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Décisions

Cass. 1re civ., 28 mars 2018, n° 17-16.363

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Paris 2e, du 14 févr. 2017

14 février 2017

Attendu, selon le jugement attaqué (juridiction de proximité de [...] , 14 février 2017), statuant sur renvoi après cassation (1re Civ., 30 septembre 2015, pourvoi n° 14-11.585), que Le Fonds d'assurance formation de chefs d'entreprise artisanale (le fonds) a refusé de prendre en charge le coût de formations suivies par plusieurs artisans au motif que les demandes, envoyées, en juillet 2012, par l'Association de formation des artisans coopérateurs du bâtiment (l'association), lui étaient parvenues postérieurement aux formations en cause, alors qu'un agrément financier aurait dû lui être demandé au moins quinze jours avant le début de la formation ; que l'association et quarante-neuf artisans ou entreprises artisanales (les artisans) ont assigné le fonds en paiement du coût d'un certain nombre de formations et de dommages-intérêts ; que d'autres artisans sont intervenus volontairement à l'instance ;

Sur la recevabilité du pourvoi de l'association, contestée par la défense :

Vu l'article 609 du code de procédure civile ;

Attendu que le jugement déclarant irrecevable la demande de dommages-intérêts de l'association et condamnant l'ensemble des requérants aux dépens, fait grief à l'association ; que celle-ci est donc recevable à se pourvoir en cassation ;

Sur l'irrecevabilité du moyen unique en ce qu'il est formulé par l'association, relevée d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 609 du code de procédure civile ;

Attendu que l'association est sans intérêt à la cassation du chef de la décision attaqué par le moyen, qui ne prononce aucune condamnation contre elle, ni ne préjudicie à ses droits ; que le moyen est donc irrecevable en ce qui la concerne ;

Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :

Vu les articles 631 et 632 du code de procédure civile ;

Attendu que le fonds soutient que le moyen est irrecevable au regard du principe de concentration des moyens, les demandeurs ayant contesté la régularité formelle de la décision de son conseil d'administration selon laquelle les dossiers de demande de prise en charge de formations devaient lui être adressés quinze jours avant le début de la formation, pour la première fois, devant la juridiction de renvoi alors que ce moyen aurait dû être invoqué dès l'origine ;

Mais attendu qu'il ressort des textes susvisés qu'en cas de cassation avec renvoi, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation et les parties peuvent invoquer de nouveaux moyens à l'appui de leurs prétentions ; que le moyen, en ce qu'il est formulé par les artisans ou entreprises artisanales, est donc recevable ;

Sur le moyen unique :

Attendu que les artisans font grief au jugement de rejeter leur demande, alors, selon le moyen :

1°/ que méconnaissent leur obligation de motivation les juges qui retiennent l'existence d'un fait contesté, sans mentionner ni analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en se bornant à affirmer que le fonds « à l'issue de la réunion de son conseil d'administration du 12 octobre 2011, a(vait) instauré un délai de quinze jours pour l'envoi du dossier complet d'une demande individuelle de formation », sans mentionner ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle s'appuyait pour retenir ce fait dont l'existence était contestée par les artisans qui faisaient valoir qu'une telle décision ne résultait d'aucun procès-verbal du conseil d'administration du fonds, la juridiction de proximité a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que le procès-verbal de réunion du conseil d'administration du fonds du 12 octobre 2011 ne comporte aucune décision de subordonner la prise en charge des formations par le fonds en 2012 à la présentation d'une demande en ce sens quinze jours au moins avant le début de la formation ; qu'en retenant qu'il en résultait que le fonds « à l'issue de la réunion de son conseil d'administration du 12 octobre 2011, a(vait) instauré un délai de quinze jours pour l'envoi du dossier complet d'une demande individuelle de formation », la juridiction de proximité a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que le pouvoir de déterminer les critères et les modalités de prise en charge des actions de formation financées par le fonds et de fixer les principes de gestion ainsi que les règles de procédure applicables au financement des actions de formation, appartient au seul conseil d'administration du fonds ; qu'en se fondant sur la notice de la demande individuelle pour retenir que le fonds était en droit d'opposer aux artisans la règle suivant laquelle la prise en charge des formations était subordonnée à la présentation d'une demande en ce sens quinze jours au moins avant le début de la formation, sans constater que ses termes avaient été approuvés par le conseil d'administration du fonds, la juridiction de proximité a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 6331-57 du code du travail ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'il ressort de l'article R. 6331-57 du code du travail que le conseil d'administration du fonds fixe les principes de gestion et les règles de procédure applicables au financement des actions de formation, le jugement relève que, lors de sa réunion du 12 octobre 2011, le conseil d'administration a validé les critères de prise en charge pour l'exercice 2012 et notamment, pour les demandes individuelles de formation, l'exigence de l'envoi d'un dossier complet au moins quinze jours avant le début de la formation et que la notice, qui mentionne ces conditions, rédigée en termes clairs, a fait l'objet d'une large publicité auprès des partenaires du fonds ; qu'il ajoute que les artisans n'ont fait la preuve, qui leur incombait, ni d'une quelconque irrégularité de la décision du conseil d'administration ni de la discrimination qu'ils allèguent ; que de ces énonciations et appréciations, la juridiction de proximité, qui ne s'est pas bornée à procéder par affirmation, a pu déduire, sans dénaturation, que le rejet, par le fonds, des demandes de remboursement qui n'avaient pas été présentées dans le respect des exigences figurant sur la notice était justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.