Cass. 1re civ., 28 octobre 1986, n° 85-10.361
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fabre
Rapporteur :
M. Jouhaud
Avocat général :
M. Charbonnier
Avocats :
Me Guinard, SCP Lesourd et Baudin
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. René Z..., agissant en qualité de gérant de la SCI du Parc de Rollencourt, a confié à la société Anjou Immobilier, ultérieurement devenue société Sotra, le mandat exclusif limité dans le temps mais ultérieurement prorogé, d'assurer la vente d'un important patrimoine immobilier ; qu'eu égard à l'importance même, comme à la dispersion de ce patrimoine, il était prévu qu'Anjou Immobilier pourrait s'adjoindre " tout confrère ou courtier " de son choix à charge de prélever leur rémunération, arrêtée avec eux de gré à gré, sur sa propre commission ;
Attendu que c'est dans ces conditions que la société Trimco International, bientôt transformée en société Setim, a été chargée d'intervenir ; que, par deux lettres successives, elle a chargé de la vente de l'un des biens du patrimoine situé à Liévin un agent immobilier local, M. X... ; qu'à quelque temps de là, la société Setim, qui s'était substituée à Trimco International, faisait savoir à M. X... qu'elle reprenait les engagements de celle-ci ; que M. X... étant parvenu à trouver un acquéreur pour le bien, la Setim l'informa qu'elle ne lui verserait pas la rémunération précédemment promise mais qu'elle avait " obtenu l'accord du propriétaire pour qu'il lui réglât directement une somme de 200 000 francs à titre de commission " ; qu'après réalisation de la vente, M. X... ne reçut aucun paiement ; que, sur assignation de sa part, la société Setim et la S.C.I. du Parc de Rollencourt furent condamnées par la cour d'appel à lui payer, outre des dommages-intérêts, une commission de 200 000 francs ;
Attendu que la S.C.I. du Parc de Rollencourt reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, en premier lieu, qu'elle aurait à tort décidé que, parce que les liens s'établissaient entre intermédiaires professionnels peu importait que le mandat reçu par M. X... eût été ou non conforme aux exigences de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives aux opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce et de son décret d'application ; alors, en second lieu, que M. X... ne justifiant pas, de la part son propre mandant, d'un mandat écrit conforme aux dispositions de cette loi, elle n'aurait pu le considérer comme mandataire substitué du mandant originel ; alors, en troisième lieu, que le mandataire substitué n'aurait pu exercer directement contre le mandant l'action qu'il a contre le mandataire intermédiaire que dans la mesure de la dette du mandant envers cet intermédiaire, dont les juges auraient constaté eux-mêmes l'inexistence ; et alors, enfin, qu'il n'aurait pas été répondu à des conclusions faisant valoir que M. X... avait agi dans le cadre d'un mandat à lui donné par Trimco International, antérieur au mandat que M. Z... et la SCI Rollencourt avaient donné à Anjou Immobilier ;
Mais attendu, en premier et deuxième lieux, qu'il n'a pas été contesté que le mandat donné par le vendeur à Anjou Immobilier, mandataire initial, était conforme aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970 et du décret d'application du 20 juillet 1972 ; que les juges du fond ont en particulier constaté que ce mandat précisait le montant de la commission du mandataire en mettant cette commission à la charge du vendeur et que, s'il autorisait ce mandataire à subdéléguer très largement ses pouvoirs, la rémunération des mandataires substitués s'imputerait exclusivement sur la sienne ; que les garanties accordées au vendeur par les textes susvisés, qui ont pour but la protection de la clientèle, lui étant donc acquises, la cour d'appel a justement estimé que peu importait que les subdélégations consenties par le mandataire initial à des commerçants professionnels de l'immobilier, ainsi qu'entre ces commerçants, n'eussent pas été établies dans les termes de ces textes ; qu'en troisième lieu, les juges du fond ont constaté que M. X... disposait, par l'effet des substitutions de mandataires intervenues dans les conditions qu'ils ont précisées, des pouvoirs nécessaires pour réaliser l'opération, et qu'il l'avait effectivement conduite à son terme ; que la commission qui lui était due étant inférieure à la somme que, dans le mandat initial, la SCI Rollencourt avait promis de verser à Anjou Immobilier en cas de réalisation de l'opération et qu'elle n'a en définitive versée ni totalement ni partiellement à quiconque, ils ont caractérisé les conditions de l'exercice par M. X... de l'action directe résultant par voie de conséquence des dispositions de l'article 1994, alinéa 2, du Code civil ; que, n'étant pas tenus, enfin, de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ils ont, en établissant la chaîne des mandataires substitués, répondu aux conclusions présentées ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.