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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 2 juillet 2014, n° 12/15513

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sodaperaga (SARL)

Défendeur :

M. Levantal

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bartholin

Conseillers :

Mme Blum, M. Byk

Avocats :

Me Fromantin, Me Pialoux, Me Ohana, Me Collas

TGI Paris, du 12 avr. 2012, n° 10/18075

12 avril 2012

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure :

Par acte du 15 septembre 1998, M. Levantal a donné à bail des locaux commerciaux situés [...]. Le bail a pris effet le 1er octobre 1998 pour se terminer le 30 septembre 2007, les lieux étant à usage exclusif de bureaux pour l'exercice du commerce de production de tous films cinématographiques et audiovisuels.

Par acte extrajudiciaire du 19 mars 2007, le bailleur a donné congé au preneur, avec offre de renouvellement, pour une durée de 9 ans à compter du 1er octobre 2007. La SARL Sodaperaga a accepté le principe de renouvellement du bail mais les parties ne se sont pas entendues sur le prix du nouveau loyer ; le juge des loyers commerciaux a été saisi, et un expert désigné. Ce dernier a rendu son rapport le 22 octobre 2010, concluant à une valeur locative annuelle de 60.520 euros.

La SARL Sodaperaga a exercé son droit d'option par acte d'huissier du 18 novembre 2007 en application de l'article L 145-57 du code de commerce ; elle a quitté les lieux le 1er février 2011. M. Levantal l'a assignée en paiement d'une indemnité d'occupation à caractère indemnitaire depuis le 1er octobre 2007, soutenant que l'exercice tardif et imprévu de l'exercice du droit d'option par la locataire lui a causé un préjudice en raison de l'immobilisation des locaux. Il a sollicité également des frais de remise en état.

Par jugement du 12 avril 2012, le tribunal de grande instance de Paris a:

-condamné la SARL Sodaperaga à verser en deniers ou quittance compte tenu des versements effectués depuis cette date, la somme de 201.733,32 euros à M. Levantal au titre des indemnités d'occupation;

-condamné la SARL Sodaperaga à verser la somme de 1.278,32 euros à M. Levantal au titre des arriérés de charges;

-condamné la SARL Sodaperaga à verser la somme de 7.854,24 euros à M. Levantal au titre de la remise en état des locaux donnés à bail;

-débouté M. Levantal du surplus de ses demandes;

-condamné la SARL Sodaperaga à verser la somme de 3.000 euros à M. Levantal au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL Sodaperaga a interjeté appel de cette décision.

Par ses conclusions en date du 16 novembre 2013, la SARL Sodaperaga demande à la Cour de:

Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau:

Fixer l'indemnité d'occupation due par la SARL Sodaperaga à compter du 1er octobre 2007 à la somme de 54.468 euros par an ;

Débouter M. Levantal de toutes ses prétentions contraires, et de sa demande en paiement de diverses sommes au titre de la remise en état des locaux en cause;

Subsidiairement,

Donner acte à la société Sodaperaga de ce qu'elle ne conteste pas un arriéré de charges d'un montant de 1278, 32 € ;

Subsidiairement,

Dire et juger que le montant des frais de remise en état susceptibles d'être mis à la charge de l'appelante ne peut excéder la somme de 3.260 euros HT ou 3898, 96 euros TTC ;

Constater que figure un dépôt de garantie de 14.208,46 euros au crédit de la SARL Sodaperaga entre les mains de M. Levantal ;

Condamner M. Levantal au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses conclusions en date du 16 janvier 2013, M. Levantal demande à la Cour de:

Débouter l'appelante de ses demandes, fins et conclusions, sauf en ce qui concerne les charges locatives qu'elle reconnaît devoir;

Et, recevant le concluant en son appel incident:

Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf concernant les charges locatives et l'article 700 du code de procédure civile;

Et, statuant à nouveau:

Constater la renonciation de la SARL Sodaperaga au renouvellement de bail qui lui avait été consenti à compter du 1er octobre 2007;

Dire et juger en conséquence que la SARL Sodaperaga est occupante sans droit ni titre à compter du 1er octobre 2007 des locaux situés [...] et, qu'à compter de cette date, elle est redevable d'une indemnité d'occupation;

Fixer ladite indemnité à la somme de 78.540 euros annuels, soit trimestriellement 19.135 euros, outre taxes et charges payable trimestriellement et d'avance aux quatre termes d'usage les 15 janvier, 15 avril, 15 juillet et 15 octobre et jusqu'au 31 janvier 2011, date de la remise en état des locaux ;

La condamner au paiement de cette somme avec réévaluation, tous les ans au 1er octobre, en fonction de la variation de l'indice national du coût de la construction publié par l'INSEE, l'indice à prendre en considération étant le dernier publié à la date de la réévaluation par rapport au dernier publié à la date du 1er octobre 2007;

La condamner au paiement des intérêts au taux légal sur les différences entre l'indemnité d'occupation fixée par la décision à venir et le montant de l'indemnité versée pour la même période et ce, à compter de chaque échéance arriérée. Subsidiairement:

Si l'indemnité d'occupation devait être fixée à la valeur locative pour la période allant du 1er octobre 2007 au 18 novembre 2010, la fixer à tout le moins au montant sollicité pour la période allant du 19 novembre 2010 au 31 janvier 2011, et l'assortir des intérêts de retard pendant ladite période ;

Condamner la SARL Sodaperaga au paiement de la somme de 28.034,24 euros au titre des réparations locatives avec intérêts de droit sur la somme de 7854,24 euros à compter du jugement et de la décision à intervenir sur le solde;

Condamner la SARL Sodaperaga au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

La société Sodaperaga ne critique pas la disposition du jugement qui l'a condamnée à payer la somme de 1 278, 32 € au titre des charges locatives et qui sera confirmée.

1-Sur l'indemnité d'occupation:

La société Sodaperaga invoque le caractère excessif de l'indemnité d'occupation demandée, à savoir 76.640 euros par an, alors que l'expert judiciaire avait estimée la valeur locative à 60.520 euros par an, que l'indemnité d'occupation doit prendre en compte la précarité de la situation qui s'est poursuivie jusqu'à la date de fixation du loyer renouvelé, compte tenu, durant cette période, de l'existence d'un droit d'option offert tant au preneur qu'au bailleur. Elle revendique en conséquence un abattement pour précarité de 10 %, qui doit aboutir à fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 54.468 euros par an.

Selon le bailleur, la demande de minoration de la SARL Sodaperaga ne peut être admise dès lors que le preneur ne s'est pas trouvé pas dans une situation qui lui a été imposée par le bailleur puisqu'il a librement choisi de renoncer à son bail.

Il demande que la cour prenne en compte le caractère indemnitaire de l'indemnité d'occupation et, partant, retienne une évaluation supérieure à la valeur locative, faisant valoir les circonstances particulières dans lesquelles le preneur a exercé son droit d'option pour apprécier le préjudice qui en résulte et qui tiennent à l'exercice du droit d'option plus de trois ans après l'expiration du bail renouvelé; il soutient que cette attitude de la locataire est constitutive d'une faute, le preneur ayant agi de mauvaise foi dans le but de 'se défaire' de cette location sans assumer les conséquences d'une résiliation anticipée ou avoir à attendre l'échéance triennale.

Du fait de l'exercice par le preneur de son droit d'option, l'indemnité d'occupation due par le preneur à compter de la date d'effet du congé et jusqu'à son départ des lieux est une indemnité d'occupation de droit commun à caractère indemnitaire et compensatoire .

L'expert judiciaire M Benoit a estimé la valeur locative à la somme unitaire de 340 € /m² , ce qui représente pour la totalité des lieux de 178m² une somme globale de 60520 €, après avoir retenu que les locaux sont dans une situation centrale proche des transports publics mais que l'immeuble est ancien, que les bureaux ne sont pas modernisés et que l'éclairage naturel pour les bureaux situés à un premier étage qui est plutôt un entresol, est faible. Il a également tenu compte des éléments de comparaison résultant tant des fixations judiciaires que des prix de marché ;

Le bailleur conteste cette estimation en produisant un rapport d'expertise amiable de M Pain et propose une valeur unitaire de 400 € /m², soit pour la surface totale une somme de 71 200 €, compte tenu notamment la faculté pour la société Sodaperaga de domicilier dans les lieux toutes les sociétés dont le gérant de la société Sodaperaga est également gérant et avec lesquelles il est en relations d'affaires, ce qui constitue un avantage certain ;

Toutefois, en l'espèce, pendant la période d'occupation des locaux après la date d'effet du congé, les dispositions contractuelles ne sont plus applicables de sorte que l'indemnité d'occupation ne peut être fixée en tenant compte des conditions du bail expiré.

La valeur locative et la perte des loyers escomptés d'une nouvelle location est néanmoins un élément d'appréciation du préjudice subi par le bailleur lequel est fondé à réclamer les sommes dont il a été privé du fait du maintien dans les lieux du preneur ;

Cependant, M Levantal n'invoque aucun élément qui justifierait de porter l'indemnité à la somme de 76 540 € ; l'exercice régulier par le preneur de son droit d'option ne saurait constituer cette circonstance ayant aggravé le préjudice d'un bailleur qui escomptait que le bail serait renouvelé même si l'exercice par le preneur de son droit d'option est intervenu après que les parties aient été sur le point de signer un accord et que le preneur lui-même en avait fait part à l'expert ;

Il convient en conséquence de fixer l'indemnité d'occupation à la somme annuelle de 60 520 € somme sur laquelle il n'y a pas lieu de pratiquer d'abattement, le preneur qui a exercé son droit d'option ne pouvant se prévaloir de la précarité née du congé alors qu'il a choisi de mettre fin au bail.

Il n'y a pas davantage lieu d'indexer cette indemnité.

En ce qu'il a condamné la société Sodaperaga à payer à M Levantal la somme de 201 733, 32 € au titre des indemnités d'occupation pour la période allant du 1er octobre 2007 au 31 janvier 2011, le jugement sera confirmé, ladite somme portant intérêts au taux légal à compter du jugement.

2 ' Sur les frais de remise en état :

L'appelant soutient que le bailleur n'a pas démontré avoir effectué les travaux visés dans le devis dont il réclame pourtant le paiement ; il invoque une erreur de droit commise, selon lui, par le Tribunal en ce que ce dernier a fait son calcul à partir d' un devis TTC alors qu'aurait du être prise en compte la somme HT.

Le bailleur fait valoir que les travaux établis d'après devis et qui s'élèvent à la somme de 28.034,24 euros, correspondent bien à des remises en état nécessitées par la négligence et le non-respect par le preneur de ses obligations contractuelles. Ils doivent, en conséquence, être mis à la charge de ce dernier sans qu'il soit exigé du bailleur la production des factures correspondantes, l'indemnisation du bailleur n'étant pas subordonnée à l'exécution des réparations locatives.

La comparaison des deux états des lieux, d'entrée et de sortie, révèle un état de saleté important des peintures, moquettes, carrelages et des dégradations de certains éléments d'équipements comme les prises électriques au moment de la restitution des lieux, ce qui rend bien fondée la demande du bailleur en paiement de réparations locatives sans qu'il ait à faire la preuve d'avoir exposé les dépenses alléguées.

Toutefois, le devis qu'il produit ainsi que, en cause d'appel, les factures correspondantes, concerne non seulement la réfection des peintures, moquettes et la réparation des éléments dégradés mais également des travaux de maçonnerie concernant la dépose de cloisons dont il n'est pas justifié suffisamment qu'elles aient été toutes posées par le locataire au moment de son entrée dans les lieux puisque le bail fait figurer notamment une cloison séparative avec imposte vitrée ainsi que la rénovation totale des lieux dont celle des parquets qui n'incombe pas au preneur sortant.

La somme de 7 8754, 24 € allouée au bailleur par les premiers juges apparaît cependant insuffisante au regard de l'état des dégradations des locaux et des réparations à entreprendre et sera plus justement fixée à la somme de 13 660 € qui portera intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.

3-Sur la restitution du dépôt de garantie :

Compte tenu de l'ensemble des sommes dont la société Sodaperaga reste redevable au titre de son occupation, il n'y a pas lieu à restitution du dépôt de garantie destinée à garantir le paiement des sommes restant dues.

4-Sur les autres demandes :

La société Sodaperaga supportera les dépens et paiera à M Levantal la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme arbitrée sur ce fondement en première instance.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré, sauf en ce concerne le montant des frais de remise en état des locaux,

Reformant et statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la société Sodaperaga à payer à M Levantal la somme de 13 660 € au titre des réparations locatives, qui portera intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.

La déboute de ses autres demandes,

Condamne la société Sodaperaga aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et la condamne à payer à M Levantal la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile