CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 11 mai 2016, n° 14/06685
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
SCI DOMUS DULCIS REALITE HOLDINGS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme FOURNIEL
Conseillers :
M. FRANCO, Mme BRISSET
Selon acte authentique du 8 août 1994, la SCI de la [...], aux droits de laquelle se trouve la SCI Domus Dulcis Realite Holdings (DDRH) a consenti à Mme R. un bail commercial à effet au 1er août 1994, portant sur un local à usage commercial situé [...]. Le bail a fait l'objet d'un renouvellement selon acte du 30 juillet 2003. Mme R. a cédé son fonds de commerce de pressing à Mme P. B. selon acte du 25 octobre 2004.
Suite à un désaccord sur une résiliation anticipée du bail renouvelé, le bailleur a fait assigner le preneur devant le tribunal de grande instance de Périgueux aux fins de condamnation au paiement des loyers restant à courir jusqu'à la fin de la période triennale.
Par jugement du 21 octobre 2014, le tribunal a dit qu'il n'y avait pas eu de résiliation amiable du bail mais résiliation unilatérale par le preneur en dehors des délais légaux et condamné Mme P. B. à payer à la SCI DDRH la somme de 12 434,75 € avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2013 et capitalisation des intérêts. Le tribunal a en outre condamné Mme P. B. à payer à la SCI DDRH la somme de 1 500 € par application des dispositions de l' et ordonné l'exécution provisoire.
Mme P. B. a relevé appel de la décision le 13 novembre 2014.
Dans ses dernières écritures en date du 15 janvier 2015, elle conclut à la réformation du jugement et au débouté de la SCI DDRH de toutes ses demandes. Subsidiairement, elle demande qu'il lui soit donné acte qu'elle acquittera le loyer pour la période du 1er juin au 30 novembre 2013 soit 2 984,34 €. Plus subsidiairement, elle sollicite la somme de 12 434,75 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de pourparlers et compensation avec les loyers demandés. Elle sollicite enfin la somme de 1 500 € par application des dispositions de l' et dans l'hypothèse où elle bénéficierait de l'aide juridictionnelle sollicite l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle invoque un accord de résiliation amiable du bail soutenant qu'elle avait accepté la clause de non réinstallation alors en outre que le bailleur ne pouvait souffrir d'une telle réinstallation n'étant pas exploitant du fonds de commerce. Subsidiairement, elle invoque une obligation de maintenir l'offre de sorte que le bailleur aurait du accepter de signer l'acte de résiliation. Plus subsidiairement, elle invoque une rupture abusive des pourparlers.
Dans ses dernières écritures en date du 26 février 2015, la SCI DDRH conclut à la confirmation du jugement et à l'irrecevabilité des demandes nouvelles formulées à titre subsidiaire par l'appelante et à leur débouté. Elle sollicite la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif outre celle de 1 500 € par application des dispositions de l'.
Elle conteste tout accord de résiliation amiable de sorte que les loyers étaient dus jusqu'à l'expiration de la période triennale. Elle ajoute que l'appelante ne saurait se prévaloir de certaines clauses d'un acte pour en réfuter d'autres. Elle conteste toute rupture abusive des négociations et ajoute que c'est Mme P. B. qui entendait fixer unilatéralement la date à laquelle les loyers ne seraient plus dus. Elle invoque un appel abusif.
Par ordonnance du 14 mars 2016 le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation présentée sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure avait été prononcée selon ordonnance du 1er mars 2016. Compte tenu de l'incident et de l'ordonnance du conseiller de la mise en état il a été prononcé la révocation de cette ordonnance de clôture et la clôture avant les débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est constant que le bail commercial entre les parties avait fait l'objet d'un renouvellement le 30 juillet 2003 à effet au 1er août 2003 de sorte qu'il venait à expiration le 31 juillet 2012. Selon acte extra judiciaire du 28 août 2012, Mme P.-B. en a sollicité le renouvellement. Il est admis qu'à défaut de réponse du bailleur, le bail a été renouvelé puisque par application des dispositions de l'article L 145-10 du code de commerce, le bailleur est réputé, à défaut de réponse dans les trois mois, avoir accepté le principe du renouvellement.
Il s'en déduit que le congé ne pouvait être donné, en application des dispositions de l'article L 145-4 du même code, qu'à l'expiration d'une période triennale, en l'espèce à effet au 31 juillet 2015 et ce sauf à ce qu'il soit justifié d'une résiliation amiable laquelle est toujours possible.
Le débat est en l'espèce celui de l'existence d’une résiliation amiable. Pour conclure à la réformation du jugement Mme P.-B. se prévaut d'une résiliation amiable au 31 mai 2013. Il lui appartient donc d'en rapporter la preuve.
Or, s'il est constant que des discussions ont existé entre les parties, un projet d'acte ayant été établi, il est tout aussi constant que ce projet n'a pas été signé par les parties et ce du fait du refus de Mme P.-B... Elle a refusé de signer cet acte parce qu'elle ne souscrivait pas à l'ensemble des conditions posées par le bailleur dont une tenait à l'absence de relocation d'un local pour y poursuivre l'exploitation du fonds de commerce pendant une durée de 5 ans et dans un périmètre de 20 kilomètres. Cela n'est certes pas exclusif d'une résiliation tacite mais encore faut-il qu'il soit démontré un accord des parties sur ce point.
En l'espèce, Mme P.-B. ne peut se prévaloir d'un accord. En effet, s'il est constant qu'elle a remis les clés, elle agissait ainsi de manière purement unilatérale alors que la SCI DDRH a toujours refusé cette résiliation, sauf dans le cadre du projet d'acte qui constituait un tout. En d'autres termes, Mme P.-B. ne peut se prévaloir isolément de l'acceptation de la résiliation que le bailleur avait envisagée en omettant les conditions qu'il y avait mises puisque l'accord du bailleur, nécessaire à une résiliation amiable, formait un tout. Par acte du 15 mai 2013, lequel était postérieur à la lettre de Mme P.-B. dans laquelle elle indiquait qu'elle refusait la condition posée par le bailleur et donc de signer l'acte de résiliation, la SCI DDRH lui a d'ailleurs notifié ce refus. Il n'y a donc pas de résiliation amiable au 31 mai 2013.
À titre subsidiaire, Mme P.-B. se prévaut d'une résiliation au 30 novembre 2013, premier terme de loyer suivant le 4 novembre, date à laquelle elle a accepté la condition. Elle fait valoir que la SCI DDRH était tenue par son offre de résiliation laquelle ne contenait aucune date butoir de sorte que par son acceptation de toutes les conditions le 4 novembre elle aurait rendu l'accord parfait.
Cependant, là encore, Mme P.-B. procédait de manière unilatérale. Le projet d'acte de résiliation amiable ne constituait pas une offre que le bailleur aurait été tenu de maintenir pendant un délai, que l'appelante ne précise pas invoquant uniquement son acceptation dans un 'délai raisonnable'. C'est Mme P.-B. qui a sollicité une résiliation amiable du bail dans sa lettre du 28 mars 2013. Les parties se sont rapprochées et ont envisagé une telle rupture à l'amiable pour la date du 31 mai 2013, dans les conditions rappelées ci-dessus. Cet accord ne s'est pas réalisé puisque Mme P.-B. l'a refusé. Il n'était pas envisagé dans le projet d'acte de date pour que les parties manifestent leur accord sur le projet mais cette date était nécessairement celle de la rupture envisagée au 31 mai 2013. En l'absence d'accord, le bail s'est poursuivi et c'est un nouvel accord qui devait intervenir. Mme P.-B. ne pouvait de son seul chef décider qu'elle acceptait finalement la condition initiale, plusieurs mois après la date d'effet projetée de la résiliation. Dès lors sa demande tendant à ce que les loyers ne soient dus que jusqu'au 30 novembre 2013 ne pouvait être que mal fondée.
C'est donc à bon droit que le premier juge a condamné Mme P.-B. à payer à la SCI DDRH la somme de 12 434,75 € correspondant aux loyers restant à courir jusqu'à la fin de la période triennale. Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions, y compris celle portant sur le cours des intérêts, leur capitalisation et l'application des dispositions de l'.
À titre plus subsidiaire, l'appelante se fonde sur les dispositions de l'article 1382 du code civil et la théorie de l'abus de droit pour soutenir que l'intimée aurait commis une faute en retirant son offre alors qu'elle avait été acceptée.
Toutefois, il appartient à Mme P.-B. de rapporter la preuve de l'abus qu'elle invoque. Or, les conditions de résiliation d'un bail commercial sont prévues par les dispositions de l'article L 145-4 du code de commerce. La possibilité d'une résiliation amiable n'emporte pas obligation pour le bailleur d'y souscrire. En l'espèce, l'acceptation par Mme P.-B. de la condition qu'elle avait initialement rejetée, acceptation dont elle se prévaut désormais, est postérieure de plusieurs mois à la date d'effet envisagée pour la résiliation amiable. Il n'existait donc pas pour le bailleur d'obligation d'accepter après coup cette résiliation amiable et en dehors de toute circonstance particulière, non démontrée en l'espèce, il ne peut être caractérisé d'abus.
Mme P.-B. sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts venants se compenser avec les loyers dus.
L'appel étant mal fondé, Mme P.-B. sera condamnée au paiement de la somme de 1 000 € par application des dispositions de l'article 700 CPC et aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Mme P.-B. de sa demande indemnitaire,
Condamne Mme P.-B. à payer à la SCI Domus Dulcis Realite Holdings la somme de 1 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme P.-B. aux dépens et dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par maître A...
Le présent arrêt a été signé par Madame Catherine FOURNIEL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.