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Décisions

Cass. 1re civ., 11 mars 1986, n° 84-12.940

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Joubrel

Rapporteur :

M. Bernard

Avocat général :

M. Rocca

Avocats :

SCP Labbé et Delaporte, SCP Nicolas, Massé-Dessen et Georges, SCP Boré et Xavier

Douai, du 15 févr. 1984

15 février 1984

Attendu que, suivant acte reçu le 5 octobre 1976 par M. C..., notaire, Jean-Marie Z..., déclarant agir tant en son nom personnel et comme administrateur de la communauté existant avec son épouse, qu'en qualité de mandataire de celle-ci, a reconnu devoir à M. B... et à Mme Y... la somme d'un million de francs, qu'il s'est obligé à rembourser le 5 avril 1977 ; qu'il était stipulé que, pour le cas où la somme ne serait pas remboursée le 5 octobre 1977, Jean-Marie Z... promettait de vendre à M. B... et à Mme Y... dix appartements dépendant d'un immeuble sis à Tourcoing, en compensation du solde dû à cette date sur le montant du prêt, sans qu'il y ait lieu de faire de compte entre les parties ; qu'en outre, le promettant s'interdisait toute nouvelle location des appartements dont il s'agit ; que Jean-Marie Z... est décédé sans avoir effectué aucun versement, après avoir été déclaré en liquidation des biens ; que M. X..., syndic de cette liquidation a, les 8 et 19 septembre 1977, assigné M. B... et Mme Y... en nullité de la promesse de vente consentie le 5 octobre 1976, en se fondant, à titre principal, sur l'article 742 du Code de procédure civile, subsidiairement sur le fait que le prix n'était ni déterminé, ni déterminable, en violation de l'article 1591 du Code civil ; que Mme Z..., soutenant qu'elle n'avait donné ni mandat à son défunt époux, ni son accord à la promesse de vente, est intervenue dans l'instance pour demander l'annulation de cette convention, en application des articles 1424 et 1427 du Code civil ; que M. B... et Mme Y... se sont prévalus de l'existence d'un mandat apparent donné au mari ; qu'ils ont appelé en la cause le notaire C... afin de le faire déclarer responsable du préjudice par eux subi, pour manquement à son devoir de conseil ; que l'arrêt attaqué a prononcé la nullité de la promesse de vente, sur le fondement de l'article 742 du Code de procédure civile, a décidé que Mme Z... devait être considérée comme un tiers par rapport à l'acte du 5 octobre 1976, puis a condamné le notaire C... à payer à M. B... et à Mme Y... la somme de 50 000 F, à titre de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. B... et Mme Y... font grief à la Cour d'appel d'avoir déclaré nulle la promesse de vente portant sur dix appartements, souscrite le 5 octobre 1976, au motif que se trouve réalisée une formule de définition de garantie et de mise en oeuvre extrajudiciaire de celle-ci qui aboutit à faire échec à la disposition de l'article 742 du Code de procédure civile, alors qu'à défaut de mandat de vendre donné au créancier, la convention litigieuse ne constituait pas une clause de voie parée et qu'ainsi l'article précité aurait été violé ;

Mais attendu que la juridiction du second degré a constaté que, par l'acte du 5 octobre 1976, M. B... et Mme Y... ont consenti un prêt d'un million de francs à M. Z..., lequel a promis de leur vendre dix appartements pour le cas où la somme ne serait pas remboursée le 5 octobre 1977, moyennant un prix égal au montant restant dû à cette dernière date, sans qu'il y ait lieu de faire de comptes entre les parties ; que de ces constatations il résulte que le prix de vente, qui n'était pas déterminé, n'était pas davantage déterminable à la date de l'acte ; que par ce motif de pur droit, la nullité de cette promesse de vente se trouve légalement justifiée et que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Rejette le moyen.

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1985 du Code civil ;

Attendu que l'arrêt attaqué, écartant l'existence d'un mandat apparent, a encore décidé que Mme Z..., qui n'était pas partie à l'acte de reconnaissance de dette contenant une promesse de vente, n'était pas tenue par l'engagement de son époux, au motif essentiel que M. B... et Mme Y... auraient pu éviter leur erreur ;

Attendu, cependant, que la juridiction du second degré énonce que, dans l'acte dressé le 5 octobre 1976 par M. C..., notaire, Jean-Marie Z... est notamment présenté comme agissant en qualité de mandataire de son épouse, " en vertu des pouvoirs qu'elle lui a conférés suivant acte reçu par Maître A..., notaire à Roncq " ;

Attendu que ces constatations font apparaître que M. B... et Mme Y... pouvaient légitimement croire aux pouvoirs du mandataire résultant, en apparence, d'une procuration notariée mentionnée dans l'acte litigieux dressé par un officier public, tenu par son devoir de conseil de s'assurer de l'existence de la procuration à laquelle il se réfère et de l'étendue des pouvoirs du mandataire ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et, sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour limiter à la somme de 50 000 F l'évaluation du préjudice résultant de la faute du notaire C... pour manquement à son devoir de conseil, l'arrêt attaqué retient qu'il n'est pas établi que les prêteurs auraient tiré profit de sa mise en garde et qu'il est seulement démontré qu'ils n'ont pas bénéficié de la possibilité d'éviter de conclure le prêt ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi alors que l'acte litigieux précise qu'" il est arrêté entre les parties les conventions suivantes (.) sans lesquelles le prêt qui précède n'aurait pas eu lieu ", la Cour d'appel a dénaturé la convention et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a écarté l'existence d'un mandat apparent donné par Mme Z... à son époux, et en ce qu'il a limité à la somme de 50 000 F la condamnation de M. C..., notaire, l'arrêt rendu le 15 février 1984, entre les parties, par la Cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens.