CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 2 mars 2016, n° 14/07824
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
SCI T.D. MONTARGIS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme GALLEN
Président :
Mme BARTHOLIN
Conseiller :
Mme CHOKRON
Suivant acte sous seing privé du 12 novembre 2012, la société TD Montargis (désignée à l'acte 'le bailleur') a donné à bail commercial à Christophe Z., la SARL Pro Zen, Anissa B. épouse Z. (ensemble désignés à l'acte 'les preneurs'), des locaux dépendant d'un ensemble immobilier sis [...] et formant le lot n° 524 du bâtiment 52, destinés à l'exercice exclusif d'une activité d’entreprise générale de bâtiment.
La durée du bail a été convenue pour 9 années à compter de la date de signature de l'acte avec pour les preneurs la faculté de donner congé à l'expiration de chaque période triennale.
Le loyer a été fixé à la somme annuelle, payable par quart, d'avance, de 22.800 euros hors taxes et hors charges et ce, 'compte tenu de l'état général actuel des locaux, sachant que les preneurs bénéficient d'une franchise de loyer mensuelle de 100 euros hors taxes, hors charges et hors TVA de 100 euros la première année soit du 12 novembre 2012 au 12 novembre 2013".
Par des actes sous seing privé du même jour, Christophe Z. et Anissa B. épouse Z. se sont portés, chacun, caution solidaire des engagements contractuels des preneurs à bail.
Le 8 janvier 2013, la société Pro Zen adressait à la société TD Montargis une lettre recommandée AR aux termes de laquelle elle indiquait confirmer sa demande de résiliation du bail ; le 29 janvier 2013, la locataire restituait à la bailleresse la clé des locaux.
La liquidation judiciaire de la société Pro Zen a été ouverte le 11 avril 2013 ; le 12 avril 2013, la société TD Montargis a procédé à une déclaration de créance à hauteur de la somme de 15.495,38 euros.
C'est dans ces circonstances que, suivant acte d'huissier de justice du 7 octobre 2013, la société TD Montargis a assigné devant le tribunal de grande instance de Bobigny Christophe Z. et Anissa B. épouse Z. aux fins de les voir condamner à payer, l'arriéré locatif au 1er trimestre 2013 soit la somme de 21.358,42 euros, les loyers et charges jusqu'à la fin de la période triennale en cours soit la somme de 49.039,20 euros au 11 novembre 2014, la majoration de ces sommes de 10% outre de 15% au titre de l'intérêt contractuel , la clause pénale de 5.700 euros ;
Les défendeurs n'ont pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire du 18 février 2014, le tribunal de grande instance de Bobigny a :
- dit que le bail a été résilié amiablement le 29 janvier 2013,
- condamné solidairement M et Mme Z. à payer à la SCI TD Montargis la somme de 9.095,99 euros outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- ordonne la capitalisation des intérêts,
- dit que le dépôt de garantie reste acquis à la SCI TD Montargis,
- dit que la clause pénale est ramenée à la somme de 1euro,
- débouté la SCI TD Montargis du surplus de sa demande,
- condamné solidairement M et Mme Z. à payer à la SCI TD Montargis la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M et Mme Z. aux dépens dont distraction,
- ordonné l'exécution provisoire.
La société TD Montargis (SCI) a relevé appel de ce jugement le 8 avril 2014 ; par des conclusions remises au greffe de la cour le 8 juillet 2014, elle poursuit, au visa des articles L. 145-4 et L. 145-9 du code de commerce, 1134 et 1154 et suivants du code civil, l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- condamner solidairement les époux Christophe Z. et Anissa Z. en leur qualité de preneur et de caution solidaire au paiement de la somme de 21.358,42 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 1er trimestre 2013 inclus,
- condamner solidairement les époux Christophe Z. et Anissa Z. en leur qualité de preneur et de caution solidaire au paiement de la somme de 49.039,20 euros au titre des loyers et charges courants jusqu'à la fin de la période triennale en cours, soit jusqu'au 11 novembre 2014,
- dire et juger que ces sommes seront majorées de 10% et assorties de l'intérêt au taux contractuel de 15% l'an à compter de leur exigibilité,
- ordonner la capitalisation de ces intérêts à compter de la date de l'assignation dans les conditions de l'article 1154 du code civil,
- constater l'acquisition de la clause pénale insérée dans le contrat de bail,
- en conséquence, condamner solidairement les époux Christophe Z. et Anissa Z. au paiement de la somme de 5.700 euros,
- n'accorder aucun délai de paiement supplémentaire aux débiteurs en raison de l'ancienneté de la dette,
- condamner solidairement les époux Christophe Z. et Anissa Z. en leur qualité de preneur et de caution solidaire au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Christophe Z. et Anissa B. épouse Z., intimés, n'ont pas constitué avocat ; l'acte d'assignation à comparaître devant la cour leur a été délivré le 10 juillet 2014, comportant notification des conclusions déposées par l'appelante au greffe de la cour le 8 juillet 2014 ; l'acte n'ayant pu être remis à leur personne, il sera statué par arrêt de défaut.
SUR CE :
La société TD Montargis indique, aux termes de ses écritures, que le liquidateur judiciaire de la société Pro Zen n'a pas fait savoir, à ce jour, s'il entendait poursuivre ou résilier le bail commercial ;
Elle observe qu'une décision de résiliation du bail par le liquidateur judiciaire n'engagerait en toute hypothèse que la société Pro Zen, les autres preneurs à bail demeurant liés, faute de congé notifié pour leur propre compte, jusqu'au terme de la période triennale en cours, soit, jusqu'au 11 novembre 2014, date à laquelle les preneurs sont autorisés, selon le bail, à donner congé sans avoir à attendre l'expiration du bail ;
Or, il ressort des pièces de la procédure que, Christophe Z. gérant de la société Pro Zen a adressé une lettre recommandée au gérant de la société TD Montargis le 8 janvier 2013, aux termes de laquelle il indiquait faire suite à leur conversation téléphonique du 4 janvier précédent, et confirmer sa demande de résiliation du bail pour les locaux loués [...] ; il faisait état de résultats inférieurs au plan prévisionnel et de difficultés à honorer le paiement des loyers; il en appelait, dans ces conditions, à la compréhension du bailleur pour convenir d'une résiliation amiable du bail ;
La société TD Montargis ne conteste pas avoir reçu de Christophe Z., le 29 janvier 2013, la clé des locaux et avoir, à cette date, repris la possession des lieux précédemment donnés à bail à la société Pro Zen et aux époux Z. ;
Elle a, au demeurant, accusé réception, à Christophe Z. et à Anissa Z., de la restitution de la clé, par la lettre recommandée adressée à ces derniers le 1er mars 2013 dans les termes suivants : 'Nous avons reçu les clefs le 29 Janvier 2013, du local sis [...] que nous vous avons loué selon contrat de bail signé le 12 novembre 2012" ;
En acceptant de reprendre les clefs remises par les preneurs à bail et de recouvrer la possession des locaux libres de toute occupation, la société TD Montargis a manifesté par là-même son acceptation de la demande de résiliation du bail qui lui avait été faite par la société Pro Zen, agissant par son gérant Christophe Z., suivant courrier recommandé du 8 janvier 2013 faisant suite à la conversation téléphonique du 4 janvier 2013 ;
Elle ne pouvait douter que la demande de résiliation du bail valait pour l'ensemble des preneurs, dès lors qu'elle n'ignorait pas que l'activité exclusive d'entreprise générale du bâtiment pour laquelle les locaux ont été donnés à bail, était exploitée par le seul Christophe Z. au travers de la société Pro Zen, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée dont il était le gérant, tandis que le troisième preneur, Anissa B. épouse Z., exerçant la profession d'aide-soignante en hôpital, ne déployait dans les lieux aucune activité ;
C'est en conséquence avec raison que le tribunal a déduit des circonstances de la restitution des clefs par les preneurs et de la reprise de possession des lieux par le bailleur, que le bail avait été amiablement résilié à la date du 29 janvier 2013 ;
Quant aux sommes restant dues par Christophe Z. et Anissa Z., il est fait état au contrat de bail du versement par les preneurs de deux chèques (avec l'indication du numéro de chèque, de la banque, de la date d'émission : 7 novembre 2012 pour le dépôt de garantie, 12 novembre 2012 pour le droit au bail) de 5.700 euros chacun, correspondant, respectivement, au dépôt de garantie et au droit au bail ;
La société TD Montargis prétend que les preneurs n'auraient pas réglé les sommes dues au titre du dépôt de garantie et du droit au bail et en poursuit le paiement ;
Force est toutefois de constater que le versement de deux chèques de 5.700 euros chacun par les preneurs est établi selon les mentions portées au bail et que la société TD Montargis, qui ne justifie, ni même n'allègue, que les chèques auraient été sans provision, ne produit aucun élément montrant que les sommes au titre du dépôt de garantie et du droit au bail n'auraient pas été réglées et encaissées ;
Les demandes formées de ce chef seront en conséquence rejetées ;
La société TD Montargis soutient que le loyer n'a pas été payé par les preneurs dès leur entrée dans les lieux le 12 novembre 2012 ;
Elle ne produit aucune des relances qu'elle prétend, dans ses écritures, avoir effectuées et se borne à produire un décompte dont elle est le propre auteur ;
La lettre de Christophe Z. du 8 janvier 2013, faisant état de ses difficultés financières et de sa volonté de ne pas laisser les impayés de loyers s'aggraver, corrobore toutefois les allégations de la bailleresse et suffisent à établir le manquement des preneurs à leur obligation de paiement des loyers ;
Selon le décompte de la bailleresse, les preneurs sont redevables, au prorata de la période d'occupation des locaux au 4ème trimestre 2012, soit du 12 novembre 2012 au 31 décembre 2012, de la somme de 3.103,33 euros HT, sous déduction de la franchise mensuelle de 100 euros HT HC octroyée aux preneurs durant la première année du bail 'compte tenu de l'état général actuel des locaux', ce qui donne une somme de 2.903,33 euros HT, laquelle doit être augmentée, conformément à l'article 7 du bail, de 10%, c'est-à-dire de 290,33 euros, au titre du forfait pour charges ;
Les époux Z. seront en conséquence condamnés solidairement à payer, en la double qualité de cautions et de preneur pour Mme Z., la somme de 3.193,66 euros HT au titre des loyers et charges pour la période du 12 novembre 2012 au 31 décembre 2012 ;
La résiliation du bail étant intervenue à la date du 29 janvier 2013, alors que le 1er trimestre 2013 était entamé, la société TD Montargis est fondée à poursuivre le paiement du loyer trimestriel , stipulé à l'article 6 du bail comme étant payable d'avance au 1er janvier, soit la somme de 5.700 euros HT, sous déduction de la franchise de 100 euros par mois ; elle est également fondée à réclamer le paiement de la somme de 202,33 euros au titre de la taxe foncière 2012, cette taxe ayant été mise à la charge des preneurs aux termes de l'article 7 du bail ;
Les époux Z. sont en conséquence redevables, solidairement, de la somme totale de 8.795,99 euros HT au titre des arriérés de loyers et charges ;
Il résulte des motifs qui précèdent que les preneurs ont versé à la société TD Montargis une somme de 5.700 euros, correspondant à un terme de loyer, à titre de dépôt de garantie ; ce dépôt de garantie a été convenu entre les parties, selon l'article 8 du bail, 'pour garantir l'exécution des obligations' incombant aux preneurs ;
L'article 11 du bail intitulé 'clause pénale' énonce cependant que le dépôt de garantie sera acquis de plein droit au bailleur en cas d'infraction régulièrement constatée, tant aux conditions du présent bail qu'aux dispositions législatives et réglementaires qui le gouvernent et qu'au règlement intérieur de l'immeuble ' et que le bailleur ' se réserve le droit, nonobstant l'application de la présente clause, de poursuivre les preneurs pour l'exécution des obligations résultant du présent bail, par toutes voies de droit' ;
Il s'infère des stipulations précitées des articles 8 et 11 ensemble, qu'en conséquence du manquement par les preneurs de leur obligation au paiement des loyers, la somme versée au titre du dépôt de garantie, demeure acquise, en sa totalité, à la société TD Montargis, qui est fondée à la conserver par devers elle à titre de clause pénale, sans qu'il y ait lieu à compensation avec les sommes restant dues par les preneurs au titre du contrat de bail ;
Le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce qu'il a débouté la société TD Montargis de sa demande au titre de la clause pénale ;
La société TD Montargis sera déboutée en revanche du surplus de ses demandes au fondement de la clause pénale, l'article 11 du contrat de bail ne prévoyant pour seule clause pénale que l'acquisition au bénéfice de la bailleresse du seul dépôt de garantie ;
Enfin, l'article 7 du contrat de bail stipule que 'tout loyer non payé à échéance produira, par application de l'article 1155 du code civil, intérêt au taux de 10% l'an, à compter de la date d’exigibilité, indépendamment de toute demande en justice ou mise en demeure' ;
Par réformation du jugement dont appel, qui a retenu le taux légal, il sera en conséquence statué sur les intérêts de retard selon la convention des parties et dans les termes du dispositif ci-après ;
L'équité ne commande pas de faire droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Réforme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Constate la résiliation amiable du bail au 29 janvier 2013,
Condamne solidairement Christophe Z. et Anissa B. épouse Z. à payer la somme de 8.795,99 euros HT au titre des arriérés de loyers et charges arriérés au 29 janvier 2013,
Dit que cette somme portera intérêts au taux conventionnel de 10% à compter de la date d'exigibilité soit à compter du 12 novembre 2012 à concurrence de la somme de 3.193,66 euros HT et à compter du 1er janvier 2013 pour le surplus,
Dit que le dépôt de garantie reste acquis en son intégralité à la société TD Montargis au titre de la clause pénale,
Déboute du surplus des demandes et de toutes demandes contraires aux motifs de l'arrêt,
Condamne solidairement Christophe Z. et Anissa B. épouse Z. aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.