Cass. 1re civ., 20 janvier 1998, n° 96-12.431
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
M. Aubert
Avocat général :
M. Gaunet
Avocats :
M. Bouthors, SCP Boré et Xavier
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que le notaire est tenu, en tant que rédacteur d'un acte, de procéder préalablement à la vérification des faits et conditions nécessaires pour en assurer l'utilité et l'efficacité ;
Attendu que, en vertu d'un acte des 30 et 31 décembre 1980 reçu par M. A... et M. Y..., notaires, les époux Neroni ont vendu aux époux Patrick Lecat un fonds de commerce ; que, par un acte séparé de même date, reçu par M. Y..., de la SCP X..., Y... et Z..., notaires associés, aujourd'hui la SCP Gérard X... et Frédéric X... (la SCP), la Caisse centrale de Crédit hôtelier commercial et Industriel a prêté aux époux Lecat la somme de 132 000 francs, avec diverses garanties, dont un nantissement de premier rang du fonds de commerce et un cautionnement solidaire des parents de M. Lecat, M. Robert Lecat et Mme Labourel ; que M. Robert Lecat et Mme Labourel n'ont pas comparu à cet acte, ayant donné procuration sous seing privé le 24 décembre 1980 ; que M. Patrick Lecat a été déclaré en liquidation des biens par un jugement du 10 août 1982 et le nantissement n'étant pas venu en rang utile pour assurer le remboursement du prêt, le Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprise (CEPME), venant aux droits de la Caisse centrale de Crédit hôtelier commercial et industriel, a fait sommation aux cautions, M. Robert Lecat et Mme Labourel, de payer le solde du prêt ; que Mme Labourel a contesté la validité de son engagement de caution en faisant valoir que la procuration annexée à l'acte authentique de prêt portait une fausse signature, ce pourquoi elle avait déposé plainte le 7 février 1987 contre M. Robert Lecat, lequel avait reconnu avoir signé la procuration en lieu et place de son épouse ; que, le 30 décembre 1988, le CEPME, estimant que l'inefficacité du cautionnement de Mme Labourel était la conséquence d'une faute professionnelle du notaire, a appelé en intervention forcée la SCP aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 361 672,74 francs, montant de sa créance au 30 novembre 1988 ;
Attendu que, pour débouter le CEPME de sa demande contre la SCP, l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, énonce que lorsqu'une partie est représentée par un mandataire à qui elle a donné procuration par acte sous seing privé, le notaire doit vérifier non pas l'authenticité de la signature figurant sur cette procuration, ce qui conduirait à écarter ipso facto la possibilité d'une telle procuration, mais la sincérité apparente de la signature et que, dans une situation aussi courante, le notaire ne pouvait supposer être en présence d'un faux de sorte qu'il n'avait pas à demander la production de la carte d'identité de Mme Labourel pour comparer les signatures, d'autant que celles-ci peuvent changer avec le temps et qu'elles peuvent être imitées ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que le notaire est tenu, quand une partie est représentée par un mandataire, de vérifier la sincérité au moins apparente de la signature figurant sur la procuration sous seing privé qui lui est présentée et qu'il doit, à cette fin, se faire communiquer des éléments de comparaison qui lui permettent de prendre parti sur ce point, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a donné acte à la SCP X... de son désistement d'instance à l'égard de Mme Labourel et M. Mougeot, l'arrêt rendu le 25 octobre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties concernées dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.