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Décisions

Cass. 2e civ., 25 septembre 2014, n° 13-24.557

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Paris, du 3 juill. 2013

3 juillet 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2013), que dans un litige relatif à la succession de sa mère décédée le 26 novembre 1987 en laissant pour lui succéder son conjoint, Jacques X..., avec lequel elle s'était mariée le 6 avril 1933 sans contrat de mariage préalable, héritier de l'usufruit du quart des biens composant sa succession, et leur fille unique, Mme Françoise X..., puis de son père, décédé le 18 novembre 2002 en laissant pour lui succéder sa fille, qu'il avait institué légataire universelle par testament olographe daté du 25 novembre 1987, Mme Françoise X... a fait assigner la société Rothschild et compagnie banque (la banque), venant aux droits de la société Sogip par fusion-absorption intervenue en décembre 2001, pour obtenir la production forcée de documents dont la Sogip ainsi que d'autres tiers étaient tenus d'assurer la conservation en vertu d'une ordonnance rendue sur requête le 19 décembre 1991 ; qu'un jugement a débouté Mme X... de ses demandes ;

 

Sur le premier moyen :

 

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande comme héritière de ses parents et légataire universelle de son père et visant à la production forcée de documents alors, selon le moyen, que :

 

1°/ seules les énonciations du dispositif ont un caractère décisoire ; qu'aux termes de sa décision du 19 décembre 1991, qui n'a jamais été remise en cause, le juge des requêtes, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, après avoir mentionné les différents organismes tenus par sa décision, au nombre desquels la Sogip, aux droits de laquelle se trouve la banque, décidait que ces organismes « seront tenus de conserver ou d'assurer la conservation de tout document administratif, comptable et financier concernant directement ou indirectement les biens ayant composé la communauté existante entre M. et Mme Jacques X... ou la succession de Mme X... ouverte depuis son décès en date du 26 novembre 1987 » ; que ce faisant, il imposait aux organismes en cause une obligation de conservation, sans condition, ni restriction, liée à d'éventuelles opérations d'investigations ; qu'en décidant le contraire, pour opposer à Mme X...qu'elle n'était pas fondée à reprocher à la banque de ne pas avoir conservé des documents, dès lors que l'obligation devait être mise en rapport avec des investigations qui n'avaient pas été entreprises, les juges du fond ont violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;

 

2°/ s'il est vrai que les juges du fond sont autorisés à se référer aux motifs, lorsque les énoncés du dispositif dont imprécis ou équivoques, ou qu'ils appellent un travail d'interprétation, tel n'était pas le cas en l'espèce ; le dispositif, clair et précis, imposait aux personnes visées une obligation de conservation, sans nullement assortir cette obligation de conditions ou de restrictions ; qu'en se référant aux motifs, pour fixer la portée du dispositif, quand cette référence était exclue, à raison de la clarté du dispositif, les juges du fond ont violé les articles 480 et 495 à 497 du code de procédure civile, en tant qu'ils excluent la référence aux motifs dès lors que le dispositif est clair et précis ;

 

3°/ si la société Sogip ou la banque estimaient devoir lier l'obligation de conservation à la mise en oeuvre d'investigations dans un certain délai, il leur appartenait, comme la possibilité leur en était réservée, de saisir le juge des référés à l'effet de faire modifier le dispositif de l'ordonnance du 19 décembre 1991 ; qu'à défaut, l'ordonnance fixait, peu important son caractère provisoire, les droits et obligations des parties ; qu'à cet égard, les juges du fond ont violé les articles 480 et 495 à 497 du code de procédure civile ;

 

Mais attendu qu'une ordonnance sur requête est dépourvue de l'autorité de la chose jugée ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur le second moyen :

 

Attendu que Mme X... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que :

 

1°/ il résulte du bordereau de communication de pièces figurant en annexe des conclusions de la banque qu'aucun relevé de compte n'a été communiqué ; qu'en se référant aux « relevés produits », pour en déduire qu'aucune opération n'avait été accomplie et rejeter la demande, et à supposer qu'ils se soient fondés sur des relevés, les juges du fond n'ont pu asseoir leur décision que sur des éléments non communiqués ; par suite, l'arrêt doit être censuré pour violation du respect du contradictoire de l'article 16 du code de procédure civile ;

 

2°/ en tout cas, à supposer qu'il faille admettre que les juges du fond se sont appuyés sur les seuls éléments ayant donné lieu à communication, l'arrêt doit être censuré pour reposer sur des motifs inintelligibles, et avoir été rendu en violation de l'article 455 du code de procédure civile, dès lors qu'aucun relevé n'a été produit ;

 

3°/ en tout état de cause, faute d'avoir identifié les éléments sur lesquels il se fondait, en dehors des relevés puisqu'aucun relevé n'avait été produit, l'arrêt doit être considéré comme entaché à tout le moins d'un défaut de motifs et avoir été rendu par suite en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

 

Mais attendu que l'existence et la régularité de la communication de pièces doivent être présumées dès lors qu'il en a été fait état dans des conclusions signifiées régulièrement et qu'il n'a pas été soutenu dans les conclusions adverses que ces documents n'ont pas été communiqués ; que c'est donc sans violer les articles 16 et 455 du code de procédure civile que la cour d'appel a statué au vu des pièces régulièrement produites ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur le troisième moyen :

 

Attendu que Mme X... fait le même grief à l'arrêt alors selon le moyen, que :

 

1°/ dès lors que M. X... détenait des comptes au sein de la Sogip, la banque était tenue, en sa qualité de dépositaire, de retracer les opérations entre la banque et le client et de fournir tous les éléments relatifs au fonctionnement de ces comptes ; qu'à ce titre, il lui appartenait, comme ayant la charge de la preuve, d'établir qu'elle avait fourni à Mme X... tous les éléments relatifs aux comptes de M. X... ; qu'en énonçant que Mme X... ne rapportait pas la preuve de l'inexactitude des affirmations de la banque, quand c'était à la banque d'en démontrer l'exactitude, les juges du fond ont méconnu les règles de la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;

 

2°/ faute d'avoir recherché si, au delà de sa qualité de dépositaire, la banque n'avait pas eu une autre qualité telle que la qualité de mandataire, la contraignant de la même façon à rendre compte, avant de se prononcer sur l'identification de la partie ayant la charge de la preuve, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil ;

 

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'ordonner ou non la production d'un élément de preuve détenu par une partie et sans inverser la charge de la preuve, que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne Mme Françoise X... aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Banque Rothschild et compagnie la somme de 3 000 euros ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille quatorze.