CA Versailles, 12e ch., 30 juin 2015, n° 13/08370
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
SCI DU PEINTRE LEBRUN
Défendeur :
ENTREPRISE MARIE (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme ROSENTHAL
Conseillers :
M. LEPLAT, Mme GUILLOU
Avocat :
SELARL LEPORT & Associés
Vu l'appel interjeté le 13 novembre 2013, par la Sci du Peintre Lebrun d'un jugement rendu le 24 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Versailles qui:
* a déclaré la société Entreprise Marie irrecevable en son exception d'incompétence et l'a déboutée de la fin de non recevoir pour prescription,
* a dit que le bail consenti le 28 décembre 2000 par la Sci du Peintre Lebrun à la société Entreprise Marie pour des locaux situés [...] s'est trouvé renouvelé pour une période de 9 années entières et consécutives à compter du 5 juillet 2012, date de signification du droit de repentir par le bailleur,
* a fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Entreprise Marie du 1er janvier 2010 au 4 juillet 2012 à la somme annuelle de 7.432,98 euros en principal, hors taxes et hors charges, et a condamné en deniers ou quittances la société Entreprise Marie à en régler le montant à la Sci du Peintre Lebrun,
* a fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 5 juillet 2012 à la somme annuelle de 8.127,65 euros en principal,
*a condamné la Sci du Peintre Lebrun à payer à la société Entreprise Marie la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais de la procédure de référé, les frais de l'expertise judiciaire;
Vu les dernières écritures en date du 3 février 2014, par lesquelles la Sci du Peintre Lebrun demande à la cour de:
confirmer le jugement en ce qu'il :
* a déclaré la société Entreprise Marie irrecevable en son exception d'incompétence et l'a déboutée de la fin de non recevoir pour prescription,
* a dit que le bail consenti le 28 décembre 2000 par la Sci du Peintre Lebrun à la société Entreprise Marie pour des locaux situés [...] s'est trouvé renouvelé pour une période de 9 années entières et consécutives à compter du 5 juillet 2012, date de signification du droit de repentir par le bailleur,
* a fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 5 juillet 2012 à la somme annuelle de 8.127,65 euros en principal,
infirmer le jugement en ce qu'il:
* a fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Entreprise Marie du 1er janvier 2010 au 4 juillet 2012 à la somme annuelle de 7.432,98 euros en principal, hors taxes et hors charges, et a condamné en deniers ou quittances la société Entreprise Marie à en régler le montant à la Sci du Peintre Lebrun,
statuant à nouveau,
* dire que l'indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur locative hors plafonnement,
* fixer l'indemnité d'occupation annuelle en principal, hors taxes et hors charges, due entre la fin du bail et l'exercice du droit de repentir, à la somme de 23.904 euros correspondant à la valeur locative sur laquelle a été appliqué l'abattement de précarité d'usage,
* en conséquence, condamner la société Entreprise Marie au versement de la somme de 42.816 euros correspondant à l'indemnité d'occupation en principal, hors taxes et hors charges, due du 1er janvier 2010 au 5 juillet 2012, après déduction des sommes déjà versées au titre du loyer (23.904 X 2,5 années - 16.944 = 42.816),
* ramener à de plus justes proportions l'indemnité allouée à la société Entreprise Marie au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
* débouter la société Entreprise Marie de ses demandes, fins et conclusions contraires,
* condamner la société Entreprise Marie au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
Vu les dernières écritures en date du 24 mars 2014, aux termes desquelles la société Entreprise Marie prie la cour de:
* confirmer le jugement entrepris,
* subsidiairement, sur le montant de l'indemnité d'occupation, fixer un abattement de 70% sur la valeur locative brute telle que définie à dire d'expert,
* y ajoutant, condamner la Sci du Peintre Lebrun au versement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure;
SUR CE, LA COUR
,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :
*par acte sous seing privé du 28 décembre 2000, la Sci du Peintre Lebrun a consenti à la société Entreprise Marie, qui exerce une activité de peinture, revêtements de murs et de sols, un bail commercial portant sur des locaux situés [...], pour une période de 9 années à effet au 1er janvier 2001, moyennant un loyer annuel de 35.445 francs,
* le loyer a été porté en dernier lieu à la somme annuelle de 6.777,60 euros,
* par acte d'huissier du 26 juin 2009, la Sci du Peintre Lebrun a fait délivrer à la société Entreprise Marie un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction,
* par ordonnance de référé du 30 septembre 2010, Mme M. a été désignée en qualité d'expert,
* le 14 juin 2011, la société Entreprise Marie a assigné la Sci du Peintre Lebrun devant le tribunal de grande instance de Versailles en paiement d'une indemnité d'éviction, sollicitant un sursis à statuer dans l'attente du rapport d'expertise,
* par acte d'huissier du 5 juillet 2012, la Sci du Peintre Lebrun a signifié à la société locataire son droit de repentir,
* par acte d'huissier du 16 juillet 2012, la société Entreprise Marie a accepté le principe du renouvellement du bail;
***********************
Considérant que ne sont pas remises en cause devant la cour les dispositions du jugement entrepris qui ont :
* déclaré la société Entreprise Marie irrecevable en son exception d'incompétence et l'a déboutée de la fin de non recevoir pour prescription,
* dit que le bail consenti le 28 décembre 2000 par la Sci du Peintre Lebrun à la société Entreprise Marie pour des locaux situés [...] s'est trouvé renouvelé pour une période de 9 années entières et consécutives à compter du 5 juillet 2012, date de signification du droit de repentir par le bailleur,
* fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 5 juillet 2012 à la somme annuelle de 8.127,65 euros en principal;
Considérant en ce qui concerne ces dispositions, qu'il résulte de l'examen auquel la cour s'est livrée tant de fait que de droit que les premiers juges ont fait une juste appréciation des règles de droit aux faits de la cause par une motivation pertinente que la cour adopte, de sorte que la décision déférée sera confirmée sur ces points;
Sur l'indemnité d'occupation:
Considérant que la Sci du Peintre Lebrun conteste devant la cour le montant de l'indemnité d'occupation fixé par le premier juge, pour la période du 1er janvier 2010 au 5 juillet 2012, à la somme annuelle de 7.432,98 euros;
Qu'elle expose que l'indemnité d'occupation due en application de l'article L.145-28 du code de commerce n'est pas soumise à la règle du plafonnement, notamment entre la date d'expiration du bail et l'exercice du droit de repentir, de sorte que cette indemnité doit être fixée à la valeur locative;
Qu'elle soutient ainsi que la cour ne manquera pas de réformer la décision dont appel en ce qu'elle a fixé le montant de l'indemnité d'occupation à une somme correspondant au loyer plafonné et fixera son montant à la somme annuelle de 23.094 euros en principal hors taxes et hors charges, correspondant à la valeur locative sur laquelle s'applique un abattement de précarité d'usage de 10%;
Considérant que la société Entreprise Marie expose que la Sci du Peintre Lebrun n'a mis en oeuvre la procédure d'éviction, par l'effet d'un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction, que dans le seul but d'exercer un moyen de pression sur son locataire, pour tenter d'obtenir une révision du montant du loyer, en dehors des règles du plafonnement, celle-ci sachant pertinemment que compte tenu de la localisation du bien, les critères du déplafonnement sont inapplicables;
Qu'elle réplique qu'à juste titre les premiers juges ont fixé l'indemnité d'occupation à la valeur de 7.432,98 euros pour la période du 1er janvier 2010 au 5 juillet 2012, après avoir fixé la valeur locative du bail renouvelé à la somme annuelle de 8.127,65 euros à compter du 5 juillet 2012;
Qu'elle relève que la Sci du Peintre Lebrun ne conteste pas le calcul de la valeur locative de renouvellement tel qu'elle résulte du jugement entrepris;
Qu'elle sollicite ainsi la fixation de l'indemnité d'occupation au regard de la valeur locative en renouvellement pour la somme de 7.432,98 euros;
Qu'à titre subsidiaire, si la cour se référait à la valeur locative, elle prétend à un abattement de précarité de 70% sur la valeur du calcul réalisé par l'expert en page 37 de son rapport, soit 26.560 euros -70%;
Considérant que selon l'article L.145-28 du code de commerce, jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, le locataire a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré, toutefois l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII, compte tenu de tous éléments d'appréciation;
Considérant en l'espèce, que Mme M., expert judiciaire, désignée pour rechercher tous éléments permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction et le montant de l'indemnité d'occupation due par la société locataire à compter du 1er janvier 2010, relève en page 29 de son rapport que le loyer de renouvellement n'aurait pas été déplafonné en raison de l'absence de modification pendant le bail échu ayant eu une influence notable sur le commerce exercé, qu'ainsi en l'absence de motif de déplafonnement, le loyer de renouvellement aurait été calculé sur la base du loyer plafonné, soit à 7.432,98 euros;
Considérant en ce qui concerne le calcul de l'indemnité d'occupation, qu'en page 37 du rapport, l'expert a estimé la valeur locative annuelle à compter du 1er janvier 2010, à la somme annuelle de 26.560 euros, dont à déduire en premier lieu, un abattement de 10% pour précarité d'usage aboutissant à une indemnité de 23.904 euros représentant une année de bénéfice de la société locataire, en second lieu, un abattement de 25%, en raison de la faible marge dégagée et du différentiel important entre le loyer actuellement payé et la valeur locative afin de ne pas mettre en péril l'activité de la société Entreprise Marie, soit une somme de 17.928 euros supérieure de 10.495 euros à la valeur locative en renouvellement;
Considérant que l'indemnité d'occupation due entre la date d'expiration du bail et l'exercice du droit de repentir doit être fixée à la valeur locative, indépendamment de la règle du plafonnement;
Que si le rapport d'expertise de Mme M. est susceptible de donner des informations à la cour pour exercer son pouvoir d'appréciation, il n'en demeure pas moins que l'indemnité d'occupation constitue une indemnité statutaire, de nature à rémunérer la contrepartie de la jouissance des lieux dans lesquels la société Entreprise Marie bénéficiait d'un droit au maintien avant que par l'exercice de son droit de repentir ne provoque le renouvellement du bail;
Qu'il convient nécessairement de tenir compte de la précarité de l'occupation pendant la période du 1er janvier 2010 au 5 juillet 2012 qui conduit à un abattement sur la valeur locative découlant du refus de renouvellement;
Qu'il n'est pas contesté que le différentiel important, relevé par l'expert, entre d'une part, les montants du loyer du bail expiré, du loyer de renouvellement et d'autre part, le montant de la valeur locative met en péril l'activité de la société Entreprise Marie compte tenu de son chiffre d'affaires et de son bénéfice;
Que cette situation économique, les difficultés occasionnées au locataire par le refus de renouvellement du bail et l'exercice du droit de repentir justifient un abattement substantiel sur la valeur locative;
Que compte tenu de ces éléments d'appréciation, l'indemnité d'occupation sera fixée à la somme de 8.000 euros par an, soit pour la période considérée du 1er janvier 2010 au 5 juillet 2012 à la somme de 8.000 euros X 2,5 ans = 19.333 euros;
Qu'il convient en tant que de besoin de condamner la société Entreprise Marie à payer la somme de 19.333 euros à la Sci du Peintre Lebrun, en deniers ou quittances, soit après déduction des sommes déjà versées, la somme de 19.333 -16.944 euros= 2.389 euros;
Sur les autres demandes:
Considérant que le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens en application de l'article L.145-58 du code de commerce et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application;
Qu'en vertu de ce dernier texte, il y a lieu de faire partiellement droit aux prétentions de la société Entreprise Marie, au titre de ses frais irrépétibles exposés à l'occasion de ce recours, contre la Sci du Peintre Lebrun qui doit supporter la charge des dépens d'appel conformément à l'article L.145-58 du code de commerce;
PAR CES MOTIFS
Statuant par décision contradictoire
Confirme le jugement déféré sauf sur le montant de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er janvier 2010 au 5 juillet 2012,
L'infirme sur ce point et statuant à nouveau,
Fixe à 8.000 euros l'indemnité d'occupation annuelle due par la société Entreprise Marie à la Sci du Peintre Lebrun à compter du 1er janvier 2010 jusqu'au 5 juillet 2012, soit pour cette période, à la somme de 19.333 euros,
Condamne en tant que de besoin la société Entreprise Marie à payer à la Sci du Peintre Lebrun la somme de 19.333 euros en deniers ou quittances, soit après déduction des sommes déjà versées, la somme de 2.389 euros ,
Y ajoutant,
Condamne la Sci du Peintre Lebrun à payer à la société Entreprise Marie la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la Sci du Peintre Lebrun aux dépens d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.