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Décisions

Cass. crim., 5 novembre 2003, n° 02-85.513

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Challe

Avocat :

Me Jacoupy

Rennes, 3e ch., du 27 juin 2002

27 juin 2002

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Michel,

- Y... Claude,

- Z... Gérard,

- A... Marc,

- B... Charles, contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 27 juin 2002, qui a condamné Michel X..., Marc A... et Charles B..., pour trafic d'influence actif, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, Claude Y... et Gérard Z..., pour trafic d'influence passif, à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 20 000 francs d'amende et tous les deux à 3 ans d'interdiction des droits prévus à l'article 131-26, 2 et 4 du Code pénal ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Marc A..., pris de la violation des articles 433-1 et 433-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marc A... coupable de trafic d'influence actif et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, outre une amende ;

"aux motifs que Marc A..., directeur général de Nord France Entreprise, a accepté une "assistance commerciale de nature à faciliter l'aboutissement du dossier" ; qu'il s'agissait pour Nord France de construire à Massy un programme immobilier pour la Samacim, promoteur ; que, contrairement à ce qui est prétendu en cause d'appel, le contrat conclu entre Nord France Entreprise et la société Sages ne porte pas sur les seules relations Nord France - Samacim, mais très explicitement pour 500 000 francs HT sur les relations avec les intervenants, administrations et représentants des collectivités locales ; que Marc A..., bien que ce contrat passé le 25 avril 1990 soit concomitant avec le dépôt du dossier de permis de construire le 12 avril 1990, dit ignorer ce qu'a bien pu être la prestation réelle de la Sages, qualifiée contractuellement de "purement relationnelle" ; qu'il admet néanmoins que le dossier "pataugeait" depuis plus d'un an et que l'intervention de la Sages pouvait aider les entreprises sur certaines opérations ; que ceci est à rapprocher de l'explication de Michel C... : "j'ai présenté Nord France à Y... et j'ai eu ma commission, il fallait l'autorisation du maire pour décider par rapport au plan d'occupation des sols d'implanter un hôtel" ; qu'il importait à Nord France Entreprise que ce contrat de plus de 50 000 000 francs aboutisse rapidement du côté des autorisations de construire et il sera rappelé que Michel C... déclarait encore à l'audience devant les premiers juges que les entreprises devaient être présentées aux élus, entreprises qui ne voulaient pas financer directement les partis politiques et qui avaient donc besoin de la Sages ; qu'en utilisant cette officine pour obtenir, moyennant versement de 500 000 francs HT, l'aboutissement administratif rapide d'une opération importante pour son entreprise, Marc A... s'était rendu coupable des faits qui lui sont reprochés ;

"alors, d'une part, que les faits visés dans la prévention consistaient dans "la passation d'un marché portant sur la construction de bureaux et d'un hôtel, Place de France à Massy" ;

qu'ainsi, en déclarant Marc A... coupable de trafic d'influence actif, alors qu'il était constant et non contesté que le marché en cause avait été passé, non avec la municipalité de Massy, mais avec un promoteur privé, la Samacim, et ne rentrait donc pas dans les prévisions des articles 433-1 et 433-2 du Code pénal, la cour d'appel a violé lesdits articles ;

"alors, d'autre part, que si la cour d'appel a entendu viser des décisions des élus locaux autres que la Cassation d'un marché, elle a méconnu le principe selon lequel les juges correctionnels ne peuvent statuer légalement que sur les faits relevés dans l'ordonnance de renvoi ou la citation qui les a régulièrement saisis ;

"alors enfin, qu'à supposer que la prévention ait pu porter, non seulement sur le marché, mais sur des décisions favorables des élus locaux susceptibles d'en faciliter l'obtention, la cour d'appel, en s'abstenant de préciser la nature de ces décisions et en omettant de répondre aux conclusions dans lesquelles Marc A... faisait valoir que la société Samacim était titulaire depuis le 7 février 1989 du droit à construire et que l'autorisation administrative d'édifier l'ensemble hôtelier résultait du règlement et du plan d'aménagement de la ZAC de la place de France, approuvé par délibération du conseil municipal de la commune de Massy du 7 septembre 1988, et qu'ainsi la société Nord France Entreprise n'avait bénéficié, ni directement ni indirectement, d'aucune faveur de la part de la ville de Massy, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Charles B..., pris de la violation des articles 433-1 et 433-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Charles B... coupable de trafic d'influence actif et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, outre une amende ;

"aux motifs que Charles B..., à l'époque directeur général de Sobea Ile de France, a rémunéré Michel C... via la Sages et Aravis pour des interventions au niveau du projet d'une opération importante ; que, pour lui, ces interventions ont permis de savoir que la ville de Massy souhaitait la construction d'un hôtel et Michel C... a facilité la prise d'un rendez-vous avec le maire, Claude Y..., puis avec l'adjoint à l'urbanisme, M. D... ; que, selon lui, il n'y avait aucun besoin d'une intervention pour obtenir des dérogations administratives ou le permis de construire, le recours à Michel C... étant justifié car celui-ci était bien placé sur cette commune ; que Charles B... ajoute qu'il savait que Michel C... était un proche du parti socialiste et que le paiement de la somme de 750 000 francs HT était justifié par le bon aboutissement du projet ;

que ceci est à rapprocher de ce que Michel C... déclarait encore à l'audience devant les premiers juges : "ce sont les entreprises qui venaient me trouver car j'avais des relations dans le monde politique

... l'entreprise devait être présentée aux élus ... les entreprises ne voulaient pas financer directement les partis politiques et elles avaient donc besoin de la Sages" ; qu'il apparaît donc que Charles B..., pour obtenir rapidement et sans problème la mise en route d'une opération portant sur 35 000 000 francs, a payé en connaissance de cause la somme de 750 000 francs dont une partie importante devait revenir aux élus décideurs ;

"alors, d'une part, que les faits visés dans la prévention consistaient dans "la passation de marchés portant sur l'opération immobilière Hermès à Massy" ; qu'ainsi, en déclarant Charles B... coupable de trafic d'influence actif, alors qu'il était constant et non contesté que l'opération en cause, comme le prévenu l'exposait dans ses conclusions d'appel, "se situait dans le domaine privé, à savoir un propriétaire privé (SCI Hermès), un promoteur privé (Socogim - filiale de Sogea), un constructeur privé (Sobea)" et ne rentrait donc pas dans les prévisions des articles 433-1 et 433-2 du Code pénal, la cour d'appel a violé lesdits articles ;

"alors, d'autre part, que si la cour d'appel a entendu viser des décisions des élus locaux autres que la passation de marchés, elle a méconnu le principe selon lequel les juges correctionnels ne peuvent statuer légalement que sur les faits relevés dans l'ordonnance de renvoi ou la citation qui les a régulièrement saisis ;

"alors, enfin, qu'à supposer que la prévention ait pu porter sur des faits autres que la passation de marchés, la cour d'appel, en statuant par des motifs impropres à établir que le versement fait à la société Aravis avait pour but l'obtention, non pas seulement de renseignements de nature à permettre d'établir et de déposer un dossier de demande de permis de construire entrant dans les vues de la municipalité, comme le prévenu le soutenait dans ses conclusions d'appel, mais d'une "décision favorable" des élus, n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Les moyens étant réunis :

Attendu que, pour déclarer Marc A... et Charles B... coupables de trafic d'influence actif à l'occasion de la conclusion avec des promoteurs privés de marchés relatifs, d'une part, à la construction de bureaux et d'un hôtel à Massy, d'autre part, à l'opération immobilière "Hermés" dans cette ville, les juges prononcent par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'il n'importe que les marchés litigieux, qui nécessitaient l'agrément de l'autorité publique, aient eu un caractère privé, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Michel X..., pris de la violation des articles 177, 178 anciens, 432-11, 433- 1 et 433-2 nouveaux du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, excès de pouvoir et violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable de trafic d'influence actif pour proposition ou fourniture d'avantages à un particulier ;

"aux motifs que la Cogedim était, en 1990, le dernier grand promoteur à ne pas avoir d'opérations à Massy ; que, depuis plusieurs années, M. E..., agent d'affaires habituel de la Cogedim tentait une implantation à Massy mais se heurtait à des refus systématiques qui trouvaient leur cause dans les difficultés relationnelles entre le maire, Claude Y... et le président- directeur Général, Michel X... ; que c'était l'intervention de Michel C... qui avait modifié la situation ; que, même si l'opération, pour d'autres causes, n'avait pas été menée à son terme, force était de constater que, moyennant un contrat prévoyant diverses commissions pour un total d'environ 6 000 000 de francs, Claude Y... n'avait plus vu d'obstacle à ce que Michel X... et la Cogedim travaillent sur Massy ; que la Sages était un intermédiaire obligé à raison des relations privilégiées existant entre Claude Y..., M. F..., directeur de la SEM Massy, et Michel C..., interlocuteurs inévitables ; que c'était après la signature de la promesse de vente du 11 avril 1991 que Michel C... avait facturé 1 186 000 francs le 2 mai 1991 à la Cogedim ; que Michel X..., qui connaissait parfaitement les tendances politiques des municipalités et qui avait des relations bonnes ou mauvaises avec tel ou tel élu, avait en toute connaissance de cause accepté de payer à l'officine de Michel C... pour une "réconciliation" avec le maire de Massy ;

qu'il serait rappelé que Michel C... encore à l'audience devant les premiers juges indiquait que les entreprises ne voulaient pas financer directement les partis politiques qui avaient besoin de la Sages pour ce faire ;

"alors, d'une part, que l'arrêt de renvoi en police correctionnelle, du 19 février 1998, reprochait à Michel X... "d'avoir à Massy ou Paris, entre le 15 janvier 1989 et le 23 mai 1991... en sa qualité de président-directeur général de la société Cogedim, usé à l'égard de Michel C... de promesses, dons ou présents, ou cédé à des sollicitations tendant à la corruption même s'il n'en a pas pris l'initiative, en l'espèce pour avoir pavé le 23/5/1991 une somme de 1 186 000 francs à la Sages dirigée par Michel C... pour faire obtenir ou tenter de faire obtenir des faveurs quelconques accordées par l'autorité publique, des marchés, entreprises ou autres bénéfices résultant de traités conclus avec l'autorité publique ou avec une administration placée sous le contrôle de la puissance publique ou de façon générale des décisions favorables d'une telle autorité, en l'espèce la passation d'un marché portant sur la vente de terrains dans le quartier de la gare par la commune de Massy" ; que, dès lors, la Cour ne pouvait, sans excéder sa saisine, se fonder, pour retenir la culpabilité de Michel X..., sur le fait, non retenu par la prévention, que "moyennant un contrat prévoyant diverses commissions pour un total d'environ 6 000 000 de francs, Claude Y... n'a plus vu d'obstacle à ce que Michel X... et la Cogedim travaillent sur Massy" ; qu'en se déterminant ainsi et sans constater que Michel X... avait accepté expressément

que la saisine soit étendue à la signature du contrat prévoyant le paiement de commission pour 6 000 000 de francs, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et prononcé une déclaration de culpabilité illégale ;

"alors, d'autre part, que la corruption active n'est constituée que si le corrupteur use de promesses, offres, dons ou présents, pour obtenir soit l'accomplissement ou l'abstention d'un acte, soit une des faveurs ou avantages prévus aux articles 177 et 178 anciens du Code pénal ; que l'existence d'offres doit toujours être préalable à l'acte ou à l'abstention sollicitée ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué que Michel X... ou l'un de ses collaborateurs n'ait fait, à qui que ce soit, et notamment ni à Michel C..., ni à Claude Y..., des promesses, offres, dons ou présents en vue d'obtenir la signature de la promesse de vente du 11 avril 1991 ; que, dès lors, la déclaration de culpabilité est illégale ;

"alors, de troisième part, que s'agissant d'un acte commis avant le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur du nouveau code pénal, et réprimé après cette date, il doit répondre aux deux définitions du délit successivement adoptées par le législateur ; que l'article 433-2 al. 2 nouveau du Code pénal incrimine le fait de faire des propositions ou des offres "sans droit" ; que n'est pas fait sans droit et ne constitue nullement un acte de corruption le paiement d'une commission à un taux pratiqué par les usages de la profession à un (ou des) intermédiaire qui a permis ou facilité la conclusion d'un contrat ; qu'ainsi, n'avait pas été fait sans droit et ne constituait pas un acte de corruption le paiement à Michel C..., qui était intervenu pour mettre en rapport Cogedim et la SEM Massy et avait aidé à la négociation de la promesse de vente, d'une commission correspondant exactement au taux pratiqué dans le domaine de la promotion immobilière ; que la déclaration de culpabilité est illégale ;

"alors enfin que, dans ses conclusions demeurées sans réponse (p. 4 in fine et p. 5), Michel X... faisait valoir que, à la demande de M. G..., gérant de Cogedim Ile de France, MM. E... et C... avaient activement participé aux négociations foncières menées entre les services de Cogedim Ile de France et la SEM Massy en vue de la réalisation de l'opération et que leurs interventions en qualité d'intermédiaires avaient permis :

- de parvenir à un résultat avantageux pour les deux parties qui s'était traduit en particulier pour Cogedim par une réduction de la charge foncière de 5 000 francs par m2 que souhaitait lui appliquer la SEM Massy en portant, pour le même prix, la surface de 30 000 m2 hors oeuvre nette à 40 000 m2, ce qui avait eu pour effet de ramener le prix du m2 à 3 750 francs ;

- d'obtenir de la SEM Massy la division du projet en trois tranches, solution qui permettait à Cogedim de se dégager de l'opération si elle ne trouvait pas d'acquéreur en l'état futur d'achèvement des immeubles ;

- qu'il y soulignait aussi (p. 3 in fine et p. 4) que, au cours du déjeuner du 27 novembre 1990 organisé par Michel C..., au cours duquel il avait rencontré Claude Y... parmi une douzaine de convives, les relations entre lui et Claude Y... avaient été facilitées lorsqu'ils eurent découvert qu'ils étaient tous deux d'anciens inspecteurs des impôts et que celui-ci s'était borné à lui indiquer que des droits à construire étaient encore à vendre dans la commune de Massy, notamment un terrain situé sur la place Basch, mais qu'il n'avait nullement été question entre eux de prix, d'honoraires ou d'intervention de la Sages ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces moyens des conclusions qui démontraient que la commission versée par Cogedim à Michel C... au titre de la première des deux conventions (l'apport foncier) ne pouvait être analysée comme un acte de corruption active imputable à Michel X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Claude Y..., pris de la violation des articles 432-11 et 432-17 du Code pénal, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Claude Y... coupable de trafic d'influence ;

"aux motifs propres que Michel C... a très clairement expliqué que, pour ne pas perdre ses clients et à raison de ses idées et amitiés politiques, il s'est à un moment lancé dans le financement du parti socialiste et de certains élus ; il a expliqué que tant les élus que les entreprises savaient que lorsque des commissions étaient payées, une partie était destinée au financement des dépenses des fédérations et des élus; questionné, il a précisé que la Sages avait pour mission de faire retenir l'entreprise au concours d'appel d'offres et était rémunérée en cas de succès ; que pour y parvenir, elle organisait des entretiens entre les élus et les commerciaux ou dirigeants d'entreprise ; il maintenait que tant ces dirigeants que les élus étaient informés du système et qu'il servait d'intermédiaire précisant encore à l'audience : "les entreprises ne voulaient pas financer directement les partis politiques et elles avaient donc besoin de la Sages" ; et "c'est avec la défaillance d'URBA que certains sont venus me voir" ; en ce qui concerne les élus, il a indiqué que c'étaient ceux-ci qui sollicitaient des financements politiques dans leurs conversations avec les entreprises ; Michel C... a expliqué qu'il y avait 2/3 des commissions pour les fédérations socialistes et qu'il conservait 1/3 pour la gestion et les frais généraux de la Sages ; il tenait une comptabilité sur des fiches et a dit que les élus savaient approximativement ce qu'ils avaient au crédit de leur compte, expliquant que ce compte était crédité lorsqu'une affaire était conclue et qu'ensuite l'élu ou le décideur lui disait de payer telle ou telle facture de dépense à caractère électoral, parfois des voyages ou encore des salaires ; ces fiches ont été détruites et donc non retrouvées lors de l'enquête ; elles ont, selon Michel C..., été consultées en présence des élus intéressés et, toujours selon lui, ont été détruites à la demande de ceux-ci et parmi eux, MM. H... et Y... ; le système a continué, tout en se modifiant courant 1990, jusqu'au début de 1991, et même selon Michel C... devant le tribunal jusqu'au 14 janvier 1992 ; Claude Y..., maire de Massy, et président de la société d'économie mixte de Massy, avait une conception particulière de son rôle qu'il décrit lui-même dans son livre, notamment en pages 56 et 57 et avait une position privilégiée et une influence considérable face aux investisseurs et promoteurs ; il a, avec Michel C..., organisé le système ci-dessus décrit, rendant l'intervention de la société Sages ou d'autres du groupe C... "passage obligé" sur le secteur de Massy ; son association avec Michel C... était telle que son adjoint à l'urbanisme, Hubert D..., a déclaré au magistrat instructeur : "fin 1987, les projets sont entrés dans une phase opérationnelle ;

Claude Y... m'a proposé alors d'être salarié d'un bureau d'études ; je connaissais Michel C... pour l'avoir rencontré une ou deux fois ; depuis, j'ai dû le rencontrer cinq ou six fois ; j'ai ainsi perçu du 1er octobre 1987 au 31 décembre 1990 un salaire net de 18 000 francs ; les feuilles de paie que je recevais étaient établies tantôt par Sages (du 1er octobre 1987 au 31 janvier 1988) puis par Aravis (du 1er février 1988 au 28 février 1990) enfin par Sages Marine (du 1er mars 1990 au 31 décembre 1990) ; en réalité, je n'ai jamais fait aucun travail pour le groupe de Sages ou Aravis ; au départ, je travaillais dans une ambiance sereine ; peu à peu, les désaccords sont apparus, liés à l'importance du projet de centre tertiaire autour de la future gare TGV J'étais personnellement opposé à ce projet ;

j'ai même été conduit à prendre des positions publiques ; cela s'est traduit par un conflit entre Claude Y... et moi-même ; le 22 octobre 1990, n'ayant pas touché mon dernier salaire, j'ai adressé une lettre recommandée à Sages Marine pour réclamer ma paie de septembre ; j'ai dû engager une action prud'homale ; finalement, j'ai obtenu d'être rémunéré jusqu'à la fin décembre 2000 ; un accord transactionnel a été signé grâce auquel j'ai perçu une indemnité de 50 000 francs versée avec ma paie de décembre" ; question du conseiller : quel était votre interlocuteur ? l'inculpé : "j'avais affaire directement à Michel C... qui m'a répondu que Claude Y... n'était plus d'accord pour que je continue à être payé ; celui-ci m'avait d'ailleurs expressément dit "je ne te paie plus" ; à l'évidence, Claude Y... disposait auprès de Michel C... de fonds qu'il utilisait à sa convenance puisque dans son esprit un salarié des sociétés de Michel C... était payé par lui et selon son bon vouloir ;

dans la plupart des dossiers évoqués par l'accusation, Claude Y... apparaît comme le passage obligé pour que les démarches avancent et aboutissent et seules les officines de Michel C... sont en mesure de fournir l'accès au maire ; ce système, au vu des explications de Michel C..., avait été mis en place de concert et en vue de générer des fonds dont une partie importante devait revenir aux élus ; pour preuve de ce retour au bénéfice des élus, puisque les fiches de Michel C... ont disparu, il a été retrouvé des factures pour 1988 et 1989, ce qui n'exclut pas d'autres paiements, outre l'emploi "fictif" de l'adjoint à l'urbanisme ; parmi ces règlements faits par la société Sages, il y a des factures relatives à des sondages d'opinion, de la propagande électorale ou de déplacement pour des meetings politiques ; il y a également une facture qui correspond, pour la date et le montant, au coût de l'impression du livre écrit par Claude Y... et publié sous le titre "l'lle de France Sud, une chance pour 1993", par les éditions Sedires avec l'adresse des bureaux de la société Sages, 241 boulevard Saint-Germain, achevé d'imprimer en septembre 1989, cet opuscule de 144 pages n'est pas un ouvrage technique mais un plaidoyer à la gloire de Claude Y... et un exposé de ses idées, vues et méthodes pour l'aménagement du territoire dans son secteur électoral ; le paiement, par la société Aravis, de matériel pour le

fils de Claude Y... qui, au début de l'enquête, tentera de faire refaire les factures, laisse transpirer des usages plus personnels de la "cagnotte" ; enfin le virement au bénéfice du parti socialiste haïtien démontre la libre disposition des fonds par Claude Y... ; en organisant un système de paiements par les entreprises incitées par ailleurs à passer par ce passage obligé pour obtenir des autorisations ou, plus subtilement le déblocage de dossiers complexes ou qui traînaient en longueur sans aboutir, Claude Y... s'est bien rendu coupable des faits qui lui sont reprochés et le jugement sera confirmé de ce chef ; les peines prononcées apparaissent adaptées à la répression, compte tenu des faits, de leur gravité, du contexte de leur commission, de la personnalité de l'intéressé et des mobiles poursuivis ; il y sera ajouté une interdiction des droits prévus aux 2 et 4 de l'article 131- 26 du Code pénal pour une durée de 3 ans, ces interdictions étant prévues à la date des faits par les dispositions combinées des articles 42 et 180 de l'ancien Code pénal (arrêt, pages 29 à 32)" ;

"et aux motifs, adoptés des premiers juges, que la SEM de Massy a été constituée en 1983 et était composée essentiellement d'actionnaires publics ; que Claude Y... en était président en sa qualité de maire ; que la SEM avait pour vocation de vendre à des promoteurs des charges foncières englobant le prix du terrain et des aménagements tels que les VRD ; que les promoteurs étaient choisis en fait par Claude Y... ; qu'après signature de l'acte de vente entre les promoteurs et la SEM, le permis de construire était instruit ;

que cette procédure permettait de ne pas mettre en oeuvre des appels d'offres ; que la Sages a pris en charge selon Michel C... des dépenses à caractère électoral ou politique en faveur de la section socialiste de Massy et de ses élus ; qu'en juillet et août 1989, Claude Y... a rédigé un ouvrage "l'lle de France Sud : une chance pour 1993" ; que ce livre a été édité par la Sedires et mis en vente le 6 septembre 1989 ; que la Sedires était gérée par M. I..., maire-adjoint de Massy ; qu'au dos de l'ouvrage de Claude Y..., apparaît le nom de la Sedires comme éditeur mais que l'adresse indiquée correspond en fait au siège de la Sages ; que le 18 octobre 1989, la Sages a réglé à la Sedires une facture de 118 600 francs pour "l'insertion de publicité dans le périodique tribune 91" ; que Michel C... a reconnu qu'en réalité la Sages avait financé entièrement l'édition de ce livre ; qu'Hubert D..., conseiller municipal de Massy depuis 1977 a été élu maire-adjoint à compter de 1983 et chargé de l'urbanisme ; que fin 1987, Claude Y... lui a proposé de s'occuper uniquement des affaires de la commune ; qu'il a alors perçu un salaire mensuel de 18 000 francs réglé par la Sages, puis par Aravis, enfin par Sages Maine ; que M. D... a reconnu n'avoir fourni aucune prestation de travail en faveur de ces sociétés ; que si M. D... n'avait pas juridiquement de pouvoir propre de décision et agissait en fait pour le compte de Claude Y..., il donnait à ce dernier un appui technique indispensable et avait capacité d'influencer les choix des entreprises ; que d'ailleurs, lorsqu'il a manifesté des avis différents de Claude

Y... en matière de politique d'aménagement, il a été peu à peu mis à l'écart et dans le même temps licencié par Michel C..., ses avis et directives techniques pouvant influer sur les dossiers dans un sens contraire des souhaits de Claude Y... ; que M. D... a reconnu avoir personnellement et activement participé à l'élaboration des projets concernant Cogedim, Sobea, Ferinal, J..., Get-Gefico ; que la Sages a facturé le 1er mars 1991 à la société J... une note d'intervention commerciale d'un montant de 53 370 francs correspondant au chantier du bassin des goachères ; que la SEM Massy avait signé le 1er octobre 1987 un acte d'engagement avec la SA J..., qui a été complété par trois avenants ; que si la première décision favorable à la société J... est en date de 1988, les actes suivants concernent des travaux complémentaires et constituent de nouvelles décisions favorables ;

que Claude J... a déclaré qu'à la suite d'une convention avec la Sages il avait été mis en relation avec un "conseiller technique de la Sages travaillant pour la commune de Massy" et qu'avec ce dernier, il avait amélioré les solutions techniques contenues dans l'appel d'offres ; que la Sages a facturé

les 14 février 1989 et 5 juin 1990 à la société Get Gefico des notes d'intervention de 1 779 000 francs et de 3 558 000 francs correspondant à l'opération ZAC du Pileu ; que l'accord entre Sages et Gefico était intervenu en mars 1986 ; qu'un rendez-vous entre Gefico et Claude Y... a eu lieu en avril 1987 ;

que la convention entre la ville de Massy et Get-Gefico a été signée en novembre 1988 ; que la Sages a facturé le 2 mai 1989 à la société Ile de France Construction une note d'intervention d'un montant de 199 248 francs correspondant à l'opération "rue de Versailles" ; que le 24 octobre 1988 la commune de Massy a accordé à la société Ile de France Construction un permis de construire en vue de la construction d'un immeuble collectif et cédé le terrain le 28 décembre 1988 ; que la Sobea était propriétaire de terrains à Massy ;

que le groupe Sogea avait souscrit une convention d'abonnement auprès de la Sages ; que Michel C... a, début 1988, mis Charles B... en contact avec Claude Y... ; qu'ainsi Charles B... a été mis au courant du projet de construction d'un ensemble hôtelier souhaité par le maire ; qu'ensuite Charles B... a rencontré M. D... ; qu'une convention a été passée avec la ville de Massy après délibération du conseil municipal en date du 29 mars 1989 ;

que la société Aravis a facturé à la Sobea une note de 889 500 francs le 20 février 1990 ; que la Sobea déjà implantée à Massy et appartenant à un groupe important disposait nécessairement de services commerciaux compétents et n'avait nul besoin des services de Michel C... si ce n'est dans le cadre de son influence à caractère politique ; que la société Ferinel Industrie, dans le cadre d'une SCI constituée avec la société HW Promotion avait formé un projet d'aménagement et de vente de locaux industriels et commerciaux ;

qu'une convention d'assistance commerciale a été signée avec la Sages le 12 juillet 1988 ; que l'approbation du projet par le conseil municipal de Massy a été donnée le 29 juin 1988 ; que la Sages a facturé à la SCP deux notes d'intervention le 20 juillet 1988 pour 118 600 francs le 30 janvier 1989 pour 593 000 francs ainsi que la société Aravis une facture le 2 février 1989 pour 296 500 francs ; que selon Jacques K... directeur de programmes de la société Férinel, la Sages a apporté un savoir faire dans le montage administratif du dossier et notamment dans le choix d'une ZAC conventionnée ; que la municipalité de Massy était au courant des rapports Sages-Ferinel ; qu'ici encore la dimension du groupe Ferinel et les différents services dont il dispose, l'absence de rapports ou de documents établis par Sages attestent de ce que le véritable objet de la convention était l'influence supposée de Michel C... ; que la Sages a facturé le 15 mars 1991 à la société Spie Fechoz une note d'intervention commerciale d'un montant de 166 404 francs relative à l'opération centre culturel de Massy ; que cette même opération a donné lieu à facturation par la Sages d'une note de 41 510 francs en date du 15 mars 1991 à l'égard de L...-M..., d'une note de 112 077 francs du 15 mars 1991 à l'égard de la SA Schmitt, d'une note de 78 869 francs en date du 30 mai 1991 à l'égard de Lagoona groupe SA ; qu'au cours de l'enquête, il n'a pas été possible de déterminer qui avait été l'interlocuteur de la Sages au sein de la société Spie Fechoz ; que Paul L... avait recueilli lors de réunions de chantier le tuyau selon lequel on pouvait obtenir un appui de la Sages ; que celle-ci l'a représenté à des réunions de préparation et de décision ; que M. N..., directeur de la SARL Schmitt industrie a déclaré ne pas être capable de dire si l'intervention de la Sages avait été bénéfique pour sa société et n'a d'ailleurs nullement caractérisé le travail effectué en compensation des honoraires versés ; que Guy O... n'a pas accepté de régler la facture Sages estimant qu'elle ne correspondait à aucune prestation commandée par la SA Lagoona ; que la société Sages immobilier a facturé le 2 mai 1991 à la SNC Massy, filiale de la Cogedim, une note d'honoraires de transaction d'un

montant de 1 186 000 francs ; que cette facture a été réglée le 17 mai 1991 ; qu'en novembre 1990, Michel C... a réuni Claude Y... et Michel X... (PDG de la Cogedim) autour d'un déjeuner ; que Claude Y... a proposé les terrains de la place Victor Bach à Michel X... qui s'est montré intéressé, que Michel X... a indiqué que s'il n'avait jamais considéré le recours à la Sages comme une obligation, il avait conscience que le refus de toute mission ou de toute collaboration avec cette société n'était pas de nature à améliorer la position de sa société pour la poursuite du projet ; qu'il a ajouté qu'il ignorait toutefois les activités de financement politique de la Sages ; qu'une promesse de vente a été régularisée le 11 avril 1991, en vue de la construction de 30 000 m2 à usage de bureaux, entre la SEM Massy représentée par Claude Y... et la SNC Massy place Victor Bach représentée par son gérant la SA Cogedim elle-même représentée par son PDG Michel X... ; qu'auparavant, en mars 1991, suite à une note de M. E..., Michel X... avait pris, en accord avec M. G..., président de Cogedim France, et M. P..., la décision de rémunérer la Sages ; que M. P..., directeur foncier à la Cogedim, dans une note de janvier 1992, qualifiait les tâches réalisées par la Sages de purement relationnelles mais efficaces compte tenu des relations antérieures difficiles entre la Cogedim et la municipalité, et de la capacité de la Sages de faire obtenir à Cogedim les charges financières souhaitées ; que M. P... a précisé que par cette intervention de la Sages il avait pu recueillir auprès de M. D... d'un directeur technique de la SEM et des architectes, les éléments indispensables pour faire un projet adéquat tant sur le plan financier que technique et obtenir une baisse de la charge foncière ; que les difficultés de relations entre Cogedim et Massy provenaient de divergences à caractère politique entre Michel X... et Claude Y... ; qu'il apparaît ainsi clairement que la commission versée à Michel C... et reversée ensuite partiellement sous différentes formes aux besoins électoraux de Claude Y... permettait d'effacer ce différend et de permettre à la Cogedim de réaliser un projet dans une ville où elle ne pouvait s'implanter comme promoteur ; que les aspects immobiliers pouvaient être aisément traités par M. E... collaborateur habituel de Cogedim, sans faire appel à la Sages ; que Michel X... a donné son accord à la rémunération de la Sages et a signé les conventions avec la SEM Massy représentée par Claude Y... ;

que la SEM agissait comme future concessionnaire de la ZAC chargée par délibération du conseil municipal d'une mission de précommercialisation ; que Michel X... ne saurait donc arguer du caractère privé des conventions en cause ; que la SA Décathlon a réglé le 13 juin 1990 à Sages Immobilier une facture d'étude de marché et de faisabilité d'un montant de 1 186 000 francs ; que le paiement de cette somme résultait d'une convention passée entre la SA Cogeri et la SA Décathlon aux termes de laquelle Décathlon se substituait à Cogeri dans une promesse de vente consentie par la commune de Massy et s'engageait à régler les honoraires de Sages et Sages Immobilier moyennant remise des études préliminaires réalisées par ces deux sociétés ; que Décathlon réglait la facture de 1 186 000 francs tout en protestant de la faible consistance des dossiers remis par Sages qui ne correspondaient pas aux études attendues ; que l'acceptation tant par Cogeri que par Décathlon du principe de rémunération de la Sages malgré l'absence de travail d'étude réel confirme que les entreprises étaient conscientes de payer une sorte de droit de passage pour pouvoir être prises en compte par Claude Y... et prétendre à l'obtention de contrats et marchés de travaux ; que la société Nord France a passé avec la Sages une convention d'assistance commerciale le 25 avril 1990 et a versé à cette dernière des honoraires d'un montant de 593 000 francs le 17 juillet 1991 ; qu'un marché a été passé entre Nord France et la Samacim le 21 juin 1990, pour l'opération "place de France" ;

qu'il résulte des pièces du dossier que l'opération consistait en la construction d'un hôtel et de bureaux ; que l'implantation d'un hôtel nécessitait, en raison du plan d'occupation des sols, l'autorisation du maire ; que le terrain concerné par cette opération avait été vendu par la commune à la Samacim le 7 février 1989 ; que l'édification d'un hôtel était une des conditions de la vente ; que M. Q..., PDG de Samacim, a déclaré qu'il avait été mis au courant dès 1987 de ce que Nord France était déjà "positionné" sur cette affaire et que la Sages intervenait dans ce dossier ; que Marc A... a déclaré que la Sages avait pris contact avec lui fin 1989 ; qu'il savait que la Sages pouvait aider les entreprises sur certaines opérations ; que toutefois le PDG de la Samacim a déclaré n'avoir eu aucun contact avec la Sages alors que, selon Marc A..., la Sages n'avait pour tâche que de faciliter ses relations avec la Samacim ; que par ailleurs Michel C... a déclaré avoir présenté la société Nord France à Claude Y... ; qu'en conséquence si la convention a été passée entre Samacim et Nord France, l'ensemble du projet avait en fait été déterminé antérieurement et la société Nord France se trouvait comme l'a indiqué M. Q... "positionnée" sur ce projet ; qu'il s'agissait en quelque sorte d'une condition non écrite à la réalisation de la vente entre la commune de Massy et la Samacim ; que Michel C... a usé des dons et présents à l'égard de MM. Z..., H..., Y... et D... afin d'obtenir d'eux des faveurs au bénéfice de ses clients et obtenir à son tour rétribution des entreprises ; que la Sages a totalement pris en charge les frais d'édition et d'impression de l'ouvrage écrit par Claude Y... au cours de l'été

1989 ; que les contacts étaient anciens entre Michel C... et Claude Y... ; que ce dernier décidait de tous les projets concernant la ville de Massy quelle que soit la forme juridique donnée aux opérations de construction et d'aménagement ; qu'il rencontrait les entreprises présentées par Michel C... et les mettait ensuite en relation avec les services techniques afin que les projets puissent arriver dans les conditions les plus favorables lors des procédures d'appel d'offres ou lors des négociations de marché (jugement, pages 30 à 38)" ;

"alors 1 ) que le délit de trafic d'influence implique qu'en contrepartie de l'influence dont il se propose d'abuser auprès d'une autorité ou d'une administration, le dépositaire de l'autorité publique sollicite ou agrée, sans droit, directement ou indirectement, des avantages quelconques ; qu'en l'espèce, pour déclarer Claude Y... coupable de ce délit, les juges du fond se sont bornés à relever d'une part les liens existant entre certaines entreprises intéressées par des marchés concernant le secteur de Massy et la société Sages dont le dirigeant, Michel C..., promettait l'obtention desdits marchés moyennant le versement d'une commission à ladite société, d'autre part que certaines décisions concernant ces marchés avaient été prises par ledit exposant qui était maire de Massy, enfin que seules les officines dirigées par Michel C... permettaient aux entrepreneurs désireux d'obtenir les marchés litigieux d'attirer l'attention du maire de la commune sur la valeur de leurs projets ; qu'en l'état de ces seules énonciations dont il ne résulte pas que Claude Y... ait personnellement sollicité ni agréé, fût-ce indirectement, des avantages quelconques susceptibles de lui être accordés par les entrepreneurs intéressés, dès lors qu'il n'est constaté ni par le jugement ni par l'arrêt attaqué que les sommes réclamées par la Sages, sur la seule initiative de Michel C..., aient été en outre sollicitées ou agréées par ledit exposant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors 2 ) qu'il appartient aux juges du fond, saisis de poursuites du chef de trafic d'influence, de caractériser l'influence réelle ou supposée dont se prévaut le dépositaire de l'autorité publique ; qu'une telle influence suppose que le fonctionnaire trafique non de sa fonction mais de sa qualité et, partant, monnaye l'accomplissement d'un acte se situant hors du cadre de sa fonction ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que des sociétés ayant versé des sommes à la société Sages, dirigée par Michel C..., avaient obtenu des réponses favorables pour l'obtention de marchés concernant la ville de Massy dont Claude Y... était le maire, pour en déduire que ce dernier s'était rendu coupable des faits à lui reprochés, sans préciser la teneur de l'influence réelle ou supposée dont il se serait prévalu auprès des entrepreneurs, la cour d'appel a privé derechef sa décision de base légale" ;

Sur le premier moyen proposé pour Gérard Z..., pris de la violation des articles 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard Z... coupable de trafic d'influence ;

"alors que les juges correctionnels ne peuvent légalement statuer que sur les faits qui leur sont soumis par la décision de renvoi ou la citation qui les a saisis ; que la prévention énumérait en l'espèce limitativement les marchés en contrepartie desquels Gérard Z... était censé avoir agréé des offres ou promesses ou sollicité ou reçu des dons ou présents ; que parmi ces marchés ne figuraient pas ceux obtenus par les sociétés Millery et Quillery et R... et que dès lors, en tenant compte dans les motifs de sa décision de ces marchés pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Gérard Z... en l'absence de comparution volontaire de celui-ci sur ces faits nouveaux, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et méconnu, ce faisant, les droits de la défense" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Gérard Z..., pris de la violation des articles 177 et 178 de l'ancien Code pénal, 121-3 alinéa 1er et 432-11 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard Z... coupable de trafic d'influence ;

"aux motifs que s'il est exact qu'un contrat de travail n'a pas besoin d'être écrit, il est constant et incontesté que Gérard Z... a été salarié d'Aravis à compter de septembre 1986 ; que cette société anonyme Aravis (agence de recherches audiovisuelles d'information et de service) a d'ailleurs attesté sous la signature d'Evelyne C... de ce que Gérard Z... y a été employé en qualité d'attaché commercial du 1er septembre 1986 au 1er juillet 1991 et des bulletins de paye ont été délivrés pour un salaire brut de 11 520 francs qui n'a pas varié de 1986 à 1991 ; que Michel C... a expliqué que, malgré son intitulé, Aravis n'était qu'un doublon de la Sages créé afin d'éviter d'avoir plus de 9 salariés dans chaque société ; que Gérard Z... prétend que la SA Aravis l'aurait mis à la disposition de la SARL Néon-Pacific pour s'occuper d'une radio- libre pour expliquer pourquoi il n'a jamais travaillé effectivement pour Aravis ; que cette prétention ne repose sur aucun acte contractuel ni échange de correspondance, Gérard Z... ne fournissant qu'une "copie" de lettre censée avoir été adressée le ter septembre 1986 par le président d'une association, M. S..., à "Aravis", double sans date certaine, ne pouvant faire preuve de l'existence de cette correspondance ; que les autres documents, citant Aravis, lettres du 14 mai 1992 et procès-verbaux d'assemblée générale du 9 janvier 1993, sont postérieurs à 1991, fin du contrat de travail Aravis-Letailleur et contemporains de l'enquête ; que la SA Aravis n'a pas, de 1986 à 1991, considéré qu'elle avait quelque relation que ce soit avec une association ou une SARL Néon-Pacific à propos de radio-libre puisqu'encore lors de l'information judiciaire ses dirigeants de fait ou de droit, C... père et fille, ignoraient que cette société aurait pu détenir une participation ou des droits à hauteur de 18 % du capital de la SARL soit 450 000 francs ; que de plus, les seuls documents certains, relatifs aux demandes d'autorisation auprès de la Commission nationale de la communication et des libertés, ou du conseil supérieur de l'audiovisuel, aux rubriques "financement, ne mentionnent pas la SA Aravis comme y ayant quelques intérêts alors que, par exemple, Claude T... dit "Claude U...", ayant apporté 300 francs au capital y est soigneusement indiqué ; que la mise à disposition de Gérard Z... par la SA Aravis à la SARL Néon-Pacific n'est pas établie et est au contraire démentie par les déclarations de Michel C... : "c'est Mme de V... qui m'a dit que Gérard Z... souhaitait être salarié ; cela rentrait comme les débits des factures au débit de la fiche Petit-Couronne ; l'accord devait être là aussi de 2/3 - 1/3 sur les marchés obtenus pour lesquels Sages touchait des commissions" ;

qu'il s'agit donc d'un emploi fictif attribué par l'une des sociétés de Michel C... au maire de Petit-Couronne ; que la mairie de Petit-Couronne était démarchée par Mme de V... à la même époque, au titre de la Sages et du Groupe de Michel C... ; que selon Mme de V... les prestations étaient "orales" et se situaient essentiellement au niveau des rencontres organisées, entre les élus et les responsables des entreprises ; que Mme de V... dit avoir compris que Gérard Z..., maire de Petit-Couronne et membre du Sivom de Rouen pouvait les aider dans la connaissance des projets du Sivom et dans l'approche d'éventuels décideurs ; qu'elle dit avoir plaidé auprès du maire la cause des entreprises, son rôle étant de convaincre celui-ci de leur laisser une nouvelle chance ;

qu'elle indique qu'après ses interventions auprès du maire, ces entrepreneurs ont su tenir compte des avertissements qu'elle leur avait donnés et qu'ils ont obtenu les marchés ; que ces entreprises, par ailleurs rémunéraient la société Sages pour laquelle travaillait M. de V... qui ajoute qu'après obtention des marchés, elles ont "donc" payé la Sages ; que pour les entrepreneurs les choses étaient très claires, ainsi M. XW... qui explique que la rémunération de la société Sages n'était prévue qu'en cas d'obtention de marchés, cette société se faisant fort d'apporter un "plus" pour l'obtention du marché, marché où l'entreprise la moins disante n'a pas finalement été retenue ; que M. XX... de l'entreprise industrielle avait obtenu une rencontre avec Gérard Z... grâce à la Sages et, à l'issue de ce rendez-vous, il avait la conviction que celui-ci allait l'appuyer pour les marchés futurs alors qu'initialement il avait été question de l'exclure des soumissions ;

que pour quatre marchés obtenus, la Sages a présenté à l'entreprise industrielle quatre factures ; que M. XY... supposait que la société Sages entretenait des relations qui permettaient d'influer sur les marchés et a versé à cette officine 1 % du prix de celui qu'il a obtenu en décembre 1989 bien que n'étant pas moins disant de plus de 500 000 francs et après négociations plus que suspectes ; que M. XZ... de l'entreprise Foncier-Conseil a dit qu'il fallait passer par la société Sages pour être présenté à la commune de Petit-Couronne et que grâce à Mme de V... il a eu un rendez- vous avec le maire ; qu'il a obtenu un avis favorable puis le lancement de l'opération et a payé à la société Sages la somme de 83 020 francs ; que M. R... a dit qu'il avait tout lieu de penser que la société Sages était intervenue et a reconnu que dès la fin de l'année 1987 il savait qu'il obtiendrait un marché qui n'a été attribué officiellement que le 14 janvier 1988 ; qu'en acceptant un emploi fictif et le salaire correspondant d'un groupe qui facturait aux entreprises ses interventions pour obtenir des autorisations ou marchés, Gérard Z... s'est bien rendu coupable des faits qui lui sont reprochés ;

"1 ) alors que lorsque les dons ou présents visés à l'article 178 de l'ancien Code pénal n'ont été perçus qu'indirectement par la personne dépositaire de l'autorité publique poursuivie, celle-ci ne peut être déclarée coupable de trafic d'influence qu'autant qu'elle a su que les sommes qui lui ont été rétrocédées par un intermédiaire provenaient de personnes physiques ou morales ayant en vue l'obtention de décisions favorables par des procédés illégitimes et que faute d'avoir constaté que Gérard Z... ait su que les salaires prétendument fictifs qui lui avaient été versés par la Sages, qui avait perçu des fonds de la part d'entreprises au titre des interventions auxquelles elle procédait auprès d'élus locaux, avaient une telle origine revêtant un caractère délictueux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2 ) alors qu'il ne résulte pas des énonciations de l'arrêt que la cour d'appel ait fait sienne la thèse de l'accusation rapportée par elle selon laquelle "il existerait une entente entre Michel C... et Gérard Z..., lesquels auraient conclu entre eux un accord de financement selon lequel ce dernier devenait salarié d'Aravis tandis que la Sages se trouvait en fait investie par le maire d'une mission de sélection des entreprises peu regardantes sur les méthodes employées pour obtenir des marchés et toutes disposées à payer à cet intermédiaire une commission en échange de l'influence que son responsable était supposé avoir sur les décideurs de la commune", l'existence de cette entente n'ayant pas été constatée par l'arrêt ;

"3 ) alors que le délit de trafic d'influence suppose pour être constitué que la personne dépositaire de l'autorité publique qui a agréé sans droit des dons ou des présents ait eu en vue d'abuser de son influence réelle ou supposée pour faire obtenir à une personne physique ou morale un avantage et par exemple un marché ; qu'il ne résulte d'aucune des constatations de l'arrêt que Gérard Z..., maire de Petit-Couronne ait eu connaissance que les interventions de Mme de V..., mandataire de la Sages auprès de lui avaient pour but de fausser l'attribution des marchés au bénéfice de certaines entreprises et que la seule circonstance relevée par l'arrêt que Mme de V... ait "compris" que Gérard Z... pouvait aider les entreprises clientes de la Sages à obtenir des marchés, ne suffit pas à caractériser l'élément intentionnel du délit qui doit être constaté dans la personne dépositaire de l'autorité publique poursuivie ;

"4 ) alors que le délit de trafic d'influence suppose, pour être constitué, qu'une décision favorable, au lieu d'être obtenue par des moyens légitimes, ait été poursuivie ou obtenue par des moyens d'influence coupables ; que pour chacun des marchés visés par la prévention, Gérard Z... démontrait dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel

que ceux-ci avaient été obtenus par les entreprises dans des conditions de régularité et de transparence parfaite et qu'en ne s'expliquant par sur ces chefs péremptoires de conclusions, la cour d'appel qui, au demeurant, n'a pas constaté que les marchés en cause aient été obtenus irrégulièrement, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étants réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et, sans excéder sa saisine, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de trafic d'influence dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Gérard Z..., pris de la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de Gérard Z... une interdiction des droits prévus aux alinéas 2 et 4 de l'article 131-26 du Code pénal pour une durée de 3 années ;

"alors qu'une telle peine est manifestement disproportionnée lorsqu'elle intervient, comme en l'espèce, au terme d'un procès caractérisé par une durée déraisonnable et qu'elle méconnaît ainsi le principe du procès équitable" ;

Attendu qu'en prononçant à l'encontre de Gérard Z... la peine complémentaire de 3 ans d'interdiction des droits prévus par l'article 131-26, 2 et 4 du Code pénal, la cour d'appel n'a fait qu'user d'une faculté dont elle ne doit aucun compte, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

Que, dés lors, le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.

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