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Décisions

Cass. com., 24 février 1998, n° 95-13.606

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Leclercq

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Me Choucroy, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez., SCP Ancel et Couturier-Heller

Paris, du 10 février 1995

10 février 1995

Joint les pourvois nos 95-13.606 et 95-13.619, qui attaquent le même arrêt :

Statuant sur les divers moyens soutenus à l'appui de ces deux pourvois :

Met hors de cause M. Y..., contre lequel aucun moyen n'est dirigé ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 février 1995), qu'un fonctionnaire du " service des fonds particuliers " à la Recette générale des finances à Paris a souscrit la mention " bon pour provision à l'échéance pour la société Segame " sur des lettres de change tirées sur cette société par la société Natalie Seroussi et M. X... ; que ceux-ci ont réclamé paiement des lettres de change au Trésor public, en le prétendant avaliste ;

Attendu que la société Natalie Seroussi et M. X... font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes, alors, selon les pourvois, d'une part, que le Trésor public, lorsqu'il donne son aval sur une lettre de change dans le cadre du service de dépôt de fonds particuliers assuré par les comptables du Trésor, effectue valablement une opération de banque, prévue par la loi du 24 janvier 1984 et son décret d'application du 24 juillet 1984 si bien que la cour d'appel a faussement appliqué l'article 73 de la loi du 23 décembre 1946, ensemble l'article 8 de la loi du 24 janvier 1984 et le décret du 24 juillet 1984 ; alors, d'autre part, qu'en énonçant, d'office et sans permettre aux parties de s'expliquer sur ce point, que la loi du 24 janvier 1984 n'avait pas fait l'objet d'un décret d'application, en Conseil d'Etat, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction, ainsi que l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, et a méconnu les dispositions du décret du 24 juillet 1984 ; alors, en outre, que si l'article 73 de la loi du 23 décembre 1946 prévoit qu'aucune garantie ne peut être accordée par l'Etat sans qu'intervienne une loi, ce texte ne vise que la couverture des risques affectant l'intérêt économique national et non la garantie accordée par le Trésor en tant qu'avaliseur d'une lettre de change au profit d'un particulier que s'agissant en l'espèce d'une garantie de cette nature, il n'était pas nécessaire pour qu'elle soit valablement accordée qu'elle fût instituée par une loi ; que dès lors en se fondant sur l'article 73 de la loi du 23 décembre 1946 pour refuser de reconnaître la validité des garanties en cause, la cour d'appel a violé par fausse interprétation le texte susvisé ; alors, au surplus, que l'article 8 de la loi du 24 juin 1984 disposant que le Trésor public peut assurer les opérations de banque prévues par les dispositions législatives et réglementaires qui le régissent et que les règlements du comité de la réglementation bancaire peuvent, sous réserve des adaptations nécessaires et dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, être étendus aux comptables du Trésor assurant un service de dépôt de fonds aux particuliers, l'article 11 de la même loi exemptant ceux-ci de l'interdiction faite par l'article 10 à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel et l'article 2 du décret en Conseil d'Etat, pris pour l'application de l'article 8 susvisé, renvoyant au ministre des Finances la faculté d'étendre aux comptables du Trésor assurant un service de dépôt de fonds aux particuliers les règlements du comité de la réglementation bancaire relatifs aux conditions des opérations de banque effectuées par les établissements de crédit, la cour d'appel a violé ces textes en en déduisant la nécessité d'une loi pour autoriser un comptable du Trésor assurant un service de dépôt de fonds aux particuliers de délivrer un aval sur une lettre de change domiciliée dans son service ; et alors, encore, qu'il n'est fait aucune interdiction aux personnes placées hors du champ d'application de la loi du 24 janvier 1984 d'avaliser occasionnellement une lettre de change ;

que dès lors, en considérant que le trésorier-payeur général n'avait pas pu valablement consentir ces avals aux motifs qu'il n'était pas soumis à la loi de 1984 et qu'aucune garantie ne peut être accordée par l'Etat sans qu'intervienne une loi, en vertu de la loi de 1946 susvisées, tout en constatant le caractère occasionnel d'un tel acte et son accomplissement par un comptable public chargé de la gestion des comptes de particuliers, la cour d'appel a violé ensembles ces lois et l'article 130 du Code de commerce, alors, au demeurant, qu'il n'incombe pas au bénéficiaire d'un aval, non professionnel du droit, de s'assurer de la justification des pouvoirs du signataire d'un aval, si bien qu'en faisant peser sur la société Natalie Seroussi la charge de vérifier, de façon approfondie, les pouvoirs du comptable du Trésor, et en refusant en conséquence à cette société le droit de se prévaloir d'un mandat apparent, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1985 du Code Civil ; alors, d'ailleurs, qu'il ressort de l'article 121 du Code de commerce que le tiers porteur bénéficiaire d'une lettre de change avalisée n'est de mauvaise foi, que lorsqu'il a connaissance de l'exception opposable et qu'il a en acquérant l'acte litigieux, agi sciemment au détriment du débiteur cambiaire ; qu'en l'espèce les motifs de la cour d'appel sont inopérants à établir que M. X... et la BSS avaient une telle connaissance de l'exception qui pouvait leur être opposée et la cour d'appel n'a pas même envisagé la question de savoir si M. X... et la BSS avaient, en acquérant la lettre, agi sciemment au détriment du débiteur ; que, dès lors, en considérant que le Trésor public pouvait opposer l'exception tirée de l'absence de pouvoir du signataire de l'aval à M. X... et la BSS, sans constater qu'ils avaient une connaissance précise de cette exception et qu'ils avaient en acquérant la lettre avalisée agi sciemment au détriment du Trésor public, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 121 du Code de commerce ; et alors, enfin, que l'aval d'une lettre de change étant un acte de commerce par la forme, il peut être consenti par toute personne qu'elle soit ou non commerçante pour peu qu'elle ait la capacité de s'engager ; que dès lors en considérant que M. X... et la BSS ne pouvaient valablement réclamer la garantie du Trésor public motif pris de ce qu'il ne rentrait pas dans les opérations normales et ordinaires du Trésor, organisme d'Etat, de consentir des garanties, tel l'aval à un particulier pour des opérations commerciales privées, la cour d'appel, qui a constaté le caractère occasionnel de l'aval ainsi donné, n'a pas déduit les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et partant a violé l'article 632, alinéa 11, du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que, dès lors qu'était invoqué devant elle l'article 8 de la loi du 24 janvier 1984, c'est sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel a recherché à quelles conditions était soumise son application ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le Trésor public ne pouvait pratiquer l'aval de lettres de change ni en tant qu'opération de banque, ni à titre occasionnel, ce dont il résulte que nul ne peut être son mandataire pour un tel engagement ;

Que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.