Cass. 3e civ., 28 janvier 2016, n° 14-18.628
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 18 mars 2014), que Mmes X... et Y..., propriétaires d'un local à usage commercial donné à bail à la société Royal Center II, lui ont délivré un congé comportant refus de renouvellement du bail avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'invoquant, d'une part, divers manquements contractuels, d'autre part, une cause de dénégation du statut des baux commerciaux tirée de l'activité civile de la société locataire, les bailleresses l'ont assignée en résiliation du bail et en rétractation de leur offre d'indemnité d'éviction ; que, la société locataire ayant été placée en redressement judiciaire, MM. Z... et A..., désignés respectivement en qualité de mandataire judiciaire et d'administrateur judiciaire, ont repris l'instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Royal Center II, MM. Z... et A..., ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de la première, de déclarer valable le congé avec refus d'indemnité d'éviction, d'ordonner son expulsion et de la condamner à payer à Mmes X... et Y... une certaine somme au titre du compte locatif arrêté au 1er juillet 2013 et une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer, alors, selon le moyen, que le bailleur ne peut revenir sur son offre d'indemnité d'éviction que s'il découvre postérieurement au congé les causes excluant l'application du statut des baux commerciaux ; qu'en affirmant que le bailleur pouvait toujours invoquer, postérieurement au congé, une cause d'inapplicabilité du statut sans qu'il importe qu'il l'ait connue au moment du congé, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 145-57, L. 145-17, L. 145-14, L. 145-8, L. 145-1 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'activité réelle et effective que la société Royale Center II exerçait dans les lieux était de nature civile dès lors qu'elle sous-louait tous les locaux de la galerie dont elle était locataire et qu'elle n'avait jamais exploité une autre activité dans les trois années précédant la date du congé, la cour d'appel a exactement retenu que cette circonstance, peu important qu'elle ait été connue du bailleur au montant de la délivrance du congé, autorisait celui-ci à dénier le droit au renouvellement et au paiement d'une indemnité d'éviction ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter les demandes tendant à la reconnaissance d'un manquement à l'obligation de délivrance, en paiement de dommages-intérêts et d'un solde de loyers, l'arrêt retient que les allégations de la société Royal Center II concernant le mauvais état de l'immeuble étaient démenties par le mémoire signifié en 2006 lors de l'instance en fixation du loyer renouvelé, lequel avait seulement mis en évidence une dégradation des facteurs locaux de commercialité ;
Qu'en statuant ainsi, sans analyser le rapport d'expertise qui indiquait que l'état de vétusté des locaux nécessitait une réhabilitation lourde et que les nombreuses non-conformités constatées étaient de nature à porter atteinte à la sécurité du public et sans répondre aux conclusions de la société Royal Center II qui soutenait qu'une grande partie des locaux n'avait pu être ni exploitée ni sous-louée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y a lieu de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Royale Center II de sa demande en paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts et de sa demande en suspension des loyers et en ce qu'il la condamne au paiement de la somme de 139 414,13 euros représentant le solde du compte locatif arrêté au 1er juillet 2013 et d'une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer à partir de cette date, l'arrêt rendu le 18 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée.