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Décisions

Cass. com., 3 mars 2009, n° 07-17.663

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Roger et Sevaux, Me Balat

Aix-en-Provence, du 28 juillet 2006

28 juillet 2006

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 juillet 2006), qu'entre novembre 1995 et juillet 1998, la chambre de commerce et d'industrie de Marseille a confié la réalisation de divers travaux d'aménagement de l'aéroport de Marseille-Marignane, d'une part, à un groupement d'entreprises constitué des sociétés Faram et Mécanobloc, pour des travaux dits d'extension et, d'autre part, à la société Mécanobloc, pour des travaux situés dans la zone de Roumanille ; que la société Sudisolec a exécuté certains de ces travaux ; qu'une partie des sommes dues à ce titre lui ont été payées par la société Etude technique réalisation (la société ETR) ; que la société Sudisolec a assigné en paiement du solde restant du les sociétés Faram, Mécanobloc et ETR, en prétendant que cette dernière société avait commandé les travaux réalisés en tant que mandataire des deux premières ;

Attendu que la société Mécanobloc fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Sudisolec la somme de 12 054,35 euros, solidairement avec la société Faram, et celle de 22 430 euros, outre les intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que, si les juges du fond peuvent retenir l'existence d'un mandat tacite, ils doivent indiquer clairement sur quels éléments de preuve ils se fondent pour retenir l'existence d'un tel mandat ; qu'en estimant que la société Mécanobloc se trouvait tenue par les engagements pris par la société ETR, son supposé mandataire, auprès de la société Sudisolec, tout en relevant que le litige trouvait "son origine dans l'intervention confuse de la société ETR et de sa dirigeante, Mme Y..., confusion aggravée par la multiplicité des mandats, non formalisés par écrit, dont ETR et Mme Y... étaient titulaires" et que "c'est ainsi que la société ETR et Mme Y... sont intervenus -cette dernière soit à titre personnel, soit en tant que dirigeante de ETR- en qualité de mandataire de la société Faram, de mandataire du groupement d'entreprise et de mandataire de la société Mécanobloc", motivation dont il résultait pour le moins que les domaines d'intervention de la société ETR et de Mme Y... agissant à titre personnel n'étaient pas clairement définis, de sorte que la portée du mandat prétendument confié à la société ETR restait indéterminée et ne pouvait donner lieu à une quelconque condamnation de la société Mécanobloc en une qualité supposée de mandataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1384 et 1385 du code civil ;

2°/ que la motivation hypothétique équivaut à une absence de motif ; qu'en retenant, pour tenter de justifier l'existence des contrats de mandats litigieux, qu'"en l'absence de toute précision de la part des sociétés Mécanobloc et Faram, l'intervention de Mme Y... pour la représentation du groupement peut s'expliquer par la double circonstance que la société Faram avait elle-même été désignée mandataire du groupement et que Mme Y... disposait du pouvoir de représenter la société Faram", la cour d'appel s'est déterminée par une motivation hypothétique et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que, dans ses conclusions d'appel, la société Mécanobloc faisait valoir qu'il n'existait aucun mandat qui lui soit opposable, la constituant débitrice de la société Sudisolec ; qu'en estimant que l'existence d'un tel mandat devait être retenue au titre du marché "d'extension" et au titre du marché de la zone "Roumanille", en raison de "l'implication profonde de la société ETR sur ces deux chantiers", de la "nature des actes qu'elle a effectués", de "la reconnaissance par le maître de l'ouvrage lors des réunions de chantier des qualités successives de mandataire du groupement et de mandataire de Mécanobloc" et de "la circonstance que les travaux litigieux dont ETR a passé commande se rattachent aux marchés dont le groupement et la société Mécanobloc étaient respectivement attributaires", la cour d'appel, qui n'a finalement caractérisé aucun acte véritablement opposable à la société Mécanobloc, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1165 du code civil ;

4°/ que, si une personne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent, c'est à la condition que la croyance du tiers aux pouvoirs de prétendus mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ; que dans ses conclusions d'appel, la société Mécanobloc faisait valoir que la société Sudisolec ne pouvait pas se prévaloir de l'existence d'un mandat apparent, dans la mesure où elle s'était abstenue de vérifier l'étendue des pouvoirs de la société ETR ; qu'en faisant référence, pour se déterminer, au caractère "apparent" de la situation juridique qu'elle décrivait, sans répondre aux conclusions susvisées de la société Mécanobloc, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'il n'est pas contesté que Mme Y... était le mandataire de la société italienne Faram, dont l'établissement secondaire français était domicilié à la même adresse que la société ETR ; qu'il constate que Mme Y... disposait pour l'exécution de ce mandat du papier commercial à en-tête de la société Faram, et que c'est également elle qui représentait cette société lors de la signature du marché conclu par le groupement d'entreprises avec la chambre commerciale ; qu'il relève encore que cette personne a agi en qualité de mandataire du groupement d'entreprises Faram/Mécanobloc, qu'elle disposait du papier commercial à en-tête du groupement et, que c'est en se prévalant de cette qualité de mandataire du groupement qu'elle a sous-traité, par lettre du 21 janvier 1998 à l'en-tête du groupement, une partie du marché "extension" à la société Sudisolec et qu'elle a reçu notification de l'agrément de ce sous-traitant par le maître de l'ouvrage ; qu'il constate encore qu'il est établi par l'expertise que dans l'exécution du chantier "Roumanille", la société Mécanobloc avait donné à la société ETR de larges pouvoirs de représentation puisque, premièrement, à la demande du conseil de la société Faram, Mme Y... a déclaré "Mécanobloc avait pris des accords avec la société ETR, sans qu'il y ait eu de contrat écrit entre les deux sociétés, pour que celle-ci assure les fonctions de bureau d'études, le suivi et la coordination des travaux, ainsi que le règlement des sous-traitants, la société ETR se faisant rembourser sur factures par Mécanobloc", deuxièmement, sur les procès-verbaux des réunions de chantier, Mme Y... était mentionnée en qualité de représentant de la société Mécanobloc, troisièmement, la société ETR a reçu du maître d'ouvrage des paiements pour le compte de la société Mécanobloc qu'elle lui a rétrocédés, quatrièmement, la société ETR a facturé à la société Mécanobloc des honoraires de bureau d'études et de suivi de chantier qui lui ont été payés ; qu'il relève encore l'implication profonde de la société ETR sur les deux chantiers concernés, alors qu'elle n'avait pas et ne pouvait avoir, en raison de son objet social, du fait de son activité de bureau d'études, une mission de sous-traitant, ainsi que la nature des actes qu'elle a effectués, de même que la reconnaissance, par le maître de l'ouvrage et lors des réunions de chantier, des qualités successives de mandataire du groupement d'entreprises et de la société Mécanobloc ; qu'il retient enfin la circonstance que les travaux litigieux dont la société ETR a passé commande, sans qu'il soit allégué qu'ils lui auraient été confiés en sous-traitance, se rattachent aux marchés dont le groupement et la société Mécanobloc étaient respectivement attributaires ; qu'en l'état de ces constatatations et énonciations, la cour d'appel, abstraction faite des motifs critiqués par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision de retenir l'existence d'un mandat tacite ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa deuxième branche et est inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.