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Décisions

Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-22.742

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Ponsot

Avocat général :

M. Douvreleur

Avocats :

SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Zribi et Texier

Rennes, du 12 juin 2018

12 juin 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 juin 2018), un acte sous seing privé intitulé « promesse cession synallagmatique de parts sociales », indiquant que M. X... et M. E... (les cessionnaires) s'engageaient à acquérir la totalité des parts sociales détenues par MM. O... et H... (les cédants) dans le capital de deux sociétés, les SARL JLG et DDB, exerçant l'activité d'agent immobilier, et de douze sociétés civiles possédant les locaux dans lesquels ces activités étaient exercées (le groupe JLG), a été signé le 12 mars 2012. Les actes de cession ont été régularisés le même jour et un acompte de 30 000 euros a été immédiatement réglé, le solde devant l'être au plus tard le 30 avril 2012.

2. S'estimant victimes de manœuvres dolosives, les cessionnaires ont, le 1er août 2012, assigné les cédants devant le tribunal de grande instance, aux fins d'obtenir des dommages-intérêts et la nomination d'un expert avec mission de déterminer la valeur des parts sociales des sociétés cédées. Reconventionnellement, les cédants ont demandé que les cessionnaires soient condamnés à leur payer le solde du prix.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. E... fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes, notamment indemnitaires, de le condamner, solidairement avec M. X..., à payer diverses sommes aux cédants, alors « qu'une personne ne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent que lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ; qu'en retenant que M. E... était fortement impliqué dans le projet de cession, qu'il était présenté comme le fils de M. X... et que d'autres actes signés le même jour selon le même procédé n'ont pas été contestés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser les circonstances pouvant autoriser les cédants, qui agissaient à titre professionnel, à ne pas vérifier les pouvoirs de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1985 et 1998 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1985 du code civil :

4. Il résulte de ce texte qu'une personne ne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent que lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs.

5. Pour juger que M. X... disposait du mandat de représenter M. E..., l'arrêt, après avoir relevé que M. X... a signé l'acte de cession de parts sociales du 12 mars 2012 en y apposant sa signature et ses initiales en son nom personnel et sa signature "P/P" K... E...", retient que M. E... a pu créer l'apparence d'avoir donné mandat du fait de son implication forte dans le projet, en adressant au cours de l'automne 2011 plusieurs courriels relatifs à des frais de structures, des prévisionnels dans lesquels il révélait ses compétences et capacités, en recevant systématiquement les courriels relatifs à la situation des sociétés devant être acquises, et en constituant, peu avant avec M. X... « pour les besoins et/ou dans le cadre du projet de rachat », une société Immostart, dont l'objet était la transaction et la location d'immeubles et la participation dans toute société ayant cet objet social.

6. L'arrêt constate en outre que M. E... était présenté comme le fils de M. X... en décembre 2011 dans le projet d'acquisition du groupe JLG, et qu'il n'hésitait pas à signer « K... E... X... » dans plusieurs lettres adressées en novembre, décembre 2011 et février 2012 à l'une des agences du groupe, laissant ainsi se créer une apparence de parenté entre M. X... et lui-même, de nature à faire croire lors de la signature de l'acte en l'existence d'une harmonie, d'une confiance réciproque et d'une communauté d'intérêts des deux acquéreurs dans leurs rapports personnels.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser les circonstances autorisant les cédants à ne pas vérifier les pouvoirs de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.