Cass. 3e civ., 6 avril 2005, n° 01-12.719
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
M. Betoulle
Avocat général :
M. Gariazzo
Avocats :
SCP Boutet, SCP Piwnica et Molinié, SCP Bachellier et Potier de la Varde
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 avril 2001), rendu en matière de référé, que la société X..., prétendant être titulaire, à la suite de la cession à son profit d'un fonds de commerce intervenue le 17 juin 1999, d'un bail commercial portant sur des locaux appartenant à la société La Clairière, a assigné cette dernière en référé pour qu'il lui soit ordonné d'ouvrir des compteurs d'eau et que ceux-ci soient transportés dans un lieu accessible ; que la société La Clairière s'est opposée à cette demande en soutenant, d'une part, que la société X... n'avait pas d'existence légale au moment où elle a acquis le fonds de commerce et, d'autre part, que le bail ne pouvait être cédé pour avoir pris fin antérieurement à la cession ; que la société Mérimée, propriétaire de locaux voisins, est intervenue volontairement à l'instance pour qu'il soit ordonné à la société X... de cesser d'utiliser un collecteur qu'elle aurait illégalement installé au sous-sol et qui lui occasionnerait des dégâts des eaux ;
Attendu que les sociétés La Clairière et X... font grief à l'arrêt de dire que la cession du 17 juin 1999 est régulière, de rejeter leurs demandes tendant à voir dire que la société X... est occupante sans droit ni titre et de juger que cette société est titulaire d'une créance d'indemnité d'éviction qui lui a été cédée alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel a décidé, d'une part, que la cession du 17 juin 1999 était régulière et que la société X... n'était pas occupante sans droit ni titre et, d'autre part, que la société X... était titulaire d'une créance d'indemnité d'éviction qui lui a été cédée ; qu'il est contradictoire daffirmer que la cession a porté sur le droit d'occupation dont pouvait se prévaloir la société X... et de restreindre la cession à la seule indemnité d'éviction ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la reprise des actes accomplis pour le compte d'une société à responsabilité limitée en formation répond aux strictes conditions posées par l'article 26 du décret du 23 mars 1967 ; qu'aux termes duquel la reprise des actes antérieurs à la signature des statuts est exclusivement subordonnée à l'annexion à ces statuts d'un état des actes indiquant pour chacun d'eux l'engagement qui en résulterait pour la société ; que s'agissant de la cession du fonds de commerce du 17 juin 1999, la cour d'appel a estimé que l'acte, signé par M. X..., avait été repris par la société X... dès lors que ses statuts faisaient référence à cette cession et donnaient mandat à M. X... d'accomplir l'acte litigieux qui avait été repris par l'assemblée générale du 17 mars 2000 ; qu'en s'abstenant de constater que la cession litigieuse faisait l'objet d'un état annexé aux statuts, que le visa du mandat figurant aux statuts était inopérant dans la mesure où la cession leur est antérieure et que la reprise décidée par l'assemblée générale du 17 mars 2000 était inopérante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
3 / que les actes accomplis par une société non constituée sont nuls ; que dès lors, après avoir constaté l'absence d'habilitation du gérant de la SARL X... qui, le 17 juin 1999, n'avait nullement la capacité juridique ni pour signer l'acte de cession, ni pour donner le mandat à un gérant d'une société inexistante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 32 du nouveau Code de procédure civile et 1832,1843 et 1690 du Code Civil ;
4 / que le droit au maintien dans les lieux résultant de l'application de l'article 20 du décret du 30 septembre 1953 ouvre simplement droit à occupation précaire postérieur à l'expiration du bail commercial, ce droit au maintien dans les lieux ne bénéficiant qu'au locataire lui-même et ne pouvant être cédé ; qu'il a été constaté que la société La Clairière a notifié à la société Paul R sa renonciation au renouvellement du bail avec offre d'une indemnité d'éviction, ce qui a valablement mis fin au bail commercial et que, postérieurement à cet acte, soit le 17 juin 1999, la société Paul R a cédé à la société X... son fonds de commerce, comprenant dans la cession outre le droit à l'indemnité d'éviction, également le droit au maintien dans les lieux jusqu'à la date du paiement de cette indemnité ; qu'en décidant que la société Paul R pouvait céder un tel droit d'occupation précaire, la cour d'appel a violé l'article 20 précité, ensemble l'article 35-1 du décret du 30 septembre 1953 ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'acte de cession mentionnait que la société X... était en cours de formation, que cet acte avait été repris par l'assemblée générale de la société le 17 mars 2000 et retenu, à bon droit, que l'inexactitude de l'acte qui indiquait l'existence d'un gérant habilité en vertu des statuts était sans portée sur la validité de la cession dès lors que celle-ci avait été reprise par la société et qu'aucun grief ne pouvait être démontré, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui n'était pas demandée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Attendu, d'autre part, que sauf clause contraire incluse dans l'acte, toute cession de fonds de commerce emporte cession de la créance d'indemnité d'éviction due au cédant et du droit au maintien dans les lieux que celui-ci tire de l'article L. 145-28 du Code de commerce ;
qu'ayant relevé, à bon droit, que le caractère discrétionnaire de l'exercice par le bailleur de sa faculté de repentir ne le dispensait pas de son obligation d'accepter le maintien dans les lieux du cessionnaire du fonds tant que l'indemnité d'éviction n'était pas payée, la cour d'appel en a exactement déduit que la société X... n'était pas occupante sans droit ni titre ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.