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Décisions

TUE, 2e ch. élargie, 27 septembre 2023, n° T-172/21

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Valve Corporation

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. S. Papasavvas

Juges :

Mme A. Marcoulli, M. J. Schwarcz, Mme V. Tomljenović, M. W. Valasidis

TUE n° T-172/21

26 septembre 2023

 

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Valve Corporation, demande l’annulation de la décision C(2021) 75 final de la Commission, du 20 janvier 2021, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaires AT.40413 – Focus Home, AT.40414 – Koch Media, AT.40420 – ZeniMax, AT.40422 – Bandai Namco et AT.40424 – Capcom) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2 La requérante est une entreprise active dans le secteur des jeux vidéo pour PC et des technologies de divertissement. Elle exploite une plateforme de jeux vidéo pour PC en ligne appelée Steam (ci-après la « plateforme Steam »).

3 Les jeux vidéo pour PC compatibles avec la plateforme Steam (ci-après les « jeux vidéo Steam ») sont développés par des éditeurs de jeux (ci-après les « éditeurs ») qui détiennent les droits d’auteur sur leurs jeux respectifs. Pour rendre disponibles des jeux vidéo Steam sur la plateforme Steam, les éditeurs concluent un accord de distribution avec la requérante, généralement complété par des stipulations spécifiques pour les différents jeux. Afin de permettre aux éditeurs de développer des jeux vidéo Steam, la requérante leur accorde une licence pour la technologie Steam et offre des services et solutions techniques (ci-après les « services Steamworks »). Les éditeurs téléchargent ensuite leurs jeux sur les serveurs de la requérante et lui accordent des licences non exclusives. L’accès aux jeux vidéo Steam par les utilisateurs se fait alors par l’intermédiaire des serveurs de la requérante.

4 L’accès aux jeux vidéo Steam peut être acheté par les utilisateurs directement sur la plateforme Steam, dans le Steam Store. Alternativement, l’accès aux jeux vidéo Steam peut être acheté auprès de distributeurs tiers, sur support matériel ou immatériel. En cas d’acquisition auprès d’un distributeur tiers, l’utilisateur doit activer le jeu sur ladite plateforme par le biais d’une clé d’activation, consistant en un code alphanumérique unique (ci-après les « clés Steam »), afin de pouvoir accéder et jouer audit jeu dans l’environnement Steam. Une fois que l’utilisateur a activé le jeu sur son compte Steam, il peut y jouer de la même manière que si l’accès au jeu avait été acheté dans le Steam Store.

5 Les services Steamworks comprennent, outre le système de clés Steam, une fonction de contrôle du territoire (ci-après le « géoblocage » ou « blocage géographique »). Les restrictions peuvent être de deux types. Dans le cas des restrictions d’activation, le jeu vidéo ne peut être activé sur la plateforme Steam que sur le territoire autorisé. Une fois activé, il est possible d’y jouer en dehors du territoire autorisé. Dans le cas des restrictions d’exécution, l’utilisateur peut activer et jouer au jeu vidéo uniquement sur le territoire autorisé.

 Procédure administrative 

6 Sur la base d’informations reçues par des acteurs du marché, la Commission européenne a entamé, en 2013, une enquête ex officio sur le blocage géographique de certains jeux vidéo Steam en raison de la situation géographique des utilisateurs.

7 Le 2 février 2017, la Commission a ouvert une procédure à l’encontre de la requérante et de cinq éditeurs, à savoir Bandai, Capcom, Focus Home, Koch Media et ZeniMax (ci-après les « cinq éditeurs »), en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de son règlement (CE) no 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 et 102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18).

8 À la suite de l’adoption de cinq communications des griefs, le 5 avril 2019, la Commission a accordé à la requérante l’accès à son dossier dans les cinq affaires. Le 17 juillet 2019, cette dernière a soumis des réponses auxdites communications.

9 En parallèle, le 30 avril 2019, les cinq éditeurs ont déclaré leur volonté de coopérer avec la Commission au-delà de leur obligation légale de le faire. Entre le 28 octobre et le 9 novembre 2020, ils ont soumis des déclarations formelles dans lesquelles ils ont reconnu l’infraction, les faits pertinents et leur responsabilité respective dans cette infraction.

10 Le 20 janvier 2021, la Commission a adopté la décision attaquée.

11 Le même jour, la Commission a également adopté cinq décisions concernant la violation par chacun des cinq éditeurs de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

 Décision attaquée

12 Par la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait participé, avec chacun des cinq éditeurs, à cinq infractions uniques et continues à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, qui se sont déroulées au cours de différentes périodes comprises entre le 27 septembre 2010 et le 9 octobre 2015. Elle décrit ces infractions comme ayant pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées entre la requérante et chacun des cinq éditeurs sur le territoire de l’EEE, destinés à restreindre les ventes transfrontalières de certains jeux vidéo Steam (ci-après les « jeux vidéo en cause ») en empêchant les distributeurs des éditeurs de répondre à des demandes non sollicitées de distributeurs ou d’utilisateurs situés en dehors du territoire de certains pays de l’EEE (ci-après les « ventes passives »). Ces restrictions étaient mises en œuvre au moyen du blocage géographique des clés Steam, qui empêchait les utilisateurs situés en dehors du ou des pays de l’EEE autorisés d’activer les jeux vidéo en cause.

13 En premier lieu, aux termes de l’analyse contenue aux points 6.1, 6.2, 7 et 8.1 de la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’accords ou de pratiques concertées entre la requérante et chacun des cinq éditeurs consistant à mettre en œuvre des restrictions géographiques, au moyen du géoblocage des clés Steam, aux fins d’empêcher les ventes passives des jeux vidéo en cause au sein de l’EEE (ci-après le « comportement en cause »). Dans chacun des cinq cas, elle a considéré que les stipulations contractuelles relatives aux services Steamworks créaient seulement la possibilité de géobloquer les clés Steam. Ainsi, selon elle, pour que la requérante génère les clés Steam géobloquées, il était ensuite nécessaire que celle-ci et les éditeurs parviennent à un accord pour mettre en place les restrictions géographiques.

14 S’agissant de Bandai, la Commission a constaté le blocage géographique des clés Steam de cinq jeux vidéo Steam pour la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie. Elle a retenu que les restrictions avaient été mises en œuvre entre le 13 mars 2012 et le 22 avril 2014, date à laquelle la requérante avait levé ces restrictions, à la demande de Bandai.

15 S’agissant de Capcom, la Commission a constaté le blocage géographique des clés Steam de cinq jeux vidéo Steam pour la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie, alors que ces jeux étaient vendus dans l’ensemble de l’EEE. Elle a retenu que ces restrictions avaient été mises en œuvre entre le 13 février 2013 et le 17 novembre 2014, à la demande de Capcom. Par ailleurs, elle a relevé que, en avril 2014, la requérante avait refusé de mettre en œuvre des restrictions d’activation supplémentaires demandées par Capcom.

16 S’agissant de Focus Home, la Commission a constaté le blocage géographique des clés Steam, à l’activation et dans certains cas également à l’utilisation, de 19 jeux vidéo Steam pour l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie et la Pologne. Elle a retenu que ces restrictions avaient été mises en œuvre entre le 17 mai 2013 et le 9 octobre 2015, jusqu’à la levée de l’ensemble des restrictions, à la demande de Focus Home ou à la propre initiative de la requérante.

17 S’agissant de Koch Media, la Commission a constaté le blocage géographique des clés Steam, à l’activation, de cinq jeux vidéo Steam pour la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et, dans le cas d’un de ces jeux, le Royaume-Uni. Elle a retenu que ces restrictions avaient été mises en œuvre entre le 23 août 2011 et le 9 octobre 2015, date à laquelle la requérante avait levé ces restrictions de sa propre initiative.

18 S’agissant de ZeniMax, la Commission a constaté le blocage géographique des clés Steam, à l’activation, de la version localisée de cinq jeux vidéo Steam pour la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et, dans le cas d’un de ces jeux, la Roumanie. Elle a retenu que ces restrictions avaient été mises en œuvre entre le 27 septembre 2010 et le 9 octobre 2015, date à laquelle la requérante avait levé ces restrictions de sa propre initiative.

19 En deuxième lieu, au point 6.3 de la décision attaquée, la Commission a souligné que quatre des cinq éditeurs avaient complété l’utilisation des clés Steam géobloquées par la conclusion d’accords bilatéraux avec certains de leurs distributeurs contenant des restrictions transfrontalières des ventes. Elle a néanmoins constaté que la requérante n’avait pas connaissance de ces restrictions transfrontalières de vente ni du fait que les clés géobloquées, qu’elle avait fournies aux éditeurs, étaient utilisées pour renforcer les restrictions contenues dans certains accords de distribution. En conséquence, elle a considéré que la requérante ne pouvait être tenue responsable d’aucune infraction à l’article 101 TFUE en lien avec ces accords de distribution.

20 En troisième lieu, au point 8.2 de la décision attaquée, la Commission a considéré que le comportement de la requérante et des cinq éditeurs était constitutif d’une restriction par objet.

21 En conséquence, la Commission a considéré que la requérante avait participé à cinq infractions uniques et continues distinctes en concluant et en mettant en œuvre des accords ou des pratiques concertées bilatérales avec chacun des cinq éditeurs, en mettant en œuvre des restrictions géographiques à l’activation ainsi qu’à l’utilisation et en fournissant des clés Steam géobloquées aux fins d’empêcher les ventes passives des jeux vidéo en cause au sein de l’EEE.

 Conclusions des parties

22 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée en tout ou partie dans la mesure où cette décision la concerne ;

– condamner la Commission aux dépens.

23 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

 En droit

24 À l’appui du recours, la requérante soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs de droit et d’appréciation des faits dans l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, en ce que la Commission a constaté que la requérante et chacun des cinq éditeurs avaient conclu un accord ou participé à une pratique concertée afin de restreindre les ventes passives des jeux vidéo en cause. Le second moyen est tiré d’erreurs de droit et d’appréciation des faits dans l’application dudit article, en ce que la Commission a qualifié le comportement adopté par la requérante de « restriction de concurrence par objet ».

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait dans la constatation par la Commission d’accords ou de pratiques concertées en violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE

25 En substance, le premier moyen se divise en deux branches. D’une part, la requérante fait valoir que la Commission a indûment élargi les notions d’« accord » et de « pratique concertée » au sens de l’article 101 TFUE et, d’autre part, elle conteste la force probante des éléments de preuve sur la base desquels la Commission a conclu à l’existence d’un concours de volontés entre elle et chacun des éditeurs.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée d’erreurs de droit et d’appréciation des faits quant aux notions d’« accord » ou de « pratique concertée » et à la possibilité d’appréhender le comportement en cause au titre de l’article 101 TFUE

26 La requérante soutient, en substance, que la Commission a indûment élargi les notions d’« accord » et de « pratique concertée » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE pour englober un comportement qui serait en réalité purement unilatéral.

27 Premièrement, la requérante fait valoir qu’elle n’a agi que comme un simple prestataire de services mettant en œuvre des mesures techniques à la demande des éditeurs. Elle soutient à cet égard que, pour pouvoir appréhender un comportement au titre de l’article 101 TFUE, il est nécessaire de démontrer une concordance de volontés de se comporter d’une manière déterminée sur le marché. En particulier, elle indique que le fait d’avoir fourni des clés Steam n’a impliqué aucun comportement de sa part sur le marché ni l’expression d’une quelconque intention commune relative au comportement sur le marché des éditeurs et à leurs décisions quant à l’utilisation des clés.

28 Deuxièmement, la requérante avance que la Commission a fait une mauvaise application de la jurisprudence relative aux « modes passifs de participation », à l’« acceptation tacite », à la « distanciation » ainsi qu’à « l’acquiescement à une politique ou à un comportement unilatéral», laquelle ne serait pas transposable à une situation verticale dans laquelle l’une des entreprises agit en tant que fournisseur de services techniques. En particulier, elle fait grief à la Commission d’avoir introduit dans son analyse deux nouveaux concepts, à savoir, d’une part, la « connaissance » du comportement unilatéral d’un cocontractant ainsi que de son objectif anticoncurrentiel et, d’autre part, la « distanciation » par rapport au comportement unilatéral, qui ne seraient pas pertinents aux fins de la démonstration d’une « concertation » au sens de l’article 101 TFUE.

29 Troisièmement, la requérante soutient que la Commission n’a pas tenu compte du fait que, selon la jurisprudence, la demande unilatérale d’un contractant n’entraîne pas une concertation du seul fait qu’un prestataire de services, qui ignore l’existence d’une concertation entre le cocontractant et des tiers, participe à sa mise en œuvre.

30 De surcroît, la requérante estime que la Commission a erronément considéré que la fourniture de clés Steam géobloquées relevait d’une stratégie commerciale qu’elle poursuivait, visant à protéger ses marges sur le Steam Store ou à limiter les ventes passives.

31 La Commission conteste les arguments de la requérante.

Considérations liminaires sur le raisonnement de la Commission dans la décision attaquée

32 À titre liminaire, il importe de relever que le comportement faisant l’objet de la décision attaquée ne concerne pas les jeux vidéo Steam vendus par la requérante dans le Steam Store, mais uniquement certains jeux vidéo Steam distribués sur support matériel ou numérique par les distributeurs tiers au moyen de clés Steam. En effet, les mesures de géoblocage, examinées par la Commission dans ladite décision, ne concernent que ces clés, lesquelles sont uniquement utilisées pour la vente de tels jeux vidéo par des distributeurs tiers en dehors du Steam Store.

33 Il convient également de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas conclu à l’existence d’accords ou de pratiques concertées en se fondant sur les seuls éléments ci-après, qui seraient énoncés aux considérants 251 à 272 de la décision attaquée, à savoir sur le fait que les éditeurs étaient chacun en droit de recevoir des clés géobloquées en vertu de l’accord de distribution Steam, qu’ils devaient indiquer à la requérante les jeux et les territoires concernés par le géoblocage, qu’ils ont fait de telles demandes et que la requérante a fourni les clés Steam. En effet, une telle affirmation résulte d’une lecture partielle de ladite décision et ne tient pas compte du fait que l’analyse de l’existence d’accords ou de pratiques concertées entre la requérante et les cinq éditeurs repose sur trois points de la décision attaquée et pas seulement sur les considérants 251 à 272 de cette décision.

34 Premièrement, au point 6.1 de la décision attaquée, intitulé « Vue d’ensemble de l’activité de [la requérante] », la Commission a examiné le fonctionnement de la plateforme Steam, la relation que la requérante avait avec les éditeurs et avec les utilisateurs de ladite plateforme ainsi que les fonctionnalités des clés Steam liées au blocage géographique. En particulier, au point 6.1.6 de ladite décision, intitulé « Pratique de [la requérante] en ce qui concerne le géoblocage des clés », elle a exposé séparément, pour chacun des cinq éditeurs, les preuves permettant d’établir que la requérante avait fait de la publicité, rendu disponible et même, occasionnellement, évoqué proactivement la possibilité d’utiliser les clés Steam géobloquées aux fins de restreindre les ventes passives. Au terme de cette analyse, elle a conclu, au considérant 133 de cette décision, que les éléments de preuve permettaient d’établir que la pratique de la requérante consistait à fournir de telles clés sur demande des éditeurs, que celle-ci avait à certaines occasions évoqué proactivement la possibilité d’utiliser la fonction de contrôle territorial, que celle-ci avait connaissance (ou aurait dû avoir connaissance) du fait que lesdites clés étaient utilisées par les éditeurs aux fins d’entraver les ventes passives et que la fourniture de ces clés était cohérente avec la stratégie commerciale de celle-ci en ce qui concerne la plateforme Steam.

35 Deuxièmement, au point 6.2 de la décision attaquée, intitulé « Accords et/ou pratiques concertées entre [la requérante] et les éditeurs », la Commission a exposé les éléments de preuve établissant que la requérante et chacun des cinq éditeurs s’étaient mis d’accord sur la fourniture de clés Steam géobloquées pour les différents jeux en cause. Dans cette partie de ladite décision, elle a principalement cherché à établir que la requérante avait donné son accord pour chacune des demandes de fourniture de clés Steam géobloquées. Pour ce faire, elle s’est fondée sur des déclarations de la requérante ou des éditeurs confirmant que de telles clés avaient bien été fournies, sur des échanges de courriels entre la requérante et les éditeurs portant sur des commandes de telles clés ou encore sur des commandes desdites clés formulées par les éditeurs à partir du formulaire automatisé mis en place par la requérante.

36 Troisièmement, au point 8.1 de la décision attaquée, intitulé « Accords et pratiques concertées », la Commission a considéré que le comportement entre la requérante et chacun des cinq éditeurs était susceptible de constituer des « accords » ou des « pratiques concertées » au sens de l’article 101 TFUE.

37 Après avoir relevé que, selon la jurisprudence, les comportements passifs pouvaient être appréhendés au titre de l’article 101 TFUE, notamment lorsqu’une partie approuve tacitement une pratique illégale sans s’en distancer publiquement et lorsqu’une partie acquiesce à une politique unilatérale en coopérant ou en fournissant une assistance dans la mise en œuvre de cette politique, la Commission a examiné individuellement les comportements entre la requérante et les cinq éditeurs.

38 En substance, pour chacun des éditeurs, la Commission a considéré que le blocage géographique ne pouvait être mis en place unilatéralement, que ce soit par la requérante ou par l’éditeur. Elle a retenu que les preuves présentées au point 6.2 de la décision attaquée permettaient d’établir que, sur demande des éditeurs, la requérante avait fourni des clés Steam géobloquées pour chacun des jeux vidéo en cause. Ainsi, selon elle, ces éléments démontraient une concordance de volontés entre la requérante et chacun des cinq éditeurs quant à la mise en place de restrictions géographiques, par la fourniture de telles clés, qui étaient utilisées aux fins de restreindre les ventes passives.

39 Enfin, au considérant 276 de la décision attaquée, la Commission a précisé qu’il y avait bien une rencontre des volontés entre la requérante et les éditeurs dans le but de restreindre les ventes passives, dès lors que la requérante avait choisi de mettre à la disposition des éditeurs la fonction de contrôle géographique, avait informé les éditeurs de cette possibilité, s’était conformée aux demandes des éditeurs de géobloquer les jeux vidéo en cause, ne pouvait ignorer que les clés Steam géobloquées étaient utilisées aux fins de restreindre les ventes passives et ne s’était pas distanciée de cette pratique. Elle a ajouté que la requérante ne pouvait ignorer le fait que lesdites clés étaient utilisées pour restreindre les ventes passives dans la mesure où elle a elle-même promu l’utilisation de ces clés comme un moyen d’empêcher les « importations grises » (importations parallèles).

40 C’est au regard de ces éléments concernant le raisonnement de la Commission dans la décision attaquée qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

Sur la possibilité d’appréhender le comportement en cause au titre de l’article 101 TFUE

41 La requérante fait valoir que le comportement en cause ne tombe pas dans le champ d’application de l’article 101 TFUE, dès lors qu’elle a agi en tant que simple prestataire de services se bornant à fournir des moyens techniques de géoblocage aux éditeurs.

42 À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous les accords conclus entre les entreprises, toutes les décisions d’associations d’entreprises et toutes les pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur.

43 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, pour qu’il y ait « accord » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (voir arrêt du 14 janvier 2021, Kilpailu- ja kuluttajavirasto, C‑450/19, EU:C:2021:10, point 21 et jurisprudence citée). L’existence d’un « accord » est fondée sur l’expression de la volonté concordante de deux parties au moins, la forme selon laquelle se manifeste cette concordance n’étant pas déterminante par elle-même (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 98 et jurisprudence citée).

44 S’agissant de la notion de « pratique concertée », il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’article 101, paragraphe 1, TFUE distingue notamment cette notion de celles d’« accord » et de « décision d’association d’entreprises » dans le seul dessein d’appréhender différentes formes de collusion entre entreprises qui, du point de vue subjectif, partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 29 et jurisprudence citée).

45 Dans ce contexte, il convient de souligner que l’objectif principal de l’interdiction envisagée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE est d’assurer le maintien d’une concurrence non faussée à l’intérieur du marché commun et que sa pleine efficacité implique que soit appréhendée la contribution active d’une entreprise à une restriction de concurrence, alors même que cette contribution ne concerne pas une activité économique relevant du marché pertinent sur lequel cette restriction se matérialise ou a pour objet de se matérialiser (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 104 et jurisprudence citée).

46 Il importe également de souligner qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que l’article 101, paragraphe 1, TFUE concerne uniquement soit les entreprises actives sur le marché concerné par les restrictions de concurrence, ou encore sur des marchés situés en amont ou en aval ou voisins dudit marché, soit les entreprises qui limitent leur autonomie de comportement sur un marché donné en vertu d’un accord ou d’une pratique concertée. En effet, il découle d’une jurisprudence bien établie de la Cour que le texte de l’article 101, paragraphe 1, TFUE se réfère de façon générale à tous les accords et à toutes les pratiques concertées qui, dans des rapports soit horizontaux, soit verticaux, faussent la concurrence dans le marché intérieur, indépendamment du marché sur lequel les parties sont actives tout comme du fait que seul le comportement commercial de l’une d’entre elles est concerné par les termes des arrangements en cause (voir arrêts du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 35 et jurisprudence citée, et du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑644/13 P, EU:C:2017:59, point 51 et jurisprudence citée ; arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 103).

47 Contrairement à ce que soutient la requérante, la jurisprudence exposée au point 46 ci-dessus a bien une portée générale et n’est pas limitée aux hypothèses dans lesquelles l’entreprise concernée a joué un rôle de « facilitateur » de l’entente entre d’autres entreprises actives sur un autre marché. En effet, il ressort du libellé des points 35 et 36 de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717), dans lequel la Cour a énoncé les considérations visées au point 46 ci-dessus pour la première fois, ainsi que du fait que la jurisprudence à laquelle le point 35 de cet arrêt renvoie ne porte pas sur la facilitation que la Cour a entendu donner une portée générale à ces considérations.

48 Il s’ensuit qu’un comportement ne saurait échapper à l’article 101 TFUE du seul fait que celui-ci s’inscrit dans le cadre d’une relation entre une entreprise et son prestataire de services. De surcroît, contrairement à ce que souligne la requérante, l’analyse de la Commission ne conduit pas à ce que tout prestataire de services fournissant des mesures techniques soit considéré comme participant à un accord ou à une pratique concertée au titre de l’article 101 TFUE. En effet, pour qu’un comportement entre un prestataire de services et son cocontractant puisse être appréhendé sous l’angle de l’article 101 TFUE, encore faut-il que les conditions prévues pour l’application de cette disposition, et plus particulièrement celle relative à l’existence d’un concours de volontés, soient satisfaites.

49 Deuxièmement, et en tout état de cause, il importe de souligner que, contrairement à ce que soutient la requérante, elle n’agissait pas comme un simple prestataire de services qui n’a aucune activité sur le marché en cause ou en lien avec ce marché.

50 En effet, d’une part, la requérante exploitait la plateforme Steam sur laquelle les jeux vidéo en cause étaient accessibles et sans laquelle il n’était pas possible d’y jouer. En outre, ainsi que la requérante l’a affirmé dans sa requête, les clés Steam, faisant l’objet du comportement en cause, pouvaient uniquement être utilisées sur ladite plateforme. La requérante a également précisé lors de l’audience que les jeux vidéo Steam, vendus par des distributeur tiers, contenaient des codes générés par elle, qui étaient stockés sur ses serveurs et qui devaient être encodés par elle pour correspondre aux clés Steam fournies. Dès lors, quand bien même les jeux vidéo Steam étaient distribués par des tiers, ils ne pouvaient être utilisés par l’utilisateur final sans prestation de la part de la requérante. La requérante jouait donc un rôle central dans la relation entre les éditeurs et les utilisateurs finaux des jeux vidéo Steam, ce qu’elle a d’ailleurs confirmé lors de l’audience. Ainsi, la requérante intervenait comme un opérateur faisant pleinement partie de la chaîne économique pour l’exploitation des jeux vidéo Steam distribués par des distributeurs tiers et impliquant le recours à des clés Steam. La circonstance, invoquée par la requérante, que les clés Steam soient fournies à titre gratuit aux éditeurs n’est pas de nature à remettre en cause un tel constat.

51 D’autre part, ainsi que la Commission l’a relevé aux considérants 81 à 83 de la décision attaquée, la requérante, qui avait conclu des accords de distribution Steam avec chacun des éditeurs, vendait également les jeux vidéo en cause sur le Steam Store et était donc par ailleurs active sur le marché. Certes, ainsi que le souligne la requérante et ainsi que cela est relevé au point 32 ci-dessus, le comportement faisant l’objet de ladite décision ne concerne pas les jeux vidéo Steam vendus par cette dernière dans le Steam Store, mais uniquement certains jeux vidéo Steam distribués sur support matériel ou numérique par des distributeurs tiers au moyen de clés Steam. Toutefois, l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée doit être appréciée eu égard à l’ensemble des facteurs pertinents ainsi qu’au contexte économique et juridique propre à chaque cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission, C‑260/09 P, EU:C:2011:62, point 72). Or, il ne saurait être fait abstraction du fait que les jeux vidéo Steam vendus par les distributeurs tiers étaient au moins en concurrence potentielle avec les jeux vidéo Steam vendus par la requérante sur la plateforme Steam. En effet, indépendamment du moyen d’acquisition, les utilisateurs accédaient aux jeux vidéo Steam sur la plateforme Steam et avaient accès au même contenu et à la même expérience.

52 Il découle donc de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant qu’elle pouvait appréhender le comportement entre la requérante et les cinq éditeurs au titre de l’article 101 TFUE.

Sur les notions d’« accord » et de « pratique concertée » ainsi que sur la démonstration d’un « concours de volontés »

53 En substance, la requérante fait valoir que la Commission a élargi la notion d’« accord » ainsi que celle de « pratique concertée » en considérant qu’il y avait un concours de volontés, et ainsi une collusion, entre elle et chacun des cinq éditeurs.

54 À cet égard, il convient tout d’abord de relever qu’il résulte de la jurisprudence exposée aux points 43 à 45 ci‑dessus que l’existence d’un « accord » ou d’une « pratique concertée » se fonde sur l’expression de la volonté concordante de deux parties sur le principe d’une restriction de concurrence, et ce peu importe la forme selon laquelle se manifeste cette concordance de volontés.

55 En outre, la jurisprudence distingue les hypothèses où une entreprise a adopté une mesure véritablement unilatérale, et donc sans la participation expresse ou tacite d’une autre entreprise, de celles où le caractère unilatéral est uniquement apparent. Si les premières ne relèvent pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, les secondes doivent être considérées comme révélant un accord entre entreprises et peuvent entrer, dès lors, dans le champ d’application de cet article. Tel est le cas, notamment, des pratiques et des mesures restrictives de la concurrence qui, adoptées apparemment de façon unilatérale par le fabricant dans le cadre de ses relations contractuelles avec ses revendeurs, reçoivent toutefois l’acquiescement, au moins tacite, de ces derniers (arrêts du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, EU:T:2000:242, point 71, et du 9 juillet 2009, Peugeot et Peugeot Nederland/Commission, T‑450/05, EU:T:2009:262, point 173). La Commission ne peut toutefois estimer qu’un comportement apparemment unilatéral est en réalité à l’origine d’un accord entre entreprises, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, si elle n’établit pas l’existence d’un acquiescement, exprès ou tacite, à ce comportement de la part des autres entreprises impliquées (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, EU:T:2000:242, point 72).

56 Ensuite, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l’existence d’une pratique concertée ou d’un accord doit, dans la plupart des cas, être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence. En conséquence, le principe d’effectivité exige que la preuve d’une violation du droit de la concurrence de l’Union européenne puisse être apportée non seulement par des preuves directes, mais également moyennant des indices, pourvu que ceux‑ci soient objectifs et concordants (voir arrêt du 21 janvier 2016, Eturas e.a., C‑74/14, EU:C:2016:42, points 36 et 37 et jurisprudence citée).

57 Enfin, le niveau de preuve requis pour établir l’existence d’un accord anticoncurrentiel dans le cadre d’une relation verticale n’est pas, par principe, plus élevé que celui qui est requis dans le cadre d’une relation horizontale. Toutefois, il n’en reste pas moins que l’existence d’un accord illégal doit être appréciée eu égard à l’ensemble des facteurs pertinents ainsi qu’au contexte économique et juridique propre à chaque cas d’espèce. La question de savoir si un élément de preuve permet ou non d’établir la conclusion d’un accord contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne peut donc pas être tranchée de manière abstraite selon qu’il s’agit d’une relation verticale ou d’une relation horizontale, en isolant cet élément du contexte et des autres facteurs caractérisant le cas d’espèce (arrêt du 10 février 2011, Activision Blizzard Germany/Commission, C‑260/09 P, EU:C:2011:62, points 71 et 72).

58 En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 34 à 39 ci-dessus, la Commission a considéré qu’il y avait un concours de volontés entre la requérante et chacun des cinq éditeurs de restreindre les ventes passives, dans la mesure où la requérante avait choisi de mettre en place les fonctionnalités de contrôle territorial, avait informé les éditeurs d’une telle possibilité, s’était conformée aux demandes des éditeurs de géobloquer les jeux vidéo en cause, ne pouvait pas ignorer que les clés Steam géobloquées étaient destinées à restreindre les importations parallèles, notamment dans la mesure où elle avait promu l’utilisation du blocage géographique à de telles fins, et n’avait pas indiqué qu’elle se distanciait de cette pratique.

59 En particulier, il y a lieu de relever que, d’une part, la Commission a constaté, au point 6.1.6 de la décision attaquée, que la requérante avait fait la promotion de la possibilité d’utiliser le géoblocage des clés Steam aux fins de restreindre les importations parallèles avec les éditeurs et discuté avec eux de l’opportunité de mettre en œuvre ledit géoblocage pour les territoires où les jeux vidéo Steam étaient vendus à un prix inférieur et pour lesquels des problématiques d’importations parallèles pouvaient être identifiées.

60 D’autre part, la Commission a constaté, aux points 6.1.5 et 6.2 de la décision attaquée, que la requérante avait bien accepté, à la demande des éditeurs, de fournir les clés Steam géobloquées pour les différents jeux en cause, ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas. À cet égard, il importe de relever que la requérante a elle-même expliqué, dans la requête, qu’elle ne mettait pas automatiquement en œuvre des demandes de clés Steam pour un lot de jeux défini par l’éditeur, mais qu’elle vérifiait au préalable la cohérence de la demande de l’éditeur.

61 De plus, ainsi que la Commission l’a constaté aux considérants 137, 155, 170, 185 et 200 de la décision attaquée, l’intervention et le consentement de la requérante étaient nécessaires pour mettre en œuvre le blocage géographique des clés Steam. En effet, il est constant que seule la requérante était en mesure de générer les clés Steam géobloquées. De surcroît, la requérante pouvait librement choisir de donner suite ou non aux demandes de fourniture de clés Steam géobloquées ou de lever le géoblocage des clés Steam déjà fournies. Par exemple, ainsi qu’il ressort des considérants 524, 525, 529 et 530 de la décision attaquée, la requérante a refusé de mettre en œuvre de nouvelles restrictions demandées par certains éditeurs tout en maintenant en place d’autres restrictions géographiques mises en place pour ces mêmes éditeurs. Elle a également unilatéralement mis fin à une partie des restrictions géographiques (voir, par exemple, considérants 174 et 188 de ladite décision). Ces éléments démontrent bien que la participation et le consentement de la requérante étaient nécessaires pour que le comportement en cause soit adopté et mis en œuvre et, ainsi, que ledit comportement n’était pas unilatéral.

62 Partant, les éléments exposés aux points 58 à 61 ci-dessus, pris ensemble, sont de nature à établir l’existence d’un concours de volontés entre la requérante et les éditeurs quant à la mise en place du géoblocage aux fins de restreindre les importations parallèles et, ainsi, quant au comportement à adopter sur le marché.

63 En effet, il y a lieu de constater que ces éléments, pris ensemble, pouvaient constituer des indices objectifs et concordants que la requérante et chacun des éditeurs avaient entendu restreindre les importations parallèles ou, tout du moins, que la requérante, après avoir promu auprès des éditeurs la possibilité d’utiliser le géoblocage pour empêcher les importations parallèles, avait acquiescé aux demandes de clés Steam géobloquées formulées par les éditeurs aux fins de mettre en œuvre une telle politique de restrictions des ventes passives.

64 Contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que les éditeurs ne se seraient pas engagés envers elle à adopter un certain comportement sur le marché de même que le fait qu’elle ne se serait pas engagée envers les éditeurs, à les supposer établis, ne sont pas pertinents. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus, il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence d’un engagement formel pour établir l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée, mais uniquement d’une concordance de volontés quant au comportement à adopter sur le marché.

65 Par ailleurs, dans la mesure où la requérante reproche à la Commission d’avoir élargi la notion d’« accord » en introduisant les nouveaux concepts de « connaissance » d’un comportement unilatéral d’une partie contractante et de « distanciation » par rapport au comportement unilatéral, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort des points 58 à 61 ci-dessus, le comportement en cause ne saurait être qualifié de « comportement unilatéral ». Pour ces mêmes motifs, les arguments de la requérante selon lesquels la Commission a sorti de son contexte la jurisprudence relative aux modes passifs de participation et à l’acquiescement à une politique unilatérale, afin d’englober un comportement qui est en fait purement unilatéral, doivent être écartés.

66 En outre, ainsi qu’il ressort des points 55 à 62 ci-dessus, la Commission ne s’est pas fondée sur la seule connaissance de l’objectif poursuivi par les éditeurs ni sur la seule absence de distanciation vis-à-vis de ce comportement aux fins de constater l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée, mais a pris en compte ces éléments parmi un nombre d’autres éléments constituant un faisceau d’indices apte à démontrer l’existence d’un concours de volontés. Or, au regard de la jurisprudence exposée aux points 56 et 57 ci-dessus, la Commission pouvait prendre en compte ces éléments parmi un faisceau d’indices.

67 De surcroît, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas cherché à établir l’existence d’un concours de volontés sur la seule base d’une connaissance générale du fait que les clés Steam géobloquées « pouvaient » être utilisées par les éditeurs aux fins de restreindre les importations parallèles. Au contraire, ainsi qu’il ressort, en particulier, des considérants 109 à 133 et 276 de la décision attaquée, elle a fondé son analyse sur la connaissance spécifique de la manière dont était utilisé cet outil par les éditeurs. En effet, elle s’est fondée sur le fait que la requérante avait proactivement évoqué la possibilité d’utiliser le géoblocage des clés Steam pour limiter les importations parallèles et qu’elle avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que les demandes de clés Steam géobloquées, précisément visées par ladite décision, avaient été spécifiquement formulées dans le but de restreindre les ventes passives.

68 Il s’ensuit que les éléments pris en compte par la Commission, sans préjudice de l’examen de leur caractère probant qui est contesté dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, sont susceptibles de démontrer l’existence d’un concours de volontés entre la requérante et chacun des éditeurs.

69 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

70 Premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission a affirmé que la jurisprudence relative aux « modes passifs de participation », à l’« acquiescement d’une politique unilatérale » et à la « distanciation » permet de dégager un principe général selon lequel la fourniture des mesures techniques nécessaires à la mise en œuvre d’un comportement déterminé unilatéralement suffisait à établir la concertation. En particulier, ainsi qu’il ressort des points 55 à 68 ci-dessus, la Commission a bien pris en compte le fait qu’une concordance de volontés portant sur le comportement restrictif de concurrence était nécessaire pour conclure à l’existence d’un accord.

71 Deuxièmement, la requérante fait valoir que les arrêts du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer (C‑2/01 P et C‑3/01 P, EU:C:2004:2), et du 26 octobre 2000, Bayer/Commission (T‑41/96, EU:T:2000:242), viendraient au soutien de sa position selon laquelle la Commission ne pouvait constater l’existence d’un concours de volontés entre elle et chacun des éditeurs. Dans la réplique, elle ajoute que la jurisprudence relative au comportement en apparence unilatéral, dont il est question notamment dans ces arrêts, a été développée dans le contexte factuel spécifique de relations entre un fournisseur et ses distributeurs et que la Commission a erronément considéré qu’elle pouvait en faire application dans le cas d’espèce. De tels arguments doivent être écartés.

72 Il importe de relever à cet égard que, ainsi que le relève la requérante, il ressort de l’arrêt du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer (C‑2/01 P et C‑3/01 P, EU:C:2004:2, points 101, 102 et 122), que l’exigence d’établir un concours de volontés implique de démontrer qu’il existe une volonté déclarée du contractant de se rallier à la volonté de son cocontractant de poursuivre un objectif anticoncurrentiel, tel que celui d’empêcher les importations parallèles. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, une telle condition est satisfaite dans le cas d’espèce. En effet, la Commission a consacré une partie de la décision attaquée à l’analyse du fait que la requérante avait évoqué pro-activement avec les éditeurs la possibilité d’utiliser le géoblocage des clés Steam pour restreindre les importations parallèles à partir des territoires sur lesquels les jeux étaient vendus à un prix inférieur. Elle a donc cherché à établir que la requérante partageait l’objectif des éditeurs d’empêcher les importations parallèles.

73 En outre, contrairement à ce que soutient la requérante dans la réplique, il ressort de l’arrêt du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, (C‑2/01 P et C‑3/01 P, EU:C:2004:2, points 101, 102 et 122), que l’exigence que soit établie la manifestation d’un concours de volontés des parties contractantes de poursuivre la réalisation commune d’un but anticoncurrentiel peut être transposable à toute relation verticale entre partenaires commerciaux et, ainsi, que la portée de cet arrêt ne se limite pas aux seules relations entre distributeurs et fournisseurs. Dans ce contexte, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante selon lesquels, en application de cette jurisprudence, une concordance de volontés ne peut naître du seul fait qu’une partie cocontractante met en œuvre une mesure technique demandée par l’autre partie contractante.

74 En effet, la circonstance que le comportement en cause consiste en la mise en œuvre de mesures techniques, telles que le géoblocage des clés Steam par une entreprise à la demande de son cocontractant, ne s’oppose pas à ce qu’il puisse être constaté que les parties contractantes entendaient poursuivre la réalisation commune d’un but anticoncurrentiel. En effet, il n’est pas exclu que, dans certains cas, la mise en œuvre de mesures techniques puisse traduire une politique commerciale de la part du cocontractant, ou tout du moins une véritable volonté de celui-ci d’adhérer à la politique unilatérale définie par l’autre entreprise.

75 Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel la jurisprudence citée au considérant 245 de la décision attaquée, relative à l’adhésion à un mécanisme collusoire facilitant la coordination, ne serait pas pertinente dans le cas d’espèce est inopérant. En effet, dans le considérant en question, la Commission s’est bornée à décrire les différentes situations dans lesquelles peut être constatée l’existence d’une pratique concertée. Il ne ressort pas de ladite décision que la Commission se soit ensuite spécifiquement fondée sur cette jurisprudence pour constater l’existence d’une pratique concertée entre la requérante et chacun des éditeurs.

76 Quatrièmement, les arguments de la requérante selon lesquels la Commission a erronément considéré que la politique unilatérale d’un contractant entraînait une concertation du seul fait qu’un prestataire de services, qui ignorait l’existence d’une concertation entre le contractant et des tiers, participait en tant que « facilitateur » à sa mise en œuvre et aurait méconnu la portée de l’arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission (T‑180/15, EU:T:2017:795), doivent être écartés comme inopérants. À cet égard, il suffit de constater que les infractions à l’article 101 TFUE reprochées à la requérante concernent uniquement le comportement entre elle et chacun des cinq éditeurs. Ainsi, la Commission n’a pas retenu que la requérante avait « facilité » des accords entre quatre des éditeurs et leurs distributeurs tiers. Au contraire, ainsi qu’il ressort clairement des considérants 232 à 234 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante n’avait pas connaissance ou ne pouvait raisonnablement avoir connaissance du fait que les clés Steam géobloquées étaient utilisées en complément de clauses restreignant les importations parallèles contenues dans les accords de distribution conclus par quatre des éditeurs avec leurs distributeurs tiers.

77 Cinquièmement, la requérante fait valoir que la Commission s’est trompée en affirmant qu’elle avait agi pour protéger ses propres marges sur le Steam Store et lui fait grief de ne pas avoir approfondi son analyse de ses intérêts commerciaux. Dans ce contexte, elle reproche notamment à la Commission de ne pas avoir établi que le verrouillage des clés Steam des jeux vidéo en cause aurait empêché l’érosion des prix dans les États membres où les prix sont élevés ou celle des prix dans le Steam Store. Ces griefs doivent être écartés comme inopérants.

78 À cet égard, il convient de constater que, ainsi que la Commission l’a affirmé au considérant 110 de la décision attaquée, il n’est pas nécessaire, aux fins de l’établissement d’une infraction à l’article 101 TFUE, de démontrer que l’entreprise tire un bénéfice de l’infraction. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence exposée au point 46 ci-dessus, le paragraphe 1 dudit article se réfère de façon générale à tous les accords et à toutes les pratiques concertées qui, dans des rapports soit horizontaux, soit verticaux, faussent la concurrence dans le marché intérieur, indépendamment du marché sur lequel les parties sont actives tout comme du fait que seul le comportement commercial de l’une d’entre elles est concerné par les termes des arrangements en cause. De surcroît, dans le cadre d’un accord dont l’objectif était de restreindre la concurrence, il est indifférent, en ce qui concerne l’existence de l’infraction, que la conclusion de l’accord ait ou non été dans l’intérêt commercial des parties (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, points 44 et 45).

79 Sixièmement, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte de l’autonomie des éditeurs dans la gestion des jeux vidéo Steam. Elle fait valoir que son rôle s’est limité à la mise en œuvre technique du comportement en cause et qu’elle n’a pas joué de rôle essentiel dans la définition du comportement en tant que tel (choix des territoires, de la durée, etc.), lequel a été défini unilatéralement par chacun des éditeurs. Toutefois, la circonstance, à la supposer établie, que ce soient les éditeurs qui ont décidé du « contenu » du comportement ou, en d’autres termes, des paramètres des restrictions des ventes passives n’est pas pertinente aux fins de l’application de l’article 101 TFUE, dès lors que la Commission était en mesure d’établir que la requérante avait promu ce comportement et ensuite qu’elle avait librement fourni les clés Steam géobloquées en ayant connaissance du fait que les éditeurs les demandaient aux fins de restreindre les ventes passives. En effet, il importe peu de savoir qui est à l’origine du comportement en cause, dès lors qu’une concordance de volontés peut être établie entre les participants à l’entente (voir, en ce sens, arrêt du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T‑49/02 à T‑51/02, EU:T:2005:298, point 130).

80 Septièmement, la requérante fait valoir que l’existence d’un cadre contractuel entre elle et les éditeurs ne suffit pas à établir un « accord » visant à restreindre le commerce parallèle. Un tel argument est toutefois inopérant, dès lors que, ainsi qu’il ressort notamment des considérants 137, 155, 170, 185 et 200 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fondé la démonstration de l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée sur les seules stipulations contractuelles régissant les relations de la requérante et des éditeurs.

81 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

 Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission a erronément apprécié les éléments de preuve concernant la requérante et chacun des cinq éditeurs

82 La requérante fait valoir que les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée ne permettent pas d’établir, à suffisance de droit, l’existence d’un accord avec chacun des éditeurs. En particulier, elle avance que la Commission a erronément affirmé qu’elle avait fait de la publicité auprès des cinq éditeurs et évoqué proactivement la possibilité de géobloquer les clés Steam pour restreindre les ventes passives. Elle soutient que la Commission a commis une erreur d’appréciation des faits en s’appuyant sur une lecture erronée et sélective de treize documents, à savoir une présentation des services Steamworks et douze échanges de courriels entre elle et les cinq éditeurs à propos desdites clés, lesquels ne concerneraient qu’une partie des jeux visés par la décision attaquée.

83 La requérante conteste, pour chacun des cinq éditeurs, le caractère probant des éléments de preuve examinés par la Commission au point 6.1.6 de la décision attaquée. Elle fait notamment valoir que les éditeurs ont clairement indiqué à la Commission, lors de la procédure administrative, que le verrouillage des clés Steam relevait d’une décision unilatérale de leur part, prise à leur initiative et non à la sienne. Selon elle, un tel constat ressort également des échanges de courriels pris en compte par la Commission, dans lesquels elle s’est bornée à répondre à des questions et à des demandes d’information des éditeurs ou à poser des questions de routine pour identifier leurs besoins. De plus, elle avance que certains des documents pris en compte par la Commission sont dénués de toute force probante, dans la mesure où ils ne portent pas sur le territoire de l’EEE ou ne font aucune mention de ce territoire et ne concernent qu’un à deux jeux par éditeur. Enfin, elle estime que les présentations des services Steamworks ne prouvent en rien qu’elle faisait de la publicité pour la possibilité d’utiliser le blocage géographique dans l’EEE pour restreindre les importations parallèles et préserver les marges.

84 La Commission conteste les arguments de la requérante.

85 Ainsi qu’il ressort des points 34 à 39 et 58 ci-dessus, la Commission a considéré qu’il y avait un concours de volontés entre la requérante et chacun des cinq éditeurs de restreindre les ventes passives des jeux vidéo en cause, dans la mesure où la requérante avait choisi de mettre en place les fonctionnalités de contrôle territorial, avait informé les éditeurs d’une telle possibilité, s’était conformée aux demandes des éditeurs de géobloquer les jeux vidéo en cause, ne pouvait pas ignorer que les clés Steam géobloquées étaient destinées à restreindre les importations parallèles (notamment dans la mesure où elle avait promu l’utilisation du blocage géographique à de telles fins) et n’avait pas indiqué qu’elle se distanciait de cette pratique. Ainsi, le raisonnement au terme duquel la Commission a conclu à l’existence d’un concours de volontés entre la requérante et chacun des éditeurs repose notamment sur le constat que celle-ci avait accepté de fournir les clés Steam géobloquées, alors qu’elle savait ou qu’elle ne pouvait ignorer que ces clés étaient utilisées aux fins de restreindre les ventes passives et ainsi les importations parallèles des jeux vidéo en cause.

86 Ainsi que cela est exposé au point 68 ci-dessus, si un tel raisonnement est de nature à démontrer que la requérante partageait la volonté des éditeurs d’empêcher les importations parallèles, encore faut-il que les éléments de preuve pris en compte par la Commission permettent d’établir que la requérante avait bien accepté de géobloquer les jeux vidéo en cause pour les territoires concernés, en connaissance du fait que les éditeurs demandaient les clés Steam géobloquées avec pour objectif de restreindre les ventes passives.

87 La requérante ne conteste pas avoir fourni les clés Steam géobloquées à la demande des éditeurs. Elle conteste uniquement avoir « accepté » de bloquer géographiquement les clés Steam aux fins de restreindre le commerce parallèle dans l’EEE, et ce en pleine connaissance de cet objectif. Ainsi, elle conteste principalement l’analyse par la Commission des éléments de preuve présentés au point 6.1.6 de la décision attaquée et la conclusion selon laquelle elle a fait la promotion de la possibilité d’utiliser le géoblocage des clés Steam pour restreindre les importations parallèles.

88 À titre liminaire, dans la mesure où la requérante fait grief, de manière générale, à la Commission d’avoir méconnu son devoir de diligence en faisant une analyse sélective des éléments de preuve en fondant le raisonnement contenu au point 6.1.6 de la décision attaquée sur treize documents parmi les milliers de documents du dossier, il importe de constater qu’elle se borne à identifier, parmi ces milliers de documents que la Commission aurait omis de prendre en compte, une dizaine de documents. Il s’agit des déclarations des éditeurs effectuées lors de la procédure administrative dans lesquelles ceux-ci ont affirmé qu’ils avaient unilatéralement décidé de mettre en œuvre les restrictions géographiques pour les jeux vidéo en cause ainsi que des éléments de preuve visés dans ladite décision confirmant que ce sont les éditeurs qui ont fait des demandes de verrouillage des clés Steam.

89 Or, d’une part, le fait que les éditeurs aient expliqué qu’ils avaient unilatéralement décidé de mettre en œuvre des politiques de restriction des ventes passives n’est pas incompatible avec l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée au sens de l’article 101 TFUE. En effet, ainsi que cela est constaté au point 61 ci-dessus, l’intervention et le consentement de la requérante étaient nécessaires pour mettre en œuvre le blocage géographique des clés Steam. En outre, ainsi que l’expose le point 55 ci-dessus, dans le cadre de l’examen de la première branche du présent moyen, une mesure qui n’est qu’en apparence unilatérale entre dans le champ d’application de l’article 101 TFUE s’il est établi qu’une entreprise a acquiescé, tacitement ou expressément, au comportement déterminé par son cocontractant. D’autre part, ainsi qu’il découle du point 77 ci-dessus, la circonstance que les éditeurs soient à l’origine des demandes de géoblocage des clés Steam, à la supposer établie, n’est pas déterminante.

90 Également à titre liminaire, il importe de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’était pas nécessaire que les éléments de preuve, présentés au point 6.1.6 de la décision attaquée, tendant à démontrer qu’elle avait directement connaissance de l’objectif des demandes de clés Steam géobloquées par les éditeurs, portent sur l’ensemble des jeux vidéo en cause, ni qu’ils portent sur le territoire de l’EEE.

91 À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que cela est exposé au point 56 ci-dessus, l’existence d’une pratique concertée ou d’un accord doit, dans la plupart des cas, être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence. Or, s’il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., C‑613/13 P, EU:C:2017:49, point 52 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 juillet 2018, NKT Verwaltungs et NKT/Commission, T‑447/14, non publié, EU:T:2018:443, point 108).

92 Or, sous réserve d’avoir bien établi, d’une part, pour chacun des jeux vidéo en cause, que la requérante avait répondu positivement aux demandes des éditeurs et leur avait fourni les clés Steam géobloquées, et, d’autre part, que la requérante avait promu la possibilité d’utiliser le géoblocage pour restreindre les ventes passives auprès d’un éditeur, de sorte qu’elle avait eu connaissance de l’intention exprimée par cet éditeur d’utiliser le géoblocage pour restreindre les importations parallèles, la Commission pouvait tout à fait en tirer la conclusion que la requérante avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance du fait que les demandes portant sur d’autres jeux poursuivaient également cet objectif. De telles conclusions pouvaient d’autant plus être tirées, dans la mesure où il n’y avait pas d’autres raisons possibles justifiant les demandes, notamment dans la mesure où les demandes ne portaient pas sur des territoires pour lesquels il y avait des justifications liées aux réglementations locales. Il n’était donc pas nécessaire que les éléments de preuve présentés par la Commission au point 6.1.6 de la décision attaquée concernent l’ensemble des jeux vidéo en cause, dès lors que d’autres éléments de preuve, tels que ceux relatifs aux commandes de clés Steam géobloquées, permettent d’établir que les restrictions des importations parallèles portaient bien sur ces jeux.

93 Pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 90 à 92 ci‑dessus, il y a lieu de constater qu’il n’était pas nécessaire que chacun des éléments de preuve présentés par la Commission concerne le territoire de l’EEE, dès lors que d’autres éléments de preuve, tels que ceux relatifs aux commandes de clés Steam géobloquées, permettent d’établir que les restrictions des importations parallèles portaient sur le territoire de l’EEE.

94 C’est au regard de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si les éléments de preuve réunis par la Commission permettaient d’établir l’existence d’un concours de volontés entre la requérante et chacun des cinq éditeurs aux fins de restreindre les importations des jeux vidéo en cause en provenance des territoires concernés.

Bandai

95 S’agissant de l’accord ou des pratiques concertées entre la requérante et Bandai, le comportement appréhendé par la Commission porte sur cinq jeux vidéo Steam édités par Bandai sur le territoire de quatre États membres, à savoir en République tchèque, en Hongrie, en Pologne et en Slovaquie.

96 En premier lieu, la Commission a constaté, aux points 6.1.6.2 et 6.1.6.7 de la décision attaquée, que la requérante avait proactivement évoqué la possibilité d’utiliser le géoblocage pour empêcher les importations parallèles de jeux vidéo Steam et qu’elle savait ou aurait dû savoir que les clés géobloquées étaient demandées aux fins de restreindre les ventes passives desdits jeux. Elle a fondé cette conclusion sur deux échanges de courriels et une présentation des services Steamworks communiquée à Bandai le 10 juin 2013.

97 Tout d’abord, ainsi que la Commission l’a exposé au considérant 113 de la décision attaquée, l’échange de courriels du 5 janvier 2012 fait suite à un courriel de Bandai indiquant son intention de géobloquer les clés Steam du jeu « Ridge Racer Unbounded », sans préciser les territoires concernés. En réponse à ce courriel, la requérante avait indiqué que si Bandai avait « l’intention d’avoir des prix significativement inférieurs dans certaines régions, [elle] lui recommandait de verrouiller les clés [Steam] pour les activer uniquement dans ces régions ». En outre, il ressort de cet échange que la requérante avait fait connaître sa disponibilité pour « passer en revue les régions qui, [selon Bandai], pourraient nécessiter des restrictions géographiques afin de s’assurer d’avoir un bon plan ». De surcroît, la demande de blocage géographique des clés Steam dudit jeu destinées à la République tchèque, à la Hongrie, à la Pologne et à la Slovaquie a été formulée le 12 mars 2012, soit postérieurement à l’échange de courriels du 5 janvier 2012 dans lequel la requérante avait abordé avec Bandai la possibilité de géobloquer certaines clés Steam pour restreindre les importations parallèles.

98 Ensuite, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 114 de la décision attaquée, il ressort des échanges du 19 juin 2012 que la requérante avait indiqué, en réponse à une demande d’information de Bandai, que le blocage géographique était recommandé pour éviter les importations parallèles et avait suggéré la possibilité d’appliquer ces restrictions pour l’Europe de l’Est. Contrairement à ce que soutient la requérante, elle n’a pas, dans les échanges du 19 juin 2012, simplement rapporté que le géoblocage était généralement utilisé pour les pays de l’Europe de l’Est, mais a bien conseillé de le mettre en place pour cette zone. Par ailleurs, il importe de souligner que c’est dans le prolongement de ces échanges que Bandai a informé la requérante de sa demande d’un lot de clés Steam géobloquées, dénommé « Eastern », pour la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie, pour le jeu « Inversion ».

99 Force est donc de constater qu’il ressort clairement des échanges de courriels des 5 janvier et 19 juin 2012 que la requérante a proactivement recommandé à Bandai de mettre en place des restrictions géographiques pour restreindre les importations parallèles, et qu’elle avait connaissance de l’objectif anticoncurrentiel poursuivi par cet éditeur.

100 Enfin, s’agissant de la présentation sur les services Steamworks, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 115 de la décision attaquée, la circonstance que la mention « plus d’importations parallèles » apparaissait dans le contexte de la présentation de la fonctionnalité de contrôle du territoire est un indice que la requérante faisait la promotion de l’utilisation de cette fonctionnalité aux fins de restreindre les ventes passives. L’argument de la requérante selon lequel il était parfaitement légitime que, en tant que prestataire de services et exploitante de la plateforme de jeux, elle fournisse des mesures techniques pour protéger les droits d’auteur de l’éditeur ne saurait prospérer. En effet, au regard des autres éléments de preuve présentés par la Commission, cette dernière était fondée à affirmer que, en mentionnant les « importations parallèles », la requérante faisait bien référence à la possibilité de limiter l’impact des ventes sur des territoires où les prix sont inférieurs et non seulement à la fourniture de mesures techniques pour sauvegarder les droits d’auteur. Ainsi, elle n’a pas commis d’erreur en prenant en compte cette présentation parmi les éléments de preuve constituant le faisceau d’indices.

101 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments de preuve présentés au point 6.1.6.2 de la décision attaquée démontrent bien qu’elle avait expressément évoqué avec Bandai la possibilité d’utiliser le blocage géographique pour restreindre les importations parallèles et, partant, qu’elle connaissait et partageait l’objectif poursuivi par Bandai de restreindre les ventes passives.

102 En second lieu, la Commission a exposé, au point 6.2.1 de la décision attaquée, les éléments de preuve établissant que la requérante avait bien fourni les clés Steam géobloquées, pour la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie, pour les cinq jeux vidéo en cause édités par Bandai. Or, la requérante ne conteste pas ces éléments de preuve.

103 Partant, force est de constater, au regard des considérations figurant aux points 88 à 94 ci-dessus, que, pris conjointement, les différents éléments de preuve présentés par la Commission constituent un faisceau d’indices sérieux, précis et concordant permettant d’établir un concours de volontés entre la requérante et Bandai de restreindre les ventes passives pour les jeux en cause sur le territoire de l’EEE. Partant, la Commission a établi à suffisance de droit l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée entre la requérante et Bandai ayant pour objet la restriction des importations parallèles.

104 Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause ces conclusions.

105 Premièrement, pour les raisons exposées au point 88 ci-dessus, la circonstance que Bandai ait affirmé, lors de la procédure administrative, qu’elle avait décidé de manière unilatérale des restrictions géographiques n’est pas de nature à remettre en cause l’analyse de la Commission. De même, la circonstance que les échanges de courriels sur lesquels la Commission s’est fondée aient eu lieu à la suite d’une demande d’information de la part de Bandai ou encore que ce soit Bandai qui ait déterminé la liste des territoires couverts par les restrictions géographiques n’est pas de nature à remettre en cause le fait que la requérante savait ou aurait dû savoir quel était l’objectif des demandes de Bandai.

106 Deuxièmement, ainsi qu’il ressort du point 79 ci-dessus, la question de savoir quelle partie est à l’initiative du comportement anticoncurrentiel n’est pas pertinente pour la démonstration d’un accord au sens de l’article 101 TFUE. En tout état de cause, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort des points 97 et 98 ci-dessus, les courriels dans lesquels la requérante a évoqué la possibilité de géobloquer les clés Steam pour restreindre les importations parallèles sont antérieurs à ceux dans lesquels Bandai avait informé cette dernière de sa décision de géobloquer lesdites clés.

107 Troisièmement, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante selon lesquels les éléments de preuve présentés par la Commission au sujet de Bandai ne portent pas sur l’EEE. D’une part, contrairement à ce que soutient la requérante, l’échange de courriels du 19 juin 2012 porte bien sur l’EEE dans la mesure où ceux-ci font référence à l’utilisation du géoblocage pour l’Europe de l’Est. En effet, le lot de clés Steam géobloquées, demandé par Bandai dans le prolongement de ces échanges pour la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie, s’intitulait « Eastern ». Il y a donc lieu de considérer que la référence à l’Europe de l’Est renvoyait bien au territoire de l’EEE. D’autre part, la circonstance que l’échange de courriels du 5 janvier 2012 ne fasse pas référence au territoire de l’EEE, mais que ceux-ci abordent dans des termes généraux les importations parallèles ne suffit pas pour écarter ces éléments de preuve. En effet, ainsi que cela est constaté au point 93 ci-dessus, il n’est pas nécessaire que chacun des éléments de preuve présentés par la Commission concerne le territoire de l’EEE, dès lors qu’il peut être inféré du faisceau d’indices réunis par la Commission que les parties ont bien entendu restreindre les importations parallèles au sein de l’EEE. Or, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 113 de la décision attaquée, les éléments de preuve présentés au point 6.2.1.3 de ladite décision permettent d’établir que des clés Steam géobloquées pour la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie ont effectivement été fournies pour le jeu « Ridge Racer Unbounded » comme suite à cet échange de courriels du 5 janvier 2012.

108 En conséquence, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante selon lequel la Commission n’a pas établi à suffisance de droit l’existence d’un concours de volontés et, partant, d’un accord ou, en tout état de cause, de pratiques concertées entre la requérante et Bandai.

Capcom

109 S’agissant de l’accord ou des pratiques concertées entre la requérante et Capcom, le comportement appréhendé par la Commission porte sur cinq jeux vidéo Steam édités par cette dernière sur le territoire de huit États membres, à savoir en République tchèque, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, en Pologne, en Roumanie et en Slovaquie.

110 En premier lieu, la Commission a constaté, aux points 6.1.6.3 et 6.1.6.7 de la décision attaquée, que la requérante avait occasionnellement évoqué, proactivement, la possibilité d’utiliser le contrôle territorial auprès de Capcom et qu’elle savait ou aurait dû savoir que les clés géobloquées étaient utilisées aux fins de restreindre les ventes passives. Elle a fondé cette conclusion sur trois échanges de courriels entre la requérante et Capcom ainsi qu’une présentation des services Steamworks communiquée à Capcom le 2 juillet 2013.

111 Tout d’abord, ainsi que la Commission l’a exposé au considérant 116 de la décision attaquée, il ressort bien des échanges de courriels du 5 décembre 2012 que la requérante avait explicitement demandé à Capcom s’il y avait besoin d’un blocage géographique, en lien avec les territoires où les prix de vente sont inférieurs, tels que la Russie. La circonstance que seul le territoire russe ait été évoqué ne remet pas en cause la pertinence de cet élément de preuve, dès lors qu’il ressort clairement de cet échange qu’il ne s’agit que d’un exemple. De même, la circonstance évoquée par la requérante selon laquelle elle ne faisait que poser des questions de routine n’est pas de nature à remettre en cause la pertinence de cet échange pour établir qu’elle avait proactivement évoqué le géoblocage auprès de Capcom. Au contraire, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 116 de la décision attaquée, l’échange de courriels du 5 décembre 2012 démontre bien que la requérante avait pour habitude de demander aux éditeurs s’ils voulaient mettre en place un blocage géographique pour les territoires où les prix de vente des jeux vidéo sont inférieurs.

112 Ensuite, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 117 de la décision attaquée, dans un échange de courriels du 7 janvier 2014, la requérante a indiqué à Capcom, dans le contexte du lancement du jeu « Resident Evil 4 », qu’un pack géobloqué « Russie/CIS » pouvait être utile si les produits y étaient vendus à un prix inférieur et si Capcom voulait empêcher les importations parallèles. Or, ainsi que la Commission l’a relevé dans ladite décision en se fondant sur un courriel interne de la requérante, le terme « CIS » inclurait dans ce contexte, notamment, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, ce que la requérante ne conteste pas. De plus, le courriel de la requérante en date du 7 janvier 2014 fait suite à la précision de Capcom selon laquelle cette dernière souhaitait finalement avoir un seul lot mondial pour le lancement du jeu vidéo pour PC en cause.

113 Enfin, ainsi que la Commission l’a exposé au considérant 118 de la décision attaquée, dans un échange de courriels du 7 février 2013, la requérante a indiqué, en réponse à une question de Capcom, qu’elle recommandait d’activer le blocage géographique à l’utilisation si les prix des jeux vidéo étaient sensiblement inférieurs en Pologne. Elle a ajouté que cela « permettait d’empêcher qu’un camion soit chargé des jeux en Pologne pour les vendre en Allemagne ainsi que l’équivalent numérique pour les ventes en ligne ». Contrairement à ce que soutient la requérante, dans ces échanges, elle ne se limitait pas à commenter les raisons des demandes de Capcom. Au contraire, elle a bien formulé, proactivement, des recommandations. Dans ce contexte, la circonstance que celles-ci aient été formulées en réponse à une demande de Capcom est dénuée de toute pertinence. En tout état de cause, ces échanges de courriels démontrent de manière non équivoque que la requérante avait bien connaissance du fait que le géoblocage des clés Steam, demandé par Capcom, avait pour objet de restreindre les importations parallèles.

114 En outre, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 118 de la décision attaquée, les éléments de preuve présentés au point 6.2.2.3 de ladite décision permettent d’établir que des clés Steam géobloquées pour la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie ont effectivement été fournies pour le jeu « Resident Evil 6 » comme suite à l’échange du 7 février 2013.

115 Il ressort donc clairement des échanges de courriels examinés aux points 111 à 113 ci-dessus, et en particulier de celui du 7 février 2013, que la requérante a proactivement recommandé à Capcom de mettre en place des restrictions géographiques pour restreindre les importations parallèles et qu’elle avait connaissance de l’objectif poursuivi.

116 S’agissant de la présentation des services Steamworks, mentionnée au considérant 119 de la décision attaquée, pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 100 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur en prenant en compte ce document parmi les autres éléments de preuve constituant le faisceau d’indices.

117 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments de preuve présentés au point 6.1.6.3 de la décision attaquée démontrent bien qu’elle avait expressément évoqué avec Capcom la possibilité d’utiliser le blocage géographique pour restreindre les importations parallèles et ainsi qu’elle connaissait et partageait l’objectif poursuivi par Capcom aux fins de restreindre les ventes passives.

118 En second lieu, la Commission a exposé, au point 6.2.2 de la décision attaquée, les éléments de preuve établissant que la requérante avait fourni des clés Steam géobloquées pour la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie pour les cinq jeux vidéo en cause édités par Capcom. Or, la requérante ne conteste pas ces éléments de preuve.

119 Partant, il y a lieu de constater, au regard des éléments contenus aux points 88 à 94 ci-dessus, que, pris conjointement, les éléments de preuve présentés aux points 6.1.6.3 et 6.2.2 de la décision attaquée constituent un faisceau d’indices sérieux, précis et concordant permettant d’établir un concours de volontés entre la requérante et Capcom de restreindre les ventes passives pour les jeux en cause sur le territoire de l’EEE. Partant, la Commission a établi à suffisance de droit l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée entre la requérante et Capcom ayant pour objet la restriction des importations parallèles.

120 Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause ces conclusions. En particulier, pour les raisons exposées au point 88 ci-dessus, la circonstance que Capcom ait affirmé lors de la procédure administrative qu’elle avait décidé de manière unilatérale des restrictions géographiques n’est pas de nature à remettre en cause l’analyse de la Commission. De même, la circonstance que les échanges de courriels, sur lesquels la Commission s’est fondée, aient eu lieu à la suite d’une demande d’information de Capcom ou encore que ce soit Capcom qui ait déterminé la liste des territoires couverts par les restrictions géographiques n’est pas de nature à remettre en cause le fait que la requérante avait évoqué la possibilité de restreindre les importations parallèles avec Capcom et savait ou ne pouvait ignorer quel était l’objectif des demandes de clés géobloquées formulées par cette dernière. En outre, ainsi qu’il ressort du point 79 ci‑dessus, la question de savoir quelle partie est à l’initiative du comportement n’est pas pertinente pour la démonstration d’un accord au sens de l’article 101 TFUE.

121 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante selon lequel la Commission n’a pas établi à suffisance de droit l’existence d’un concours de volontés et, partant, d’un accord ou, en tout état de cause, de pratiques concertées entre la requérante et Capcom.

Focus Home

122 S’agissant de l’accord ou des pratiques concertées entre la requérante et Focus Home, le comportement appréhendé par la Commission porte sur 19 jeux vidéo Steam édités par Focus Home, dont le jeu « Magrunner », couvrant le territoire de cinq États membres, à savoir, selon les jeux en cause, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie et la Pologne.

123 En premier lieu, la Commission a constaté, aux points 6.1.6.4 et 6.1.6.7 de la décision attaquée, que la requérante avait occasionnellement évoqué proactivement la possibilité d’utiliser le contrôle territorial auprès de Focus Home et qu’elle savait ou aurait dû savoir que les clés géobloquées étaient utilisées aux fins de restreindre les ventes passives. Elle a fondé cette conclusion sur deux échanges de courriels entre la requérante et Focus Home ainsi qu’une présentation des services Steamworks communiquée à Focus Home le 26 juillet 2013.

124 Tout d’abord, ainsi que la Commission l’a exposé au considérant 120 de la décision attaquée, il ressort bien des échanges des 19 et 20 juin 2013 à propos du jeu vidéo « Magrunner » que la requérante a suggéré à Focus Home de géobloquer, tant à l’activation qu’à l’utilisation, les clés Steam pour la Pologne comme moyen de résoudre ses préoccupations avec les importations parallèles et, partant, qu’elle avait connaissance de l’objectif poursuivi par Focus Home. En particulier, il ressort de ces échanges que Focus Home a expressément confirmé à la requérante que l’objet de sa demande était de restreindre les importations parallèles dues aux différences de prix de vente des jeux entre la Pologne et certains pays d’Europe de l’Ouest. Ainsi que l’a relevé la Commission, la requérante a clairement indiqué qu’elle « souhaitait résoudre [les] problèmes d’importations parallèles de [Focus Home] » et qu’elle « avait beaucoup d’expérience concernant cette question ». C’est à la suite de ces précisions que la requérante a suggéré à Focus Home de géobloquer les clés Steam à l’activation et à l’utilisation.

125 De même, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 123 de la décision attaquée, dans les échanges du 13 septembre 2013, la requérante a indiqué à Focus Home, comme suite à une demande de clés Steam géobloquées des jeux « Cities XL Platinium », « Of Orcs and Men » et « A Game of Thrones », que l’éditeur n’avait pas à se préoccuper des importations parallèles dans la mesure où elle géobloquait les clés. Il ressort donc clairement des échanges de courriels des 19 et 20 juin 2013 ainsi que du 13 septembre 2013 que la requérante avait proactivement recommandé à Focus Home de mettre en place des restrictions géographiques pour restreindre les importations parallèles.

126 Une telle conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante selon lesquels elle s’inquiétait des restrictions linguistiques demandées par Focus Home et l’objectif principal de son échange était de fournir une expérience satisfaisante à ses utilisateurs. En effet, quand bien même il n’est pas exclu que la requérante puisse également poursuivre un tel objectif, il n’en reste pas moins qu’elle a expressément évoqué avec Focus Home la possibilité d’utiliser le géoblocage pour lutter contre les importations parallèles.

127 Enfin, s’agissant de la présentation des services Steamworks, mentionnée au considérant 124 de la décision attaquée, il y a lieu de constater qu’un tel document n’est pas de nature à démontrer que la requérante avait évoqué l’utilisation du géoblocage aux fins de restreindre les importations parallèles. En effet, d’une part, la Commission s’est bornée à constater que la présentation mentionnait la fonctionnalité de contrôle du territoire. D’autre part, ladite présentation contenait des informations très générales et limitées et n’évoquait aucunement la possibilité d’utiliser ces fonctionnalités aux fins de restreindre les importations parallèles. Toutefois, ce constat n’est pas de nature à remettre en cause la force probante des autres éléments réunis par la Commission, et notamment des échanges de courriels.

128 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments de preuve présentés au point 6.1.6.4 de la décision attaquée, et en particulier les échanges de courriels, démontrent bien qu’elle avait expressément évoqué avec Focus Home la possibilité d’utiliser le blocage géographique pour restreindre les importations parallèles et ainsi qu’elle avait connaissance de l’objectif poursuivi par Focus Home de restreindre les importations parallèles et le partageait.

129 En second lieu, la Commission a exposé, au point 6.2.3 de la décision attaquée, les éléments de preuve établissant que la requérante avait bien fourni des clés Steam géobloquées pour l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne pour les 19 jeux vidéo en cause édités par Focus Home. Or, la requérante ne conteste pas ces éléments de preuve.

130 Partant, il y a lieu de constater, au regard des éléments contenus aux points 88 à 94 ci-dessus, que, pris conjointement, les éléments de preuve présentés aux points 6.1.6.4 et 6.2.3 de la décision attaquée constituent un faisceau d’indices sérieux, précis et concordant permettant d’établir un concours de volontés entre la requérante et Focus Home en vue de restreindre les importations parallèles pour les jeux en cause sur le territoire de l’EEE. Partant, la Commission a établi à suffisance de droit l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée entre la requérante et Focus Home ayant pour objet la restriction des importations parallèles.

131 Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause ces conclusions. En particulier, pour les raisons exposées au point 88 ci-dessus, la circonstance que Focus Home ait affirmé, lors de la procédure administrative, qu’elle avait décidé de manière unilatérale des restrictions géographiques n’est pas de nature à remettre en cause l’analyse de la Commission. De même, la circonstance que les échanges de courriels sur lesquels la Commission s’est fondée aient eu lieu à la suite d’une demande de clés Steam géobloquées de la part de Focus Home ou encore que ce soit Focus Home qui ait déterminé la liste des territoires couverts par les restrictions géographiques n’est pas de nature à remettre en cause le fait que la requérante connaissait ou ne pouvait ignorer l’objectif des demandes de Focus Home. En effet, ainsi qu’il ressort du point 79 ci-dessus, la question de savoir quelle partie est à l’initiative du comportement n’est pas pertinente pour la démonstration d’un accord au sens de l’article 101 TFUE.

132 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante selon lequel la Commission n’a pas établi à suffisance de droit l’existence d’un concours de volontés et, partant, d’un accord ou, en tout état de cause, de pratiques concertées entre la requérante et Focus Home.

Koch Media

133 S’agissant de l’accord ou des pratiques concertées entre la requérante et Koch Media, le comportement appréhendé par la Commission portait sur cinq jeux vidéo Steam édités par Koch Media, dont les jeux « Dead Island » et « Metro Last Night », sur le territoire de cinq États membres, à savoir, selon les jeux en cause, en République tchèque, en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie et au Royaume-Uni.

134 En premier lieu, la Commission a constaté, aux points 6.1.6.5 et 6.1.6.7 de la décision attaquée, que la requérante avait occasionnellement évoqué proactivement la possibilité d’utiliser le contrôle territorial auprès de Koch Media et qu’elle savait ou aurait dû savoir que les clés géobloquées étaient utilisées aux fins de restreindre les ventes passives. Elle a fondé cette conclusion sur trois échanges de courriels entre la requérante et Focus Home ainsi que sur deux présentations des services Steamworks communiquées à Koch Media le 13 mars 2012.

135 Tout d’abord, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 125 de la décision attaquée, il ressort bien de l’échange de courriels du 18 mars 2011 que Koch Media avait indiqué à la requérante, en vue du lancement du jeu « Dead Island », qu’elle envisageait de demander des lots de clés Steam distincts pour l’Europe de l’Ouest (l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie), le Royaume-Uni et l’Europe de l’Est (dont la Russie) en raison de prix de vente plus faibles dans ces derniers pays. En réponse à cette demande, la requérante a proposé de créer deux lots distincts pour la Russie et les CIS, d’une part, et pour l’Europe de l’Est, de l’autre, recommandation qui a d’ailleurs été suivie par Koch Media dans ses demandes de clés Steam. Par ailleurs, ainsi que l’a souligné la Commission au considérant 126 de ladite décision, il est clair que la requérante avait bien conscience que le géoblocage portait sur des territoires de l’EEE. En effet, la requérante a clairement distingué dans ses échanges avec Koch Media le lot « Russie/CIS », le lot « Europe de l’Est » et le lot « Royaume-Uni ». Or, dans la mesure où la requérante a fourni à Koch Media, par la suite, un lot de clés Steam géobloquées pour la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie ainsi qu’un lot de clés Steam géobloquées pour la Russie, il peut en être déduit que le lot « Europe de l’Est » concernait ces États membres de l’EEE.

136 Ensuite, ainsi que la Commission l’a exposé aux considérants 127 et 128 de la décision attaquée, la requérante a contacté le 17 mai 2013, de sa propre initiative, Koch Media pour l’informer qu’un distributeur tiers vendait à très bas prix deux de ses jeux vidéo, à savoir « Metro Last Night » et « Dead Island Riptide ». Koch Media, qui s’inquiétait que les faits ainsi rapportés nuisent aux ventes sur Steam, a demandé conseil à la requérante. Dans ce contexte, dans un courriel du 21 mai 2013, cette dernière a proposé à Koch Media de mettre en place des restrictions géographiques à l’activation pour les territoires à l’origine des importations parallèles.

137 De surcroît, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 129 de la décision attaquée, la requérante a encore confirmé, dans le prolongement de ces échanges et d’échanges internes de Koch Media indiquant qu’elle pouvait géobloquer les clés Steam pour le territoire « Europe de l’Est » (courriels des 23 et 25 mai 2013), qu’elle « pouvait tout à fait aider à restreindre les clés pour la vente au détail de sorte qu’elles ne puissent être activées que sur des territoires spécifiques en vue de mettre fin aux importations parallèles ».

138 Il ressort donc clairement des échanges de courriels du 18 mars 2011 ainsi que de mai 2013 que la requérante avait proactivement recommandé à Koch Media de mettre en place des restrictions géographiques pour restreindre les importations parallèles. Contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que Koch Media avait déjà envisagé de mettre en place des restrictions à l’activation et qu’elle avait décidé elle-même du territoire ne saurait remettre en cause ces constatations. En tout état de cause, il ressort clairement des échanges de courriels avec Koch Media que la requérante avait connaissance du fait que les demandes de clés Steam géobloquées pour la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et le Royaume-Uni avaient pour objectif de restreindre les importations parallèles.

139 Enfin, s’agissant des présentations des services Steamworks, mentionnées au considérant 130 de la décision attaquée, la Commission s’est bornée à constater que les présentations mentionnaient la fonctionnalité de contrôle du territoire. Les présentations contiennent ainsi des informations très générales et limitées et n’évoquent aucunement la possibilité d’utiliser ces fonctionnalités aux fins de restreindre les importations parallèles. Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause la force probante des autres éléments réunis par la Commission, et notamment des échanges de courriels.

140 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments de preuve présentés au point 6.1.6.5 de la décision attaquée, en particulier les échanges de courriels, démontrent bien que la requérante avait expressément évoqué avec Koch Media la possibilité d’utiliser le blocage géographique pour restreindre les importations parallèles et ainsi qu’elle connaissait et partageait l’objectif poursuivi par Koch Media de restreindre les importations parallèles.

141 En second lieu, la Commission a exposé, au point 6.2.4 de la décision attaquée, les éléments de preuve établissant que la requérante avait bien fourni, pour les cinq jeux vidéo en cause édités par Koch Media, des clés Steam géobloquées pour la République Tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et, dans le cas d’un de ces jeux, le Royaume-Uni. Or, la requérante ne conteste pas ces éléments de preuve.

142 Partant, il y a lieu de constater que, pris conjointement, les éléments de preuve présentés aux points 6.1.6.5 et 6.2.4 de la décision attaquée constituent un faisceau d’indices sérieux, précis et concordants permettant d’établir un concours de volontés entre la requérante et Koch Media aux fins de restreindre les ventes passives pour les jeux en cause sur le territoire de l’EEE. Partant, la Commission a établi à suffisance de droit l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée entre la requérante et Koch Media ayant pour objet la restriction des importations parallèles.

143 Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause ces conclusions. En particulier, pour les raisons exposées au point 88 ci-dessus, la circonstance que Koch Media ait affirmé lors de la procédure administrative qu’elle avait décidé de sa propre initiative des restrictions géographiques et avait déjà communiqué cette décision à la requérante n’est pas de nature à remettre en cause l’analyse de la Commission. De même, la circonstance que la requérante ait évoqué la possibilité d’utiliser le géoblocage des clés Steam pour restreindre les importations parallèles, en réponse à des demandes de conseil et d’information de Koch Media, n’est pas de nature à remettre en cause le constat qu’elle avait connaissance de l’objectif des demandes de cet éditeur. De surcroît, ainsi qu’il ressort du point 79 ci‑dessus, la question de savoir quelle partie est à l’initiative du comportement n’est pas pertinente pour la démonstration d’un accord au sens de l’article 101 TFUE.

144 En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait qu’elle ne se soit pas opposée aux demandes de Koch Media permet bien d’établir l’existence d’un concours de volontés entre ces deux entreprises. En effet, ainsi qu’il ressort du point 59 ci-dessus, l’intervention et le consentement de la requérante étaient nécessaires pour mettre en œuvre le blocage géographique des clés Steam. Ainsi, la circonstance que la requérante ait accepté de fournir des clés Steam géobloquées alors qu’elle connaissait et qu’elle avait même recommandé l’utilisation de ces clés aux fins de restreindre les importations parallèles permettait bien d’établir un concours de volontés de mettre en œuvre des restrictions des ventes passives. Le fait, à le supposer établi, que la requérante n’était pas en mesure de décider de son propre chef du géoblocage des clés Steam ne remet pas en cause ce constat. Au contraire, il va dans le sens qu’un accord entre la requérante et Koch Media était nécessaire afin de géobloquer les clés Steam et de restreindre les importations parallèles.

145 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas établi à suffisance de droit l’existence d’un concours de volontés et, partant, d’un accord ou, en tout état de cause, de pratiques concertées entre la requérante et Koch Media.

ZeniMax

146 S’agissant de l’accord ou des pratiques concertées entre la requérante et ZeniMax, le comportement appréhendé par la Commission porte sur cinq jeux vidéo Steam édités par ZeniMax sur le territoire de huit États membres, à savoir, selon les jeux en cause, en République tchèque, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie et en Roumanie.

147 En premier lieu, la Commission a constaté, aux points 6.1.6.6 et 6.1.6.7 de la décision attaquée, que la requérante avait occasionnellement évoqué, proactivement, la possibilité d’utiliser le contrôle territorial auprès de ZeniMax et qu’elle savait ou aurait dû savoir que les clés géobloquées étaient utilisées aux fins de restreindre les ventes passives. Elle a fondé cette conclusion sur deux échanges de courriels entre la requérante et ZeniMax ainsi que sur une présentation sur les services Steamworks communiquée à ZeniMax en janvier 2014.

148 Ainsi que la Commission le relève au considérant 131 de la décision attaquée, il ressort effectivement des échanges de courriels du 2 septembre 2010 que la requérante avait bien évoqué avec ZeniMax la possibilité de géobloquer les clés Steam pour les territoires, tels que la Russie, dans lesquels les prix sont faibles. En effet, dans ces échanges, la requérante a indiqué à ZeniMax qu’elle lui recommandait, sauf certaines exceptions, que les clés Steam soient activables sans aucune restriction territoriale. S’agissant de ces exceptions, la requérante a par exemple précisé que, « dans le cas où [était] vendue une version à prix bas dans un territoire tel que la Russie, elle recommandait que ces clés ne soient activées que sur ce territoire ».

149 De même, dans un échange de courriels du 29 juin 2010, visé dans la note en bas de page n° 167 de la décision attaquée, la requérante a précisé à ZeniMax que la raison principale du blocage géographique était d’empêcher les importations parallèles de ses jeux vidéo, dans le cadre desquelles ils seraient probablement vendus à très faible prix. Elle a ajouté que, par exemple, elle créait des clés Steam spécifiques pour ses propres jeux, lesquelles ne pouvaient être activées qu’en Russie.

150 La circonstance, évoquée par la requérante, que les échanges de courriels du 29 juin et du 2 septembre 2010 mentionnent la possibilité de géobloquer aux fins de limiter les importations parallèles uniquement en lien avec le territoire de la Russie ne remet pas en cause la force probante des éléments de preuve. D’une part, il ressort clairement des échanges en question que la Russie n’a été identifiée qu’en tant qu’exemple et que la requérante a bien recommandé, plus généralement, d’utiliser le blocage géographique pour les territoires où les jeux étaient vendus à moindre prix pour éviter les importations parallèles vers des territoires où les prix de vente sont plus élevés. D’autre part, ainsi que cela est constaté au point 93 ci-dessus, il n’est pas nécessaire que chacun des éléments de preuve présentés par la Commission concerne le territoire de l’EEE, dès lors qu’il peut être inféré du faisceau d’indices réunis par la Commission que les parties ont bien entendu restreindre les importations parallèles au sein de l’EEE. Or, au point 6.2.5 de la décision attaquée, la Commission a présenté plusieurs autres éléments de preuve permettant d’établir que ZeniMax avait demandé le géoblocage de clés Steam pour plusieurs territoires de l’EEE, à savoir la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie et que la requérante avait bien accepté, à la suite de ces demandes, de fournir les clés Steam géobloquées. Or, il n’y avait aucune justification apparente au géoblocage de ces clés autre que les prix moins élevés pratiqués dans ces territoires.

151 Par ailleurs, la circonstance évoquée par la requérante selon laquelle il ressortirait de l’échange de courriels du 29 juin 2010 qu’elle aurait déconseillé de géobloquer les clés Steam pour plusieurs pays de l’Union ne remet pas non plus en cause la force probante de ce document. En effet, dans cet échange de courriels, la requérante a seulement recommandé de ne pas géobloquer un lot spécifique de clés Steam pour « certains pays de l’Union européenne », et ce au motif que ces clés concernaient des utilisateurs « qui paient à peu près le même prix ». Or, il ressort de la liste de territoires accompagnant l’échange de courriels du 29 juin 2010 que les clés Steam visées par ces échanges étaient uniquement destinées à l’Espagne, à la France, à l’Italie, à l’Autriche, au Royaume-Uni, aux « pays nordiques » et aux « pays du Benelux ». Les clés Steam concernées par cet échange de courriels n’étaient donc pas destinées à être vendues en République tchèque, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, en Pologne, en Slovaquie et en Roumanie. Il ressort donc de cet échange que la requérante a déconseillé le géoblocage pour le territoire de l’Union dans ce cas précis uniquement car un tel géoblocage n’était pas utile aux fins de lutter contre les importations parallèles.

152 En outre, même à supposer que l’interprétation des échanges du 29 juin 2010 proposée par la requérante puisse être retenue, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du point 150 ci-dessus, la requérante a bien fourni les clés Steam géobloquées pour les territoires de l’EEE, alors que, ainsi que cela est constaté au point 59 ci-dessus, elle avait tout à fait la possibilité de refuser de le faire.

153 Enfin, s’agissant de la présentation des services Steamworks, mentionnée au considérant 132 de la décision attaquée, la Commission s’est bornée à constater que celle-ci mentionnait la fonctionnalité de contrôle du territoire. La présentation contient ainsi des informations très générales et limitées et n’évoque aucunement la possibilité d’utiliser ces fonctionnalités aux fins de restreindre les importations parallèles. Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause la force probante des autres éléments réunis par la Commission, et notamment des échanges de courriels.

154 En second lieu, au point 6.2.5 de la décision attaquée, les éléments de preuve établissent que la requérante avait accepté de fournir des clés Steam géobloquées pour la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie pour les cinq jeux vidéo en cause, édités par ZeniMax, éléments de preuve que la requérante ne conteste pas.

155 Il y a lieu de constater, au regard des éléments contenus aux points 88 à 94 ci-dessus, que, pris conjointement, les éléments de preuve présentés aux points 6.1.6.6 et 6.2.5 de la décision attaquée constituent un faisceau d’indices sérieux, précis et concordants permettant d’établir que la requérante avait fait la promotion de la possibilité d’utiliser le géoblocage des clés Steam aux fins de restreindre les importations parallèles et qu’elle avait connaissance du fait que les demandes de clés Steam formulées par ZeniMax avaient pour objet de restreindre les importations parallèles dans l’EEE. Partant, la Commission a établi à suffisance de droit l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée entre la requérante et ZeniMax ayant pour objet la restriction des importations parallèles.

156 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante selon lequel la Commission n’a pas établi à suffisance de droit l’existence d’un accord ou, en tout état de cause, de pratiques concertées entre la requérante et ZeniMax.

157 Par conséquent, il y a lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen et, partant, ce moyen dans son intégralité.

 Sur le second moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation des faits dans la constatation d’une restriction de concurrence par objet, en violation de l’article 101 TFUE

158 La requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 101 TFUE et a commis des erreurs de droit ainsi que des erreurs dans l’appréciation des faits en qualifiant son comportement avec les cinq éditeurs de constitutif d’une restriction de concurrence par objet. En substance, elle fait grief à la Commission, premièrement, de ne pas avoir suffisamment tenu compte du caractère nouveau de l’affaire, deuxièmement, de ne pas avoir correctement apprécié le contexte juridique dans lequel s’insérait le comportement en cause et, troisièmement, de ne pas avoir correctement tenu compte du contexte économique.

159 Avant toute chose, il y a lieu de relever que l’analyse de la Commission aux termes de laquelle elle a conclu que le comportement de la requérante et des cinq éditeurs était constitutif d’une restriction par objet figure au point 8.2 de la décision attaquée.

160 Premièrement, au point 8.2.1 de la décision attaquée, la Commission a exposé les principes relatifs aux restrictions par objet et aux restrictions des ventes passives. Elle a rappelé qu’un comportement visant à fragmenter l’EEE en marchés nationaux et à interdire ou à limiter les importations parallèles et ainsi les ventes passives devait, en principe, être qualifié de restriction par objet au sens de l’article 101 TFUE. Elle a ajouté que les droits de propriété intellectuelle ne pouvaient être exercés de manière à contrevenir à la création et à la protection du marché intérieur et que la même conclusion s’appliquait aux accords de licence non exclusive et aux accords de distribution.

161 Deuxièmement, au point 8.2.2.2 de la décision attaquée, la Commission a analysé le contenu et l’objectif des accords ou des pratiques concertées entre la requérante et chacun des cinq éditeurs. Elle a constaté que cet objectif était de restreindre les ventes passives pour les jeux vidéo en cause.

162 Troisièmement, au point 8.2.2.3, la Commission a analysé le contexte juridique et économique des accords ou des pratiques concertées entre la requérante et chacun des cinq éditeurs. Elle a considéré qu’il n’y avait aucune circonstance relevant de ce contexte qui l’empêchait de constater que ces accords ou ces pratiques concertées constituaient des restrictions par objet au sens de l’article 101 TFUE.

 Sur le caractère nouveau de l’affaire

163 La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir suffisamment tenu compte du caractère nouveau de l’affaire et du contexte inédit dans lequel elle-même et les éditeurs opéraient.

164 La requérante fait valoir que la Commission a erronément considéré qu’elle pouvait s’appuyer sur la jurisprudence afin de qualifier le comportement en cause de restriction de concurrence par objet, alors qu’elle examinait pour la première fois un comportement consistant en la fourniture par un tiers de mesures techniques prévues par la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10, ci-après la « directive sur le droit d’auteur »). En particulier, elle estime que la Commission cherche à l’inclure dans le schéma des affaires de commerce parallèle, alors qu’elle n’agissait pas, dans le cadre du comportement faisant l’objet de la décision attaquée, en tant que revendeur ou distributeur des jeux vidéo Steam des éditeurs, mais en tant que fournisseur de services numériques. Par ailleurs, elle fait valoir que, contrairement à ce que la Commission a retenu dans ladite décision, elle n’avait pas d’intérêt économique à verrouiller les clés Steam ni de stratégie pour protéger les ventes du Steam Store ou ses marges. Ainsi, la jurisprudence existante sur les importations parallèles ne constituerait pas une « expérience » pertinente pour qualifier les accords en cause de restriction par objet. Pour qualifier une pratique nouvelle de restriction par objet, la Commission aurait dû évaluer soigneusement les circonstances de l’affaire afin de mettre en avant la nocivité suffisante de la pratique, ce qui impliquait de procéder à une analyse individuelle et circonstanciée du comportement en cause. En effet, la notion de « restriction par objet » devrait être appliquée de manière restrictive et satisfaire à un niveau de preuve élevé.

165 La Commission conteste les arguments de la requérante.

166 Pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur.

167 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire. En effet, certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées par leur nature même comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (voir arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 35 et jurisprudence citée).

168 S’agissant des accords qualifiés de « restrictions par objet », il n’y a pas lieu d’en rechercher ni a fortiori d’en démontrer les effets sur la concurrence en vue de les qualifier de « restriction de concurrence », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où l’expérience montre que de tels accords entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 64 et jurisprudence citée]. Pour avoir un objet anticoncurrentiel, il suffit donc que l’accord soit concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C‑32/11, EU:C:2013:160, point 38).

169 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion de « restriction par objet » doit être interprétée de manière stricte et ne peut être appliquée qu’à certaines pratiques collusoires entre entreprises révélant, en elles-mêmes et compte tenu de la teneur de leurs dispositions, des objectifs qu’elles visent ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel elles s’insèrent, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire, dès lors que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées par leur nature même comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence [voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 67 et jurisprudence citée]. Le critère juridique essentiel pour déterminer si un accord comporte une restriction de concurrence « par objet » réside donc dans la constatation qu’un tel accord présente en lui‑même un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour considérer qu’il n’y a pas lieu d’en rechercher les effets (voir arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 37 et jurisprudence citée).

170 Dans le cadre de l’appréciation du contexte économique et juridique, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53, et du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 117).

171 À cet égard, il ressort également de la jurisprudence que, pour les accords qui constituent des violations particulièrement graves de la concurrence, l’analyse du contexte économique et juridique dans lequel la pratique s’insère peut se limiter à ce qui s’avère strictement nécessaire en vue de conclure à l’existence d’une restriction de la concurrence par objet (voir arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission, C‑469/15 P, EU:C:2017:308, point 107 et jurisprudence citée).

172 Tout d’abord, il importe de constater que la Commission a examiné la teneur des accords ou des pratiques concertées entre la requérante et les cinq éditeurs ainsi que les objectifs qu’ils poursuivaient, aux fins de conclure qu’ils constituaient une restriction de concurrence par objet. En effet, au point 8.2.2.2 de la décision attaquée (considérants 310 à 345 de la décision attaquée), la Commission a examiné le contenu et l’objectif de ces accords ou de ces pratiques concertées. Elle a renvoyé, à cet égard, aux différents éléments de preuve sur la base desquels elle a constaté l’existence desdits accords ou desdites pratiques concertées, et notamment aux différents échanges entre la requérante et les éditeurs. Au terme de cette analyse, la Commission a conclu que l’objectif desdits accords ou desdites pratiques concertées en cause était de restreindre techniquement la circulation des jeux vidéo en cause, en dehors de certains territoires de l’EEE, aux fins de restreindre les ventes passives de ces jeux.

173 Ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen du premier moyen, il ressort des échanges entre la requérante et chacun des éditeurs, tels que mis en évidence au point 6.1.6 de la décision attaquée, que la fourniture de clés Steam géobloquées avait bien pour objet de restreindre les importations parallèles des jeux vidéo en cause, en rendant matériellement impossible toute vente passive en dehors du territoire de certains pays de l’EEE. Plus particulièrement, le blocage géographique visait à empêcher que ces jeux vidéo, distribués par le biais de clés Steam sur le territoire de pays de l’EEE à des prix bas, soient achetés par des distributeurs ou des utilisateurs se trouvant sur le territoire d’autres pays de l’EEE où les prix auxquels ces jeux vidéo sont distribués le sont à un prix bien supérieur. À cet égard, il y a lieu de souligner, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord entre entreprises, que rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte (voir arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 54 et jurisprudence citée).

174 Or, ainsi que la Commission l’a relevé, à juste titre, aux considérants 280 à 292 de la décision attaquée, depuis l’arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, EU:C:1966:41), et conformément à une jurisprudence bien établie, il est admis que les accords ayant pour objet de restreindre le commerce parallèle (voir arrêts du 28 avril 1998, Javico, C‑306/96, EU:C:1998:173, point 14 et jurisprudence citée, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 59 et jurisprudence citée), y compris lorsqu’ils tendent à empêcher les utilisateurs d’acheter les produits ou services en raison de leur localisation géographique, sont suffisamment nocifs pour constituer une restriction par objet au sens de l’article 101 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, points 115 et 178, et du 9 juillet 2009, Peugeot et Peugeot Nederland/Commission, T‑450/05, EU:T:2009:262, point 282).

175 En effet, des accords qui visent à rendre l’interpénétration des marchés nationaux plus difficile, à cloisonner les marchés nationaux selon les frontières nationales ou à segmenter artificiellement le marché intérieur sont susceptibles de contrarier l’objectif du traité visant à réaliser l’intégration de ces marchés par l’établissement d’un marché unique (arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 497 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, point 139 et jurisprudence citée).

176 De surcroît, ainsi que la Commission l’a relevé aux considérants 299 et 300 de la décision attaquée, les restrictions aux ventes passives et, en particulier, les mesures supplémentaires destinées à faire respecter les limitations territoriales contenues dans des accords de licence exclusive peuvent être considérées comme ayant pour objet de restreindre la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, points 51 à 54 et jurisprudence citée).

177 Ainsi, en principe, un accord visant à interdire ou à limiter le commerce parallèle a pour objet d’empêcher la concurrence (voir arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 59 et jurisprudence citée) à moins que d’autres circonstances relevant de son contexte économique et juridique ne permettent de constater que de tels accords ne sont pas susceptibles de porter atteinte à la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, point 140).

178 Certes, à la différence du cas d’espèce, la jurisprudence relative aux restrictions des ventes passives a principalement été développée à propos d’accords ou de pratiques concertées s’inscrivant dans le cadre de contrats de distribution ou de licence exclusive. Toutefois, il ressort de cette jurisprudence que ce n’est pas l’existence d’un contrat de distribution ou de licence exclusive en tant que telle qui a été considérée comme nocive pour la concurrence, mais la mise en place d’obligations contractuelles ou de mesures supplémentaires empêchant les ventes passives et aboutissant à un cloisonnement du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 497 et 498 ; du 1er février 1978, Miller International Schallplatten/Commission, 19/77, EU:C:1978:19, point 7, et du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, points 138 et 139).

179 Or, le comportement en cause a pour objectif de mettre en place une impossibilité matérielle d’utiliser les clés Steam en dehors du territoire de certains pays de l’EEE et d’instaurer une véritable restriction des ventes passives des jeux vidéo en cause en dehors de ces territoires. Ainsi, à l’instar des mesures supplémentaires visées au point 178 ci-dessus, ce comportement aboutit à une reconstruction du cloisonnement des marchés nationaux et à une segmentation artificielle du marché intérieur susceptibles de contrarier l’objectif du traité visant à réaliser l’intégration des marchés nationaux par l’établissement d’un marché unique.

180 En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que la jurisprudence relative aux restrictions des importations parallèles ait été développée dans le cadre de relations entre distributeurs et fournisseurs ne remet pas en cause la pertinence de cette jurisprudence pour constater que le comportement en cause était restrictif par objet.

181 En effet, ainsi que la Commission l’a relevé aux considérants 314, 321, 328, 335 et 342 de la décision attaquée, le géoblocage des clés Steam empêchait les distributeurs des éditeurs auxquels ces clés étaient fournies de vendre les jeux vidéo en cause (en particulier en réponse à des demandes non sollicitées d’utilisateurs potentiels) à des utilisateurs situés dans des pays de l’EEE autres que ceux visés par les restrictions. Un tel comportement aboutit à la suppression de la concurrence, dans les pays où les prix sont plus élevés, entre les ventes passives des jeux vidéo en cause distribués par le biais des clés Steam géobloquées et les ventes des jeux en cause sur le Steam Store. De même, le comportement en cause aboutit à la suppression de la concurrence, dans les pays où les prix sont plus élevés, entre les ventes passives des jeux vidéo en cause distribués par le biais des clés Steam géobloquées et ceux distribués par les distributeurs des éditeurs sur les territoires où les tarifs sont les plus élevés. Ainsi, les accords ou pratiques concertées en cause peuvent être assimilés aux mesures supplémentaires examinées dans la jurisprudence relative aux importations parallèles citée au point 178 ci-dessus, lesquelles restreignaient la concurrence entre les différents distributeurs du fournisseur.

182 De plus, selon une jurisprudence constante, l’article 101 TFUE vise toute contribution active d’une entreprise à une restriction de concurrence, alors même que cette contribution ne concerne pas une activité économique relevant du marché pertinent sur lequel cette restriction se matérialise ou a pour objet de se matérialiser (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 104 et jurisprudence citée). Ainsi, la circonstance que la requérante et les éditeurs n’étaient pas dans une relation de distributeur et de fournisseur, dans le cadre du comportement en cause, importe peu, dès lors que le comportement en lui-même a pour objet d’empêcher les importations parallèles et de restreindre la concurrence entre les différents distributeurs des éditeurs.

183 En tout état de cause, si la requérante n’agissait pas en tant que distributeur des jeux vidéo en cause par le biais de clés Steam géobloquées, il y a lieu de relever que, ainsi que la Commission l’a exposé aux considérants 111, 112, 357 et 358 de la décision attaquée, la requérante vendait les mêmes jeux vidéo sur le Steam Store. Elle avait donc bien un intérêt à ce que les clés Steam soient géobloquées pour les territoires sur lesquels les jeux en cause étaient vendus par des distributeurs tiers à un moindre prix. En effet, les jeux vidéo vendus dans le Steam Store, pour lesquels la requérante conservait 30 % des montants perçus, étaient en concurrence tout du moins potentielle avec les jeux vidéo Steam vendus par les distributeurs tiers par le biais des clés Steam géobloquées. Ainsi, les restrictions des importations parallèles des clés Steam géobloquées étaient de nature à pouvoir influencer les ventes sur le Steam Store et ainsi les marges perçues par la requérante du fait de ces ventes, et bénéficiaient ainsi potentiellement à cette dernière.

184 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a retenu qu’il existait une expérience suffisamment solide et fiable pour considérer que, en principe, les accords ou pratiques concertées en cause étaient par leur nature même nuisibles au bon fonctionnement du jeu de la concurrence. Compte tenu de la jurisprudence exposée aux points 171 et 177 ci-dessus, la Commission pouvait ainsi se limiter à examiner s’il existait ou non des circonstances, dans le contexte juridique et économique, qui permettaient de constater que les accords ou pratiques concertées en cause n’étaient pas susceptibles de porter atteinte à la concurrence.

 Sur l’analyse du contexte juridique

185 La requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte du fait que les droits de propriété intellectuelle ainsi que la directive sur le droit d’auteur constituaient des éléments essentiels du contexte juridique qui doivent être pris en compte dans l’application de l’article 101 TFUE.

186 Premièrement, la requérante fait valoir que la Commission a appliqué de façon incorrecte la distinction, opérée par la jurisprudence, entre l’existence d’un droit d’auteur et l’exercice de celui-ci. Cette distinction signifierait simplement que le droit de la concurrence de l’Union peut faire obstacle à l’exercice d’un droit d’auteur dans certaines circonstances, mais pas que le droit d’auteur n’est pas pertinent pour apprécier si un comportement spécifique constitue une restriction de concurrence.

187 Deuxièmement, la requérante fait valoir que, aux fins d’assurer l’équilibre entre le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la concurrence, les règles de concurrence doivent être interprétées de manière cohérente avec les règles de libre circulation. Or, la Cour se serait appuyée sur le principe de l’épuisement des droits pour déterminer à quel moment une barrière commerciale, créée par l’exercice de droits de propriété intellectuelle, devient artificielle et arbitraire et pour considérer que ladite barrière ne serait pas compatible avec le marché intérieur. La requérante précise, à cet égard, que, conformément à la directive sur le droit d’auteur, les droits des éditeurs sur les jeux vidéo en cause n’étaient pas soumis à l’épuisement des droits dans l’Union.

188 Troisièmement, la requérante fait valoir que la décision attaquée porte atteinte à l’effet utile de la directive sur le droit d’auteur. Les mesures techniques, telles que le géoblocage des clés Steam, seraient expressément autorisées à l’article 6 de la directive sur le droit d’auteur et ne pourraient être qualifiées de restriction par objet. Ainsi, selon elle, les éditeurs avaient parfaitement le droit de recourir à des mesures techniques de contrôle du territoire pour empêcher sur une partie du territoire de l’EEE la communication non autorisée de leurs jeux vidéo Steam au public.

189 La Commission conteste les arguments de la requérante.

190 En l’espèce, la Commission a consacré les considérants 347 à 355 de la décision attaquée à l’examen du contexte juridique. En outre, elle a effectué, aux considérants 293 à 309 de ladite décision, une analyse détaillée de la jurisprudence relative à l’application de l’article 101 TFUE dans le contexte des droits de propriété intellectuelle.

191 Premièrement, ainsi que la Commission l’a correctement relevé aux considérants 293 et 294 de la décision attaquée, il ressort d’une jurisprudence bien établie que la seule circonstance qu’un accord implique des droits de propriété intellectuelle ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE. En effet, si le traité n’affecte pas l’existence des droits de propriété intellectuelle, notamment des droits d’auteur, l’exercice de ces droits peut cependant relever des interdictions édictées par le traité, et notamment par l’article 101 TFUE. Ainsi, l’exercice d’un droit de propriété intellectuelle peut tomber sous la prohibition énoncée à l’article 101 TFUE chaque fois qu’il apparaît comme étant l’objet, le moyen ou la conséquence d’une entente (voir, en ce sens, arrêts du 8 juin 1971, Deutsche Grammophon Gesellschaft, 78/70, EU:C:1971:59, points 6 et 10, et du 6 octobre 1982, Coditel e.a., 262/81, EU:C:1982:334, point 17), nonobstant le fait qu’il puisse constituer l’expression légitime de ce droit autorisant le titulaire de celui-ci, notamment, à s’opposer à toute utilisation non autorisée [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 79 et jurisprudence citée].

192 En outre, ainsi que la Commission l’a relevé, à juste titre, au considérant 295 de la décision attaquée, la distinction entre l’existence de droits de propriété intellectuelle et l’exercice de tels droits trouve également à s’appliquer lorsque ces droits sont exploités sous une forme immatérielle, à savoir sous la forme d’un service plutôt que sur un support physique. En effet, dans l’arrêt du 6 octobre 1982, Coditel e.a. (262/81, EU:C:1982:334, points 14 et 17), auquel la Commission s’est référée audit considérant, la Cour a expressément envisagé que l’exercice du droit d’auteur sur un film et le droit de représentation qui découle du droit d’auteur pourraient fausser la concurrence et tomber sous l’interdiction édictée à l’article 101 TFUE (arrêt du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, point 52). En particulier, la Cour a souligné que tel pouvait être le cas indépendamment du fait que la mise à disposition d’un film par la voie de représentation pouvait se répéter à l’infini, que le titulaire du droit d’auteur pouvait exiger des redevances pour toute représentation de ce film et que ce même titulaire pouvait accorder à un licencié unique le droit exclusif de représenter ce film, et donc d’en interdire la représentation par d’autres, sur le territoire d’un État membre pendant une période déterminée (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 1982, Coditel e.a., 262/81, EU:C:1982:334, points 11, 12 et 15). Il découle donc de la jurisprudence de la Cour que la circonstance que le titulaire du droit d’auteur puisse continuer à exercer les prérogatives afférentes à son droit, notamment pour exiger une redevance pour chaque représentation de film ou pour en faire interdire des représentations successives par d’autres, n’exclut pas qu’un tel exercice du droit d’auteur puisse être appréhendé au titre de l’article 101 TFUE, lorsque celui-ci pourrait constituer une restriction déguisée dans le commerce entre États membres (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 1982, Coditel e.a., 262/81, EU:C:1982:334, points 13 et 17).

193 Il s’ensuit que la question de savoir si le droit de propriété intellectuelle n’est pas épuisé ne fait pas obstacle, en soi, à l’application de l’article 101 TFUE ni à ce que le comportement en cause puisse constituer une restriction par objet, lorsque l’exercice de ce droit est susceptible de constituer une restriction déguisée du commerce entre États membres.

194 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que ses arguments relatifs à l’absence d’épuisement des droits d’auteur sur les jeux vidéo en cause n’étaient pas pertinents aux fins de son analyse. Ainsi, les arguments de la requérante faisant grief à la Commission d’avoir omis d’examiner si la vente des jeux vidéo Steam, par le biais des clés Steam, relevait du droit de distribution (article 3 de la directive sur le droit d’auteur) ou du droit de communication au public (article 4 de cette directive) ainsi que les conséquences à tirer de l’arrêt du 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers (C‑263/18, EU:C:2019:1111), quant à l’application de la règle de l’épuisement des droits d’auteur aux jeux vidéo en cause sont inopérants. En outre, au regard de la jurisprudence citée aux points 191 et 192 ci-dessus, l’argument de la requérante selon lequel la jurisprudence relative à la libre circulation se fonde sur le principe de l’épuisement du droit de propriété intellectuelle pour déterminer si une barrière commerciale est artificielle ne saurait conduire à une conclusion différente et doit ainsi être écarté pour les mêmes motifs.

195 Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas omis de tenir compte de la directive sur le droit d’auteur et plus particulièrement de son article 6, ni privé celle-ci d’effet utile.

196 Certes, la Commission n’a pas expressément mentionné la directive sur le droit d’auteur ni l’article 6 de cette directive dans la décision attaquée, alors même que cette question avait été soulevée par la requérante dans ses réponses aux communications des griefs.

197 Toutefois, force est de constater, tout d’abord, que, ainsi que la Commission l’a précisé au considérant 347 de la décision attaquée, celle-ci ne remet pas en question la possibilité pour les éditeurs d’octroyer à leurs distributeurs des licences qui seraient limitées au territoire de certains pays de l’EEE. En effet, le comportement en cause porte sur les mesures additionnelles, adoptées par la requérante et chacun des éditeurs, destinées à faire respecter de telles délimitations territoriales en rendant impossible toute vente ou toute utilisation des jeux vidéo en cause en dehors du territoire de certains pays de l’EEE. De plus, ainsi qu’il ressort des points 191 à 196 ci‑dessus, la Commission a analysé de manière détaillée la jurisprudence relative à l’interaction entre les droits d’auteur et l’article 101 TFUE. Elle a bien pris en compte l’existence de droits d’auteur sur les jeux vidéo en cause et en a tenu compte dans le cadre de son appréciation de l’existence d’une restriction de concurrence par objet.

198 À cet égard, compte tenu de la jurisprudence exposée aux points 191 et 192 ci-dessus, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la seule circonstance que le considérant 29 et l’article 6 de la directive sur le droit d’auteur prévoient la possibilité d’adopter des « mesures techniques » ne s’oppose pas à ce que de telles mesures soient appréhendées au titre de l’article 101 TFUE lorsqu’elles sont l’objet, le moyen ou la conséquence d’un comportement qui violerait ledit article. L’article 9 de cette directive précise d’ailleurs expressément que les dispositions de ladite directive n’affectent pas l’application du droit des ententes et de la concurrence déloyale.

199 En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 176 ci-dessus, la Commission a correctement relevé que, selon la jurisprudence, si l’octroi même de licences, y compris exclusives, n’est pas contraire à l’article 101 TFUE, les mesures supplémentaires visant à assurer le respect des limitations territoriales d’exploitation de ces licences, et en particulier l’obligation de prendre des mesures rendant impossible l’accès aux objets protégés depuis l’extérieur du territoire couvert par le contrat de licence concerné, peuvent avoir un objet anticoncurrentiel et être appréhendées au titre de l’article 101 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, points 141 à 143, et du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, points 51, 53 et 54).

200 Or, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que l’arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631), ait été rendu dans le contexte spécifique de l’application de la directive 93/83/CEE du Conseil, du 27 septembre 1993, relative à la coordination de certaines règles du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (JO 1993, L 248, p. 15), ne remet pas en cause la possibilité de retenir la même solution dans le cas d’espèce.

201 En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission (C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, points 51 à 54), rendu dans le contexte de services de télévision payante impliquant une transmission par Internet, lesquels ne sont pas soumis au régime spécifique de la directive sur la radiodiffusion satellitaire, la Cour a considéré, indépendamment de la question de l’épuisement du droit d’auteur, que les conclusions contenues dans l’arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631), étaient transposables aux mesures en cause dans ladite affaire, puisque les situations étaient comparables sur le plan commercial et concurrentiel.

202 Ensuite, il y a lieu de constater que, en l’espèce, l’exercice des droits d’auteur des éditeurs était bien l’objet, le moyen ou la conséquence d’une entente, au sens de la jurisprudence exposée au point 191 ci-dessus. En effet, ainsi qu’il ressort des points 172 et 173 ci-dessus, le géoblocage des clés Steam ne poursuivait pas un objectif de protection des droits d’auteur des éditeurs, mais était utilisé aux fins de supprimer les importations parallèles afin de protéger les ventes des jeux vidéo en cause et le niveau élevé des redevances perçues par les éditeurs, voire par la requérante, en ce qui concerne le Steam Store, dans certains pays de l’EEE. Ainsi que l’a relevé la Commission aux considérants 347 et 356 de la décision attaquée, la circonstance que les éditeurs sont les titulaires des droits d’auteur portant sur les jeux vidéo en cause, au moins pour le territoire de l’ensemble de l’EEE, est de nature à confirmer un tel constat.

203 De surcroît, ainsi qu’il ressort des considérants 305 à 309 et 352 à 354 de la décision attaquée, la question de savoir si les droits d’auteur des éditeurs étaient soumis ou non à la règle de l’épuisement des droits d’auteur et si les ventes passives par les distributeurs des éditeurs pouvaient faire l’objet de poursuites judiciaires devant les juridictions nationales compétentes n’est pas déterminante aux fins de l’application de l’article 101 TFUE. Au demeurant, indépendamment de la question de savoir si les ventes passives par les distributeurs étaient susceptibles d’être sanctionnées devant les juridictions nationales compétentes pour violation des droits d’auteurs des éditeurs, il y a lieu de relever, ainsi que la Commission l’a souligné lors de l’audience, qu’il ressort des échanges de courriels entre la requérante et les éditeurs identifiés au point 6.1.6 de la décision attaquée que les éditeurs étaient confrontés à des problématiques de ventes passives et que le géoblocage des clés Steam a été mis en œuvre afin de répondre au phénomène de ventes passives effectivement constaté par les éditeurs et la requérante. Ainsi, le comportement en cause a eu pour objet de rendre impossibles les ventes passives et ainsi de supprimer la concurrence, réelle ou potentielle, que celles-ci représentent. De plus, ainsi qu’il a été constaté au point 183 ci-dessus, la requérante percevait bien une rémunération à hauteur de 30 % sur les ventes des jeux vidéo en cause sur le Steam Store, de sorte qu’elle avait intérêt à empêcher les importations parallèles susceptibles d’affecter les ventes sur le Steam Store. Il en découle que les accords ou pratiques concertées entre la requérante et les cinq éditeurs étaient concrètement aptes à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur au sens de la jurisprudence exposée au point 168 ci-dessus.

204 Enfin, il y a lieu de relever que la Cour a souligné, dans l’arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, points 108 à 115), que le droit d’auteur vise seulement à assurer aux titulaires des droits concernés la faculté d’exploiter commercialement la mise en circulation ou la mise à disposition des objets protégés en accordant des licences moyennant le paiement d’une rémunération et qu’il ne garantit pas aux titulaires des droits concernés la possibilité de revendiquer la rémunération la plus élevée possible, ni d’adopter un comportement de nature à aboutir à des différences de prix artificielles entre les marchés nationaux cloisonnés. En effet, un tel cloisonnement et la différence artificielle de prix qui en est le résultat sont inconciliables avec le but essentiel du traité, qui est la réalisation du marché intérieur (arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C‑403/08 et C‑429/08, EU:C:2011:631, points 108 à 115 et 145). Or, ainsi que cela est exposé au point 196 ci-dessus, le géoblocage des clés Steam ne poursuivait pas un objectif de protection des droits d’auteur des éditeurs, mais était clairement utilisé aux fins de supprimer totalement les importations parallèles et ainsi de protéger le niveau élevé des redevances perçues par les éditeurs, voire par la requérante, en ce qui concerne le Steam Store, dans certains pays de l’EEE.

205 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les droits d’auteur des éditeurs sur les jeux vidéo en cause ne faisaient pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE au comportement en cause ni à sa qualification de restriction par objet. Partant, la Commission a correctement considéré, au regard du contexte juridique pertinent, que la mise en place, par le biais des clés Steam géobloquées, d’une impossibilité matérielle d’activer ou d’utiliser les jeux vidéo en cause sur d’autres territoires de l’EEE, et ainsi de les importer sur d’autres territoires de l’EEE, constituait une restriction par objet de la concurrence.

 Sur l’analyse du contexte économique

206 La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir suffisamment examiné le contexte économique dans lequel s’inscrivait le comportement en cause. Elle soutient que la Commission aurait dû examiner si la restriction des ventes passives était par sa nature même nuisible au bon fonctionnement du jeu de la concurrence, parce qu’elle entraînait des réductions de production et des hausses de prix, au détriment du consommateur. Or, ces conditions ne seraient pas réunies en l’espèce.

207 D’une part, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la nature des biens et services affectés. Selon elle, les produits numériques et les services en ligne sont fondamentalement différents des produits matériels.

208 D’autre part, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que le blocage géographique a bénéficié aux consommateurs, car il permet aux éditeurs de se constituer un public et d’accroître la production et assure également l’approvisionnement des pays où les prix sont inférieurs. En particulier, elle fait valoir qu’elle a démontré à suffisance de droit les potentiels effets pro-concurrentiels dans ses réponses à la communication des griefs.

209 En conséquence, la requérante estime avoir démontré l’existence d’un doute raisonnable quant au prétendu caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence des accords ou pratiques concertées et, partant, de leur objet anticoncurrentiel.

210 La Commission conteste les arguments de la requérante.

211 Il importe de constater que les considérants 356 à 366 de la décision attaquée sont consacrés à l’analyse du contexte économique. À titre principal, la Commission a souligné qu’il n’y avait aucune obligation spécifique ou justification du blocage géographique des clés Steam autre que la restriction des potentielles ventes passives aux fins d’ériger des barrières artificielles au commerce au sein de l’EEE. Ainsi, l’accord sur le blocage des clés Steam n’était pas inhérent à la nature de la licence en elle-même, mais aurait été pensé aux fins de s’assurer que les distributeurs tiers recevant les clés se conforment aux limites territoriales de leurs licences respectives. À titre secondaire, la Commission a exposé que la fourniture des clés Steam géobloquées devait être examinée dans le contexte des relations commerciales entre la requérante et chacun des éditeurs dans leur globalité. Ainsi, elle a constaté que, dans la mesure où la requérante agissait également en tant que distributeur des jeux vidéo en cause, celle-ci était en situation de concurrence avec les distributeurs des clés Steam et pouvait utiliser le géoblocage des clés Steam aux fins de protéger ses marges sur le Steam Store.

212 Premièrement, s’agissant du grief de la requérante selon lequel la Commission n’a pas examiné si le comportement en cause était suffisamment nocif, car il entraînait des réductions de production et des hausses de prix au détriment du consommateur, il importe de souligner que la Cour a jugé que l’article 101 TFUE ne visait pas à protéger uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Dès lors, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’un accord ne saurait être subordonnée à ce que les consommateurs finals soient privés des avantages d’une concurrence efficace en termes d’approvisionnement ou de prix (arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 63).

213 Deuxièmement, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la nature des clés Steam. À cet égard, d’une part, il importe de constater que la Commission a bien examiné en détail, au point 4 de la décision attaquée, le fonctionnement de l’industrie des jeux vidéo pour PC ainsi que les modalités de distribution de ces derniers. D’autre part, il ressort notamment des considérants 349 à 355 de ladite décision, relatifs au contexte juridique, que la Commission a répondu aux arguments de la requérante selon lesquels les produits ou services en cause n’étaient pas des biens matériels, mais consistaient en réalité en l’acquisition par l’utilisateur final d’une licence permettant d’accéder et de jouer au jeu sur Steam. C’est d’ailleurs dans ce cadre que la Commission a considéré que la question de l’épuisement des droits d’auteur n’était pas pertinente aux fins de conclure à une restriction par objet. Or, ainsi qu’il a été examiné aux points 191 à 194 ci-dessus, la circonstance que le comportement en cause porte sur des biens immatériels ou des prestations de services numériques couverts par des droits d’auteur non épuisés ne s’oppose pas à ce que ce comportement soit qualifié de restriction par objet.

214 Troisièmement, aucun des arguments de la requérante selon lesquels la nature des clés Steam ou le fonctionnement du marché des jeux vidéo justifient de s’écarter de la jurisprudence selon laquelle les accords visant à empêcher ou à limiter les importations parallèles ont, en principe, pour objet de restreindre la concurrence ne saurait prospérer.

215 Tout d’abord, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante selon lesquels, en substance, la circonstance que la revente des clés Steam soit facile, peu coûteuse et sans friction remettrait en cause le point de vue général du droit européen de la concurrence selon lequel le commerce parallèle est susceptible d’exercer une pression sur les prix et de créer des avantages financiers pour les consommateurs.

216 En effet, ainsi que cela est exposé au point 177 ci-dessus, selon la jurisprudence, un accord visant à limiter le commerce parallèle doit en principe être considéré comme ayant pour objet de restreindre la concurrence. Toutefois, il ne ressort ni du libellé de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ni de la jurisprudence que ce constat trouve son fondement dans le seul fait qu’il est présumé qu’un tel accord prive les consommateurs finals des avantages d’une concurrence efficace en termes d’approvisionnement ou de prix. En effet, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’un accord ne saurait être subordonnée à ce que les consommateurs finals soient privés des avantages d’une concurrence efficace en termes d’approvisionnement ou de prix (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, points 62 et 63).

217 De surcroît, les affirmations de la requérante selon lesquelles la jurisprudence sur le caractère nocif des restrictions aux importations parallèles se serait développée sur la base du constat qu’il existerait des « frictions » qui limiteraient ce commerce parallèle et éviteraient que celui-ci ne crée une pénurie ou des prix sensiblement plus élevés dans l’État membre exportateur ne sont nullement étayées.

218 Ensuite, les arguments de la requérante selon lesquels la Commission ne pouvait ignorer le fait que le législateur de l’Union avait pris en compte les caractéristiques particulières des produits numériques et services en ligne en les excluant du champ d’application du règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil, du 28 février 2018, visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) no 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE (JO 2018, L 60 I, p. 1), doivent également être écartés. En effet, ce règlement n’était pas en vigueur au moment des faits pertinents. En tout état de cause, ainsi que cela ressort de la clause de réexamen introduite à l’article 9 dudit règlement, ledit législateur a expressément envisagé la possibilité d’étendre le champ d’application de l’interdiction du géoblocage aux services fournis par voie électronique dont la principale caractéristique est de fournir un accès à des œuvres protégées par le droit d’auteur, pour autant que le professionnel ait les droits requis pour les territoires concernés.

219 Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel le géoblocage permettait aux éditeurs de poursuivre une politique commerciale d’accroissement de la production sur un territoire donné en pratiquant des prix plus bas afin d’atteindre effectivement un prix ciblé pourrait s’appliquer à n’importe quel type de produit ou de service, qu’il soit matériel ou numérique. Même à le supposer fondé, cet argument ne saurait donc justifier de se départir, en l’espèce, de la jurisprudence relative aux restrictions des importations parallèles pour les produits ou services numériques.

220 Enfin, s’agissant des arguments de la requérante selon lesquels les jeux vidéo pour PC sont des produits « semi-périssables », de sorte que la différenciation par les prix se fait temporellement, la requérante n’explique pas en quoi cet élément serait de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle les restrictions des importations parallèles des clés Steam sont nocives pour la concurrence.

221 Quatrièmement, dans la mesure où la requérante conteste avoir un intérêt au géoblocage des clés Steam, il y a lieu de relever que, d’une part, ainsi que cela est constaté au point 77 ci-dessus, il n’est pas nécessaire, aux fins de l’établissement d’une infraction à l’article 101 TFUE, de démontrer que l’entreprise tire un bénéfice de l’infraction. D’autre part, en tout état de cause, ainsi que cela est constaté au point 183 ci-dessus, la requérante percevait bien une rémunération à hauteur de 30 % sur les ventes des jeux vidéo en cause sur le Steam Store, de sorte qu’elle avait intérêt à empêcher les importations parallèles susceptibles d’affecter les ventes sur le Steam Store.

222 Cinquièmement, la circonstance que le géoblocage des clés Steam ne concerne que certains jeux et ne représente que 3 % des ventes totales des jeux vidéo Steam n’est pas pertinente dans le cadre de l’analyse des restrictions par objet. En effet, la circonstance que seul un faible pourcentage des jeux vidéo Steam soit concerné par le géoblocage, à la supposer établie, n’est pas susceptible de remettre en cause la nocivité du comportement en cause ni, en particulier, le constat que le comportement contrevient par sa nature à l’objectif même de protection du marché intérieur poursuivi par le traité.

223 Il y a lieu de rappeler à cet égard que des entreprises qui concluent un accord ayant pour objet de restreindre la concurrence ne sauraient, en principe, échapper à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE en prétendant que leur accord ne devait pas avoir d’incidence appréciable sur la concurrence (voir arrêt du 28 juin 2016, Telefónica/Commission, T‑216/13, EU:T:2016:369, point 216 et jurisprudence citée). En effet, l’article 101, paragraphe 1, TFUE procède à une distinction nette entre la notion de « restriction par objet » et celle de « restriction par effet », chacune étant soumise à un régime probatoire différent. S’agissant des pratiques qualifiées de « restrictions par objet », il n’y a pas lieu d’en rechercher ni a fortiori d’en démontrer les effets sur la concurrence en vue de les qualifier de « restrictions de concurrence », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En revanche, lorsque l’objet anticoncurrentiel d’un accord, d’une décision d’association d’entreprises ou d’une pratique concertée n’est pas établi, il convient d’en examiner les effets afin de rapporter la preuve que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 62 à 66].

224 Sixièmement, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte des effets pro-concurrentiels du géoblocage des clés Steam, alors qu’elle avait évoqué l’existence de tels effets dans le cadre de la procédure administrative.

225 Certes, lorsque les parties à un accord se prévalent d’effets pro-concurrentiels attachés à celui-ci, ceux-ci doivent, en tant qu’éléments du contexte de cet accord, être dûment pris en compte aux fins de sa qualification de « restriction par objet », dans la mesure où ils sont susceptibles de remettre en cause l’appréciation globale du degré suffisamment nocif de la pratique collusoire concernée à l’égard de la concurrence. La prise en compte de ces effets a pour objet non pas d’écarter la qualification de « restriction de concurrence », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, mais simplement d’appréhender la gravité objective de la pratique concernée [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 103 et 104].

226 Néanmoins, cette prise en compte suppose que les effets pro-concurrentiels soient non seulement avérés et pertinents, mais également propres à l’accord concerné. De plus, la seule présence de tels effets pro-concurrentiels ne saurait, en tant que telle, conduire à écarter la qualification de « restriction par objet ». À les supposer avérés, pertinents et propres à l’accord concerné, ces effets pro-concurrentiels doivent être suffisamment importants, de sorte qu’ils permettent de raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence de l’accord concerné et, partant, de son objet anticoncurrentiel [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 105 à 107]. Ainsi, une simple allégation non étayée d’effets pro-concurrentiels des accords litigieux ne suffit pas à écarter la qualification de restriction par objet (voir arrêt du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission, C‑591/16 P, EU:C:2021:243, point 137 et jurisprudence citée).

227 En l’espèce, la requérante a évoqué dans ses réponses aux communications des griefs, annexées à la requête, que le comportement en cause ne pouvait constituer une restriction de concurrence par objet en raison de ses effets pro-concurrentiels. Toutefois, elle s’est limitée à affirmer, sans étayer ses allégations, que, en l’absence du géoblocage des clés Steam, les clés destinées à être vendues à moindre prix seraient transférées vers les autres pays de l’EEE. Ainsi, selon elle, en l’absence de clés géobloquées, les États membres ciblés par la stratégie de prix différenciés ne seraient plus fournis en clés Steam. Cela aboutirait à ce que les prix soient alignés vers le haut, et en aucun cas à une baisse globale des prix.

228 Or, d’une part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 226 ci-dessus, la simple allégation non étayée d’effets pro-concurrentiels des accords litigieux ne saurait suffire à écarter la qualification de « restriction par objet » de ceux-ci.

229 Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, aucune conclusion ne saurait être tirée, en ce qui concerne spécifiquement le cas d’espèce, du rapport d’enquête de la Commission du 10 mai 2017 sur le secteur du commerce électronique [COM(2017) 229 final]. L’affirmation contenue dans ce rapport, selon laquelle « si la discrimination par les prix permet à l’entreprise de desservir un marché qui autrement ne serait pas desservi, l’effet sur le bien-être global du consommateur devrait normalement être positif », est générale et abstraite et, qui plus est, assortie d’une réserve, ainsi que l’atteste l’utilisation du terme « normalement ». Une telle affirmation ne permet donc aucunement d’établir l’existence d’effets pro-concurrentiels avérés, importants et propres à l’accord entre la requérante et les éditeurs. De surcroît, il n’est aucunement établi que, en l’absence de géoblocage des clés Steam, les éditeurs auraient été empêchés de pratiquer une politique de différentiation tarifaire aux fins de pénétrer plus efficacement un nouveau marché.

230 D’autre part, en tout état de cause, les baisses des prix pour les consommateurs ne constituent pas nécessairement un effet pro-concurrentiel suffisant pour permettre de raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif des accords ou pratiques concertées en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, HSBC Holdings e.a./Commission, C‑883/19 P, EU:C:2023:11, points 198 à 205).

231 Dès lors, au regard des exigences exposées aux points 220 et 226 ci-dessus, il y a lieu de considérer que les allégations de la requérante sont générales et non étayées et ne permettent pas d’établir que les effets pro-concurrentiels dont elle se prévaut sont avérés ni qu’ils sont propres au comportement en cause et suffisamment importants. La circonstance que la requérante ait évoqué ces effets pro-concurrentiels lors de la procédure administrative ne suffit donc pas à démontrer que la Commission a commis une erreur d’appréciation en concluant au caractère suffisamment nocif du comportement en cause, ni a fortiori en retenant la qualification de restriction par objet.

232 Par ailleurs, les autres points des réponses aux communications des griefs auxquels la requérante renvoie dans ses écritures ne portent pas sur la question de savoir si la Commission pouvait considérer que le comportement en cause constituait une restriction par objet, mais sur la question de savoir si la Commission pouvait faire application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

233 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que le contexte juridique et économique dans lequel avaient été adoptés les accords ou pratiques concertées entre la requérante et les éditeurs n’était pas de nature à remettre en cause sa conclusion selon laquelle ces accords ou pratiques concertées, en tant qu’ils visaient à restreindre les importations parallèles, constituaient des restrictions à la concurrence par objet.

234 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

235 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Valve Corporation est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.