Cass. com., 24 mai 2005, n° 03-21.043
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
Mme Graff
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP de Chaisemartin et Courjon, SCP Delaporte, Briard et Trichet
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par acte du 18 mars 1998, M. X... s'est porté caution solidaire au profit de la Banque de Bretagne (la banque) des sommes dues au titre d'un contrat de prêt par la société Le Trémail (la société) ; qu'après l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société, le 24 février 1999, la banque a assigné la caution en exécution de ses engagements ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Sur l'irrecevabilité du moyen, soulevée par la défense :
Attendu que M. X... soutient que le moyen est nouveau et, étant mélangé de fait et de droit, irrecevable ;
Mais attendu que, dans ses dernières conclusions signifiées le 1er juillet 2003, la banque soutenait que les créanciers bénéficiaires d'un cautionnement peuvent, conformément aux dispositions de l'article L. 621-48 du Code de commerce, prendre des mesures conservatoires et que la procédure introduite est venue en validation d'une inscription d'une hypothèque provisoire qui l'obligeait à assigner au fond dans le mois suivant l'exécution de la mesure ; que le moyen est donc recevable ;
Sur le moyen :
Vu les articles L. 621-48 du Code de commerce, 215 du décret du 31 juillet 1992 et 70-1 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu qu'en application du deuxième de ces textes, si ce n'est dans le cas où elle a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier qui a été autorisé à pratiquer une mesure conservatoire contre une caution personnelle personne physique doit, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, même si le débiteur principal a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire ; que, dans ce cas, l'instance ainsi engagée est suspendue jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur principal ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action en paiement engagée par la banque à l'encontre de la caution, l'arrêt retient qu'à la date de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le 24 février 1999, la société était à jour du paiement des mensualités du prêt, que si le créancier bénéficiaire d'un cautionnement peut prendre des mesures conservatoires en application des dispositions de l'article L. 621-48, alinéa 3, du Code de commerce, encore faut-il qu'il soit titulaire d'une créance à l'encontre du débiteur principal à la date du redressement judiciaire, que les dispositions de l'article L. 621-49 ne permettent pas de rendre exigibles les créances non échues à la date de l'ouverture du redressement judiciaire et que la banque ne pouvait pas opposer à M. X... la déchéance du terme, le maintien du terme à l'égard du débiteur profitant à la caution, qu'en conséquence, les mises en demeure et mesures conservatoires sont sans effet à l'égard de la caution ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la seconde branche :
Vu les articles L. 621-48 du Code de commerce et 126 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'action régulièrement engagée par le créancier contre la caution et suspendue par l'effet du jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur principal peut être reprise sans nouvelle assignation après le jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'action en paiement engagée par la banque à l'encontre de la caution, l'arrêt retient qu'au jour de l'assignation du 10 août 1999, l'action engagée contre M. X... était irrecevable, dès lors que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire suspend toute action contre la caution, et qu'il importe peu qu'ultérieurement le prêt soit devenu exigible, dès lors qu'au jour où la banque a engagé son action, elle était irrecevable à agir contre M. X... ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la banque n'était pas en droit de reprendre les poursuites à l'encontre de la caution à la suite de la décision homologuant le plan de cession du débiteur principal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.