Cass. com., 26 juin 1984, n° 83-10.049
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Fautz
Avocat général :
M. Cochard
Avocat :
Me Foussard
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 73 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu, selon ce texte, que les associés d'une société anonyme ne supportent les pertes résultant d'une absence d'actif social qu'à concurrence de leurs apports ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société L'Age d'or (la société), société coopérative de construction, a été créée sous la forme d'une société anonyme à capital variable entre diverses caisses de retraite, dont l'Institut de prévoyance et de retraite du commerce et de la réparation automobile (l'IPRCRA) ; qu'elle avait pour objet la construction d'une résidence pour personnes âgées ; que faute d'avoir bénéficié, relativement à l'objet social, d'un avis favorable de l'organisme de tutelle des caisses de retraite, une assemblée générale extraordinaire des associés a décidé de ne pas mettre en oeuvre la construction envisagée ; que néanmoins, des dettes résultant de la charge d'un bail à construction contracté par la société et des frais d'études techniques et financières commandées par celle-ci furent engagées sans que la société ait procédé à aucun appel de fonds correspondant à ces dépenses, que la société ayant été mise en liquidation des biens, et le syndic ayant réclamé à chacun des associés le paiement "de sommes résultant du passif social de la société proportionnellement à leurs droits", l'arrêt a fait droit à cette demande en condamnant l'IPRCA au paiement de l'insuffisance d'actif de la société proportionnellement au nombre d'actions par elle souscrit" au motif que l'article 57 des statuts de la société prévoit "qu'à l'expiration de la société ou en cas de dissolution anticipée, l'assemblée générale désigne un ou plusieurs liquidateurs chargés de procéder aux cessions d'attributions de logements et autres locaux ... le paiement du passif social autre que le prêt d'aide à la construction est supporté par chacun des sociétaires proportionnellement à ses droits tels qu'ils sont déterminés à l'article 25 ci-dessus" ; que cette disposition statutaire "est d'évidence dérogatoire au droit des sociétés anonymes, et notamment à la limitation des risques formulée à l'article 73 de la loi du 24 juillet 1966, laquelle n'est pas comme il est prétendu, d'ordre public, mais seulement supplétive" ; qu'au demeurant si le titre III de la loi du 16 juillet 1971, qui traite des sociétés coopératives de construction et le décret d'application du 29 décembre 1872 ne contiennent aucune disposition sur la limite de responsabilité des associés, l'obligation résultant de l'article 57 ne fait que reprendre celle qui est édictée au titre II, article II, de ladite loi, à propos des sociétés constituées en vue de l'attribution d'immeubles aux associés par fractions divises, lesquelles portent licence de se constituer sous les différentes formes prévues par la loi" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société coopérative de construction avait choisi d'exercer son activité sous la forme d'une société anonyme régie par la loi du 24 juillet 1966, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les diverses autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en son entier, l'arrêt rendu entre les parties le 15 octobre 1982 par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon.