CA Toulouse, 2e ch., 26 octobre 2016, n° 10/03527
TOULOUSE
Arrêt
Autre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Salmeron
Conseillers :
M. Sonneville, M. Delmotte
Exposé des faits et procédure :
La SNC T. D. exploite un fonds de commerce de vente de journaux, débit de boissons et tabac à Saint-Girons dans un immeuble acquis en 2006 par Gilles P..
A la suite du constat dressé le 5 mai 2009 par un huissier de justice désigné sur requête, Gilles P. a adressé le 2 juin 2009 à la SNC T. D. une mise en demeure valant congé sans renouvellement pour motifs graves et légitimes :
- la non-exploitation des deux pièces à l'étage, diminuant ainsi la valeur commerciale des locaux,
- l'exploitation de la cour sans autorisation,
- l'installation d'une alarme rendant impossible l'accès normal à l'immeuble,
- la démolition d'une grange située dans la cour sans autorisation.
Par acte du 10 septembre 2010, la SNC T. D. a fait assigner Gilles P. afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 244.534 euros à titre d'indemnité d'éviction, outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (cpc).
Par jugement du16 juin 2010 , le tribunal de grande instance de Toulouse a:
- dit que la démolition de la grange sans autorisation du bailleur constitue un manquement grave justifiant le refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction,
- débouté la SNC T. D. de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la SNC T. D. de sa demande sur le fondement de l'article 700 du cpc.
Le 29 juin 2010, la SNC T. D. a interjeté appel du jugement.
Par arrêt du 9 novembre 2011 n°344, la cour d'appel de Toulouse a infirmé le jugement entrepris et a ordonné avant-dire droit une expertise.
Le rapport d'expertise a été déposé le 18 février 2013 . L'expert propose une indemnité principale de 125.000 euros, une indemnité pour licenciements de 2.900 euros et une indemnité pour frais d'acquisition de 12.500 euros.
Par jugement du tribunal de commerce de Foix du 18 février 2013, la SNC T. D. a été placée en liquidation judiciaire, Maître B. étant désigné en qualité de liquidateur.
Maître B., ès-qualités, est intervenu volontairement à l'instance d'appel par conclusions du 7 mars 2014.
Par arrêt n°206 mixte en date du 25 juin 2014, la cour a :
-reçu l'intervention volontaire de Maître B., es-qualités,
-déclaré irrecevables les conclusions de Gilles P. transmises par RPVA le 31 mars 2014,
-déclaré irrecevable le bilan 2012 de la SNC T. D. , communiqué le 19 mars 2014,
-jugé que la SNC T. D. a droit à une indemnité d'éviction correspondant à la perte du droit au bail ,
-ordonné avant-dire droit une expertise,
-commis en qualité d'expert Michel S. avec pour mission notamment d'évaluer le droit au bail perdu à la date de la restitution des clés.
Le rapport d'expertise a été déposé le 14 septembre 2015.
La clôture a été fixée au 28 juin 2016.
Prétentions et moyens des parties :
Par conclusions notifiées le 31 mai 2016 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Jean Lucien B. en qualité de mandataire judiciaire de la SNC T. D. demande de :
-prendre acte de l'intervention volontaire de Me B.,ès qualités,
- homologuer le rapport d'expertise
- juger que les indemnités accessoires (indemnité de licenciement et frais d'acquisition d'un fonds de commerce équivalent) doivent être intégrées au montant de l'indemnité d'éviction totale
-condamner Gilles P. à lui verser la somme de 29.740 euros à titre d'indemnité d'éviction
-condamner Gilles P. à 5.000 euros en application de l'article 700 du cpc.
Il fait valoir que :
- l'expert a évalué l'indemnité d'éviction au titre du droit au bail à 14.340 euros
- l'expert a souligné l'impossibilité de transfert d'activité pour accueillir l'activité du Café de Lédar
-la nécessité dès lors d'intégrer dans les indemnités accessoires les indemnités de licenciement et les frais d'acquisition d'un fonds de commerce équivalent soit respectivement 2.900 euros et 12.500 euros (10% de la valeur du fonds habituellement retenu)
Par conclusions notifiées le 13 juin 2016 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, Gilles P. demande, au visa des articles L145-14 et L145-28 du code de commerce, de :
-juger que l'indemnité d'éviction qu'il doit s'élève à 14.340 euros
-débouter Me B., ès qualités, de l'intégralité de ses demandes
-condamner Me B., ès qualités, aux dépens et à lui verser 3.500 euros en application de l'article 700 du cpc.
Il fait valoir que :
- le montant de l'indemnité d'éviction retenu par l'expert judiciaire soit 14.340 euros correspondant au droit au bail
-le fait que la cour a déjà établi que l'indemnité ne pouvait être supérieure à la valeur du droit au bail
-sur les demandes d'indemnités accessoires, il n'est fourni aucun justificatif des indemnités de licenciement et les licenciements ne sont pas dus au congé délivré par le bailleur mais à la liquidation judiciaire avec une date de cessation des paiements fixée au 31 décembre 2012 bien avant le dépôt du rapport d'expertise
-la demande de frais d'acquisition est infondée pour une société liquidée et ne correspond pas aux critères posés par l'article L145-14 du code de commerce s'agissant de l'indemnité d'éviction.
Motifs de la décision :
Les parties ne contestent pas la valeur du droit au bail perdu à la date de la restitution des lieux loués telle qu'elle a été évaluée par l'expert judiciaire soit 14.340 euros.
En revanche Me B., ès qualités, sollicite le paiement d'indemnités accessoires liées aux frais de licenciement que la SNC T. D. a dû supporter et aux frais d'acquisition d'un nouveau fonds de commerce.
Gilles P., bailleur, oppose au preneur le fait que les indemnités accessoires sollicitées ne correspondent pas à un préjudice découlant directement du non-renouvellement du bail.
Il convient de rappeler qu'en application de l'article L145-14 du code de commerce, le preneur a droit à réparation de son préjudice intégral lié au non-renouvellement du bail.
La liquidation judiciaire de la SNC T. D. a été prononcée le 18 février 2013 et la date de cessation des paiements fixée au 31 décembre 2012.
Il n'est, par ailleurs, pas établi par Me B., ès qualités, à qui incombe la charge de la preuve, de lien direct entre les frais de licenciement et le non-renouvellement du droit au bail par congé adressé le 2 juin 2009 alors que l'exploitation du fonds s'est poursuivie jusqu'à l'ouverture de la procédure collective le 18 février 2013 et ce d'autant plus qu'il ne justifie pas du montant des frais de licenciement qu'il allègue.
Par ailleurs, la SNC T. D., preneur, a été liquidée par jugement du 18 février 2013 ; elle ne peut donc solliciter une indemnité de frais de réinstallation alors qu'elle n'existe plus.
Il convient de fixer l'indemnité d'éviction à la valeur du droit au bail perdu telle que définie par l'expert judiciaire et débouter Me B., ès qualités, de ses autres demandes.
Gilles P., qui succombe en appel, supportera les dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.
La Cour alloue 2.000 euros d'indemnités à Me B., ès qualités, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Par ces motifs :
La cour,
Vu les arrêts mixtes de la cour des 9 septembre 2011 et 25 juin 2014,
-condamne Gilles P. à verser à Me B. ,ès qualités, la somme de 14.340 euros au titre de l'indemnité d'éviction liée au congé délivré par le bailleur en 2009
-déboute Me B., ès qualités, de ses autres demandes
-condamne Gilles P. aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise
Vu l'article 700 du cpc,
-condamne Gilles P. à verser à Me B., ès qualités, 2.000 euros.