Cass. 3e civ., 15 décembre 2016, n° 15-23.508
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
Me Le Prado, SCP Gatineau et Fattaccini
Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 14 mars 2013 et 2 avril 2015), que Simone X..., M. André X... et Mme Rose X... ont donné à bail commercial à la société Chutes Lavie automobiles un local ; que, par arrêt du 25 février 2005, le bail a été renouvelé pour une durée de neuf ans à compter du 29 septembre 1998 ; que, le 28 février 2007, Simone X..., devenue unique propriétaire des lieux, a donné congé à la société locataire pour le 29 septembre 2007 sans offre de renouvellement ni d'indemnité d'éviction ; que, le 5 avril 2007, la société Chutes Lavie automobiles a assigné Simone X... en nullité du congé et, subsidiairement, en paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'à la suite du décès de la bailleresse, la société Chutes Lavie automobiles a mis en cause ses héritiers, MM. Denis, Jean-Marie et Robert Y..., ainsi que Mmes Elisabeth et Florence Y... (les consorts Y...), qui ont, reconventionnellement, demandé la résiliation du bail ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le premier arrêt :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que, les moyens n'étant pas dirigés contre le premier arrêt, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le second arrêt :
Sur le deuxième moyen, qui est préalable, ci-après annexé :
Attendu que la société Chutes Lavie automobiles fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande des consorts Y... en paiement d'une indemnité d'occupation ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les consorts Y... avaient sollicité dès l'origine la résiliation du bail « avec toutes conséquences de droit », la cour d'appel en a exactement déduit que la demande en paiement d'une indemnité d'occupation présentée par eux pour la première fois en appel était virtuellement comprise dans leur demande initiale et était recevable au sens de l'article 566 du code de procédure civile ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu à bon droit que le délai de prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'occupation fondée sur l'article L. 145-28 du code de commerce ne peut commencer à courir avant le jour où est définitivement consacré, dans son principe, le droit du locataire au bénéfice d'une indemnité d'éviction et relevé que le droit de la société Chutes Lavie automobiles à cette indemnité avait été consacré par arrêt mixte du 14 mars 2013 et que la demande en paiement de l'indemnité d'occupation avait été formée le 15 janvier 2015, la cour d'appel, qui a elle-même statué sur la contestation du droit à indemnité d'éviction de la société Chutes Lavie automobiles, en a exactement déduit que la demande n'était pas prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 1289 et 1290 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que l'arrêt retient que les paiements opérés par la société locataire au titre du loyer et de l'indemnité d'occupation doivent être déduits de l'indemnité d'éviction ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune des parties n'avait sollicité la compensation entre l'indemnité d'éviction, d'une part, et les loyer et indemnité d'occupation, d'autre part, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner la société Chutes Lavie automobiles à payer aux consorts Y... une indemnité d'occupation annuelle d'un montant de 66 287 euros, l'arrêt retient que cette indemnité doit être fixée à la valeur locative à compter du 24 septembre 2007 ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Chutes Lavie automobiles faisant valoir que la somme de 14 768, 47 euros qu'elle avait versée, entre le 1er octobre 2007 et le 30 juin 2015, au titre de loyers, devait être déduite de l'indemnité d'occupation ainsi fixée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 14 mars 2013 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande des consorts Y... en paiement d'une indemnité d'occupation, l'arrêt rendu le 2 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.