais pour la production en justice par le conseil de la société CORIN France ; déclaration signée 2,5 ans après les faits, Monsieur L. se contente de certifier l'exactitude de « l'attestation ») les termes de son évaluation professionnelle de 2015 menée par Monsieur L. mettent en évidence qu'il était au courant de sa dénonciation à la direction du manquement de ses supérieurs hiérarchiques aux règles d'éthique ;

' il apparaît nécessaire de réformer le jugement sur ce point en déférant au besoin le serment à Monsieur L.

Sur la discrimination prohibée, Madame D.-G. fait valoir :

' que les faits de discrimination sont établis par :

' son évaluation annuelle de 2015, celle-ci étant peu objective, et ne retenant pour seuls éléments d'insuffisance, 2 courriels émanant de Monsieur V., acteur dans son exclusion, qui évoque des reproches infondés,

' le reste des critiques est en lien avec la procédure de compliance , (tension avec le reste de l'équipe, plainte d'un médecin, Monsieur C., qui était bénéficiaire des pratiques abusives...)

' cette évaluation est en totale contradiction avec les évaluations antérieures,

' ainsi l'évaluation est la preuve de la discrimination professionnelle opérée par Monsieur L.;

'la discrimination est également démontrée par sa mise à l'écart professionnelle :

'elle n'a pas été intégrée à la nouvelle organisation du service à compter du 1er janvier 2016,

'elle s'est vue retirer des fonctions sans aucune explication dans le cadre de son mi-temps thérapeutique,

'son employeur, et plus particulièrement Madame C., responsable RH, lui a proposé le 28 avril 2016, avec l'aval de Monsieur L., une modification de son poste, actant du retrait des tâches à responsabilité, signe de la méfiance à son égard,

'la discrimination est également établie par la proposition de changement d'environnement et l'absence de recours au reclassement interne en 2016 :

'Monsieur L. a préconisé à l'issue de l'évaluation annuelle 2015 un changement d'environnement de travail,

'cette préconisation est discriminatoire car rien ne la justifie hormis l' alerte lancée,

'en outre, aucune proposition de nouvelle affectation ne lui a été proposée par son employeur,

'cette proposition acte simplement son départ prochain,

'à ce titre, il est souligné qu'au moment de la préconisation, il était possible de l'affecter auprès d'autre site de la société TORNIER WRIGHT, notamment à Montbonnot... L'inertie de Monsieur L. lui a fait perdre une chance réelle de reclassement,

' la discrimination est également établie par la baisse puis l'absence de versement de gratification en 2015 et 2016,

' l'ensemble de ces éléments et leur chronologie permettent de présumer l'existence d'un comportement discriminant à son égard.

Sur le harcèlement moral, Madame D.-G. fait valoir :

' sur le plan collectif, l'absence au moment des faits de DUERP ou de processus d'identification des risques psycho-sociaux,

' l'inscription en juin 2016 d'un projet de registre des RPS « traumatiques » dans son service,

' l'absence de toute action de la part de Monsieur L. pour la réhabiliter auprès de ses collègues, ou la protéger,

' l'absence d'enquête interne suite à son signalement officiel du 22 juin 2016,

' le constat médical du harcèlement, documenté par le médecin du travail (arrêts maladie, diagnostic de dépression sévère, termes du médecin dans l'avis d'inaptitude, liant celle-ci à l'environnement de travail),

' il est précisé que le harcèlement moral n'est conditionné ni par le signalement au CHSCT ni à une demande de reconnaissance d'un harcèlement moral en accident de travail,

- elle a subi un préjudice significatif à raison de la résiliation judiciaire du contrat de travail qui doit être prononcée et produisant les effets d'un licenciement nul (11 ans d'ancienneté, âgée de 43 ans, élève seule un mineur de 16 ans, elle n'a pas retrouvé d'emploi stable).

Subsidiairement, sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, Madame D.-G. fait valoir que :

- l'inaptitude a été causée par la faute de l'employeur de l'employeur :

' le comportement de la hiérarchie démontre qu'elle a été sanctionnée pour avoir été loyale à la société et avoir rapporté des pratiques abusives,

' lors des entretiens avec Monsieur L., ce dernier lui a fait comprendre qu'elle n'avait plus sa place dans l'équipe d'origine,

' elle n'a pas été mentionnée dans la présentation de la nouvelle équipe (pièce 16)

' Monsieur L. a attendu plus de 4 mois pour lui proposer une nouvelle définition de fonction, qui a consisté en une déclassification de son poste

- l'employeur a été particulièrement déloyal dans la recherche du reclassement suite à son inaptitude:

' il n'a pas pris en compte sa large mobilité géographique en France,

' la proposition du poste soumis à l'avis du médecin du travail, implique l'intention patente de ne pas la reclasser,

' un poste basé à Grenoble correspondait aux prescriptions du médecin mais n'a pas été proposé,

' il ressort de ces éléments une déloyauté continue de CORIN justifiant une condamnation.

En tout état de cause, l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et de résultat, reprenant les éléments développés précédemment (absence de DUERP, survenance d'un risque psycho-social) et a fait l'objet de harcèlement moral.

La SAS CORIN FRANCE s'en est rapportée à des conclusions transmises le 15 juin 2020 et entend voir :

A TITRE PRINCIPAL :

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 13 avril 2018 sauf en ce qu'il a débouté la société CORIN France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Constater que Madame D. G. n'a subi aucune discrimination de la part de la société CORIN France suite à son signalement éthique ;

- Constater que Madame D. G. n'a pas non plus subi de faits constitutifs d'un harcèlement moral de la part de la société CORIN France ;

- Rejeter en conséquence la demande de reconnaissance de résiliation judiciaire aux torts de la société CORIN France ;

- Rejeter en conséquence la demande de nullité du licenciement ;

- Constater la validité de la rupture du contrat de travail de Madame D. G. par licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement notifié le 10 avril 2017.

Et en conséquence,

- Dire le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement fondé ;

- Débouter Madame D. G. de l'ensemble de ses demandes

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en date du 13 avril 2018 sauf en ce qu'il a débouté la société CORIN France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Constater la validité de la rupture du contrat de travail de Madame D. G. par licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement notifié le 10 avril 2017;

- Constater l'absence de faute de la société CORIN France à l'égard de Madame D. G. dans l'exécution de la relation de travail ;

- Constater que la société CORIN France a respecté son obligation de reclassement ;

Et en conséquence,

- Dire le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement fondé ;

- Débouter Madame D. G. de l'ensemble de ses demandes.

A TITRE ENCORE SUBSIDIAIRE :

Si par extraordinaire la Cour prononçait la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et la nullité de la rupture du contrat,

- Limiter, le cas échéant, les éventuels dommages et intérêts pour licenciement nul au minimum de 6 mois de salaire soit 16.521 euros bruts.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

Si par extraordinaire la Cour considérait que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse

- Limiter, le cas échéant, les éventuels dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum de 6 mois de salaire soit 16.521 euros bruts.

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :

- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 13 avril 2018 en ce qu'il a débouté la société CORIN France de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Constater que la société CORIN France n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

- Constater l'absence de faits constitutifs d'un harcèlement moral à l'égard de Madame

D. G. ;

Et en conséquence,

- Débouter Madame D. G. de l'ensemble de ses demande.

A TITRE RECONVENTIONNEL :

- Condamner Madame D. G. à verser à la Société la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Elle fait valoir que :

- la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts n'est pas fondée en ce que :

- Madame D.-G. n'a fait l'objet d'aucune discrimination prohibée :

- Monsieur L. n'avait pas connaissance complète du signalement éthique qu'avait effectué la salariée. La procédure a été confidentielle. Il n'était pas en poste au moment des faits. Il est produit une attestation de sa part en ce sens. La demande de déféré de serment n'est pas justifiée, Madame D.-G. n'apportant aucun élément établissant que l'attestation aurait pu être rédigée par un tiers. Les mentions de Monsieur L. dans l'évaluation professionnelle de la salariée pour l'année 2015 résultent du fait que cette dernière lui a elle-même fait part de la procédure d' alerte éthique

- il n'y a aucun lien entre les appréciations professionnelles objectives insuffisantes portées sur son évaluation 2015 et l' alerte éthique lancée par la salariée. Monsieur L. a pris le soin de solliciter l'avis de Monsieur V. et a fait des remarques à la fois positives et négatives sur les compétences professionnelles de la salariée et ce de manière objective. Des emails et l'appréciation portée par Monsieur V. attestent du manque de rigueur de la salariée. L'évocation des problèmes relationnels avec les autres membres de l'équipe a été faite en toute transparence.

- il n'y a eu aucune mise à l'écart de Madame D.-G. lors de la réorganisation en janvier 2016 (organigramme produit où elle apparaît. Cet organigramme n'est pas contestable pour ne pas faire apparaître Madame A. car celle-ci n'est restée dans l'entreprise que de janvier 2016 au 17 février 2016). La communication de novembre 2015 de Monsieur L. ne la mentionne pas car son poste n'est pas concerné par les changements majeurs à venir.

- il y a quelques changements mineurs dans la définition des fonctions de la salariée mais pas de modifications substantielles. La salariée y a été associée et n'avait alors émis aucune contestation.

- la salariée développe une position incohérente en considérant que Monsieur L. a voulu l'écarter du service en évoquant dans son évaluation 2015 un nécessaire changement d'environnement et dans le même temps en se plaignant qu'il ne lui ait pas proposé un autre poste.

- Monsieur L. a mis en place des actions pour résoudre les difficultés de la salariée au sein de l'équipe (attestation)

- il n'existait pas de poste disponible qu'elle pouvait occuper sur un autre site ou collectivité de travail de la société TORNIER WRIGHT

- la baisse puis le défaut de gratification résultent des appréciations portées sur ses compétences et de ses périodes d'absences de l'entreprise en application de l'accord atypique conclu avec le Comité d'entreprise

- Madame D.-G. n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral :

- l'email du 17 mars 2016 ne permet pas de comprendre en quoi la tâche demandée ne relève pas de ses fonctions

- les échanges qu'elle a eus avec la RH, Madame C., au sujet de la définition de ses missions dans le cadre de son mi-temps thérapeutique étaient cordiaux

- il n'est pas prouvé la répétition de faits

- Monsieur L. a mis en place des actions pour résoudre les problèmes relationnels avec l'équipe

- la salariée n'a pas fait montre de coopération pour compléter son évaluation annuelle et n'a pas réagi aux objectifs communiqués pour 2016

- une procédure d'évaluation des risques psycho-sociaux a été lancée en juin 2015 et un document unique a été établi en juin 2016, transmis au CHSCT

- la salariée n'a alerté ni le médecin du travail ni le CHSCT de faits de harcèlement moral

- les éléments médicaux ne font que reprendre les dires de la salariée sur la causalité entre son état de santé et ses conditions de travail. Les arrêts maladie sont de droit commun.

- Subsidiairement, le licenciement pour inaptitude de la salariée est justifié en ce que :

- Madame D.-G. n'apporte pas la preuve que son inaptitude a été causée par la faute de son employeur. Elle se prévaut des mêmes éléments que ceux à l'appui du harcèlement moral et de la discrimination allégués, dont il a été vu qu'ils n'étaient pas fondés.

- elle ne prouve pas le lien entre la prétendue dégradation de ses conditions de travail et son inaptitude d'origine non professionnelle. Il n'y a eu aucune saisine de la CPAM pour faire reconnaître une maladie professionnelle.

- elle a respecté son obligation de reclassement. La société CORIN France n'est composée que de l'ancienne équipe « prothèses des hanches et genoux » de sorte qu'aucun poste disponible de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail n'était disponible. Le médecin du travail a été consulté plus spécifiquement sur un poste de chargé d'accueil et de communication et l'a estimé non compatible avec l'état de santé de la salariée. Madame D.-G. a limité le périmètre de son reclassement à la France de sorte qu'il n'y avait pas reclassement possible puisque l'entreprise n'a qu'un établissement à MONTBONNOT.

- les prétentions financières de Madame D.-G. ne sont pas justifiées. Elle a retrouvé un emploi dans le cadre de missions de travail temporaire.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2020.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la discrimination prohibée à raison de la dénonciation d'un crime ou d'un délit dont la salariée a eu connaissance à l'occasion de son travail :

L'article L1132-3-3 du code du travail,créé par la loi n°2013-1117du 6 décembre 2013 énonce que :

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

En cas de litige relatif à l'application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'article L1132-3-3 du code du travail, modifié par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 du code du travail, entré en vigueur le 11 décembre 2016, prévoit que :

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

En cas de litige relatif à l'application des premier et deuxième alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, ou qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Les articles 6 à 8 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 énoncent que :

Chapitre II : De la protection des lanceurs d' alerte

Article 6

Un lanceur d' alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.

Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l' alerte défini par le présent chapitre.

Article 7

Le chapitre II du titre II du livre Ier du code pénal est complété par un article 122-9 ainsi rédigé :

« Art. 122-9.-N'est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu'elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d' alerte prévus à l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. »

Article 8

I. - Le signalement d'une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci.

En l'absence de diligences de la personne destinataire de l' alerte mentionnée au premier alinéa du présent I à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l'autorité judiciaire, à l'autorité administrative ou aux ordres professionnels.

En dernier ressort, à défaut de traitement par l'un des organismes mentionnés au deuxième alinéa du présent I dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public.

II. - En cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes mentionnés au deuxième alinéa du I. Il peut être rendu public.

III. - Des procédures appropriées de recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels sont établies par les personnes morales de droit public ou de droit privé d'au moins cinquante salariés, les administrations de l'Etat, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

IV. - Toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d'être orientée vers l'organisme approprié de recueil de l' alerte .

Article 9

I. - Les procédures mises en œuvre pour recueillir les signalements, dans les conditions mentionnées à l'article 8, garantissent une stricte confidentialité de l'identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l'ensemble des destinataires du signalement.

Les éléments de nature à identifier le lanceur d' alerte ne peuvent être divulgués, sauf à l'autorité judiciaire, qu'avec le consentement de celui-ci.

Les éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement ne peuvent être divulgués, sauf à l'autorité judiciaire, qu'une fois établi le caractère fondé de l' alerte .

II. - Le fait de divulguer les éléments confidentiels définis au I est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

L'article L 1132-4 du code du travail dispose que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.

Au cas d'espèce, à titre liminaire, ne peut être appliqué au litige que l'article L 1132-3-3 du code du travail dans sa version issue de la loi n°2013-117 du 6 décembre 2013, Madame D.-G. n'étant pas fondée à se prévaloir des dispositions de ce texte dans leur version issue de la loi n°20161691 du 9 décembre 2016, entrées en vigueur le 11 décembre 2016 dès lors que la dénonciation de faits présumés commis par ses supérieurs hiérarchiques à Monsieur Dawn S., vice-président et officier des règles d'éthique dans l'entreprise ( compliance officer) a été faite en 2015 d'après les échanges de mails qu'elle produit aux débats (pièces n°7 à 14), soit avant l'entrée en vigueur de la loi créant un statut général de lanceur d' alerte , étant noté que les personnes impliquées, à savoir Messieurs Nicolas G. et Sébastien L. ont respectivement démissionné par courrier du 3 février 2015 et fait l'objet d'un licenciement pour faute grave le 24 avril 2015.

Si la charge de la preuve d'une discrimination prohibée à raison de la dénonciation de bonne foi d'un délit ou d'un crime dont un salarié a eu connaissance à l'occasion de ces fonctions est partagée, celui-ci devant apporter la matérialité d'éléments de fait, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer une discrimination prohibée, à charge pour l'employeur d'apporter des justifications établissant que ces éléments sont étrangers à toute discrimination, encore faut-il au préalable qu'il y ait eu la relation par le salarié d'un crime ou d'un délit présumé dans l'exercice de ses fonctions.

Or, tant dans ses conclusions que dans les pièces produites, et plus particulièrement les mails échangés par Madame D.-G. et Monsieur Dawn S., il n'est pas explicité de quel délit ou crime, Messieurs G. et L. seraient suspectés d'avoir commis, la Cour n'ayant pas à se substituer aux parties pour tenter de trouver une éventuelle qualification pénale des faits dénoncés, qui en l'état des éléments produits et notamment de la lettre de licenciement de Monsieur L. du 24 avril 2015 ne correspondent qu'à des manquements aux règles et procédures internes de la société.

Madame D.-G. indique en effet successivement dans ses conclusions avoir dénoncé « des faits fautifs commis par sa hiérarchie », « de graves malversations », « le délit commis par ses deux supérieurs hiérarchiques », sans précision de la nature de celui-ci, « de faits délictueux », tout en renvoyant à un contournement des règles de compliance de l'entreprise et non à une quelconque infraction pénale.

Elle rappelle également dans l'exposé des faits qu'elle a effectué un signalement éthique après avoir constaté en 2015 que Messieurs G. et L. prenaient des décisions violant la charte éthique de la société, qui lui était par suite demandé d'exécuter : paiements injustifiés de séjours et de factures au bénéfice de prescripteurs (chirurgiens orthopédistes) des prothèses orthopédiques fabriquées par la société TORNIER WRIGHT, sans référence au moindre délit ou crime.

Si le délit ou le crime dénoncé n'ont pas à être caractérisé ni nécessairement qualifié dès la relation par le salarié à sa hiérarchie de celui-ci ni que la preuve effective de la commission de l'infraction soit rapportée, sous réserve de sa bonne foi, pour que le salarié puisse revendiquer le bénéfice de l'article L 1132-3-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, encore faut-il qu'au moment où il se prévaut de ses dispositions il explicite de quel délit ou crime il pourrait ou aurait pu s'agir.

La Cour ne peut que noter que Madame D.-G. ne soutient aucunement avoir faire l'objet de mesures discriminatoires et de représailles à raison de l'exercice légitime de son droit d'expression dans l'entreprise en méconnaissance des articles L 1121-1, L 2281-1 et suivants du code du travail et ce alors, qu'elle indique expressément que sa démarche s'est inscrite dans le cadre d'un signalement éthique conformément au code de conduite des affaires au sein de WRIGHT MEDICAL ; ce qui constitue l'exercice de son droit d'expression, encouragé et le cas échéant encadré par l'employeur par l'entremise dudit code de conduite.

En conséquence, faute pour Madame D.-G. d'établir au préalable avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions au sens de l'article L 1132-3-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame D.-G. de sa demande tendant à dire qu'elle a fait l'objet de discrimination de la société CORIN France suite à son signalement éthique.

La demande corolaire tendant à voir déférer le serment supplétoire de Monsieur L. est également rejetée.

Sur le harcèlement moral :

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est en outre pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le Juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

En cas de litige relatif à l'application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Postérieurement au 10 août 2016, la nouvelle rédaction de cet article implique que le salarié établisse des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcélement.

La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité des faits précis et concordants, à charge pour le Juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de présumer ou de laisser supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

En l'espèce, Madame D.-G. établit la matérialité des faits ou après l'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016 d'éléments de fait suivants, qui pris dans leur globalité laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral :

- à la date où Madame D.-G. effectue l' alerte éthique conformément au code de conduite éthique de l'entreprise en février 2015, le plan de prévention des risques ne comporte aucune identification des risques psycho-sociaux, qui s'avérait d'autant plus nécessaire que le code d'éthique de l'entreprise impose au salarié témoin d'infraction à l'une des politiques du code de signaler les faits à son employeur. Il est certes mis en avant une procédure garantissant la confidentialité de la dénonciation mais il ne peut évidemment pas être exclu que l'auteur de la dénonciation soit découvert par le ou les mis en cause, de nature à créer des tensions le cas échéant graves entre les salariés. Dans le cas d'espèce, Madame D.-G. a clairement exprimé ses craintes à ce titre dans un mail du 15 avril 2015 à Monsieur Dawn S., précisant qu'un autre salarié l'avait prévenue de risques imminents d'agression verbale de la part de l'équipe à son encontre. Or, d'après les pièces produites par l'employeur, il ressort des compte-rendus du CHSCT des 19 mars, 18 juin, 17 septembre 2015 et 24 mars 2016 que la constitution du COPIL pour identifier les risques psycho-sociaux puis les travaux de cet organe étaient alors toujours en cours. Ce n'est que fin 2016 et notamment lors de la réunion du 8 décembre 2016 que le document unique intégrant les risques psycho-sociaux a été présenté au CHSCT pour validation. Le CHSCT a pour autant identifié dès sa réunion du 24 mars 2016 une augmentation du stress des salariés en général et a demandé le 23 juin 2016 à ce « que les risques de l'unité : « commerciaux, marketing et R&D (présence en bloc) » soi(en)t revus, pour prendre en compte des risques « psycho-tramatique(s) » ».

Madame D.-G. met par ailleurs en évidence qu'une nouvelle organisation a été mise en place en janvier 2016 avec la création d'une Business Unit Large joints, impliquant d'après les propres termes de Monsieur L., Vice-Président de ce département dans une communication de novembre 2015 à tous les salariés des changements majeurs, qu'il détaille ensuite. Or, l'employeur ne justifie pas avoir consulté le CHSCT à ce titre et ce en méconnaissance de l'article L 2312-8 2° du code du travail.

- Madame D.-G. met en évidence que son nouveau supérieur hiérarchique, Monsieur L., dans son évaluation 2015, constate que la salariée est soumise à des risques psycho-sociaux, suite « au problème de compliance ayant impacté l'équipe genou en début d'année », puisqu'il évoque une « difficulté relationnelle d'Isabelle avec l'équipe » et lui reproche, s'agissant des actions alléguées mises en place qu'elle « aurait pu être plus pro-active sur ce sujet qui demeure problématique aujourd'hui ».

D'une manière générale, ces difficultés relationnelles de nature à générer la réalisation d'un risque psycho-social sont omniprésentes dans l'évaluation faite par le supérieur hiérarchique qui indique encore « des difficultés à travailler avec le reste de l'équipe. Les évènements ayant conduit au départ de Sébastien L. y sont probablement pour quelque chose, néanmoins, grosse difficulté à revenir à des relations de travail simples avec un contact direct souvent beaucoup plus efficace que des mails surtout avec des personnes de la même équipe ». « Des soucis répétés dans la relation avec un chirurgien qui a nécessité le transfert de la responsabilité des contacts avec ce chirurgien ainsi qu'avec un second à une autre personne de l'équipe. Difficultés aussi rencontrées avec le service comptabilité ». « Année difficile pour Isabelle, impliquée malgré elle dans les problèmes de compliance rencontrés par l'équipe marketing genou au début de l'année 2015. Il en a résulté des difficultés relationnelles très importantes avec le reste de l'équipe ce qui a compliqué sérieusement la réalisation de ses missions. Des difficultés importantes avec un chirurgien important pour l'activité genou. «Isabelle a fait état de problèmes relationels existants de longues dates avec l'équipe marketing (Sébastien L., Nicolas G. et Hugo V.). Isabelle ressent « une animosité générale envers elle ». Elle a perdu la confiance avec l'ensemble de l'équipe marketing et la reprise de la confiance sera très difficile. Les actions menées par Emmanuel mi-2015 auprès d'Isabelle et de l'équipe n'ont pas été suffisantes pour assainir la situation. Evocation ensemble de sa capacité à revenir à une relation de travail normale avec le reste de l'équipe. Cela semble difficile et un changement d'environnement serait probablement bénéfique ».Il ressort de cette évaluation que le supérieur hiérarchique de Madame D.-G. ne se contente pas de constater que la salariée est soumise de manière évidente depuis plusieurs mois à des risques psycho-sociaux mais qu'il lui attribue de surcroît une responsabilité à ce titre en lui reprochant de ne pas avoir été assez active pour revenir à des relations normales avec ses collègues et envisage in fine de la changer d'environnement alors même que l'entreprise a mis en place un code de conduite visant à inciter les salariés à dénoncer les manquements d'autres salariés aux règles qu'elle fixe; ce qu'a fait Madame D.-G. au début de l'année 2015 manifestement, non seulement de bonne foi mais également de manière justifiée à l'égard de deux de ses supérieurs hiérarchiques qui ont quitté l'entreprise rapidement après, l'un par démission, l'autre pour faute grave, les échanges de mails avec le compliance officer mettant en évidence que ce dernier a approuvé le signalement fait par la salariée et lui a même demandé de coopérer davantage pour mettre en lumière les faits. Il est noté que cette dégradation des relations de travail est concomitante à cette alerte professionnelle puisque l'évaluation professionnelle pour l'année 2014 faisait état du fait que la salariée « travaille bien au sein de son équipe. Apporte son aide. Se montre volontaire à régler les conflits avec ses pairs et collègues et apte à trouver des solutions. Traite ses collègues avec respect ».

- Madame D.-G. établit qu'elle fait l'objet d'une multiplication de reproches sur la qualité de son travail de la part de Monsieur L. ; ce qui ressort effectivement de son évaluation 2015 qui stigmatise à plusieurs reprises un manque de rigueur ou des insuffisances professionnelles alors que son évaluation 2014 est largement plus positive concluant à une atteinte du niveau attendu de manière globale. Il appert également que dans un mail du 27 novembre 2015, Madame D.-G. a écrit à la responsable RH, Madame C. pour lister les tâches qu'elle a accomplies lui ayant occasionné des reproches. L'employeur produit lui-même un mail du 25 novembre 2015 de Monsieur V. à Monsieur L. décrivant un manque de professionnalisme de Madame D.-G. dans les tâches qui lui sont confiées.

- des tâches lui ont été retirées. Cela ressort notamment de son évaluation 2015, s'agissant des relations avec certains chirurgiens mais également d'échanges de mails d'avril 2016 avec la responsable RH, la salariée s'interrogeant à plusieurs reprises sur le périmètre de ses missions et ce alors qu'elle reprend en mi-temps thérapeutique.

- Madame D.-G. a signalé ses difficultés dans l'exécution de son travail de manière circonstanciée par l'entremise de son Conseil qui a adressé un courrier à son employeur le 22 juin 2016

- Madame D.-G. produit un courrier du médecin du travail à son médecin traitant indiquant « je vous remercie de m'avoir adressé Mme D.-G., assistante marketing chez TOURNIER-WRIGHT, et qui a fait l'objet d'injonction contradictoire la conduisant à un grave état anxio-dépressif, expliquant sans doute en large part des symptômes de (topographie ') lombaire apparents ». La salariée a été en arrêt maladie en janvier 2016 puis a repris à mi-temps thérapeutique avant de faire l'objet d'un nouvel arrêt maladie le 1er juin 2016 avec une déclaration d'inaptitude définitive par le médecin du travail le 23 février 2017 dans les termes suivants « inapte à travailler dans un collectif de travail dérivé de l'ancienne équipe « prothèse de hanche et genou » de l'équipe WRIGHT-TOURNIER. Peut travailler dans un tout autre collectif. ». Cet avis fait clairement le lien entre l'inaptitude et l'environnement de travail de la salariée, qui est pour autant jugée apte à pouvoir travailler avec d'autres salariés.

La SAS CORIN France n'apporte pas à ces faits et éléments de faits de justifications étrangères suffisantes permettant d'écarter tout harcèlement moral en ce que :

- elle n'établit absolument pas quelles actions aurait mises en [...] pour permettre de mettre fin aux risques psycho-sociaux auxquels Madame D.-G. a été directement exposées à partir de 2015, dont son supérieur hiérarchique avait une connaissance précise au vu de l'entretien professionnel de la salariée qu'il a mené.

La Cour juge peu crédible l'attestation de Monsieur L. produite par l'employeur selon laquelle il n'était alors pas au courant que Madame D.-G. avait fait une alerte professionnelle au vu de la relation circonstanciée qu'il fait des difficultés relationnelles de la salariée non seulement avec le reste de l'équipe mais aussi avec au moins deux chirurgiens. Il y évoque notamment son implication malgré elle dans le problème de compliance sans préciser dans l'attestation ce qu'il a bien voulu entendre par cette formulation ambiguë et ne cesse d'opposer Madame D.-G. et le reste de l'équipe concluant à une perte de confiance, qui sera très difficile à retrouver, au point d'envisager à son égard de manière parfaitement inadaptée un changement d'environnement professionnel ; ce qui revient en définitive à sanctionner une salariée pour avoir effectué une alerte professionnelle justifiée qu'elle était encouragée à faire par le code d'éthique mis en place dans l'entreprise. A supposer même que Monsieur L. n'ait pas immédiatement connu l'implication directe de Madame D.-G. dans l' alerte éthique, ce qui peu crédible, il n'en demeure pas moins que cette justification n'est pas de nature à exonérer l'employeur puisqu'il lui appartenait de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la salariée de toute représaille suite à l' alerte professionnelle qu'elle a réalisée et ce d'autant que l'extrait du code d'éthique produit aux débats indique que l'anonymat est supposé garanti et que cette promesse n'a manifestement pas été tenue.

- l'employeur invoque de manière inopérante le long délai supposé de la salariée pour réagir aux compte-rendus d'entretien professionnel 2015 et à la proposition d'objectifs qualitatifs pour 2016 alors que celle-ci s'est trouvée en arrêt maladie et que ces documents, en particulier les entretiens professionnels stigmatisaient de manière injustifiée la salariée en lui imputant une responsabilité dans la dégradation de ses relations avec le reste de l'équipe, qui étaient auparavant bonnes d'après l'évaluation 2014.

- les mesures de prévention des risques psycho-sociaux n'ont pas été mises en place à temps puisque l'employeur n'en justifie qu'après que ceux-ci se soient réalisés pour Madame D.-G. au cours de l'année 2015 avec un arrêt maladie fin janvier 2016, puis une reprise en mi-temps thérapeutique à compter du 7 mars 2016 avant un nouvel arrêt maladie en juin 2016

- dans son courrier du 9 février 2016, le médecin du travail ne s'appuie pas uniquement sur les dires de la salariée s'agissant du fait qu'elle a fait l'objet d'injonctions contradictoires dans son travail mais diagnostique cliniquement un étant anxio-dépressif et considère que celui-ci a pu jouer un rôle causal dans les douleurs lombaires. Il fait au demeurant indirectement mais nécessairement clairement le lien entre les conditions de travail dégradées de la salariée au sein de l'entreprise et sa déclaration d'inaptitude dans l'avis d'inaptitude du 23 février 2017.

- la reconnaissance de faits de harcèlement moral ne suppose aucunement l'exercice d'un droit d' alerte du CHSCT ni l'engagement d'une procédure en reconnaissance d'accident du travail ou de maladie professionnelle auprès de la CPAM et pas davantage une intervention vaine du médecin du travail auprès de l'employeur. Il est indifférent que les arrêts de travail ayant précédé la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail l'aient été pour maladie de droit commun dès lors que les éléments précités permettent de faire le lien entre l'inaptitude de la salariée et ses conditions de travail dégradées, les éléments médicaux ne venant d'ailleurs que confirmer et conforter les autres faits et éléments de faits matériellement établis par la salariée. Au demeurant, les échanges de mails de mars 2017 entre le médecin du travail et l'employeur ne laissent aucun doute à ce dernier sur le fait que le premier fait un lien direct et déterminant entre l'inaptitude définitive de la salariée et son environnement de travail, regrettant au passage dans un mail du 6 mars 2017 que le changement d'unité de la salariée ne soit pas intervenu avant la création de l'entreprise CORIN France.

Il s'ensuit que Madame D.-G. a été soumise à des agissements répétés ayant eu pour effet de dégrader significativement ses conditions de travail avec un impact péjoratif sur son état de santé mais également de compromettre son avenir professionnel au sein de la société puisqu'il a été envisagé de la changer d'environnement d'unité où elle donnait satisfaction avant les faits de harcèlement moral.

En conséquence, réformant le jugement entrepris, il convient de dire que Madame Isabelle D.-G. a fait l'objet de faits de harcèlement moral.

Tenant compte à la fois des éléments médiaux produits et de la durée de plus d'une année au cours de laquelle la salariée a été victime de tels faits dans un contexte où l'employeur ne l'a non seulement pas protégée à la suite de l' alerte professionnelle légitime qu'elle a été incitée à faire par le biais du code d'éthique de l'entreprise mais encore lui a fait porter indûment un part de responsabilité dans la dégradation de ses relations professionnelles avec ses collègues en lien avec cet événement avec comme seule perspective envisagée par son supérieur hiérarchique un changement d'unité de travail traduisant une mise à l'écart, ce qui lui a incontestablement causé un préjudice moral significatif, il convient de lui allouer la somme de 10000 euros nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi et de débouter Madame Isabelle D.-G. du surplus de ses prétentions de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation relative à la santé et à la sécurité :

Au visa des articles L 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur a une obligation de résultat s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

Par ailleurs, l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir des faits de harcèlement moral en vertu de l'article L 1152-4 du code du travail.

En l'espèce, il a été vu précédemment que non seulement Madame Isabelle D.-G. a subi des faits de harcèlement moral de sorte que le risque psycho-social s'est réalisé mais que de surcroît, l'employeur ne justifie pas avoir mis en oeuvre en amont les mesures à la fois collectives (document unique de prévention des risques professionnels intégrant les risques psycho-sociaux) et individuelles (garantie de l'anonymat de l' alerte éthique et mesures efficaces pour empêcher toute attitude d'hostilité d'autres salariés qui auraient pu néanmoins avoir eu connaissance ou soupçonné sa démarche) pour prévenir les faits de harcèlement moral.

Il convient dans ces conditions, de réformer le jugement entrepris, de dire que la société CORIN FRANCE a manqué à son obligation relative à la santé et la sécurité de sa salariée et de la condamner à lui verser la somme de 2000 euros nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'obligation relative à la santé et à la sécurité, le surplus de la demande indemnitaire de ce chef étant rejeté, Madame D.-G. étant par ailleurs indemnisée du préjudice distinct résultant de la réalisation du risque.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Conformément à l'article 1184 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 repris aux articles 1224 et suivants du code civil à compter du 1er octobre 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté ayant le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l'intervalle de sorte qu'elle produit alors ses effets à la date de l'envoi de la lettre de licenciement.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail et pour répondre à cette définition, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, les faits de harcèlement moral qui ont conduit à la déclaration d'inaptitude définitive de la salariée ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail et justifient dès lors le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement nul en application de l'article L 1152-3 du code du travail.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame Isabelle D.-G. aux torts de la SAS CORIN France à effet du 10 avril 2017, produisant les effets d'un licenciement nul.

Sur les prétentions afférentes à la rupture injustifiée du contrat de travail :

En premier lieu, dès lors que le contrat est résilié par le prononcé de sa rupture aux torts de l'employeur, Madame Isabelle D.-G. est fondée en sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, outre l'indemnité de congés payés afférents, peu important qu'elle ait pu être déclarée inapte à son poste et dans l'incapacité d'effectuer ledit préavis.

Il convient en conséquence de condamner la SAS CORIN FRANCE à payer à Madame Isabelle D.-G. une indemnité compensatrice de préavis de 5507,50 euros bruts, outre 550,75 euros bruts au titre des congés payés afférents.

En second lieu, au jour de la rupture injustifiée de son contrat de travail, Madame Isabelle D.-G., qui avait un salaire moyen de l'ordre de 2753,50 euros bruts, avait plus de 11 ans d'ancienneté, près de 40 ans, justifie être parente d'un enfant de 16 ans, avoir perçu l'ARE du 3 mai 2017 au 31 mai 2020, être dans une situation précaire au regard de l'emploi avec une mission d'interim du 10 octobre 2018 au 31 octobre 2019, avec des discussions début 2020 sur un poste d'assistante de direction au sein de la société EUROMASTER qui n'avaient pas encore abouti en juin 2020.

Dans ces conditions, il convient de lui accorder la somme de 31660 euros nets de dommages et intérêts à raison de la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul.

Sur le point de départ des intérêts et leur capitalisation :

Au visa de l'article 1153-1 du code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, il convient de dire que les condamnations prononcées porteront intérêts à compter du 23 juin 2016, date de la saisine du Conseil de Prud'hommes, la demande à ce titre figurant dans les motifs des conclusions étant nécessairement reprises dans le dispositif au titre des condamnations sollicitées dès lors que celles-ci portent toujours intérêts au taux légal, la Cour étant libre de faire remonter le point de départ à une date antérieure au prononcé de son arrêt, comme sollicité en l'espèce.

En revanche, la Cour n'est saisie d'aucune demande de capitalisation des intérêts au visa de l'article 1154 du code civil dès lors que celle-ci, qui n'est pas automatique, n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions au visa de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur la remise de document :

Il convient d'ordonner à la SAS CORIN France de remettre à Madame Isabelle D.-G. un bulletin de salaire ainsi qu'une attestation POLE EMPLOI conformes aux dispositions du présent arrêt.

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de condamner la SAS CORIN France à payer à Madame Isabelle D.-G. une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter le surplus des prétentions des parties à ce titre.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la SAS CORIN France, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS ;

La Cour,

statuant publiquement par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris sauf à en ce qu'il a :

-dit que Madame Isabelle D.-G. n'a pas été victime d'une discrimination prohibée,

-débouté en équité la SAS FRANCE CORIN de sa demande reconventionnelle.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE Madame Isabelle D.-G. de sa demande tendant à voir déférer le serment supplétoire de Monsieur L..

DIT que Madame Isabelle D.-G. a été victime de faits de harcèlement moral.

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame Isabelle D.-G. aux torts de la SAS CORIN France à effet du 10 avril 2017 produisant les effets d'un licenciement nul.

CONDAMNE la SAS CORIN France à payer à Madame Isabelle D.-G. les sommes suivantes :

-10000 euros nets de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

- 2000 euros nets de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation relative à la santé et à la sécurité,

-31660 euros nets de dommages et intérêts au titre de la rupture injustifiée du contrat de travail,

-5507,50 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-550,75 euros bruts au titre des congés payés afférent .

outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 23 juin 2016.

DEBOUTE Madame Isabelle D.-G. du surplus de ses prétentions financières au principal.

CONDAMNE la SAS CORIN France à payer à Madame Isabelle D.-G. une indemnité de procédure de 2000 euros.

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS CORIN France aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.