Cass. com., 22 avril 1966, n° 64-14.088
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guillot
Rapporteur :
M. Monguilan
Avocat général :
M. Gégout
Avocats :
Me Copper-Royer, Me Nicolas, Me Mayer
Sur le premier et le deuxième moyens réunis :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué (Paris - 17 octobre 1964) d'avoir, en appel d'une ordonnance de référé du Président du Tribunal de commerce, chargé un mandataire de justice de réunir dans les plus brefs délais une assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société "Le Travail-Vie" avec l'ordre du jour suivant: révocation du conseil d'administration, nomination de nouveaux administrateurs, nomination d'un commissaire aux comptes, alors, selon le pour désigner un mandataire chargé de convoquer l'assemblée pourvoi, que, d'une part, la juridiction des référés n'a compétence générale que si l'intérêt de la société l'exige et que s'il y a urgence et péril en la demeure, que les constatations de la Cour d'appel, si elles font apparaitre l'intérêt du groupe majoritaire, ne font pas apparaitre le péril social et sont insuffisantes pour justifier l'intérêt de la société dès lors qu'il existait des erganes régulièrement mis en place et dont la mauvaise gestion n'est pas établie et qu'une dissension entre la majorité et la minorité est notoirement insuffisante pour caractériser la notion d'urgence, que, d'autre part, la Cour d'appel aurait à tort invoqué au soutien de sa décision, le principe d'ordre public de la révocabilité "ad nutum" des membres du conseil d'administration par l'assemblée générale, ce principe n'étant pas de nature à faire échec aux règles totalement indépendantes qui régissent la convocation des assemblées générales, qu'à cet égard le pouvoir judiciaire ne saurait substituer l'autorité d'une de ses décisions aux conditions légales ou statutaires d'une semblable convocation que s'il est constaté que leur jeu normal se trouve faussé ou qu'un obstacle s'oppose à leur fonctionnement et qu'ainsi l'arrêt serait entaché d'une violation de la loi et d'un défaut caractérisé de motifs;
Mais attendu qu'après avoir exposé qu'un conflit a éclaté au sein de la société anonyme d'assurances "Le Travail-Vie" entre Pellé, Président Directeur Général et Piquet, Président Directeur Général adjoint, que des dissentiments se sont également élevés entre cette société et la société suisse de réassurances "Union", laquelle, devenue progressivement majoritaire, détient actuellement un peu plus de 76% des actions de "Travail-Vie", la Cour d'appel constaté qu'à l'assemblée générale tenue le 27 mai 1964 les bilans et comptes de l'exercice 1963 ainsi que les diverses résolutions présentées par le conseil d'administration furent repoussés par la majorité "écrasante" de 40.714 voix contre 4.147, celles du groupe Pellé que cependant Pellé refusa la mise aux voix d'une résolution présentée par les actionnaires majoritaires portant révocation des administrateurs en fonction qui représentent les actionnaires minoritaires, que les fonctions des commissaires aux comptes ne furent pas renouvelées pour les exercices 1964, 1965 et 1966, que la sëance fut levée dans la plus grande confusion;
Que, constatant encore que le mandataire de justice, commis pour enquête préalable, a fait connaitre dans son rapport qu'en raison du caractère irréductible des positions respectives et de l'antagonisme des intérêts en présence il n'a pu parvenir à aucune transaction, que cependant la gestion de la société ne peut être assurée d'une manière normale et qu'il est indispensable et urgent de mettre un terme à cette situation, l'arrêt déclare que la situation ainsi décrite ne saurait se prolonger sans nuire aux intérêts de la société, qu'en conséquence et sans avoir à apprécier le bien fondé des griefs formulés par la majorité des actionnaires et à préjuger du sens dans lequel ces derniers se prononceront, il y a urgence à convoquer l'assemblée générale aux fins de statuer sur les questions en litige;
Attendu que, par ces énonciations, abstraction pouvant être faite du motif surabondant que critique le second moyen, la Cour d'appel, à qui il appartenait d'apprécier souverainement le péril social et l'urgence, a légalement justifié la mesure ordonnée;
Que les deux premiers moyens ne peuvent donc être accueillis;
Sur le troisième moyen:
Attendu que Pellé ayant, de son côté, demandé par la voie du référé, la nomination d'un commissaire aux comptes, il est reproché à la Cour d'appel de n'avoir pas fait droit à cette demande, alors qu'en vertu de l'article 32 de la loi du 24 Juillet 1867 le Président du Tribunal de commerce est expressément chargé de cette nomination;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 32 alinéa 4 de la loi du 24 Juillet 1867 le Président du Tribunal de commerce est chargé de la nomination des commissaires "à défaut de nomination... par l'assemblée générale..."; qu'en l'espèce, l'assemblée générale, que le mandataire de justice a mission de convoquer et de présider, devant précisément statuer sur la nomination du commissaire aux comptes, le grief est sans fondement.
PAR CES MOTIFS:
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 17 octobre 1964 par la Cour d'appel de Paris.