Cass. 1re civ., 10 février 1998, n° 96-13.209
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
M. Chartier
Avocat général :
M. Sainte-Rose
Avocats :
SCP Boré et Xavier, Me Garaud, SCP Rouvière et Boutet, Me Blondel, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan
Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 96-13.209, 96-13.245, et 96-13.306 ;
Met, sur leur demande, hors de cause, Mme Y..., M. X... et la compagnie Allianz via France ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la Mutuelle du Mans assurances ;
Attendu que les commissaires-priseurs composant le groupement d'intérêt économique dit " groupe Gersaint " ont reçu de différents propriétaires des objets d'art, en vue d'une vente aux enchères publiques organisée par le Groupe, à Strasbourg, les 29 et 30 novembre 1990, précédée d'une exposition de ces objets à Paris ; que le groupe Gersaint a confié à l'Union de commissionnaires de l'hôtel des ventes (UCHV), société en nom collectif, le soin d'assurer l'emballage, la manutention et la surveillance des objets, ainsi que leur transport de Paris à Strasbourg, sur la base d'un devis prévoyant l'affectation d'un camion et de quatre commissionnaires ; que la vente prévue à Strasbourg ayant été interdite par décision de justice, il a été décidé qu'après l'exposition faite de ces objets à l'Hôtel Crillon à Paris le 27 novembre, ils seraient entreposés au garde-meubles de Bagnolet dans l'attente d'une vente projetée à Paris, dans le courant du mois suivant ; que, dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, à l'issue de l'exposition, des associés de l'UCHV ont chargé les objets d'art dans le camion, en vue de leur transport à Bagnolet et, après quelques minutes de trajet, ont arrêté leur véhicule rue Lafayette à Paris, à 0 heure 22, pour prendre une consommation dans un débit de boisson ; que, dans les minutes qui ont suivi, le camion, laissé ouvert et sans surveillance, a été volé avec son chargement, pour n'être retrouvé que vidé de la majeure partie de son contenu ;
Sur le sixième moyen du pourvoi n° 96-13.209 de l'UCHV : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 96-13.209 de l'UCHV : (sans intérêt) ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° 96-13.209 de l'UCHV, pris en ses deux branches :
Vu les articles 94, 103, et 105 du Code de commerce ;
Attendu que le commissionnaire de transport est celui qui agit en qualité d'intermédiaire libre du choix des voies et moyens et conclut les conventions de transport en son propre nom ;
Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l'UCHV, tirée de la prescription de l'action engagée, au motif que le groupe Gersaint n'aurait pas, conformément aux dispositions de l'article 105 du Code de commerce, valablement fait des réserves dans les trois jours suivant la réception, l'arrêt attaqué retient, après avoir rappelé l'objet social de l'UCHV, que celle-ci a établi un devis fixant sa rémunération forfaitaire et globale, relatif au " transport, emballage et prestations pour exposition et vente ", que l'UCHV disposait, en sa qualité de professionnelle et conformément à son objet, de toute latitude quant aux modalités d'exécution, que les opérations au cours desquelles les objets d'art ont été volés ont été acceptées sans réserves par l'UCHV qui les a accomplies dans le cadre de son objet et comportaient un déplacement entre le lieu de l'exposition, destinée à assurer la promotion de la vente, et un garde-meubles, dans l'attente de leur mise en vente aux enchères publiques, et que l'activité de commissionnaire de transport réglementée est celle de professionnels mettant, comme l'a fait l'UCHV, leur expérience technique au service des expéditeurs moyennant le paiement d'une rémunération ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si, quel que soit son objet social, l'UCHV s'était adressée à un tiers, avec lequel elle aurait conclu une convention de transport en son propre nom, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes précités ;
Et, sur le premier moyen du pourvoi n° 96-13.306 de la Mutuelle du Mans, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour dire la Mutuelle du Mans assurances tenue à garantie à hauteur de 3 996 800 francs, l'arrêt retient que, sauf à vider de toute portée la police souscrite auprès de celle-ci par l'UCHV, la Mutuelle ne saurait soutenir que seuls les " biens confiés " font l'objet de la garantie, à l'exclusion des biens faisant l'objet du contrat de transport ou du contrat de dépôt ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la convention spéciale 416 a définissait les biens garantis comme étant " les biens mobiliers dont l'assuré est occasionnellement et à titre gratuit dépositaire ou emprunteur dans le cadre de son activité professionnelle, à l'exclusion des biens faisant l'objet du contrat de transport ou du contrat de dépôt ", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette stipulation ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens des trois pourvois :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt a prononcé des condamnations de l'UCHV et dit la Mutuelle du Mans assurances tenue à garantie, l'arrêt rendu le 19 décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.