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Décisions

Cass. com., 13 février 2001, n° 97-19.869

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Feuillard

Avocat :

SCP Célice, Blancpain et Soltner

Paris, 16e ch. civ., sect. A, du 24 juin…

24 juin 1997

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte sous seing privé en date du 21 mai 1986, M. Das Z... a pris à bail un local à usage commercial situé ..., dans lequel il exerçait le commerce de rempaillage, cannage, vente et réparation de chaises ; que le bail, soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953, avait commencé à courir le 1er avril 1986 pour une durée de 9 ans ; que le 10 mai 1990, la SCI Daguerre Deparcieux est devenue propriétaire des murs, et a délivré congé à M. Das Z... le 27 décembre 1990, avec offre d'une indemnité d'éviction de 200 000 francs pour le 1er avril 1992 ; que, saisi par la bailleresse, le président du tribunal de grande instance de Paris a, par ordonnance en date du 21 janvier 1992, désigné un expert pour déterminer le montant de l'indemnité d'éviction, et celui de l'indemnité d'occupation due par le locataire à la suite du congé ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. Das Z... reproche à l'arrêt d'avoir considéré que le fonds était transférable sans perte de clientèle et d'avoir limité l'indemnité d'éviction à une seule indemnité de "transfert" fixée à 399 999 francs, alors, selon le moyen :

1 / qu'il avait fait valoir dans ses conclusions que sur les 100 factures communiquées en cours d'instruction, 79 seulement comportaient une adrese, que sur ces 79 factures 40 correspondaient à des clients domiciliés dans le XIV arrondissement, et 14 correspondaient à des clients habitant dans des arrondissements limitrophes, ce dont il résultait que la clientèle de M. Das Z... était composée à hauteur de 70 % d'une clientèle de proximité ; qu'en se bornant à énoncer qu'en raison de sa compétence M. Das Z... avait réussi à "étendre sa clientèle" au-delà du XIVe arrondissement, quand il lui appartenait de rechercher si la proportion la plus importante de la clientèle de ce dernier était une clientèle de proximité ou une clientèle "mobile", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 du décret du 30 septembre 1953 ;

2 / qu'en outre, la cour d'appel, qui exclut la perte du fait du transfert en se fondant "sur les factures produites aux débats" sans procéder à la moindre analyse de celles-ci viole en tout état de cause l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que la cour d'appel, qui relève qu'il résulte de l'attestation de M. Y..., tapissier décorateur "que la disparition du commerce de M. Das Z... l'obligerait à adresser sa clientèle à des entreprises du faubourg Saint-Antoine", ce dont il résultait précisément que le transfert du fonds de M. Das Z... ne pouvait se faire sans perte de clientèle, prive de plus fort sa décision de base légale au regard de l'article 8 du décret du 30 septembre 1953 ;

4 / que de la même façon, la cour d'appel, qui ne s'explique pas sur les neuf attestations de clients professionnels de M. Das Z... qui indiquaient que la proximité du fonds de commerce de M. Das Z... était l'une des conditions essentielles du maintien de leurs relations commerciales, prive derechef sa décision de toute base légale au regard de l'article 8 du décret du 30 septembre 1953 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant énoncé, par motifs adoptés, qu'il résulte de la spécificité elle-même de l'activité de rempaillage et cannage de chaises qu'elle est par nature transférable, la clientèle étant amenée pour une part importante par les professionnels de l'ameublement, et, par motifs propres, que par sa compétence et sa notoriété, M. Das Z... a étendu sa clientèle très au-delà du quartier, puisque les factures mentionnent des adresses dans les IIIe, Ve, VIe, VIIe, VIIIe, XIIIe, XVe XVIe arrondissements ainsi qu'en banlieue (Montrouge, Les Ulis, Saint-Cloud, la Varenne Saint-Hilaire, Charenton le Pont, Villeneuve Saint-Georges, Maisons-Alfort), la cour d'appel qui, contrairement aux énonciations du moyen, a analysé les documents de preuve sur lesquels elle se fondait, a légalement justifié sa décision qu'elle a motivée ;

Attendu, en deuxième lieu, que les troisième et quatrième branches du moyen, qui ne tendent qu'à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier la valeur probante des éléments qui leur sont soumis, ne sont pas fondés ;

Qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. Das Z... fait encore grief à l'arrêt d'avoir limité le montant de l'indemnité de transfert et ses accessoires à la somme de 399 000 francs, alors, selon le moyen, que l'application d'un coefficient de pondération ayant pour objet de réduire la valeur du loyer au regard du critère d'utilité, la cour d'appel ne pouvait, tout en appliquant un coefficient de pondération pour déterminer la surface commerciale du premier étage, retenir pour cet étage une valeur locative inférieure à celle du rez-de-chaussée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 8 du décret du 30 septembre 1953 ;

Mais attendu que le grief, qui ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond de fixer le montant de l'indemnité de transfert, ne peut être accueilli ;

Mais sur la deuxième branche du second moyen :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour fixer l'indemnité de perte de clientèle à la somme de 34 250 francs, l'arrêt retient que cette somme doit être fixée sur la base de 5 % de la valeur du fonds ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans préciser sur quels éléments elle s'est fondée pour retenir ce pourcentage, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité de perte de clientèle à la somme de 34 250 francs, l'arrêt rendu, entre les parties, par la cour d'appel de Paris le 25 juillet 1997 ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.