Cass. com., 11 mars 2003, n° 00-19.261
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 15 juin 2000), qu'à la suite de la fusion-absorption de la société Sanofi par la société Sanofi Synthélabo, les 23 519 actions de la Société financière des laboratoires de cosmétologie Yves X... (la Société financière Yves X...) et les 149 832 actions et 4 538 certificats de droit de vote de la société Laboratoires de biologie végétale Yves X... (la société Laboratoire Yves X...) que détenait la société Sanofi ont été placés sous séquestre par ordonnances rendues sur requête les 11 et 16 juin 1999 ; que le président du tribunal de commerce, statuant en référé, a rejeté le 9 juillet 1999, la demande de rétractation de ces ordonnances formée par la société Sanofi Synthélabo ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Attendu que la société Sanofi Synthélabo fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de rétractation des ordonnances de mise sous séquestre, alors, selon le moyen :
1 / qu'un jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire est susceptible d'exécution immédiate, nonobstant l'appel, tant que l'exécution provisoire n'a pas été arrêtée par le premier président ; qu'en l'espèce, la cour d'appel saisie d'une demande en rétractation des ordonnances sur requête prononçant la mise sous séquestre des actions, a constaté que le tribunal de commerce de Vannes avait, par deux jugements du 7 avril 2000, statué sur le fond du litige et ordonné l'inscription des actions litigieuses au nom de la société Sanofi Synthélabo dans les comptes des deux sociétés émettrices dans les huit jours de la signification de ces décisions ; qu'en refusant de faire produire effet à ces deux jugements assortis de l'exécution provisoire au motif qu'ils avaient été frappés d'appel et n'avaient pas mis fin au litige sur la propriété des actions, la cour d'appel aurait violé les articles 515 et 524 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le juge ne peut ordonner la mise sous séquestre que de choses mobilières dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes ; qu'en l'espèce, les actions anciennement détenues par la société absorbée Sanofi dans le capital des sociétés du groupe Yves X... avaient été nécessairement transférées de plein droit dans le patrimoine de la société absorbante Sanofi Synthélabo par le seul effet de la fusion-absorption, de sorte qu'en l'absence de revendication de la propriété de ces mêmes actions par une autre personne, les conditions légales de mise sous séquestre d'une chose mobilière faisaient défaut ;
que dès lors, en estimant que le juge des requêtes était fondé à ordonner une mise sous séquestre des actions litigieuses, la cour d'appel a étendu le champ d'application de l'article 1961 du Code civil à une situation qui n'entrait pas dans ses prévisions et en aurait violé les dispositions ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les deux jugements du tribunal de commerce du 7 avril 2000, frappés d'appel, n'avaient pas mis fin au litige sur la propriété des actions autrefois détenues par la société Sanofi mais tombées dans le patrimoine de la société Sanofi Synthélabo sous des conditions que la procédure au fond pendante devant la cour d'appel devait déterminer et que les causes du séquestre demeuraient, au sens de l'article 1961 du Code civil, la cour d'appel, qui a souverainement estimé qu'il était nécessaire, pour préserver les droits des parties, de maintenir la mesure de séquestre, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen, pris en ses première et troisième branche, n'est pas fondé ;
Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu que la société Sanofi Synthélabo fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, que des mesures urgentes ne peuvent être ordonnées, en dehors des cas prévus par la loi que lorsqu'il existe des circonstances exigeant que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, ce qui ne saurait résulter d'une fusion-absorption celle-ci ne constituant pas un obstacle à l'introduction d'une instance contradictoire dès lors que la société absorbante vient activement et passivement aux droits de la société absorbée ; qu'en retenant que les sociétés du groupe Yves X... étaient recevables à agir par voie de requête aux fins de désignation, d'un séquestre, au motif qu'à la suite de la fusion-absorption intervenue le 18 mai 1999 entre la société Sanofi et la société Synthélabo les sociétés du groupe Yves X... ne pouvaient assigner ni leur ancien actionnaire, la société absorbée Sanofi, ni davantage la société absorbante Sanofi Synthélabo dont le droit de propriété sur les actions détenues dans leur capital était litigieux, la cour d'appel, qui n'aurait caractérisé aucune circonstance exigeant une dérogation au principe de la contradiction, aurait privé sa décision de base l'égale au regard des articles 493 et 875 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel qui relève, par motifs propres et adoptés, que les sociétés Laboratoires Yves X... et financière Yves X... ne pouvaient assigner ni la société absorbée, la société Sanofi, dès lors qu'elle n'avait plus d'existence juridique du fait de sa fusion par voie d'absorption par la société Sanofi Synthélabo, ni la société absorbante, sans préjuger au fond du sort des actions faisant partie du capital des sociétés du "groupe" Yves X..., a pu statuer comme elle a fait en déduisant qu'eu égard à la disparition de la société Sanofi, les sociétés Laboratoire et financière Yves X... n'avaient pas d'autre choix que de formuler leur demande par voie de requête, les conditions de l'article 493 du nouveau Code de procédure civile étant réunies ; que le moyen, pris en sa deuxième branche, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sanofi Synthélabo aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Laboratoire de biologie végétale Yves X... et Financière des laboratoires de cosmétologie Yves X... la somme globale de 2 250 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille trois.