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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 3 juin 2015, n° 13/10167

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

LES CLEFS DE LA RIVE DROITE (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme BARTHOLIN

Conseillers :

Mme CHOKRON, Mme PARANT

TGI Paris, du 28 fév. 2013

28 février 2013

Par acte sous seing privé du 3 octobre 2001, la SCI L., a donné à bail, en renouvellement, à Mmes Marie-Thérèse et Marie Agnès R., aux droits desquelles se sont trouvés depuis mai 2003, M. Pierre B. et Mme Marie-Thérèse R. épouse B., un local commercial à destination d'hote1 meublé, marchand de vin et restaurateur, situé [...]. Le fonds de commerce exploité par les consorts B. a été apporté à la société Les clefs de la rive droite gérée par Mme Marie-Thérèse B. par acte sous seing privé du 23 décembre 2005.

Par acte d'huissier du 8 juin 2009, la société Les clefs de la rive droite a demandé le renouvellement du bail commercial venant à échéance le 1er octobre 2009 et, par exploit du 7 septembre 2009, la SCI L. a fait signifier au preneur un acte de refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction au motif de persistance d'infractions graves au bail.

Par exploit du 3 novembre 2009, la société Les clefs de la rive droite, M Pierre B. et Mme Marie Thérèse, R. épouse B., ont assigné à jour fixe, la SCI L., représentée par Maître Monique L., ès-qualités d'administrateur judiciaire, en contestation de refus de renouvellement et demande de fixation de l'indemnité d'éviction.

Par jugement du 18 mars 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que, faute pour la société L., d'avoir délivré une sommation préalable à la locataire, alors que l'infraction reprochée de changement de destination contractuelle était, au cas où elle aurait été effectivement établie, réversible, elle ne peut refuser à sa locataire le paiement d'une indemnité d'éviction à la suite du refus de renouvellement du bail signifié le 7 septembre 2009,

- dit que ce refus a mis fin, à compter du 30 septembre 2009, au bail, et a ouvert droit à la société Les clefs de la rive droite au paiement d'une indemnité d'éviction et au droit au maintien dans les lieux moyennant paiement d'une indemnité d'occupation,

- déclaré M. Pierre B. et Mme Marie-Thérèse R. épouse B. irrecevables en leur demande de dommages et intérêts,

- débouté la société Les clefs de la rive droite de sa demande de dommages et intérêts pour abus de droit,

- avant dire droit, au fond, sur le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation, désigné en qualité d'expert M. Serge F..

La SCI L. a interjeté appel de ce jugement le 2 juin 2010. Cette instance a été enrôlée sous le n° 10 / 11577.

La société Les clefs de la rive droite a restitué les locaux par la remise des clés le 11 juin 2010.

M. F. a rédigé son rapport le 27 septembre 2011.

Suivant arrêt du 23 mai 2012, cette cour a :

- déclaré recevables les interventions volontaires de M. et Mme L.,

- confirmé le jugement du 18 mars 2010,

- évoquant sur la demande en paiement d'une indemnité d'éviction et d'une indemnité d'occupation, révoqué l'ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats pour conclusions des parties sur les demandes évoquées.

Par nouvel arrêt du 21 novembre 2012, la cour a rejeté la demande de sursis à statuer formée dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance de Paris, et a renvoyé les parties à conclure sur les demandes évoquées.

Par conclusions signifiées le 11 décembre 2012, la SCI L. a conclu au débouté des demandes des intimés et demandé à la cour de :

- dire et juger que l'indemnité d'éviction ne saurait excéder la somme de 250 000 € en principal,

- débouter les intimés de leurs demandes en paiement d'indemnités accessoires à hauteur de 304 247 €,

- fixer l'indemnité d'occupation due à compter du 1er octobre 2009 à 46 000 € par an et dire qu'elle pourra s'imputer sur les sommes pouvant revenir aux intimés,

- condamner les intimés aux dépens.

Par conclusions signifiées le 10 octobre 2012, la société Les clefs de la rive droite a conclu

- au débouté de la demande de sursis à statuer,

- à la fixation du montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 684 247 € se décomposant comme suit :

* indemnité principale : 380 000 €,

* frais de remploi : 37 000 €,

* aménagements non amortis : 132 974 €,

* trouble commercial : 16 273 €,

* frais de déménagement : 8 000 €,

* frais de réinstallation : 110 000 €,

et à la condamnation de la SCI L. au paiement de cette somme,

- au débouté des demandes de la SCI L.,

- à la condamnation de la SCI L. au paiement de la somme de 21 204 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens comprenant les frais d'expertise dont distraction.

M. Thierry B., Mme Marie-Line B. et Mme Christine B., venant aux droits de M.Pierre B., décédé 1e 8 septembre 2012, sont intervenus volontairement à l'instance.

Par arrêt du 30 janvier 2013, cette cour a ordonné le sursis à statuer sur les demandes des parties dans l'attente de l'arrêt de la Cour de Cassation à intervenir suite au pourvoi formé par les consorts L. contre l'arrêt du 23 mai 2012, et l'affaire a été radiée par ordonnance du 6 mars 2013.

Le pourvoi formé par les consorts L. contre cet arrêt a été déclaré non admis par arrêt de la Cour de Cassation du 26 novembre 2013.

Cette instance n° 10 / 11577 a été réenrôlée sous le n° 13 / 23517.

L'affaire est revenue devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris pour faire le point sur la procédure après l'arrêt du 23 mai 2012 et les parties ont alors reconclu devant le tribunal, les consorts Thierry, Marie-Line et Christine B. intervenants volontairement à l'instance comme venant aux droits de M. Pierre B..

C'est dans ces conditions que, par second jugement du 28 février 2013, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré irrecevables les interventions volontaires de M. Thierry B., de Mme Marie-Line B. et de Mme Christine B.,

- déclaré irrecevables les demandes de la SCI L., de M. Gérald L. et de Mme Beatrice L.,

- débouté la SCI L., M. Gerald L. et Mme Beatrice L. de leurs demandes,

- condamné la SCI L., M. Gerald L. et Mme Beatrice L. à payer à la société Les clefs de la rive droite et à Mme Thérése B. la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné 1'exécution provisoire,

- condamné la SCI L., M. Gérald L. et Mme Béatrice L. aux entiers dépens dont distraction.

La SCI L., Mme Béatrice L. et M. Gérald L. ont interjeté appel de ce jugement le 21 mai 2013. L'affaire a été inscrite sous le n° 13 / 10167.

Par dernières conclusions du 22 novembre 2013, signifiées dans l'affaire 13 / 10167, la SCI L. et les consorts Béatrice et Gérald L. demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du 28 février 2013,

- donner acte à Madame Beatrice L. et Monsieur Gerald L. de leur intervention aux droits de M. Roland L. dans la SCI L. et déclarer ces interventions recevables et bien fondées,

- débouter la Société Les clefs de la rive droite et les consorts B. de toutes leurs demandes,

- dire et juger que la société Les clefs de la rive droite et les consorts B. n'ont pas droit à une indemnité d'éviction, compte tenu de leur abandon des locaux après le 11 juin 2010, sans protection ni gardiennage et du mauvais état des locaux non débarrassés en totalité, et ce, pour des motifs étrangers au refus de renouvellement,

- en tout état de cause, condamner in solidum la société Les clefs de la rive droite et les consorts B. au paiement de la somme de 60 200 € à titre de remboursement et d'indemnisation, de 17 000 € en remboursement de la dépense supplémentaire de remise en état du réseau d'assainissement et de 20 000 € à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement entrepris en tout point,

- donner acte à Madame Beatrice L. et Monsieur Gerald L. de leur intervention aux droits de M. Roland L. dans la société L. et déclarer ces interventions recevables et bien fondées,

- ordonner la jonction avec l'instance n° 10 / 11577,

en tout état de cause,

- condamner in solidum la société Les clefs de la rive droite et les consorts B. au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de la même somme au titre de la procédure d'appel et aux dépens dont distraction.

Par dernières conclusions du 5 décembre 2013, la société Les clefs de la rive droite, Mme Marie-Thérèse Joséphine B. née R., M Thiery B., Mme Marie-Line B., Mme Christine B., demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du 28 février 2013 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, si la cour déclarait les demandes des appelants recevables :

- dire et juger que le droit à indemnité d'éviction de la société Les clefs de la rive droite a été reconnu par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2012 ayant autorité de la chose jugée suite à l'arrêt de la Cour de Cassation du 26 novembre 2013,

- dire et juger en conséquence que les appelants sont irrecevables à demander que la société Les clefs de la rive droite soit déchue de son droit à indemnité d'éviction,

En tout état de cause,

- dire et juger que les intimés n'ont commis aucune faute dans le cadre de la restitution des lieux loués et ont parfaitement satisfait à leur obligation d'entretien,

- débouter en conséquence la société L., Monsieur Gérald L. et Madame Béatrice L. de leurs demandes de dommages et intérêts,

Ajoutant à la décision entreprise :

- condamner solidairement la SCI L., Monsieur Gérald L. et Madame Béatrice L. à payer à la société Les clefs de la rive droite la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, dont distraction.

Par ordonnance du 18 juin 2014, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des instances enrôlées sous les nos 13 / 1067 et 13 / 23517 .

Cette instance a fait l'objet d'une clôture et d'une fixation à l'audience de plaidoiries du 24 février 2015.

MOTIFS

En l'absence de contestation de la société Les clefs de la rive droite et des consorts B., il convient de déclarer recevable l'intervention des consorts Béatrice et Gérald L., comme venant aux droits de M. Roland L. dans la SCI L..

La demande de jonction formée par la SCI L. et les consorts N. ayant été satisfaite est devenue sans objet. Il en est de même de la demande de sursis à statuer, satisfaite et devenu sans objet depuis que la Cour de Cassation a statué.

Sur la recevabilité des demandes de dénégation du droit de la société Les clefs de la rive droite au bénéfice d'une indemnité d'éviction et en paiement de dommages et intérêts formées par la SCI L. et les consorts L.

La société Les clefs de la rive droite et les consorts B. demandent à la cour de confirmer le jugement du 28 février 2013 qui a déclaré irrecevables les demandes de la SCI L. et des consorts L. ; elle rappelle que cette cour a statué, par arrêt définitif, sur le droit de la société Les clefs de la rive droite à bénéficier d'une indemnité d'éviction et qu'elle a évoqué l'entier litige.

La SCI L. et les consorts L. soutiennent, au contraire, que la dénégation du droit à l'indemnité d'éviction est liée aux conditions fautives du départ des lieux de la locataire qui la privent du droit à indemnité d'éviction et justifient leurs demandes de dommages et intérêts.

Le droit de la société Les clefs de la rive droite au paiement d'une indemnité d'éviction a été définitivement jugé par cette cour dans son arrêt du 21 mai 2012 par lequel elle a confirmé le jugement du tribunal du 18 mars 2010 qui avait notamment dit que le refus de renouvellement avait ouvert droit à la société Les clefs de la rive droite au paiement d'une indemnité d'éviction et au droit au maintien dans les lieux moyennant paiement d'une indemnité d'occupation.

Cette décision a été rendue alors que les lieux avaient été libérés le 11 juin 2010 et que la SCI L. invoquait devant la cour les conditions prétendument déplorables du départ de la locataire de sorte que les appelants sont irrecevables à voir dénier à la société Les clefs de la rive droite un droit à indemnité d'éviction qui leur a été reconnu par un arrêt de cette cour ayant autorité de la chose jugée à la suite du refus d'admission du pourvoi formé contre lui.

C'est à bon droit que le tribunal a déclaré irrecevables les demandes de dommages et intérêts formées devant lui par la SCI L. et les consorts L. après le renvoi de l'affaire suite auprononcé de l'arrêt d'évocation du 23 mai 2012, le tribunal ayant parfaitement jugé que, par l'effet de l'évocation décidée par la cour, ces demandes étaient irrecevables devant le tribunal.

Le jugement du 28 février 2013 sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris sur les frais irrépétibles et sur les dépens ( étant précise que le débouté des demandes de la SCI L. et des consorts L. portait sur leur demande d'application d'article 700 du code de procédure civile ).

Les demandes de dommages et intérêts sont par contre recevables devant cette cour puisqu'elles n'ont pas déjà été jugées , les intimés reconnaissant que l'évocation implique que l'ensemble du litige dont était saisi le tribunal soit porté devant la cour.

Sur les demandes de dommages et intérêts formées par la SCI L. et les consorts L.

La SCI L. et les consorts L. demandent l'indemnisation de leurs préjudice résultant du fait que, selon eux, les lieux n'ont pas été matériellement restitués, et notamment la chambre 4, et que les lieux ont été laissés en mauvais état de réparations locatives, nécessitant que les bailleurs entreprennent de nombreuses réparations listées dans les conclusions et effectuent la remise en état du réseau d'assainissement.

La société Les clefs de la rive droite et les consorts B. rappellent que la société Les clefs de la rive droite a, conformément à l'article L 145-29 du code de commerce, décidé de libérer les locaux en cours de procédure, ce qu'elle a fait le 11 juin 2010, suivant procès-verbal de constat d'huissier, après que constat de l'état du local a été dressé la veille, 10 juin 2010, lequel révèle que les locaux étaient en parfait état d'entretien et de propreté, qu'elle a fait diligence pour faire libérer la chambre 4 et ne peut être tenue des dégradations survenues dans les lieux après son départ.

En premier lieu, il ne peut être reproché à la société Les clefs de la rive droite d'avoir libéré les locaux le 10 juin 2010 ; elle était en effet en droit de quitter les locaux à cette date après avoir reçu le congé sans offre de renouvellement de son bailleur, sans attendre l'issue de la présente procédure.

Il résulte du procès - verbal de constat dressé le 10 juin 2010 par Me B. que l'huissier s'est vu remettre par les consorts B., le 10 juin, toutes les clefs de l'hôtel et celle des chambres aux fins de leur remise par les soins de l'huissier à Me L., administrateur judiciaire de la SCI L.. Le lendemain, il a dressé constat de la remise à Me L. d'un jeu de clefs complet des portes d'entrée de l'hôtel et de la salle de restaurant constituant les accès à l'établissement et les clefs des chambres, soit, en tout, 47 clefs et 16 bips pour la porte sur rue.

L'huissier a décrit, dans son constat du 10 juin 2010, la salle de bar, la buanderie, la courette, la cuisine, les wc , les cages d'escalier et les chambres et appartements, pour en conclure que la totalité des lieux visités a été laissé en parfait état de propreté et d'entretien , que toutes les chambres sont saines avec des peintures en très bon état et les photographies annexées au constat confirment ce bon état d'entretien.

La seule pièce qui n'était pas libérée était la chambre 4, occupée par une personne hospitalisée, au sujet de laquelle la société Les clefs de la rive droite justifie avoir fait toute diligence pour assurer sa libération, en notifiant à M. C., occupant de cette chambre, par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 février 2010, une mise en demeure de la quitter au plus tard le 31 mai 2010, et cette lettre recommandée avec accusé de réception a été expédiée à M. C. qui atteste avoir reçu cette lettre, étant hospitalisé.

La société Les clefs de la rive droite établit qu'elle a ainsi fait diligence pour remettre les clefs de l'hôtel au mandataire du bailleur, Me L., par huissier, le 11 juin 2010, et libérer les locaux, et pour faire en sorte que le dernier occupant de l'hôtel hospitalisé quitte des lieux. En tout cas, les appelants n'établissent pas que le fait d'avoir laissé la chambre 4 non débarrassée des effets de son occupant hospitalisé, fait constaté par huissier le 23 juin 2010, soit constitutif d'une faute génératrice de dommages et intérêts ou de dégradations locatives. Elle rapporte ensuite, par le constat d'huissier qu'elle verse aux débats, la preuve qu'au 10 juin 2010, date de la libération des lieux, ces derniers étaient en bon état d'entretien locatif.

Les bailleurs sont mal fondés à prétendre voir supporter par leur ancien locataire auquel congé a été donné sans offre d'indemnité d'éviction les dégradations survenues dans les lieux anciennement loués après son départ, notamment en raison de la présence de squatters ainsi que les dégradations dont ils n'ont fait constater la réalité que plusieurs mois après le départ de la locataire, soit le 7 septembre 2010, de sorte que, s'ils établissent la réalité des dégradations dans les locaux qui se trouvaient alors dans un état sans commune mesure avec celui décrit et visualisé sur les photos le 10 juin 2010, ils n'établissent pas la preuve de l'imputabilité des dégradations à la locataire. Ils ne prouvent pas plus que l'encombrement du grenier soit le fait de leur ancienne locataire.

Quant aux réparations de plomberie, aux recherches de fuite, travaux divers mentionnés sur l'attestation de l'agence Prodi mandatée pour relouer le bien, à la réfection du réseau d'assainissement, les appelants ne prouvent pas plus que ces réparations aient été causées par le défaut d'entretien des lieux ou par des dégradations de la locataire, étant rappelé que l'huissier dépêché sur les lieux lors du départ a constaté un très bon état d'entretien des lieux loués.

Il n'est pas sérieux de prétendre que la locataire serait partie sans prévenir qui que ce soit alors que les clefs ont été remises par huissier de justice à l'administrateur judiciaire de la société bailleresse.

Les frais de gardiennage resteront également à la charge des bailleurs, la remise des clefs ayant été parfaite, et il n'appartenait pas à l'ancienne locataire, mais au bailleur, d'assurer la sécurité du local repris par elle ; la demande additionnelle en paiement de 20 000 € à titre de dommages et intérêts fondée sur une prétendue mauvaise foi nullement justifiée sera rejetée.

Il convient en conséquence de débouter la SCI L. et les consorts L. de toutes leurs demandes.

Sur l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation

La société Les clefs de la rive droite demande à la cour de confirmer le montant de l'indemnité principale proposé par l'expert F., soit 380 000 €, mais conteste l'exclusion de la perte des aménagements non amortis que l'expert a motivée par l'accession au bailleur des aménagements alors que les règles de l'accession sont étrangères au débat et que l'impossibilité d'amortir les aménagements réalisés a directement pour cause le refus de renouvellement du bailleur.

La SCI L. demande que l'indemnité principale soit fixée à la somme de 250 000 €, en portant la valorisation de l'établissement non pas à 400 %, comme le propose l'expert, mais à 250 % en raison de l'exploitation limitée du restaurant, de la médiocrité de l'emplacement de l'hôtel, et de son mode d'exploitation sous forme de résidence.

Elle conteste les demandes accessoires, faisant valoir que la société Les clefs de la rive droite ne s'est jamais réinstallée, que la locataire n'a eu à exposer aucun frais de remploi, lesquels devront, en tout état de cause, varier en fonction du montant de l'indemnité principale, que la visite des lieux a permis de constater l'absence d'aménagement récent amortissable et qu'aucun justificatif n'a été produit, que le trouble commercial n'a plus lieu d'être, que la société Les clefs de la rive droite a quitté le lieux le 10 juin 2010, quelques jours après la visite de l'expert, que les chambres étaient alors presque toutes inoccupées, que les frais de déménagement ne peuvent être remboursés en l'absence de tout déménagement, les meubles ayant été laissés sur place, pas plus que les frais de réinstallation.

L'expert F., désigné par le tribunal dans son jugement du 18 mars2010, qui a visité les lieux le 27 mai 2010, soit quelques jours avant la remise des clefs, décrit les lieux comme comprenant un bâtiment sur la [...], élevé sur sous-sol, rez-de-chaussée et un étage, et un second bâtiment faisant angle [...] et [...], élevé sur sous-sol, rez-de-chaussée et 3 étages droits.

Le [...] est une artère du 12ème arrondissement très passante qui s'assimile à une autoroute urbaine ( 65 000 véhicules par jour ), moyennement accessible aux piétons en raison du trafic automobile alors que la [...] est une petite voie à sens unique ; l'immeuble est accessible depuis les stations de métro [...] et [...] et le RER A et D. L'expert décrit une implantation moyenne pour l'activité exercée, un secteur avec une commercialité inexistante et une situation d'une visibilité exceptionnelle, face à l'une des grandes voies de circulation de l'est parisien, à proximité des [...] et d'Austerlitz.

La partie café restaurant développe une surface de 91, 58 m2, pondérée à 51, 63 m2 . Elle comprend une salle de restaurant, des sanitaires, une cuisine et un sous- sol abritant 3 caves.

La partie hôtel comprend un espace laverie et 11 chambres, dont celle de l'exploitant, numérotées 2 à 12 avec cuisine ou kitchenette et salle d'eau, certaines chambres étant de petits appartements comportant une ou deux chambres. M. F. décrit des locaux en bon état extérieur et en bon état intérieur dégageant une bonne impression générale malgré un environnement bruyant en raison de la proximité de l'hôtel avec les axes quasi autoroutiers et des voies de chemin de fer et du métro aérien. Il considère l'activité comme très rentable avec une hausse du chiffre d'affaires de 33 % en 2009, une hausse importante du résultat d'exploitation en 2009.

Le taux d'occupation de l'établissement est évalué par l'expert à 90 %, compte tenu de la forte demande pour ce type d'établissement.

Sur l'indemnité principale

Aucune partie ne conteste l'impossibilité de transfert du fonds à la suite du congé, comme le propose l'expert F., compte tenu de l'activité exercée, à savoir celle d'hôtel restaurant, de la nature de l'emplacement, de la clientèle de quartier, de sorte que l'indemnité destinée à compenser le préjudice en résultant est une indemnité de remplacement calculée en tenant compte à titre principal de la valeur du fonds de commerce.

La société Les clefs de la rive droite s'en rapporte à l'évaluation expertale de 380 000 € alors que la SCI L. soutient que l'expert n'a tenu compte que de chiffrages théoriques qui ne correspondent pas, selon elle, à la réalité de la faible exploitation de cet établissement en lien avec l'âge et l'état de santé de ses exploitants. Elle conclut à une valorisation du fonds à 250 000 €.

La SCI L. ne retient cependant que les inconvénients de la situation de l'hôtel restaurant alors que, si l' établissement est effectivement situé, pour partie, sur une artère bruyante, le [...], son emplacement à proximité de 2 grandes gares parisiennes est très bon ; elle ne démontre pas au surplus que l'exploitation en résidence soit peu rentable alors qu'après avoir analysé les documents comptables de la société Les clefs de la rive droite, l'expert conclut au contraire à une bonne rentabilité de l'activité; le chiffre d'affaires TTC de la société s'est élevé entre 2007 et 2009 à 128 870 €, 128 267 € et 186 305 € ; le bilan de l'exercice 2008 établit que le résultat d'exploitation était de 41 853 € en 2008, en augmentation par rapport à celui de l'exercice 2007, soit 35 266 € et, en 2009, s'élevait à 56 855 €.

L'expert ne peut cependant être suivi en ce qu'il propose une indemnité principale calculée en fonction de la valeur moyenne résultant de différentes approches (usages, état du marché, références judiciaires, excédent brut retraité) et il convient de se référer à la méthode de valorisation du fonds par le chiffre d'affaires conforme aux usages en la recoupant éventuellement de l'approche par l'excédent brut retraité.

Le chiffre d'affaires moyen TTC des trois dernières années de la partie hôtel est de 89 225€ ,celui du café restaurant est de 54 580€ ; l'expert a proposé un coefficient de valorisation de la partie hôtel de 245 % pouvant être porté à 250 % et pour la partie restaurant de 85% pouvant être porté à 100 %, pour tenir compte de la bonne situation du fonds, de sa rentabilité et de l'exploitation résiduelle du café, ce qui aboutit à une indemnité principale de 277 642, 50 € arrondie à 280 000 €.

Sur les indemnités accessoires

La critique de la SCI L. quant à l'indemnisation des frais accessoires tient au fait que la société Les clefs de la rive droite ne s'est pas réinstallée dans un autre fonds et ne se réinstallera pas, selon elle .

Or il appartient au bailleur de rapporter la preuve que le locataire évincé ne se réinstallera pas, preuve que la SCI L. ne rapporte pas, se contentant de procéder par voie d'affirmation.

La proposition de l'expert sur le montant des frais de remploi est discutée par la SCI L. qui prétend que ces frais seraient comptés deux fois, sans donner plus d'explication ; elle sera avalisée par la cour puisqu'elle est fondée sur le calcul des droits de mutation évalués sur la base de l'indemnité principale, soit 0 % sur 23 000 €, 5 % sur 257 000 €, soit 12 850 €, et sur des honoraires juridiques et de transaction évalués à 5 % du montant de l'indemnité principale, soit 14 000 € ; total : 26 850 €.

La société Les clefs de la rive droite est mal fondée à solliciter, en sus des frais de réinstallation, une somme au titre des aménagements non amortis qui font accession au bailleur en fin de bail et ne peuvent lui être remboursés .La société Les clefs de la rive droite sera déboutée de ce chef de demande formé à hauteur de 132 974 €.

La somme réclamée au titre du trouble commercial calculée par l'expert conformément aux usages sur la base de 3 mois d'excédent brut d'exploitation retraité n'est discutée par la SCI L. que sur le principe de la réinstallation et il a déjà été indiqué que le bailleur ne rapportait pas la preuve que la société Les clefs de la rive droite ne se réinstallerait pas de sorte qu'il sera alloué à l'intimée la somme de 16 273 € conforme aux usages.

S'agissant des frais de réinstallation réclamés par la société les Clefs de la rive droite, et qui ne sont critiqués qu'au regard du défaut d'installation sur lequel il a déjà été répondu, l'expert F. les a justement évalués 110 000 € à proportion des installations et agencements abandonnés en valeur nette comptable soit 112 023 €; compte tenu du bon état des lieux délaissés et des aménagements à venir, cette somme sera allouée à la locataire sortante.

Les frais correspondant au déménagement des effets de la preneuse et aux frais administratifs divers seront fixés à la somme de 8 000 €.

Au total, l'indemnité d'éviction s'élève à la somme de 280 000 + 26 850 + 16 273 + 110 000 + 8000 = 441 123€, somme arrondie à 445 000 €, que la SCI L. sera condamnée à payer à la société Les clefs de la rive droite.

Sur l'indemnité d'occupation

La SCI L. demande à la cour de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Les clefs de la rive droite à compter du 1er octobre 2009 à la somme de 46 000 € par an en contestant les minorations et le taux d'abattement retenus par l'expert sans autre précision sur les éléments contestés.

M. F. a proposé de fixer l'indemnité d'occupation due par le preneur conformément à l'article L 145 - 28 du code de commerce à une somme annuelle de 35 305 € correspondant à la valeur locative de renouvellement compte tenu des termes de comparaison résultant tant des locations nouvelles que des accords amiables lors du renouvellement et des fixations judiciaires, en distinguant la partie café restaurant, celle du logement de l'exploitant et celle de l'hôtel ; cette appréciation non sérieusement contestée sera admise .

L'abattement de précarité proposé à 10 % de la valeur locative ( 3 531 € ), compte tenu de l'éviction, est conforme aux usages .

La cour fixe en conséquence le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Les clefs de la rive droite à la SCI L. jusqu'à la date de son départ des lieux à la somme annuelle de 31 775 €.

Sur le surplus des demandes

Il sera alloué à la société Les clefs de la rive droite la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les appelants étant déboutés de leur demande de remboursement de leurs frais irrépétibles.

La SCI L. qui succombe sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'intervention des consorts Béatrice et Gérald L., comme venant aux droits de M. Roland L. dans la SCI L.,

Déclare la SCI L. et les consorts Béatrice et Gérald L. irrecevables à voir dénier à la société Les clefs de la rive droite un droit à indemnité d'éviction,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 28 février 2013, y compris sur la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

Déclare recevables devant cette cour les demandes de la SCI L. et des consorts L. en paiement de dommages et intérêts et les déboute de ces demandes,

Fixe à la somme de 445 000 € le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Les clefs de la rive droite à la suite du congé du 7 septembre 2009 portant sur les locaux sis [...] et condamne la SCI L. à payer à la société Les clefs de la rive droite la somme de 445 000 € à titre d'indemnité d'éviction,

Fixe le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Les clefs de la rive droite à la SCI L. à compter du 1er octobre 2009 et jusqu'à son départ des lieux à la somme annuelle de 31 775 €.

Dit que les indemnités dues se compenseront entre elles ,

Condamne la SCI L. à payer à la société Les clefs de la rive droite la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SCI L. aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise, et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.