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Décisions

Cass. 2e civ., 10 décembre 2020, n° 18-15.383

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. PIREYRE

Rouen, du 11 janv. 2018

11 janvier 2018

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen 11 janvier 2018), au cours du mois de mars 2003, le navire « Canmar Pride », porte-conteneurs appartenant à la CPS n° 5 et opéré par la société CP Ships, a fait escale au port du Havre où des conteneurs ont été chargés par la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires (la société CNMP).

 

2. Le navire ayant quitté Le Havre pour Montréal le 3 mars 2003, certains conteneurs ont chuté en mer et d'autres sur le pont au cours du transport.

 

3. La société OOCL France, la société OOCL UK Ltd et la société Orient Overseas Container Line Ltd OOCL (les sociétés OOCL) et la société CP Ships ont assigné la société CNMP devant le juge des référés d'un tribunal de commerce qui, par une ordonnance du 20 mai 2002, a désigné un expert judiciaire avec pour mission de déterminer les causes du sinistre.

 

4. Les sociétés OOCL ayant été attraites devant des juridictions canadiennes et américaines, elles ont, le 29 septembre 2003, assigné la société CNMP en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre devant le tribunal de commerce. Ce dernier a sursis à statuer dans l'attente du rapport d'expertise, puis dans l'attente de l'issue des procédures américaines et canadiennes.

 

5. Les sociétés OOCL ayant, par conclusions du 22 septembre 2009, repris leur procédure devant le tribunal de commerce, la société CNMP a soulevé la péremption de l'instance.

 

Examen du moyen

 

Enoncé du moyen

 

6. Les sociétés OOCL font grief à l'arrêt de déclarer la CNMP recevable en sa demande de constat de la péremption de la première instance et de constater l'extinction de l'instance par l'effet de la péremption et de les condamner aux dépens et à des frais irrépétibles, alors « qu'aux termes de l'article 388, alinéa 1er, du code de procédure civile, la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit ; qu'il s'ensuit qu'en cause d'appel, la partie qui entend se prévaloir de la péremption doit l'invoquer, à peine d'irrecevabilité, dans ses premières conclusions, avant tout autre moyen ; que pour déclarer en l'espèce recevable la demande de péremption d'instance présentée par la société CNMP, la cour d'appel a considéré qu'il résultait « de la combinaison des articles 388, 562 et 954 du code de procédure civile que la demande de péremption régulièrement présentée en première instance peut être reprise en cause d'appel jusqu'aux dernières conclusions » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait par ailleurs relevé que la société CNMP n'avait repris en cause d'appel sa demande de péremption de la première instance qu'à partir de ses conclusions n° 2 du 30 janvier 2017, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 388, alinéa 1er, du code de procédure civile. »

 

Réponse de la Cour

 

Vu l'article 388 du code de procédure civile :

 

7. Il résulte de ce texte que la péremption de l'instance doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen.

 

8. Pour déclarer recevable l'exception de péremption d'instance opposée par la CNMP et constater l'extinction de l'instance par la péremption, l'arrêt retient qu'il résulte de la combinaison des articles 388, 562 et 954 du code de procédure civile que la demande régulièrement présentée en première instance peut être reprise en cause d'appel jusqu'aux dernières conclusions.

 

9. En statuant ainsi, alors que, dans ses premières conclusions, la CNMP arguait de deux fins de non-recevoir et, subsidiairement, contestait au fond le montant de la créance, la péremption d'instance n'étant soulevé que dans des conclusions déposées ultérieurement, la cour d'appel, qui était tenue de relever d'office l'irrecevabilité de cet incident, a violé le texte susvisé.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

 

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

 

Condamne la Compagnie nouvelle de manutentions portuaires aux dépens ;

 

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Compagnie nouvelle de manutentions portuaires et la condamne à payer à la société OOCL France, la société OOCL UK Ltd et la société Orient Overseas Container Line Ltd OOCL la somme globale de 3 000 euros ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.