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Décisions

CA Orléans, ch. com. économique et financière, 18 décembre 2014, n° 14/00450

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Acces Photo (SARL)

Défendeur :

CPLH (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Raffejeaud

Conseillers :

Mme Hours, M. Monge

TGI Tours, du 26 déc. 2013

26 décembre 2013

EXPOSÉ :

La S.A.R.L. CPLH, succédant à la SCI Murturone en qualité de propriétaire à [...] (aujourd'hui [...]), d'un local loué à la S.A.R.L. Access Photo pour l'exploitation d'un fonds de studio de photographie et négoce de matériel et accessoires pour la photographie, a fait délivrer le5 janvier 2011 à sa locataire un congé sans offre de renouvellement et sans offre de paiement d'une indemnité d'éviction en arguant d'une transformation partielle, sans autorisation, des locaux loués à titre commercial et professionnel en local d'habitation. Sur contestation du preneur, le tribunal de grande instance de Tours a dit par jugement du 22 novembre 2011, définitif, que ce congé n'était pas fondé et donc dépourvu d'effet, il a jugé que la société Access Photo était en conséquence fondée à percevoir une indemnité d'éviction et avant dire droit sur cette indemnité, il a ordonné une expertise en désignant pour y procéder M. Jean P., lequel a déposé son rapport définitif le 10 juillet 2012.

La société Access Photo a quitté les lieux le 31 juillet 2012.

Par jugement du 26 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Tours a

-condamné CPLH à verser à Access Photo une somme de 109.654,95 euros à titre d'indemnité d'éviction, sauf à en déduire la provision de 50.000 euros déjà versée, cette indemnité recouvrant 78.000 euros au titre de la valeur du fonds, 7.800 euros de remploi, 2.000 euros pour frais divers, 2.245 euros au titre du trouble commercial, 2.870 euros au titre de l'indemnité de licenciement du salarié et 16.739,49 euros pour frais de déménagement

-condamné Access Photo à payer à CPLH 20.000 euros de dommages et intérêts au titre de dégradations affectant les locaux, et 5.929,37 euros au titre des quatre derniers loyers impayés correspondant aux mois d'avril à juillet 2012, soit une somme totale de 25.929,37 euros

-rappelé que ces créances réciproques se compensaient jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives conformément aux articles 1289 et 1290 du code civil

-condamné CPLH aux dépens incluant les frais d'expertise, sans indemnité de procédure.

La S.A.R.L. CPLH a relevé appel.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :

- le 5 juin 2014 par la société Access Photo

- le 8 juillet 2014 par la société CPLH.

La S.A.R.L. Access Photo demande à la cour de retenir la valeur proposée par M. P. et de lui allouer avec intérêts depuis le 8 septembre 2012 et capitalisation des intérêts

.98.000 euros au titre de la valeur du fonds

.9.800 euros à titre d'indemnité de remploi

.2.000 euros d'indemnité pour frais divers

.5.092,10 euros au titre du coût du licenciement du salarié

.16739,49 euros au titre des frais de déménagement

.15.714,93 euros d'indemnité pour trouble commercial du 31/07/2102 au 30/04/2014

.et 748,33 euros par mois depuis le 1er mai 2014 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir.

Elle se reconnaît débitrice du seul loyer de juillet 2012 soit 1.482,64 euros et conclut à la compensation de cette dette avec sa créance.

Elle reproche aux premiers juges de n'avoir pas adopté la valorisation proposée par l'expert en appliquant un coefficient injustifié et en méconnaissant la notoriété du commerce, implanté depuis un demi-siècle, et la bonne fonctionnalité des locaux. Elle tient pour pertinente la méthode adoptée par M. P., qui combine trois critères d'évaluation. Elle conteste tout abattement en raison de son départ des lieux, en rappelant qu'elle avait reçu congé. Elle récuse toute irrecevabilité de la demande qu'elle formule en appel au titre de l'indemnisation du trouble commercial, en faisant valoir au visa de l'article 565 du code de procédure civile qu'elle tend aux mêmes fins que celle qui était réclamée en première instance, calculée désormais par mois.

S'agissant des réparations locatives, elle objecte qu'elle ne répond pas de la vétusté, que le constat invoqué n'est pas contradictoire, qu'il a été dressé quinze jours après son départ de sorte que les lieux avaient pu être modifiés, que les devis produits sont excessifs, et que les lieux ne seront pas remis en état puisque la propriétaire vient d'obtenir un permis de démolir.

S'agissant des loyers, elle maintient avoir réglé ceux de mai à juin 2012 par un chèque dont la bailleresse lui a accusé réception, et n'être pas responsable de son défaut d'encaissement.

La S.A.R.L. CPLH invoque le déclin continu des photospécialistes depuis dix ans, reproche à l'expert judiciaire d'avoir omis de tenir compte de l'incidence de l'absence de valeur du droit au bail, et à la locataire de l'avoir privée de son droit de repentir en quittant les lieux, elle indique avoir consulté l'expert-comptable P. qui prône un coefficient de 40%, et elle demande en définitive à la cour de retenir pour le fonds une valeur de 47.000 euros, à laquelle elle admet qu'il faut ajouter 4.700 euros au titre de l'indemnité de remploi, 2.000 euros pour frais divers et 2.245 euros pour trouble commercial, soit un total de 55.945 euros. Elle s'oppose au surplus des prétentions adverses en arguant d'irrecevabilité, pour cause de nouveauté, la demande formulée au titre du trouble commercial.

Elle maintient qu'il lui reste bien dû quatre mois de loyers soit 5.929,37 euros en niant avoir encaissé le chèque reçu et en objectant que l'appelante n'en établit pas le débit.

Elle forme aussi appel incident du chef des réparations locatives, qu'elle demande à la cour de chiffrer à 63.709,57 euros en soutenant au vu du constat que les locaux furent laissés dans un mauvais état qui relève de dégradations et non pas de la vétusté, ajoutant que c'est cet état déplorable qui l'a précisément conduite à se résoudre à faire démolir l'immeuble.

Il est référé pour le surplus aux conclusions récapitulatives des plaideurs.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 25 septembre 2014, ainsi que les avocats des parties en ont été avisés.

MOTIFS DE L'ARRÊT

:

* sur l'indemnité d'éviction

Attendu, s'agissant de l'indemnité principale, qu'en application de l'article L.145-14, alinéa 1 du code de commerce, l'indemnité d'éviction doit réparer le préjudice causé au locataire par le défaut de renouvellement ; qu'en l'espèce, où il s'agit d'un fonds de photographe avec studio, et vente d'appareils, matériels et consommables, qui avait su se maintenir depuis 1951 dans un quartier excentré dont il s'était manifestement attaché la clientèle résidentielle, la bailleresse ne prouve ni ne prétend que l'activité pourrait être poursuivie sans perte significative de clientèle, et l'expert judiciaire retient sans être contredit (cf p.12) que l'éviction entraînera la perte totale du fonds, de sorte que l'indemnité principale s'établit à la valeur du fonds;

Attendu que par une méthode argumentée et fine qui rend bien compte des particularités du fonds à valoriser, l'expert P. -notoirement rompu à cet exercice- retient une valeur de 98.000 euros, maintenue après réception de dires, en combinant trois paramètres issus de résultats retraités dont il retient la moyenne, et respectivement tirés

.le premier : de la moyenne du chiffre d'affaires HT sur les trois derniers exercices réguliers, pondérée afin de privilégier l'exercice le plus récent, soit (cf rapport p.10)119.667 euros, résultat auquel il applique ensuite pertinemment un coefficient de 80%, ainsi qu'il va être dit

.le deuxième : de la moyenne entre l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé sur les prestations et 40% de celui réalisé sur les ventes, ce qui rend compte de la structure des résultats de l'affaire, dont le technicien constate (cf p.11, 8) qu'elle présente une bonne ventilation entre des prestations de photographie qui, représentant 86,1% du chiffre d'affaires, constituent le coeur de métier du professionnel et ont bien mieux résisté à la déstabilisation affectant depuis des années le secteur de la photographie que la part des ventes d'appareils et de matériels, soumises quant à elles à la concurrence des offres sur internet et en grandes surfaces et qui constitue 10,3% du chiffre d'affaires

.le troisième : de la rentabilité moyenne du commerce appréciée sur dix années, soit depuis son rachat par le dernier exploitant en 2002, laquelle permet de rendre compte de sa capacité à avoir fait progresser de 80% le chiffre d'affaires total sur cette période, pourtant peu favorable, par rapport aux résultats des précédents commerçants (cf rapport p. 10, 11 et 15) ;

Attendu que les objections tirées par la société CPLH de l'opinion de l'expert-comptable P. n'emportent nullement la conviction, celui-ci prônant contre toute évidence un coefficient pondérateur du chiffre d'affaires de 40% qui ne correspond à aucun de ceux que préconisent les barèmes usuellement appliqués, pareil pourcentage étant celui applicable aux photographes dans les 'petites' villes de moins de 5 à 20.000 habitants selon le barème même cité par ce consultant, qui le méconnaît (cf p.16 et annexe n°11 du rapport P., où il est reproduit), ce coefficient de 80% apparaissant déjà moindre que celui de 90% prôné par ce barème et par celui des Annales des Loyers (cf annexe 12) pour les fonds de photographe exploités dans des villes de plus de 100.000 habitants -comme Tours-, étant ajouté qu'il est neutre, à cet égard, de considérer le chiffre d'affaires HT ou TVA ;

Attendu que l'évaluation proposée par l'expert judiciaire intégrant déjà, et d'une façon convaincante, dans cette combinaison de trois critères retraités, la fonctionnalité des locaux, leur localisation, leur notoriété, leurs conditions d'occupation, les charges contractuelles respectives du preneur et du bailleur, les spécificités de l'activité exercée ainsi que les tendances conjoncturelles et structurelles du marché dans lequel elle prend place, les résultats et la rentabilité du commerce, ainsi que la valeur du droit au bail -qui était tous commerces, ce qui ouvrait au locataire une bonne faculté de céder son droit au bail- la cour ne distingue pas de motif particulier de conférer, ainsi que l'ont fait les premiers juges, une incidence supplémentaire aux résultats du fonds, non plus qu'à la valeur du droit au bail des locaux -qui n'excède pas celle du fonds (cf rapport p.13) et dont la perte justifie, dans une logique indemnitaire, de compenser la privation de l'avantage patrimonial qui résulte de l'infériorité du loyer par rapport à la valeur locative-, pour en inférer un coefficient pondérateur du chiffre d'affaires moyen encore moindre que celui, de 80%, déjà inférieur à celui prôné par les barèmes, les paramètres d'incidence négative n'ayant nullement été mésestimés ;

Attendu qu'aucun élément de minoration de l'indemnité ne saurait par ailleurs être tiré du départ du locataire évincé, auquel CPLH avait donné son congé sans offre de renouvellement et dont rien ne permet de retenir qu'il aurait agi malicieusement, dans le dessein de la priver de son droit de repentir, en quittant les lieux après un jugement définitif disant que ce refus de renouvellement n'était pas fondé et qu'il avait droit à une indemnité ;

Que s'agissant de l'incidence d'une prétendue vétusté, outre qu'elle ne saurait préjudicier au preneur alors qu'il n'en répond point, l'expert judiciaire l'écarte expressément dans sa réponse à un dire, en 'constat(ant) au contraire des investissements soutenus' (cf rapport p.15) ;

Attendu qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'infirmer le jugement entrepris et de fixer la valeur du fonds à 98.000 euros ;

Attendu que l'indemnité pour frais de remploi, que rien ne dissuade de chiffrer selon l'usage à 10% de l'indemnité principale, s'en trouve donc valorisée à 9.800 euros ;

Attendu qu'il n'existe pas de contestation sur l'indemnité pour frais divers chiffrée par le tribunal à 2.000 euros conformément à la proposition de l'expert judiciaire, et qui recouvre traditionnellement des postes de frais afférents, notamment, au registre du commerce, à la publicité, et aux frais postaux ;

Attendu que s'agissant de l'indemnité pour trouble commercial, celle de 2.245 euros allouée par les premiers juges sur la base, justifiée, de trois mois de rentabilité moyenne du fonds, comme proposé par P. P., correspond exactement, ainsi qu'elle en convient (cf page 15 de ses conclusions récapitulatives) à la demande de la société Access Photo laquelle, ayant obtenu la somme même qu'elle réclamait, ne serait donc pas recevable à contester ce chef de décision ; qu'à considérer qu'il ne s'agisse, devant la cour, que d'une actualisation de sa demande, sur la même base mensuelle, pour la période postérieure aux trois mois considérés -ce qu'elle n'indique pas explicitement, et qui paraît au demeurant peu compatible avec son décompte, calculant la somme à compter de son départ des lieux, en juillet 2012, et non trois mois plus tard- pareille prétention ne serait pas fondée, cette indemnité ainsi limitée réparant suffisamment ce poste de préjudice, dont il n'est pas justifié au-delà, étant rappelé que le juge de la mise en état a alloué à la société Access Photo une provision de 50.000 euros ;

Attendu, s'agissant de l'indemnité pour frais de licenciement, que l'appelante prouve avoir dû licencier sa salariée Stéphanie L. en juillet 2012 en raison de son départ des lieux consécutif au congé, et justifie avoir déboursé à ce titre 2.870 euros d'indemnité directement versée à l'intéressée (sa pièce n°23) et 1.797 euros versés à Pôle Emploi au titre de la contribution au financement de l'allocation de sécurisation professionnelle (sa pièce n°22, page 4), soit au total une somme de 5.092 euros, conforme à la proposition de l'expert judiciaire, qui lui sera donc allouée, par réformation du jugement n'ayant retenu que le premier de ces deux postes ;

Attendu, enfin, que s'agissant des frais de déménagement, ils ont été alloués à bon droit par le tribunal à hauteur de 16.739,49 euros au vu des factures produites, peu important que l'appelante ne démontre pas les avoir acquittées puisqu'il s'agit bien de factures et non de devis;

Qu'au total, CPLH est donc redevable de (98.000 + 9.800 + 2.000 + 2.245 + 5.092 + 16.739,49) = 133.876,49 euros, sauf à tenir compte de la provision judiciaire de 50.000 euros ;

Attendu que les intérêts sur l'indemnité seront alloués, au taux légal, à compter du 8 septembre 2012, date des premières écritures de la société Access Photo en suite du dépôt du rapport d'expertise judiciaire ;

Que le bénéfice de l'anatocisme étant de droit lorsqu'il est sollicité en justice, il y a lieu par ailleurs de dire que les intérêts échus au moins pour une année entière produiront eux-mêmes des intérêts conformément à ce que prévoit l'article 1154 du code civil, à compter du 5 juin 2014, date de signification des dernières conclusions l'ayant sollicité, qui ne se réfèrent à aucune date antérieure ;

* sur le paiement des loyers ou indemnités d'occupation

Attendu qu'il n'existe pas de contestation sur le fait que l'indemnité d'occupation dont la locataire évincée est redevable jusqu'à son départ est égale au montant du loyer, d'autant que c'est ce montant qu'a appelé la propriétaire (cf sa pièce n°6) ;

Attendu qu'il est pris acte de ce que la société Access Photo a constamment reconnu rester redevable de l'indemnité d'occupation afférente à juillet 2012, mois au dernier jour duquel elle a quitté les lieux en rendant les clés ;

Attendu que pour ce qui est des mois d'avril, mai et juin 2012, l'appelante produit certes la photocopie d'un chèque bancaire de 4.440,07 euros daté du 1er juillet 2012 dont le montant correspond bien à trois mois de loyer (sa pièce n°31) ainsi qu'un courrier recommandé avec demande d'avis de réception de la société CPLH daté du 16 juillet 2012 lui accusant 'bonne réception d'un chèque d'un montant de 4.440,07 euros TTC' (sa pièce n°33), mais la société CPLH indique avoir égaré ce chèque qu'elle assure n'avoir pas encaissé, et pas plus qu'en première instance, où les premiers juges observaient déjà qu'il lui était aisé, en l'état des contestations adverses, de prouver l'encaissement de ce chèque en versant aux débats un extrait de son compte bancaire où la somme apparaîtrait au débit, la société Access Photo -à laquelle il revient de prouver le caractère effectif et libératoire de son paiement- n'établit toujours pas l'encaissement de ce chèque, par un tel relevé ou au moyen d'une attestation de sa banque, de sorte que le jugement qui l'a condamnée au paiement de 5.929,37 euros au titre de quatre mois d'indemnité d'occupation sera confirmé ;

* sur le montant des frais de remise en état des locaux loués

Attendu qu'aux termes de l'acte de renouvellement du bail commercial conclu le 29 avril 2002, la société Access Photo a reconnu avoir pris les lieux en bon état de réparations et s'est obligée à les rendre dans le même état lors de sa sortie (cf page 3) ;

Qu'elle ne répond pas, en revanche, de la vétusté, aucune clause ne le stipulant et l'article 1755 du code civil l'excluant ;

Attendu que c'est dès lors à raison que les premiers juges ont dit que la société CPLH n'était pas fondée à prétendre à la rénovation complète des lieux, dont la partie littérale de son constat démontre l'état de vétusté, normal après tant d'années d'occupation, et qu'avait aussi relevé et décrit l'expert judiciaire ;

Attendu que l'huissier de justice autorisé à dresser constat a toutefois décrit certains dégâts ne relevant pas de la vétusté ; qu'il s'agit seulement, en l'état de ce qui est lisible dans ce constat, du sol parqueté en partie démonté dans l'angle Sud-Est, de dalles sous plafond et de parois du mur en partie démontées, et d'une chaudière démontée, car pour le reste, les énonciations du jugement selon lesquelles la propriétaire verse ce constat en photocopie aux clichés photographiques illisibles n'ont manifestement pas incité l'intéressée à produire en cause d'appel un original qu'elle est pourtant censée détenir et avoir fait établir dans la perspective qu'il serve en cas de procès, et il est vrai que la reproduction des photographies y est illisible ;

Que les autres allégations de la société CPLH sont invérifiables et, en l'état des contestations adverses, ne seront pas retenues, étant observé que l'expert judiciaire venu sur place en avril 2012, quelques semaines donc avant le départ des lieux d'Access Photo, a décrit les locaux en 'état général satisfaisant' ce qui est peu cohérent avec la présence de dégradations dont rien n'accrédite par ailleurs un possible caractère délibéré lors du départ du preneur évincé ;

Que s'agissant des fils électriques dénudés, il ne s'agit pas là d'une dégradation mais d'une absence de domino après dépose des luminaires,et le coût d'un tel domino est anecdotique;

Que pour ce qui est des déchets laissés sur place, l'huissier de justice a constaté la présence de quelques objets, savoir un tabouret, un comptoir, une plaque de cuisson, quelques bidons, une échelle, 3 photos, des cartons et sacs vides, une palette, ainsi que de menus objets et cartons dans la cave, dont Access Photo devra donc supporter le coût d'enlèvement et de mise à la déchetterie, lequel ne devrait pas être très élevé, vu leur nombre, leur nature et leur volume; qu'un doute subsiste sur l'origine des objets trouvés dans le couloir commun, la société Access Photo niant qu'il s'agisse des siens et faisant pertinemment observer que le constat a été dressé le 14 août 2012 soit deux semaines après son départ, et rien ne permettant de faire prévaloir sur cette dénégation celles du voisin selon qui ces objets ne lui appartiendraient pas non plus ;

Que s'agissant de la chaudière 'démontée', aucun élément n'est produit pour établir qu'elle devrait être remplacée, comme le prévoit le devis invoqué par la propriétaire, plutôt que simplement remise en état ;

Qu'en définitive, au vu de la nature et du caractère limité des dégradations constatées, rapportées au surplus à la vétusté des lieux, il sera alloué à CPLH, au vu des tarifs du devis qu'elle produit, une somme de 10.000 euros au titre des remises en état, et de 2.000 euros au titre de l'enlèvement et de la destruction des déchets, soit 12.000 euros au total, le jugement étant réformé en ce qu'il a alloué davantage ;

* sur l'indemnité pour frais irrépétibles

Attendu qu'en première instance déjà, la société CPLH succombait sur l'essentiel de ses prétentions puisqu'elle offrait 55.945 euros d'indemnité d'éviction et réclamait 63.709,57 euros pour la remise en état des lieux -dont il est justifié qu'elle a sollicité et obtenu l'autorisation de les détruire ; qu'elle a donc été justement regardée comme la partie succombante, et aucune considération d'équité ne justifiait de ne pas mettre d'indemnité de procédure à sa charge ; qu'il en va de même en cause d'appel ; qu'elle versera donc deux indemnités pour frais irrépétibles;

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement :

INFIRME le jugement entrepris sauf en ses dispositions afférentes aux dépens et statuant à nouveau :

FIXE à la somme totale de 133.876,49 euros l'indemnité d'éviction due par la S.A.R.L. CPLH à la société Access Photo

CONDAMNE la S.A.R.L. CPLH à payer cette somme de 133.876,49 euros à la société Access Photo avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2012, sous déduction de la provision de 50.000 euros allouée le 14 février 2013 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Tours si elle a été effectivement réglée

DIT que les intérêts échus au moins pour une année entière sur cette somme produiront eux-mêmes à compter du 5 juin 2014 des intérêts conformément à ce que prévoit l'article 1154 du code civil

CONDAMNE la S.A.R.L. Access Photo à payer à la S.A.R.L. CPLH

* 5.929,37 euros au titre de quatre mois d'indemnité d'occupation

* 12.000 euros au titre des frais de remise en état des lieux et d'enlèvement et destruction des effets laissés sur place au départ du locataire évincé

ORDONNE la compensation entre ces créances réciproques jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives

DÉBOUTE les parties de leurs prétentions autres ou contraires

CONDAMNE la société CPLH à payer à la société Access Photo, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 3.000 euros au titre de l'indemnité de procédure de première instance

CONDAMNE la société CPLH aux dépens d'appel, ainsi qu'À PAYER à la société Access Photo une somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles en cause d'appel

ACCORDE à la SCP L. & L., avocat, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du code de procédure civile.