Cass. com., 27 juin 2018, n° 16-14.097
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Ortscheidt
Donne acte à Mme E... et à M. W... de ce qu'ils se désistent de leur pourvoi incident ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Financière Amplegest et Invest Securities Holding que sur le pourvoi incident relevé par MM. R... et E... ;
Sur la recevabilité du pourvoi principal, contestée par la défense :
Attendu qu'aux termes de la transaction conclue le 19 juillet 2016 par M. W... et les sociétés Amplegest et Invest et associés (anciennement Invest Securities Holding), ces deux sociétés se sont engagées à se désister de toutes instances tendant à voir casser l'arrêt du 26 janvier 2016, le cas échéant par le présent pourvoi, et plus généralement, pour contester la cession des actions cédées par M. R... à M. W... le 23 avril 2014 et la qualité d'associé de celui-ci entre cette date et la date de la transaction, à l'égard de celui-ci exclusivement ; que par une transaction conclue le 26 janvier 2017 avec Mme E..., les sociétés Amplegest et Invest et associés se sont engagées à se désister purement et simplement de toutes instances engagées, pour voir casser l'arrêt du 26 janvier 2016, le cas échéant par le présent pourvoi, et plus généralement, pour contester la cession des actions cédées par M. R... à Mme E... le 23 avril 2014 et la qualité d'associé de celle-ci entre cette date et la date de la transaction, à l'égard de celle-ci exclusivement ;
Attendu qu'en renonçant, par ces transactions, à poursuivre l'instance en cassation qu'elles avaient engagée, les sociétés Amplegest et Invest Securities Holding ont nécessairement acquiescé à l'arrêt du 26 janvier 2016 ; que leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme E... et M. W... est donc irrecevable ;
Et attendu que, selon l'article 2051 du code civil, la transaction faite par l'un des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux ; que les transactions conclues par les sociétés Amplegest et Invest Securities Holding n'ont pas été signées par M. R... et M. E... ; que le pourvoi des sociétés Amplegest et Invest Securities Holding, en ce qu'il est dirigé contre ces derniers, est donc recevable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Amplegest était détenue au 30 avril 2010 par la société Invest Securities Holding et par ses fondateurs, dont M. R... ; qu'en mai 2010, la société Financière Amplegest, créée à cet effet et détenue par la société Invest Securities Holding et pour le surplus par les dirigeants et les salariés de la société Amplegest, a racheté l'intégralité du capital social de cette dernière, M. R... étant à cette occasion devenu propriétaire d'environ 10 % de la nouvelle société, et par ailleurs salarié de la société Amplegest ; que le 23 juillet 2010, un pacte a été conclu entre les associés de la société Financière Amplegest, dont M. R... et la société Invest Securities Holding, en présence des sociétés Financière Amplegest et Amplegest, prévoyant notamment les conditions de cession des actions ainsi qu'une promesse de vente de leurs titres par « les managers » aux autres associés, consentie pour une durée de dix ans à compter de la signature du pacte, la levée de l'option par les bénéficiaires étant subordonnée à la cessation des fonctions salariées sociales ou salariées au sein de la société Amplegest ou dans toute société contrôlée par celle-ci ; qu'il était stipulé à l'article 10-6 de ce pacte que les parties s'interdisaient de vendre les titres, objet de la promesse, pendant toute sa durée ; que M. R... ayant, le 23 avril 2014, cédé une partie de ses titres à M. et Mme E... et à M. W..., le dirigeant de la société Financière Amplegest a refusé d'enregistrer les trois ordres de mouvement, au motif que les cessions contrevenaient aux stipulations de l'article 10-6 du pacte ; que M. R... a assigné les sociétés Financière Amplegest et Invest Securities Holding pour obtenir la condamnation de la première à signer les ordres de mouvements des titres et de la seconde à lui payer des dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi principal :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour ordonner à la société Financière Amplegest de signer les ordres de mouvement des titres cédés par M. R... à M. E..., l'arrêt retient que M. R... a « résilié » la promesse de vente stipulée dans le pacte d'actionnaires, et que cette « résiliation constitue un fait juridique constant que la cour d'appel doit nécessairement prendre en compte » ; qu'il relève que cette résiliation avec effet immédiat est intervenue avant la cession consentie à M. E..., et avant toute levée d'option par les bénéficiaires, qu'aucune disposition du pacte ne prévoit la sanction applicable en cas de résiliation anticipée, à la supposer fautive, et que l'article 11.3 des statuts, qui sanctionne de nullité les cessions contrevenant aux dispositions du pacte, ne se prononce pas davantage sur la sanction prévue en cas de résiliation de cette promesse, de sorte qu'il n'est pas établi que les parties aient entendu déroger aux dispositions de l'article 1142 du code civil selon lequel toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la révocation unilatérale de la promesse et, par suite, la cession litigieuse constituaient une violation du pacte d'associés entraînant la nullité de la cession en application de l'article 11.3 des statuts de la société Financière Amplegest, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi formé par les sociétés Financière Amplegest et Invest Securities Holding, en ce qu'il est dirigé contre Mme E... et M. W... ;
Rejette le pourvoi incident ;
Et sur le pourvoi principal, en ce qu'il est dirigé contre MM. E... et R... :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit irrecevable M. R... en sa demande d'annulation des assemblées générales de la société Financière Amplegest, ordonne à la société Financière Amplegest de signer les ordres de mouvement des titres cédés par M. R... à Mme E... et M. W..., rejette les demandes de dommages-intérêts formées par Mme E... et M. W..., l'arrêt rendu le 26 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.