Cass. 3e civ., 5 juin 1984, n° 83-12.400
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Léon
Rapporteur :
M. Fédou
Avocat général :
M. Girard
Avocat :
Me Cossa
Sur le premier moyen :
Vu l'article 10 du décret du 20 octobre 1962, ensemble l'article 796 devenu l'article L. 412-8 du Code rural et l'article 1998 du Code civil ;
Attendu que lorsqu'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural estime le prix et les conditions de l'aliénation exagérés, elle assigne le vendeur ; que les significations faites au mandataire font courir les délais contre le mandant ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 2 février 1983), qu'ayant reçu notification le 30 octobre 1978 d'un acte du 23 octobre 1978 par lequel les consorts Y... avaient vendu à M. X... deux vergers d'une superficie totale de 37 ares 40 centiares, la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) d'Alsace assigna le 27 décembre 1978 vendeurs et acquéreur pour faire reconnaître qu'elle exerçait son droit de préemption et faire fixer judiciairement le prix ; qu'après dépôt du rapport de l'expert commis, les consorts Y... soulevèrent l'irrecevabilité de la demande de la Safer et que M. Etienne Y... qui, suivant l'acte de vente, avait donné mandat à son frère M. Arsène Y... d'agir en son nom prétendit qu'il n'avait pas été personnellement assigné dans le délai légal et que, dès lors, la vente était devenue définitive à son égard ;
Attendu que pour faire droit à cette prétention l'arrêt énonce que le mandat spécial donné par M. Etienne Y... à son frère Arsène pour passer l'acte de vente ne valait que pour cet acte et n'autorisait nullement la Safer à considérer que M. Arsène Y... était le mandataire de son frère dans l'instance judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi alors que la Safer n'était liée que par la notification indiquant comme vendeurs les consorts Y..., qu'elle a assigné M. Arsène Y... tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de son frère Etienne et que cette assignation avait nécessairement interrompu le délai à l'égard de M. Etienne Y..., la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 7-IV de la loi du 8 août 1962 ;
Attendu qu'en vertu de ce texte, seules échappent au droit de préemption de la Safer les acquisitions de terrains destinées à la constitution ou à la préservation de jardins ou de vergers familiaux à condition que leur superficie n'excède pas 2 500 mètres carrés :
Attendu que pour décider que la Safer d'Alsace n'était pas fondée à exercer son droit de préemption sur une superficie de 3 740 mètres carrés, l'arrêt attaqué retient que cette superficie est constituée de deux terrains, l'un de 15 ares 50 centiares et l'autre de 21 ares 90 centiares, que la loi n'interdit pas à une même personne de disposer de deux vergers, que les deux terrains distincts, et éloignés l'un de l'autre, font l'objet chacun d'un prix déterminé dans l'acte et dans la notification de la cession ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que l'acquisition portait sur une superficie supérieure à 2 500 mètres carrés, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu entre les parties le 2 février 1983 par la Cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Metz.