Cass. 2e civ., 8 juin 1977, n° 75-15.782
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cosse-Manière
Rapporteur :
M. Derenne
Avocat général :
M. Nores
Avocat :
Me Ryziger
SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET DE COMPORTER DEUX SIGNATURES SANS MENTION DES NOMS ET QUALITES DES SIGNATAIRES, ALORS QUE TOUT JUGEMENT DOIT ETRE SIGNE PAR LE PRESIDENT ET LE SECRETAIRE, A PEINE DE NULLITE ET QUE LA COUR DE CASSATION NE SERAIT PAS EN MESURE D'EXERCER SON CONTROLE ;
MAIS ATTENDU QUE LES DEUX SIGNATURES DONT S'AGIT SONT REPUTEES ETRE CELLE DU CONSEILLER CHESNELONG, MENTIONNE DANS L'ARRET, COMME AYANT ETE DESIGNE PAR ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT DE LA COUR D'APPEL POUR FAIRE FONCTION DE PRESIDENT EN REMPLACEMENT DU TITULAIRE EMPECHE ET CELLE DE DAME PIERRE, GREFFIER, EGALEMENT MENTIONNEE DANS L'ARRET COMME EXERCANT CETTE FONCTION ;
QUE L'ARRET PRECISE, AUSSI, QUE L'UN ET L'AUTRE ETAIENT PRESENTS AUX AUDIENCES AUXQUELLES LA CAUSE A ETE APPELEE ET LA DECISION RENDUE ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDEE ;
SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SES DIFFERENTES BRANCHES : ATTENDU, SELON L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE, QUE, SUR UNE ROUTE, A LA SORTIE D'UN VIRAGE, UNE COLLISION SE PRODUISIT ENTRE LE CYCLOMOTEUR MONTE PAR PINEAU ET VENANT EN SENS INVERSE LE CAMION APPARTENANT A LA SOCIETE LYONNAISE BAIL, CONDUIT PAR LEMEUNIER ;
QUE PINEAU A ETE MORTELLEMENT BLESSE ;
QUE, POURSUIVI POUR HOMICIDE INVOLONTAIRE, LEMEUNIER A ETE RELAXE PAR LA JURIDICTION PENALE ;
QUE VEUVE PINEAU, AGISSANT EN SON ET AU NOM DE SES ENFANTS MINEURS, A DEMANDE REPARATION DES PREJUDICES SUBIS A LEMEUNIER, A LA SOCIETE LYONNAISE BAIL ET A LEUR ASSUREUR SOCIETE D'ASSURANCE MUTUELLE DE LA SEINE ET DE SEINE-ET-OISE ;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR DECLARE QUE LEMEUNIER ETAIT EXONERE DE LA RESPONSABILITE PREVUE PAR L'ARTICLE 1384, ALINEA 1ER, DU CODE CIVIL, ALORS, D'UNE PART, QUE LA COUR D'APPEL AURAIT STATUE EN TERMES HYPOTHETIQUES EN AFFIRMANT QUE PINEAU, PEUT ETRE DISTRAIT PAR LA VUE D'UNE PERSONNE A L'ENTREE DU VIRAGE, AVAIT PERDU LE CONTROLE DE SON ENGIN ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE LES JUGES DU FOND, QUI ONT ADMIS QUE LE POINT DE CHOC SE TROUVAIT SUR LA LIGNE MEDIANE DE LA CHAUSSEE, N'AURAIENT PAS REPONDU A DES CONCLUSIONS ALLEGUANT QUE, D'APRES LE RAPPORT DE POLICE, CE N'ETAIT QU'UNE HYPOTHESE ET QUE LE POINT DE CHOC N'AURAIT PU ETRE DETERMINE AVEC PRECISION ;
ALORS, EGALEMENT, QUE LES JUGES DU FOND AURAIENT LAISSE DANS L'OMBRE LA LARGEUR DU COULOIR DE CIRCULATION DONT DISPOSAIT LE CONDUCTEUR DU CAMION ET N'AURAIENT PAS RECHERCHE SI CE VEHICULE AVAIT LA POSSIBILITE DE SE DEPORTER VERS LA DROITE, ET N'AURAIENT PAS CARACTERISE UNE FAUTE IMPREVISIBLE ET IRRESISTIBLE DE LA VICTIME, ALORS, ENFIN, QU'IL N'AURAIT PAS ETE POSSIBLE D'ATTRIBUER UN "ROLE PASSIF" AU CAMION, DES LORS QU'IL RESULTERAIT DES MOTIFS DES PREMIERS JUGES, ADOPTES PAR LA COUR D'APPEL, QUE CE VEHICULE AURAIT ETE L'INSTRUMENT DU DOMMAGE ET QU'IL NE SERAIT PAS DEMONTRE QUE LE GARDIEN DUDIT CAMION AURAIT ETE MIS DANS L'IMPOSSIBILITE "ABSOLUE" D'EVITER LE DOMMAGE SOUS L'EFFET DU COMPORTEMENT IMPREVISIBLE ET IRRESISTIBLE DE LA VICTIME ;
MAIS ATTENDU QU'IL NE RESULTE, NI DE L'ARRET, NI DES PRODUCTIONS QUE VEUVE PINEAU AIT SOUTENU QUE LEMEUNIER AURAIT PU SE DEPORTER SUR LA DROITE ;
QUE CE MOYEN, MELANGE DE FAIT ET DE DROIT, EST NOUVEAU ;
ET ATTENDU QU'APPRECIANT, DANS L'EXERCICE DE SON POUVOIR SOUVERAIN, LES ELEMENTS DE PREUVE A ELLE SOUMIS, LA COUR D'APPEL, REPONDANT AUX CONCLUSIONS, RELEVE QUE L'ACCIDENT S'EST PRODUIT A LA SORTIE D'UN VIRAGE SANS VISIBILITE, PARTICULIEREMENT DANGEREUX ET QUE PINEAU AVAIT HEURTE LE FEU DE GABARIT ARRIERE GAUCHE DU CAMION DONT LES DEBRIS DE VERRE ONT ETE RETROUVES SUR LA LIGNE MEDIANE DE LA LARGE CHAUSSEE, CE QUI DEMONTRAIT QUE LE CAMION LAISSAIT A PINEAU UN COULOIR DE MARCHE SUFFISANT ;
QUE LA COUR D'APPEL EN DEDUIT QUE LA VICTIME AVAIT PERDU LE CONTROLE DE SON ENGIN, ET QUE CE FAIT ETAIT IMPREVISIBLE ET INEVITABLE POUR LEMEUNIER ;
QU'EN L'ETAT DE CES CONSTATATIONS ET ENONCIATIONS, EXEMPTES DE TOUT CARACTERE HYPOTHETIQUE, LA COUR D'APPEL, QUI N'A PAS ADMIS LE PRETENDU ROLE PASSIF DU CAMION, A PU DECIDER QUE LE GARDIEN DU VEHICULE ETAIT EXONERE DE LA RESPONSABILITE EDICTEE PAR L'ARTICLE 1384, ALINEA 1ER, DU CODE CIVIL ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN, POUR PARTIE IRRECEVABLE, N'EST PAS FONDE POUR LE SURPLUS ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 21 FEVRIER 1975 PAR LA COUR D'APPEL DE ROUEN.