Cass. 3e civ., 28 mai 1997, n° 95-14.352
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beauvois
Rapporteur :
M. Toitot
Avocat général :
M. Sodini
Avocats :
SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, M. Vuitton
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 juin 1994), que la compagnie des Salins du Midi et Salines de l'Est (la compagnie), propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail aux époux X..., les a avisés de la résiliation de ce bail en raison de la ruine du bâtiment ; que les preneurs ont assigné la bailleresse aux fins d'expertise pour rechercher si l'état de l'immeuble résultait d'un défaut d'entretien et de réparations ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande et de décider que le bail est résolu de plein droit, alors, selon le moyen, 1° que, si la résolution du bail résulte de la perte de la chose louée quelle qu'en soit la cause, la responsabilité du bailleur à l'égard du preneur n'est écartée que s'il établit que la perte est due à un cas fortuit ou de force majeure ou à la faute du preneur ; que, dès lors, en retenant, pour débouter les époux X... de leur demande d'expertise et décider que le bail liant les parties était résilié de plein droit par application de l'article 1722 du Code civil, la chose louée étant détruite par cas fortuit, que les époux X... n'apportant pas le moindre élément de fait ou de droit au soutien d'un manquement de leur bailleur, la société Salins du Midi et Salines de l'Est, à son obligation d'entretien foncier, la ruine de l'immeuble, qui se traduisait par une menace d'effondrement du premier étage, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et ainsi violé l'article 1315 du Code civil ; 2° que le refus d'expertise ne peut être justifié en application de l'alinéa 2 de l'article 146 du nouveau Code de procédure civile que par la carence dans l'administration de la preuve de la partie à qui elle incombe ; que, dès lors, la preuve de la perte de la chose louée par cas fortuit ou de force majeure incombait au bailleur, qui l'invoque pour justifier une résiliation de plein droit sans dédommagement ; qu'en déclarant, pour débouter les époux X... de leur demande d'expertise tendant à rechercher si l'état de ruine de l'immeuble qui avait motivé la résiliation de leur bail par la compagnie Salins du Midi et Salines de l'Est ne résultait pas d'un défaut d'entretien, d'un manque de réparations foncières des propriétaires successifs, qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, la cour d'appel a violé l'alinéa 2 de l'article 146 du nouveau Code de procédure civile ; 3° que le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, une consultation ou une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ; que, dès lors, les époux X..., qui contestaient la résiliation de leur bail opérée par leur bailleresse pour ruine de l'immeuble loué, ayant sollicité une expertise pour rechercher si l'état de ruine actuel de l'immeuble était dû à une absence d'entretien ou un défaut de réparations foncières des propriétaires, en affirmant, pour les débouter de cette demande d'expertise, qui ne portait que sur les causes de la ruine de l'immeuble, que sa formulation tendait à soumettre à l'expert une question de droit, la cour d'appel, qui ne pouvait retenir que la ruine de l'immeuble était un cas fortuit, sans examiner s'il n'y avait pas eu défaut d'entretien du bailleur, a violé l'article 232 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, ayant relevé que les preneurs se prévalaient de la faute de la bailleresse pour lui dénier le droit d'invoquer la résiliation de plein droit du bail en conservant ainsi le droit à une indemnité d'éviction, en application de l'article 9-2° du décret du 30 septembre 1953 et que la ruine de l'immeuble, se traduisant par une menace d'effondrement du premier étage, n'était pas contestée par le locataire, la cour d'appel, qui, sans inverser la charge de la preuve, a souverainement apprécié l'opportunité d'ordonner une mesure d'instruction, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.