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Décisions

Cass. com., 14 juin 2017, n° 16-12.867

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 19 nov. 2015

19 novembre 2015


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2015), que la société Actebis a confié, au mois de novembre 2005, le transport de matériels informatiques à la société Heppner, commissionnaire, qui s'est substitué M. X...; qu'à la suite d'un arrêt du chauffeur sur un parking, la marchandise a été volée ; qu'ayant été assignée en paiement de la valeur totale de la marchandise par la société Actebis, qu'elle a indemnisée au terme d'une transaction, la société Heppner a appelé en garantie M. Y..., en qualité de liquidateur de M. X..., et l'assureur de ce dernier, la société Axa France IARD ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Heppner fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une faute lourde la négligence d'une extrême gravité confirmant au dol et démontrant l'inaptitude du transporteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le chauffeur de M. X... s'était trouvé en fin de journée à seulement vingt-trois km des locaux des Transports Eric X... disposant d'un parc clôturé et d'entrepôts fermés, qu'il n'avait pourtant pas pris la décision de s'y arrêter afin de sécuriser les marchandises pour la nuit et avait préféré s'arrêter sur l'aire de stationnement d'un restaurant qui ne présentait aucune garantie de sécurité, bien qu'il ait pris connaissance de la nature sensible de celles-ci au plus tard lors du chargement ; qu'en refusant néanmoins de retenir, au regard de ces éléments, la faute lourde du transporteur au motif inopérant tiré de ce que le chauffeur devait mettre à profit son temps de conduite pour se rapprocher du lieu de la livraison, quand les exigences de sécurité devaient prévaloir sur celles de célérité ou de rentabilité, la cour d'appel a violé l'article L. 133-1 du code de commerce et l'article 1150 du code civil ;

2°/ qu'en refusant de retenir la faute du chauffeur, pour avoir négligé de sécuriser en fin de journée des marchandises sensibles en rejoignant des locaux adaptés qui n'étaient situés qu'à une courte distance (vingt-trois kilomètres) du lieu où il se trouvait, au motif inopérant tiré de ce que celui-ci devait mettre à profit son temps de conduite pour se rapprocher du lieu de la livraison, tout en constatant qu'il avait pris une pause d'une heure et demie pour convenances purement personnelles qui l'avait nécessairement retardé dans son trajet sans aucune utilité pour le transport, la cour d'appel a violé l'article L. 133-1 du code de commerce et l'article 1150 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, en refusant de retenir la faute du chauffeur, pour avoir négligé de sécuriser en fin de journée des marchandises sensibles en rejoignant des locaux adaptés qui n'étaient situés qu'à une courte distance (vingt-trois kilomètres) du lieu où il se trouvait, motif pris de ce qu'il devait mettre à profit son temps de conduite pour se rapprocher du lieu de la livraison, sans constater pour autant, qu'en se rendant dans les locaux précités, le chauffeur aurait compromis l'exécution à bonne date de cette livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 133-1 du code de commerce et 1150 du code civil ;

4°/ qu'en refusant de retenir la faute du chauffeur, pour avoir négligé de sécuriser en fin de journée des marchandises sensibles en rejoignant des locaux adaptés qui n'étaient situés qu'à une courte distance (vingt-trois kilomètres) du lieu où il se trouvait, au motif inopérant tiré de ce qu'il n'avait pas épuisé son temps de conduite, la cour d'appel a violé les articles L. 133-1 du code de commerce et 1150 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'il ne peut être reproché au chauffeur de ne pas s'être arrêté dans des locaux sécurisés situés en dehors de sa route, même à vingt-trois kilomètres, dès lors qu'il n'avait pas épuisé son temps de conduite ; qu'il retient encore que le chauffeur s'est arrêté après avoir conduit pendant treize heures et en un lieu où il pouvait dîner et stationner son camion, qu'il a regagné après son repas et qu'il n'a plus quitté ensuite ; qu'il relève, enfin, que si l'aire de stationnement du restaurant ne présentait aucune garantie sécuritaire particulière, elle était régulièrement utilisée pour le stationnement de camions ; que de ces constatations et appréciations, rendant inopérante la recherche invoquée par la troisième branche, la cour d'appel a pu déduire que le transporteur n'avait pas commis de faute lourde ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Heppner fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que si le commissionnaire de transport qui sait, ou ne peut raisonnablement ignorer, que les marchandises qui lui sont confiées comportent un risque particulier de vol a l'obligation d'en informer le voiturier de telle sorte que puissent être prises les mesures nécessaires à leur sécurité, l'absence de réserves émises par le voiturier lors du chargement des marchandises interdit à celui-ci de se prévaloir du manquement du commissionnaire à l'obligation précitée ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'absence de réserves émises par le chauffeur de M. X... quant à la nature du chargement et au mode de transport, bien qu'il eût été informé de la nature des marchandises au plus tard lors du chargement, ne le privait pas de la possibilité d'opposer au commissionnaire un manquement à son obligation d'information quant aux risques de vols encourus par les marchandises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 132-4 et L. 132-5 du code de commerce ;

Mais attendu que le commissionnaire de transport ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant l'absence de réserves du transporteur ; qu'ayant retenu que le commissionnaire avait commis une faute personnelle, seule à l'origine du sinistre, en ne communiquant au transporteur aucune indication, ni instruction afin d'adapter les modalités du transport à la nature de la marchandise, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.