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Décisions

Cass. 1re civ., 26 novembre 1981, n° 80-15.740

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Charliac

Rapporteur :

M. Pailhé

Avocat général :

M. Gulphe

Avocat :

Me Fortunet

Nîmes, ch. 1, du 30 juin 1980

30 juin 1980

SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES TROIS BRANCHES :

ATTENDU, SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE, QUE LES EPOUX P.-J., QUI EXERCAIENT L'UN ET L'AUTRE DES ACTIVITES DE PROMOTION ET DE CONSTRUCTION IMMOBILIERE, ONT, PEU DE TEMPS AVANT LEUR DIVORCE, PROCEDE A UN PARTAGE AMIABLE DE LEURS BIENS ; QUE M. P. A REMIS, NOTAMMENT, LE 10 SEPTEMBRE 1972, UN LOT DE MATERIEL A LA SOCIETE SOBATRA MEDITERRANEE, DONT MME J. ETAIT PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL ET POSSEDAIT LA PRESQUE TOTALITE DES ACTIONS ; QUE, SELON M. P., LE MATERIEL AURAIT ETE REMIS A LA SOBATRA LOCATION-VENTE POUR LE PRIX DE 1.826.076 FRANCS, PAYABLE EN DEUX TERMES, UNE CLAUSE PREVOYANT LA CONVERSION DE LA LOCATION-VENTE EN LOCATION PURE ET SIMPLE AU CAS DE NON-RESPECT D'UN DE CES TERMES ; QUE CETTE HYPOTHESE S'ETANT REALISEE, M. P. AVAIT INVOQUE CETTE CLAUSE PAR LETTRE DU 5 JANVIER 1973 ET FAIT SAVOIR A LA SOBATRA QU'ELLE N'ETAIT PLUS QUE SIMPLE LOCATAIRE ; QUE LA SOBATRA AYANT EU DES DIFFICULTES POUR REGLER LES LOYERS, UNE REUNION A ETE TENUE EN SEPTEMBRE 1973 CHEZ ME GONY, AVOCAT DE LA SOCIETE, AVEC LA PARTICIPATION DE M. P., DE MME J., AINSI QUE DU COMPTABLE DE LA SOCIETE, M. JOHN, ET DU COMMISSAIRE AUX COMPTES , M. CUCHE ; QU'AU COURS DE CETTE REUNION, IL A ETE DECIDE QUE LA SOBATRA ACCORDERAIT UN NANTISSEMENT EN GARANTIE A M. P., ME GONY ETANT MANDATE POUR REALISER LES OPERATIONS NECESSAIRES ; QUE LA SOBATRA NE PAYANT TOUJOURS PAS, M. P. A RESILIE LE CONTRAT DE LOCATION ET A TENTE DE REPRENDRE LE MATERIEL REMIS A LA SOBATRA ; QUE LA PROPRIETE DE CE MATERIEL A ETE CONTESTEE A M. P. EN RAISON DE CE QU'IL AVAIT PRIS SUR CE MATERIEL UN NANTISSEMENT, CE QUI IMPLIQUAIT QU'IL RECONNAISSAIT NE PAS EN ETRE PROPRIETAIRE ; QUE M. P. A SOUTENU QUE ME GONY AVAIT RECU MANDAT DE PRENDRE UN NANTISSEMENT SUR LE FONDS DE COMMERCE DE LA SOCIETE SOBATRA ET NON UN NANTISSEMENT SUR LE MATERIEL QUI AVAIT ETE REMIS A CETTE SOCIETE ; QU'IL A FAIT EGALEMENT VALOIR QUE LE NANTISSEMENT AVAIT ETE INSCRIT PAR UN AUTRE AVOCAT, M. GALY, QUE ME GONY S'ETAIT SUBSTITUE SANS AUTORISATION, ET QUE M. GALY ETAIT DONC SANS POUVOIR POUR PRENDRE CETTE SUITE ; QUE ME GONY A SOUTENU QUE LORS DE LA REUNION DE SEPTEMBRE 1973 C'ETAIT UN NANTISSEMENT SUR LE MATERIEL QUI AVAIT ETE ENVISAGE ET QU'IL AVAIT ETE ENTENDU QUE M. GALY DEPOSERAIT LA REQUETE AUX FINS DE NANTISSEMENT ; QUE LA SOCIETE SOBATRA A ETE MISE EN LIQUIDATION DES BIENS LE 3 JUILLET 1974, LA DATE DE LA CESSATION DES PAIEMENTS ETANT FIXEE AU 27 MARS 1973 ET M. PRADEAUX ET M. SAINT-PIERRE ETANT NOMMES SYNDICS ; QUE LES SYNDICS ONT SOUTENU QUE LE MATERIEL AVAIT ETE CEDE EN PLEINE PROPRIETE A LA SOCIETE SOBATRA EN SEPTEMBRE 1972 ; QUE M. P. A INTENTE UNE ACTION EN REVENDICATION DU MATERIEL LITIGIEUX DEVANT LE TRIBUNAL DE COMMERCE, ET UNE ACTION EN DOMMAGES-INTERETS CONTRE ME GONY ET M. GALY ; QUE LA COUR D'APPEL A DEBOUTE M. P. DE CETTE DERNIERE ACTION ;

ATTENDU QUE M. P. FAIT GRIEF AUX JUGES DU SECOND DEGRE D'AVOIR REFUSE D'ADMETTRE LA RESPONSABILITE DE ME GONY POUR N'AVOIR PAS EXECUTE OU TOUT AU MOINS AVOIR MAL OU INEXACTEMENT EXECUTE LE MANDAT QU'IL AVAIT RECU, AUX MOTIFS QU'EN PRESENCE DES THESES CONTRAIRES DES PARTIES, ILS ESTIMAIENT DEVOIR RETENIR LA THESE DE ME GONY QUI, EN TANT QU'AVOCAT, N'ETAIT PAS TENU DE JUSTIFIER DU MANDAT A LUI CONFIE, QUI ETAIT DAVANTAGE DIGNE DE FOI QUE SES ADVERSAIRES, ET DONT LES AFFIRMATIONS ETAIENT CORROBOREES PAR LES DOCUMENTS VERSES AUX DEBATS ALORS QUE, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, L'ARTICLE 411 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE VISE LES ACTES DE PROCEDURE ET NON PAS LES INSCRIPTIONS DE NANTISSEMENT, QUE L'ARTICLE 416 DU MEME CODE DISPENSE L'AVOCAT DU MANDAT DANS SA MISSION DE REPRESENTATION EN JUSTICE OU D'ASSISTANCE, MAIS QU'AUCUN DE CES TEXTES N'INSTITUE UNE PRESOMPTION QUELCONQUE EN FAVEUR DES AUXILIAIRES DE JUSTICE QUANT AU CONTENU DU MANDAT SUSCEPTIBLE DE LEUR AVOIR ETE CONFERE, COMPTE TENU QU'IL APPARTIENT AUX JUGES DE DETERMINER OBJECTIVEMENT SANS POUVOIR ACCORDER LEUR PREFERENCE AUX DIRES D'UNE PARTIE EN SEULE CONSIDERATION DE SA QUALITE D'AVOCAT, DE SORTE QUE LA COUR D'APPEL A VIOLE LES ARTICLES PRECITES DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ET FAUSSEMENT APPLIQUE LES ARTICLES 1284 ET 1289 DU CODE CIVIL ; ALORS QUE, D'AUTRE PART, LE TRIBUNAL , ET M. P., DANS DES CONCLUSIONS LAISSEES SANS REPONSE, AVAIENT FAIT ETAT D'UNE LETTRE DU 25 SEPTEMBRE 1973 ECRITE PAR LA SOCIETE SOBATRA ET PRECISANT CLAIREMENT LE MANDAT CONFERE A ME GONY, D'UNE LETTRE DU 8 AOUT 1974 DE M. GALY, AVOCAT SUBSTITUE A ME GONY, DE L'ATTESTATION DE M. JOHN, COMPTABLE DE LA SOCIETE SOBATRA ET DU TEMOIGNAGE DE MME P.-J., ELLE-MEME PRESIDENTE DE CETTE SOCIETE, DE SORTE QUE, EN SE BORNANT SANS AUTRE PRECISION A DECLARER QUE LES AFFIRMATIONS DE ME GONY ETAIENT CORROBOREES PAR "TOUS LES DOCUMENTS ECRITS VERSES AUX DEBATS", LA COUR D'APPEL N'A PAS MIS LE JUGE DE CASSATION EN MESURE D'EXERCER SON CONTROLE ET A DENATURE LES PIECES DE LA PROCEDURE INVOQUEES PAR M. P. ET QUI INFIRMAIENT AU CONTRAIRE DANS DES TERMES CLAIRS ET PRECIS LES ALLEGATIONS DE ME GONY ; ET ALORS QUE, ENFIN, LA COUR D'APPEL LAISSE SANS REPONSE LE CHEF PRECIS DES CONCLUSIONS DE M. P. INVOQUANT LA FAUTE COMMISE PAR ME GONY EN SE SUBSTITUANT SANS AUCUNE AUTORISATION SON CONFRERE ME GALY ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A PRECISE DANS QUELLES CIRCONSTANCES LA LETTRE DU 25 SEPTEMBRE 1973 AVAIT FAIT L'OBJET DE DEUX REDACTIONS SUCCESSIVES DIFFERENTES ET QU'ELLE A FAIT ETAT DE L'ATTESTATION DU COMPTABLE M. JOHN ET DU TEMOIGNAGE DE MME P. ; QU'EN PRESENCE D'UNE SITUATION DE FAIT OBSCURE, C'EST PAR UNE APPRECIATION SOUVERAINE DES ELEMENTS DE PREUVE DONT ELLE DISPOSAIT ET DE LA CREDIBILITE QU'ELLE ATTACHAIT AUX AFFIRMATIONS CONTRADICTOIRES DES PARTIES, QU'ELLE A ESTIME ETABLI QUE ME GONY N'AVAIT FAIT "QU'ASSURER L'EXECUTION DE DECISIONS UNANIMES PRISES PAR TOUTES LES PARTIES EN CAUSE DANS SON CABINET, SOUS SON EGIDE" ; QUE LE GRIEF DE DENATURATION EST IRRECEVABLE, LES DOCUMENTS CONCERNES N'AYANT PAS ETE PRODUITS ; QUE CE N'EST QUE SURABONDAMMENT QUE LA COUR D'APPEL S'EST REFEREE A L'ARTICLE 416 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ; QU'EN AFFIRMANT FAIRE FOIS AUX DECLARATIONS DE ME GONY, APRES AVOIR RELEVE QUE CELUI-CI AVAIT DECLARE QU'IL AVAIT ETE ENTENDU QU'IL REDIGERAIT LA REQUETE AUX FINS DE NANTISSEMENT, MAIS QU'IL LA FERAIT DEPOSER PAR ME GALY, LA COUR D'APPEL A REPONDU AUX CONCLUSIONS DONT ELLE ETAIT SAISIE, CONCERNANT LA SUBSTITUTION DE MANDATAIRE ; QU'IL S'ENSUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;

ET SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :

ATTENDU QU'IL EST AUSSI REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR ECARTE LA RESPONSABILITE DE ME GALY, AU MOTIF QU'IL N'AVAIT RIEN FAIT D'AUTRE QUE D'EXECUTER LES INSTRUCTIONS DE ME GONY, DONT LA RESPONSABILITE AVAIT ETE ECARTEE ; ALORS QUE, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, UN TIERS NE PEUT ETRE SUBSTITUE A UN MANDATAIRE SANS L'ACCORD DU MANDANT ET QUE LA COUR D'APPEL ADMET ELLE-MEME "QUE ME GALY A MANQUE DE PRUDENCE" EN SE SUBSTITUANT A ME GONY SANS L'ACCORD DU MANDANT ET EN S'ABSTENANT DE TENIR CELUI-CI AU COURANT DE LA PROCEDURE SUIVIE EN SON NOM, DE SORTE QU'EN ECARTANT NEANMOINS TOUTE RESPONSABILITE DE LA PART DE ME GALY, LA COUR D'APPEL N'A PAS TIRE LES CONSEQUENCES LEGALES DE SES PROPRES CONSTATATIONS ; ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, LA RESPONSABILITE DE ME GALY DECOULE NECESSAIREMENT DE CELLE DE SON CONFRERE AUQUEL IL S'ETAIT SUBSTITUE ;

MAIS ATTENDU QU'IL RESULTE DE L'ARTICLE 1994 DU CODE CIVIL QUE LA SUBSTITUTION DE MANDATAIRE SANS AUTORISATION DU MANDANT A POUR SEUL EFFET DE RENDRE LE MANDATAIRE INITIAL RESPONSABLE DU FAIT DE CELUI QU'IL S'EST SUBSTITUE, CONTRE LEQUEL LE MANDANT PEUT AGIR DIRECTEMENT, MAIS QUE LA RESPONSABILITE DU MANDATAIRE SUBSTITUE NE PEUT ETRE ENGAGEE QUE S'IL A COMMIS UNE FAUTE ; QUE C'EST DONC A BON DROIT QUE LA COUR D'APPEL, APRES AVOIR RELEVE QU'AUCUNE RESPONSABILITE N'AVAIT ETE ENCOURUE PAR ME GONY ET QUE "ME GALY N'A RIEN FAIT D'AUTRE QUE D'EXECUTER FIDELEMENT LES INSTRUCTIONS DE ME GONY, C'EST-A-DIRE L'ACCORD CONCLU PAR LES PARTIES", EN A DEDUIT QUE ME GALY N'AVAIT COMMIS AUCUNE FAUTE ET QUE PAR SUITE AUCUNE RESPONSABILITE NE POUVAIT ETRE MISE A SA CHARGE ; QU'ELLE A AINSI LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ; QUE LE MOYEN N'EST FONDE EN AUCUNE DE SES DEUX BRANCHES ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 30 JUIN 1980 PAR LA COUR D'APPEL DE NIMES.