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Décisions

Cass. 1re civ., 18 novembre 2015, n° 14-23.411

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

Mme Le Cotty

Avocat général :

M. Bernard de La Gatinais

Avocats :

Me Carbonnier, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Basse-Terre, du 7 avr. 2014

7 avril 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 7 avril 2014), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 9 novembre 2011, pourvoi n° 10-30. 831), que Mmes Marie-France X..., épouse Y..., et Guylène X..., épouse Z... (Mmes X...), ont été inscrites à l'état civil comme étant nées respectivement le 7 avril 1966 et le 5 décembre 1964 de Mme A... et de Christophe X..., son époux, décédé le 29 décembre 1980 ; que, par actes des 12, 13 et 18 avril, 4, 30 mai et 20 juillet 2006, elles ont assigné Mme C... veuve B..., MM. Richelieu et Paul C... et Mmes Renée et Léa C... (les consorts C...) devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre afin de voir dire que Christophe X... n'était pas leur père et que Bienvenu C..., décédé le 13 février 2005, était leur père ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts C... font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action sur le fondement de l'article 311-7 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 alors, selon le moyen :

1°/ que le tribunal est saisi, à la diligence de l'une ou l'autre des parties, par la remise au secrétariat greffe d'une copie de l'assignation ; que les consorts C... invoquaient l'irrecevabilité de l'action des consorts X... comme prescrite par application de l'article 333 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ; que la cour d'appel a écarté l'application de cette ordonnance, entrée en vigueur au 1er juillet 2006, au regard de la date de délivrance des assignations ; qu'en statuant de la sorte, lorsqu'elle devait se placer à la date de remise des assignations au secrétariat greffe du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 757 du code de procédure civile ;

2°/ que lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, soit le 1er juillet 2006, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; que la cour d'appel a elle-même constaté que « les consorts Y... Z... ont engagé leur action par assignations des 12, 13 et 18 avril, 4 et 30 mai et 20 juillet 2006 » ; qu'il s'en évinçait que certaines assignations avaient été délivrées le 20 juillet 2006, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ; qu'en décidant cependant que « la loi applicable ¿ est celle antérieure au 1er juillet 2006 », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 20 et 21 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ;

Mais attendu que, lorsqu'une demande est présentée par assignation, la date d'introduction de l'instance doit s'entendre de la date de cette assignation, à condition qu'elle soit remise au greffe ; qu'ayant exactement rappelé qu'aux termes de l'article 20 III de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le 1er juillet 2006, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, et constaté que Mmes X... avaient engagé leur action par assignations des 12, 13 et 18 avril, 4 et 30 mai et 20 juillet 2006, ce dont il résultait que l'instance avait été introduite avant le 1er juillet 2006, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que la loi ancienne était applicable, la circonstance qu'une assignation ait été signifiée postérieurement au 1er juillet 2006 étant sans incidence eu égard à l'indivisibilité du lien d'instance en matière de filiation ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que les consorts C... font grief à l'arrêt de constater la possession d'état de Mmes X... à l'égard de Bienvenu C..., de dire que la filiation la plus vraisemblable dans le conflit de filiation est celle de Bienvenu C... et d'ordonner la transcription du jugement en marge des actes d'état civil ;

Attendu que l'arrêt constate, d'abord, que Mme A... a engagé, le 29 mars 1957, une action en séparation de corps et qu'elle s'est effectivement séparée de son époux pendant la durée du mariage ; qu'il relève, ensuite, que cette dernière, qui atteste avoir eu des relations intimes avec Bienvenu C... pendant la période de conception de ses filles, explique n'avoir pu héberger celui-ci en raison de l'exiguïté de son propre domicile et de ses nombreux enfants, que des témoignages attestent de la remise périodique de sommes d'argent en numéraire par Bienvenu C... à Marie-France et Guylène X..., alors élevées par leur grand-mère, du soutien financier qu'il a apporté à Mme A... et de l'affection qu'il portait à ses filles, qui l'appelaient " papa " ; qu'il énonce, enfin, que, s'agissant de la fin de vie de Bienvenu C..., les mauvaises relations avec les consorts C... pouvaient expliquer l'ignorance de Mmes X... quant à son état de santé réel ou son hospitalisation, mais qu'il est établi qu'elles ont réglé ses funérailles ; que de cet ensemble d'éléments souverainement appréciés, la cour d'appel a pu déduire, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, l'absence de possession d'état de Mmes X... à l'égard de Christophe X..., rendant recevable leur action, et la réalité de la possession d'état à l'égard de Bienvenu C... telle qu'elle est définie par les articles 311-1 et 311-2 anciens du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.